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C’est en matière médicale que le pouvoir de représentation semble le plus improbable puisque l’intégrité physique du mineur est au cœur de l’acte médical

À L’ÉGARD DE LA SUMMA DIVISIO

29. C’est en matière médicale que le pouvoir de représentation semble le plus improbable puisque l’intégrité physique du mineur est au cœur de l’acte médical

La protection du corps humain et la dignité de la personne confèrent aux actes un caractère éminemment personnel et paraissent par conséquent incompatibles avec la notion de représentation. Pourtant, des tiers à l’acte médical interviennent lors de sa conclusion, qu’il s’agisse des titulaires de l’autorité parentale ou du tuteur pour le mineur ou du seul tuteur69 pour le majeur protégé70. A quel titre peuvent-ils intervenir

66 J. Dabin, Le droit subjectif, Dalloz, Paris, 1952, p. 89 ; R. Saleilles, De la personnalité juridique, Rousseau, 1922, p. 543 ; R. Demogue, Les notions fondamentales du droit privé : essai critique, 1911, rééd. La mémoire du droit, 2001, p. 370.

67 M. Storck, op. cit., n° 131.

68Ibid., n° 137.

dans l’accomplissement d’un acte aussi personnel ? Les titulaires de l’autorité parentale peuvent assurément agir en matière médicale en vertu de l’autorité qui leur est conférée par l’article 371-1 du Code civil et notamment en considération de l’objectif de protection de l’enfant qui leur est assigné71. Cependant, une objection peut être soulevée : considérer que l’acte est accompli en vertu d’un acte de pure autorité, c’est-à-dire d’un pouvoir d’imposer une décision laquelle devra être obéie, est contraire au respect de la dignité humaine et à l’article 16 du Code civil. Ce serait par ailleurs et surtout méconnaître l’article 16-1 et le droit au respect du corps humain dont dispose l’enfant malgré sa minorité et incarné par l’article L. 1111-4 alinéa 6 du Code de la santé publique72. Le fondement de l’intervention réside en réalité dans l’existence des droits subjectifs de l’enfant qui obligent à penser différemment le mode de protection.

En matière médicale, le droit à l’information comme le droit à l’accès au dossier médical ont été récemment introduits dans le Code de la santé publique73. Au-delà de ces droits explicitement visés, le droit de disposer juridiquement de son propre corps a été mis en évidence, trouvant son fondement dans les articles 16-1 et suivants du Code civil. L’existence du droit de disposer de son propre corps implique que tout acte médical soit accompli avec le consentement du titulaire du droit (a), consentement délivré de manière particulière pour les personnes privées de l’exercice de leurs droits, c’est-à-dire par représentation (b).

a) L’existence du droit de disposer de son propre corps

30. Le droit au respect du corps humain implique le respect de l’intégrité physique de la personne, incarné par la règle noli me tangere. Toute atteinte à l’intégrité physique

70 Auquel peut s’ajouter la personne de confiance désormais aux côtés du majeur protégé. V. article L. 1111-6 du Code de la santé publique. V. P. Lokiec, « La personne de confiance », RDSS 2006. 865. 71 Il s’agit là de la position traditionnelle de la doctrine. Faisant le lien avec la notion émergente et plus « moderne » de « protection », v. V. Da Silva, thèse préc., n° 590 et 639.

72 Article L. 1111-4 alinéa 6 du Code de la santé publique : « Le consentement du mineur ou du majeur sous tutelle doit être systématiquement recherché s'il est apte à exprimer sa volonté et à participer à la décision. Dans le cas où le refus d'un traitement par la personne titulaire de l'autorité parentale ou par le tuteur risque d'entraîner des conséquences graves pour la santé du mineur ou du majeur sous tutelle, le médecin délivre les soins indispensables. »

