• Aucun résultat trouvé

Chapitre I : Perspective sur le genre comme facteur d’inégalité et de ségrégation

1.2 Les contrats sociaux entre les sexes

1.2.2 Positions des femmes dans la sphère familiale

L’octroi du droit à la contraception et la légalisation de l’avortement ont constitué des points d’inflexion dans l’histoire des femmes. Certains auteurs voient ce passage de la « maternité subie » à la « maternité volontaire » comme un saut qualitatif dont il faut prendre la mesure pour la construction identitaire féminine (Ferrand, 2004, p. 37). Grâce à la contraception, la femme devient maîtresse de son corps et n’est plus considérée comme une simple ressource ; elle use de son libre arbitre en matière de fécondité. Ainsi, la contraception représenteun levier qui permet de sortir de la valence différentielle des sexes21(Héritier, 2002, p. 143).

21 La valence différentielle des sexes traduit la place différente qui est universellement donnée aux deux sexes sur une table des valeurs et signe la dominance du principe masculin sur le principe féminin (Héritier, 2002, p. 127).

L’étude empirique de Belghiti-Mahut (2004) sur les femmes cadres montre que, contrairement à l’opinion générale, l’avancement hiérarchique des femmes n’est pas influencé par le statut familial de la femme et par le nombre d’enfants. Ce résultat, vient contredire les résultats de Tharenou et al. (1994) obtenus dans des pays anglo-saxons, et montre encore une fois l’impossibilité de généraliser les résultats des études empiriques dans d’autres environnements culturels que ceux dans lesquels elles ont été effectuées. En 2007, la France est le pays le plus fécond d’Europe, ayant un taux de fécondité de deux enfants par femme. Ce taux de fécondité est bien au dessus de la moyenne de l’Union européenne qui était de 1,5 enfant par femme en 2007 (INSEE, 2008).

Par ailleurs, l’âge moyen à la maternité atteint quasiment 30 ans. Ainsi, en 2006, 52,8 % des nouveau-nés ont une mère âgée d’au moins trente ans. Ils étaient 44,3 % en 1996 (INSEE, 2008). Surtout les femmes diplômées qui font des études longues, comme les experts-comptables, les médecins ou les architectes tendent à repousser l’âge de la première naissance pour pouvoir s’engager pleinement dans leur formation et leur carrière. Pourtant, les stéréotypes de la maternité comme désengagement du travail jouent fort. Les femmes sont toujours suspectées de privilégier leurs tâches familiales et notamment parentales au détriment de leur engagement dans leur profession. La maternité – effective ou simplement potentielle - fragilise la position professionnelle des femmes (Ferrand, 2004, p. 16).

En conséquence, les femmes seront pénalisées pour quelque chose que seules elles peuvent faire, c’est-à-dire enfanter, comme si enfanter ou ne pas enfanter était un choix libre de toute pression sociale et biologique. D’ailleurs, cette pression est clairement reflétée dans les politiques menées par l’Etat envers les enfants et les mères au travail pour préserver la capacité démographique des familles (Fouquet, Gauvin & Letablier, 1999, p. 120).

Le désir d’avoir une descendance est imputé aux femmes et elles sont pénalisées pour cela, mais c’est aussi les hommes qui le désirent et, de plus, la naissance des enfants est une nécessité absolue pour le fonctionnement à venir de la société, des institutions et aussi des entreprises (Héritier, 2002, p. 363-364).

Les constats indiquent que ce sont les femmes les plus diplômées qui restent le plus souvent sans enfant. Elles vivent certes moins souvent avec un conjoint que les femmes peu diplômées, mais elles donnent aussi moins souvent naissance à un enfant lorsqu'elles vivent en couple (Robert-Bobée, 2006).

Le temps représente pour les femmes une véritable contrainte, puisque pour elles, le temps de l’enfantement est compté…le « bon » âge pour faire un enfant est aussi celui où se démarre et se conforte une carrière […] la naissance du premier enfant est d’autant plus retardée que le niveau de formation des mères est élevé (Ferrand, 2004, p. 37).

Conformément aux statistiques, les femmes diplômées sont les plus présentes sur le marché du travail. Les écarts entre les plus diplômées et les moins diplômées sont plus marqués quand plusieurs enfants vivent au domicile. Avec un enfant, les taux d’activité varient de 77,6 % pour les femmes qui ont au plus le certificat d’études primaires à 94,4% pour celles qui ont au moins un niveau bac+2. Avec trois enfants ou plus, ils varient entre 50,7 % et 79,8 %. En conclusion, les femmes diplômées ont plus de facilités ou davantage l’intérêt à concilier vie familiale et vie professionnelle (INSEE, 2008)

en %

Situation familiale et diplôme

Effectifs

(en milliers) Ensemble 1 enfant 2 enfants

3 enfants ou plus

Ensemble 6 715 83,6 89,8 85,3 67,0

Aucun diplôme, certificat

d’études primaires 1 215 67,6 77,6 71,1 50,7

BEPC, CAP, BEP, BAC 3 401 85,0 90,9 85,7 69,4

Diplôme supérieur au bac 2 100 90,6 94,4 91,2 79,8

Tableau 1.Taux d'activité des mères de famille selon le nombre d'enfants de 0 à 18 ans

vivant au domicile et le dernier diplôme22

Dans les couples avec enfants, pour un temps de travail presque équivalent, les femmes font plus du double d’heures parentales que leur conjoint ; dans les couples, au niveau du temps parental, le partage s’opère donc en défaveur de la femme (Groupe Division Familiale du Travail, 2000). Les auteurs parlent souvent de la double journée de travail pour les femmes qui ne représente pas seulement l’addition de deux types d’activités dans deux lieux différents, mais aussi la superposition de deux charges de travail simultanées (Ferrand, 2004, p. 17).

22 Source : enquêtes annuelles de recensement de 2004 à 2007 (INSEE, 2008). Echantillon : France métropolitaine, population féminine des ménages ordinaires âgée de 25 à 49 ans en années révolues vivant en couple ou mères de familles monoparentales.

Si la vie en couple opère une première spécialisation des rôles, celle-ci s’accroît encore avec la naissance d’un enfant, les femmes prenant alors en charge la plus grande partie des activités familiales. Car plus encore que les activités domestiques, s’occuper des enfants reste une prérogative féminine (Dumontier, Guillemot & Méda, 2002). Il apparaît que la répartition traditionnelle des charges imprègne toujours largement les comportements. Ainsi, les évolutions sur ces questions demeurent très lentes. Et même au sein des jeunes couples, des logiques de reproduction de rôles sociaux et conjugaux semblent encore bel et bien à l’œuvre. Parmi les jeunes femmes en couple, 25 % de celles qui déclarent à la fois gagner au moins autant d’argent, travailler au moins autant de temps et rentrer le soir en même temps ou plus tard que leur conjoint, assurent tout de même l’essentiel des tâches domestiques. Seuls 8 % des jeunes hommes qui sont moins bien rémunérés et ont un temps de travail moins long que leur conjointe disent réaliser l’essentiel de ces tâches (Conseil Economique et Social, 2008). Selon Bouffartique (2005), les tensions entre la sphère du travail et la sphère domestique sont plus visibles chez les catégories de femmes les plus qualifiées, car un meilleur emploi améliore généralement la position de la femme dans la négociation de la division domestique du travail (Walby, 1990, p. 83). De même, l’intensité de la division sexuelle du travail domestique dépend du niveau de formation des membres du couple, car plus il est élevé, plus les hommes participent aux tâches ménagères.