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Un pouvoir politique et financier contrôlé par les dirigeants du cheval

Chapitre 1. L’histoire politique et institutionnelle de la fédération d’équitation

3. La FFE, une confédération de courants équestres quasi- quasi-autonomes

3.1. Un pouvoir politique et financier contrôlé par les dirigeants du cheval

Les statuts fondateurs de la FFE datent du 25 avril 1987. Ils nous informent notamment sur le mode de désignation des dirigeants

292 Rapport moral du secrétaire général de la DNSE lors de l’assemblée générale du 11 mai 1993, p. 10 (archives fédérales).

293 Entretien n° 9.

fédéraux. Il est ainsi aisé de montrer que les membres siégeant à l’assemblée générale de la fédération (qui est en principe l’organe délibératif de toute association) ne sont pas élus mais issus directement des comités directeurs de chacune des trois délégations294. Les sièges qu’ils occupent à l’assemblée générale de la FFE ne sont donc pas des sièges électifs mais des sièges de droit : « L’assemblée générale se compose des membres des comités directeurs de chaque délégation nationale », stipule l’article IX des statuts295 Ainsi, la FFE est composée au niveau de son assemblée générale, par la simple addition des membres des comités directeurs des trois délégations.

Ceux qui dirigent la FFE sont donc ceux qui exercent des responsabilités importantes au sein de leur délégation respective. De ce fait, nous sommes fondé à penser que les membres de la fédération ne sont pas ses représentants auprès de leur délégation respective mais au contraire les représentants de leur délégation auprès de l’instance fédérale. L’hémicycle de l’assemblée fédérale sert au fond à défendre les intérêts de la délégation d’appartenance contre ceux, si nécessaire, des autres délégations.

Parmi les délégations représentées à l’assemblée générale de la FFE en 1987, une apparaît immédiatement majoritaire au sein de toutes les instances décisionnelles de la fédération ; il s’agit de la délégation cheval. Il est facile de montrer que dès ses premières années de fonctionnement, la FFE est massivement contrôlée par les dirigeants de cette délégation, la plus importante en nombre de licences (et ce avant cependant que le mouvement poney prenne son envol). Le fonctionnement fédéral veut que le nombre de voix détenu par les membres de l’assemblée générale dépende du nombre de licences qu’ils représentent. Comme le précisent les statuts fédéraux, les membres à l’assemblée générale de la FFE disposent « d’un nombre de voix égal au total des licences délivrées au titre de leur délégation, divisé par le nombre des représentants de ladite délégation »296. Ainsi, si on considère l’assemblée générale de la FFE lors de sa création en 1987, on s’aperçoit qu’elle est représentée massivement par les membres issus du mouvement cheval. Cette surreprésentation se caractérise moins par le nombre de membres issus des délégations que par le nombre de voix qu’ils détiennent selon le principe : une

294 Notons d’ailleurs que si les membres du comité directeur de la délégation cheval et de la délégation tourisme sont élus par un collège de grands électeurs, ceux de la délégation poney sont élus directement par les clubs.

295 Article IX des statuts fondateurs de la FFE du 25 avril 1987.

296 Article IX des statuts fondateurs de la FFE.

licence vaut une voix. C’est ce qui explique que lors de la création de la fédération en 1987, sur les 92 membres que compte alors l’assemblée générale de la fédération, la majorité des droits de vote sont détenue par la délégation cheval qui, en comptabilisant la plus grande partie des licences équestres, contrôle à elle seule 80 % des voix à l’assemblée générale et 67,5 % des voix au comité directeur (la délégation cheval détient alors 160 235 licences divisées par les 55 membres siégeant à l’assemblée générale, cela fait 2913 voix par membre - la délégation poney compte 25 555 licences pour 12 membres siégeant soit 2129 voix par membre – la délégation tourisme comptabilise 14 979 licences pour 25 membres à l’assemblée générale soit 599 voix par membre). On voit très bien l’écrasante majorité des dirigeants du courant cheval au sein de la fédération. Ce fait explique que ces deux instances forment un axe fort par lequel les dirigeants des sports équestres peuvent diriger la politique nationale.

En outre, il est facile de démontrer que le contrôle du pouvoir financier ne revient pas à la fédération. La comparaison des budgets pour chacune des délégations et pour la FFE révèle un profond déséquilibre des forces en présence. Elle montre que la FFE dispose d’un pouvoir financier peu important au regard de celui de la délégation cheval notamment. Une étude comparative des budgets des différentes composantes équestres en 1988 fait apparaître en effet cette disproportion considérable entre la composante cheval et l’ensemble des autres composantes. Chaque délégation perçoit pour son compte les recettes de ses licences. Elle verse à la FFE une contribution, calculée au prorata du nombre de ses licenciés. Si on prend l’exercice 1988, par exemple, la délégation cheval a reversé 213 424 euros (1 400 000 francs) à la FFE, la délégation poney a reversé 63 417 euros (416 000 francs) et la délégation tourisme 34 151 euros (224 000 francs). La FFE dispose alors d’un budget de 561 382 euros (3 682 500 francs) mais par rapport aux budgets des délégations, cela représente l’équivalent du budget de la délégation tourisme et la moitié du budget de la délégation poney (respectivement 600 000 et un million d’euros) et un douzième seulement du budget de la délégation des sports équestres à cheval (le budget de cette dernière s’élève alors à 6,7 millions d’euros soit près de 44 millions de francs !). Ainsi, la répartition du capital économique montre l’écrasante supériorité de la délégation cheval dont le budget est beaucoup plus important que celui de la FFE et des deux autres délégations réunies. C’est ce que d’ailleurs ont confirmé l’ensemble de nos interlocuteurs lors de nos entretiens. Le contrôle de la FFE par

les dirigeants du cheval explique de ce fait que les postes les plus stratégiques au sein de la FFE soient occupés par ces mêmes dirigeants. En répartissant par délégation d’appartenance les membres occupant les postes au bureau de la FFE et pour les cinq olympiades écoulées depuis 1987, on constate que les postes stratégiques au bureau de la FFE (celui de président qui incarne le pouvoir politique et celui de trésorier qui incarne le pouvoir financier) sont la plupart du temps détenus par les dirigeants des sports équestres à cheval, seul le poste de secrétaire général n’a pas d’appartenance particulière à une délégation.

Comme on peut l’imaginer, cette hégémonie de la délégation cheval au sein de la FFE va devenir très vite insupportable pour les deux autres délégations, craignant à terme leur absorption dans la fédération réunifiée. Un de nos interlocuteurs nous dit à ce propos « puisque les sports équestres étaient en même temps la fédération, il y a eu un conflit, il y a eu une confusion de genre quelque part où la DNSE et la fédération représentaient la famille prépondérante de la fédération, les deux autres délégations vivant plus ou moins mal, au début, à peu près correctement, puis après, de plus en plus mal, l’hégémonie que représentait l’axe DNSE/fédération »297. Et cette cohabitation ira de mal en pis du fait de la montée en puissance du mouvement poney qui s’installera progressivement dans une position de concurrence de plus en plus forte avec la délégation cheval. Son extraordinaire développement va fragiliser considérablement l’axe FFE/DNSE.

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