73 Articles L. 1111-2 et L. 1111-7 du Code de la santé publique introduits par la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé. Le droit à l’information était reconnu depuis longtemps par la jurisprudence : Civ. 28 janvier 1942, D. 1942. 63 ; Civ. 1ère 7 octobre 1998, D. 1998. 530, note P. Sargos. Il figure également dans d’autres textes : article R. 4127-35 du Code de déontologie, article 3 de la Charte du patient hospitalisé, article 5 de la Convention européenne d’Oviedo du 4 avril 1997.

d’autrui sans son consentement est interdite par l’article 16-3 du Code civil74 ; tout refus de la personne fait obstacle à ce qu’un tiers porte atteinte à son corps ou à ses éléments. Cependant, le droit au respect du corps humain est double : l’interdiction de porter atteinte à l’intégrité du corps humain comporte une autre facette qu’est le droit de consentir à l’atteinte. La doctrine considère que le législateur a implicitement consacré l’existence du droit de disposer de son corps en énonçant aux articles 16-1 alinéa 3 et 16-5 du Code civil que le corps humain ne pouvait faire l’objet de droit patrimonial ou de conventions ayant pour effet de lui conférer une valeur patrimoniale75. Le corps humain et ses éléments sont dans le commerce juridique, ils sont disponibles même s’ils ne peuvent faire l’objet de droits patrimoniaux, la possibilité de faire l’objet d’actes juridiques ne devant pas être confondue avec l’aptitude à l’échange onéreux. La personnalité, le corps humain et ses attributs sont donc tout à fait disponibles mais cette disponibilité est imparfaite et limitée. Si toute aliénation totale de la personne humaine est interdite, il est permis d’accomplir un acte juridique portant sur le corps humain ou ses attributs, sous réserve de respecter l’ordre public et la dignité humaine76.

31. L’exercice du droit de disposer de son propre corps consiste en un acte juridique d’autorisation, un acte levant l’interdit de porter atteinte à l’intégrité physique77qui résulte du consentement donné par le titulaire du droit. Afin d’être en conformité avec le principe de dignité humaine, le droit de disposer de son corps est intégré aux droits de la personnalité dont il possède les caractères78 et l’exercice est encadré : il est nécessaire

74 Article 16-3 du Code civil : « Il ne peut être porté atteinte à l'intégrité du corps humain qu'en cas de nécessité médicale pour la personne ou à titre exceptionnel dans l'intérêt thérapeutique d'autrui. Le consentement de l'intéressé doit être recueilli préalablement hors le cas où son état rend nécessaire une intervention thérapeutique à laquelle il n'est pas à même de consentir. »

75 S. Prieur, La disposition par l’individu de son propre corps, Les Études Hospitalières, 1999 : R. Andorno, op. cit., n° 169 ; M. Gobert, art. préc. ; F. Zenati-Castaing, Th. Revet, op.cit., n° 275 et s. ; A. Batteur, op. cit., n° 126 ; Y. Strickler, Les biens, Thémis, PUF, 2006, n° 78 ; F. Terré, D. Fenouillet, op. cit., n° 64.

76 F. Zenati-Castaing, Th. Revet, op.cit., n° 275 et s. Les auteurs considèrent également que le droit de chacun sur son corps est un pouvoir juridique mais également un pouvoir physique, ce qui les amène à une conclusion discutable : parce qu’il fait l’objet d’un droit subjectif et que le sujet dispose d’un pouvoir sur lui, le corps humain est une chose. Mais parce qu’il s’agit d’une chose appropriée et rare par son originalité, il s’agit d’un bien. En tant que bien, il fait l’objet d’un droit de propriété. Dès lors le sujet détient un pouvoir exclusif sur son corps consistant dans le droit de refuser toute atteinte à l’intégrité corporelle ou au contraire de l’autoriser ce qui implique le consentement de la personne.

77Ibid. MM. Zenati et Revet rattachent cependant la levée de l’interdit au pouvoir physique de disposition de son corps et non juridique.

78 S. Prieur, op. cit., n° 600. « L’attribution d’un droit de la personnalité permet de réaliser et de consacrer la dignité même de celui qui dispose de son corps. La qualification et l’encadrement du droit de disposition juridique corporelle répondent à l’impératif de sauvegarde de la dignité humaine (…). Cette conformité permet de rassurer le juriste face à un amoindrissement de la portée du principe de

que le consentement donné soit libre et éclairé, que l’usage du droit ait une finalité thérapeutique et soit gratuit79.

Le consentement est donc l’élément fondamental de l’exercice du droit de disposition de son propre corps. Il est toutefois nécessaire de distinguer deux types de consentement : le consentement nécessaire à la formation de tout contrat, en l’occurrence le contrat médical et le consentement consistant en l’assentiment à l’acte médical80. L’assentiment à l’acte médical obéit aux mêmes règles que le consentement nécessaire à la validité du contrat et ils sont tous deux donnés dans un même mouvement de volonté, mais le premier est indépendant de toute sphère contractuelle et requis même en l’absence de tout contrat. Surtout, ces deux consentements disposent d’objets différents81. L’un forme le contrat médical selon les règles civilistes du droit des obligations, l’autre a pour finalité le respect du principe « noli me tangere », l’intangibilité du corps humain impliquant l’acceptation de chaque acte médical entrant dans les obligations du médecin. L’assentiment à l’acte médical est par ailleurs exigé qu’il s’inscrive dans le cadre d’une relation de droit privé ou de droit public. Le consentement requis aux articles L. 1111-4 alinéa 382 du Code de la santé publique et 16-3 du Code civil consiste justement en l’assentiment à l’acte médical83, non en une condition de formation du contrat médical puisque depuis la loi du 4 mars 2002, l’assentiment à l’acte médical et au traitement peut être retiré à tout moment. Dès lors,

l’indisponibilité du corps humain qu’il faut constater de lege lata. (…) Il est acquis que la dignité humaine n’est pas rebelle à l’acceptation dans notre système juridique d’un véritable droit de disposition juridique de son propre corps. »

79Ibid., n° 599. Il existe toutefois des atténuations de ces exigences dont l’objectif est la solidarité et la préservation de la santé.

80 G. Memeteau, Cours de droit médical, Les Études Hospitalières, 4e éd., 2010, n° 434. L’auteur considère que l’assentiment à l’acte médical permet le maintien du contrat en cours qui est le plus fréquemment un contrat à exécution successive.

81Ibid., n° 497 et s.

82 Article L. 1111-4 alinéa 3 du Code de la santé publique : « Aucun acte médical ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans le consentement libre et éclairé de la personne et ce consentement peut être retiré à tout moment. »

83 A. Laude, B. Mathieu, D. Tabuteau, Droit de la santé, Thémis, PUF, 2e éd., 2009, n° 335. Après avoir distingué acte médical et contrat médical, les auteurs estiment que le consentement requis n’est « pas appréhendé comme une exigence de formation du contrat médical, mais comme une exigence de formation de la décision médicale », notion promue par la loi du 4 mars 2002 au rang de notion juridique. Sur la critique de la notion de contrat médical et l’inadaptation de la distinction entre consentement et assentiment à l’acte médical, M. Girer, Contribution à une analyse rénovée de la relation de soins, préf. G. Memeteau, Les Études Hospitalières, 2008, n° 298 et 754. Selon l’auteur, le contrat n’existe que s’agissant de l’organisation matérielle des soins, en aucun cas s’agissant de l’acte de soins lui-même, lequel résulte de l’adhésion à un statut légal impératif.

cette manifestation de volonté ne revêt pas les caractères du consentement contractuel puisqu’elle ne révèle pas le souhait d’être engagé84.

Tout acte médical est donc soumis au consentement de la personne qui en est l’objet et ce consentement consiste dans la levée de l’interdiction de porter atteinte à l’intégrité du corps humain, qui n’est autre que l’exercice du droit de disposer de son corps, partie intégrante du droit au respect de son corps.

b) L’exercice du droit de disposer de son corps par les « personnes protégées » 32. L’exercice du droit de disposer de son corps se concrétise par un consentement qui est un acte juridique extrapatrimonial puisque l’autorisation de porter atteinte au corps n’est autre qu’un acte juridique unilatéral85. Or, une personne frappée d’une incapacité d’exercice ne peut en principe l’accomplir elle-même. Le consentement exigé implicitement des titulaires de l’autorité parentale par le Code de la santé publique aux articles L. 1111-4 alinéa 6 et L. 1111-586 ne peut dès lors que s’analyser en la manifestation de la levée de l’interdiction de porter atteinte à l’intégrité du corps de l’enfant et donc dans l’exercice du droit du mineur de disposer de son corps, droit exercé par représentation87. C’est pourquoi, il est impossible de considérer qu’un

84 J. P. Viennois, « La représentation de l’enfant dans le contrat médical », RGDM 2005, n°17, p. 39. 85Contra, M. Girer, op. cit., n° 775. L’auteur estime qu’il s’agit d’un fait juridique dans la mesure où la manifestation de volonté ne fait que déclencher un dispositif entièrement prévu par le législateur.

86 Article L. 1111-5 du Code de la santé publique : « Par dérogation à l'article 371-2 du code civil, le médecin peut se dispenser d'obtenir le consentement du ou des titulaires de l'autorité parentale sur les décisions médicales à prendre lorsque le traitement ou l'intervention s'impose pour sauvegarder la santé d'une personne mineure, dans le cas où cette dernière s'oppose expressément à la consultation du ou des titulaires de l'autorité parentale afin de garder le secret sur son état de santé (…). »

87 S. Prieur, op. cit., n° 428 et 436. M. Prieur considère que les personnes privées de l’exercice de leurs droits ont tout à fait la maîtrise matérielle de leur corps, mais n’en ont pas la disposition juridique. « Face à cette incapacité d’exercice, et dans un souci de protection, les représentants légaux – parents, tuteurs, conseil de famille - sont chargés d’exercer son droit en son nom et place. Tel est le cas pour le droit de disposer de son propre corps. » V. également, M. Girer, op. cit., n° 333 ; J. P. Viennois, « La représentation de l’enfant dans le contrat médical », art. préc.

Dans le même ordre d’idées, F. Zenati-Castaing, Th. Revet, op. cit., n° 303. Ces derniers estiment que les mineurs doivent être représentés mais comme la représentation sied mal aux actes par lesquels on administre les attributs personnels, s’il est apte à exprimer une volonté, l’incapable devra également donner son consentement. Dans la logique de leur analyse liée au droit de propriété, la représentation dans l’exercice du droit de disposer de son corps est considérée comme l’administration de biens de l’enfant. Les actes accomplis sont selon eux des actes de disposition. Le même raisonnement est suivi en ce qui concerne les attributs personnels, image (n° 342), voix (n° 359) et vie privée (n° 388).

Nombre d’auteurs ne précisent cependant pas la nature du pouvoir conféré aux titulaires de l’autorité parentale et se contentent de relever la nécessité de leur consentement. V. G. Memeteau, op. cit., n° 464 ; A. Laude, B. Mathieu, D. Tabuteau, op.cit., n° 332. Selon ces derniers, « le droit du mineur de consentir aux soins est un droit subsidiaire à celui de ses parents ». Cependant, à propos du consentement à la recherche médicale, ils admettent que le consentement peut être représenté pour les mineurs.

pur acte d’autorité légitime l’atteinte à l’intégrité physique88. Le consentement des titulaires de l’autorité parentale n’est autre que le consentement du mineur donné par représentation, c’est-à-dire l’exercice par représentation du droit de disposer de son corps. Quant à la santé du mineur, les titulaires de l’autorité parentale ou les organes de tutelle le représentent donc à la fois lors de la conclusion du contrat médical et lors de l’acceptation de l’acte médical, en exerçant en son nom et pour son compte le droit de disposer de son corps, dans le cadre d’une relation de droit privé ou hors contrat médical lorsque le mineur est usager du service public89.

33. Il existe donc en matière médicale un mécanisme de représentation malgré le