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Chapitre II : Féminisation de la profession comptable libérale : un phénomène

1.3 Le marché professionnel comptable en France

Le système de diplômes comptables a été reformé en 200655. Le diplôme préparatoire aux études comptables et financières (DPECF), le diplôme d'études comptables et financières (DECF) et le diplôme d'études supérieures comptables et financières (DESCF) ont été remplacés par le DCG (diplôme de comptabilité et de gestion, niveau licence) et le DSCG (diplôme supérieur de comptabilité et de gestion, niveau master). Un système d’équivalences a été mis au point afin de permettre plus de flexibilité et d’attirer des étudiants d’autres cursus, élargissant ainsi la base de recrutement.

Pour avoir le droit d’exercer en tant qu’expert-comptable, il faut, après obtention du DSCG, trouver un maître de stage et faire un stage de trois ans dans un cabinet. C’est ainsi que les jeunes stagiaires experts-comptables entament une longue initiation aux lois du marché. Cette étape constitue une véritable épreuve qui commence lors de la recherche du stage de trois ans obligatoire avant de pouvoir passer le diplôme d’expert-comptable (DEC) qui, après inscription à l’Ordre, donne le droit d’exercer en tant qu’expert-comptable.

Il y a deux voies principales pour atteindre l’objectif du DEC56 :

La première voie passe par l’université et par l’obtention d’un diplôme après une formation de deux ans (BTS/DUT) ou un master en Comptabilité Contrôle Audit (master CCA). L’accès au DSCG (Diplôme supérieure de comptabilité et gestion) est permis pour tous ceux qui ont réussi le DCG (Diplôme de comptabilité et gestion) et pour tous ceux qui ont un diplôme de master ou le DCG de l’Institut National des

55 Pour une histoire des diplômes d’expertise comptable se référer à l‘Annexe 1.

56 Les voies pour accéder au Diplôme d’expertise comptable (DEC) sont présentées également en Annexe 1.

Techniques Economiques et Comptables (INTEC). Certains diplômes donnent des dispenses d’épreuves du DSCG.

La seconde voie passe par les Grandes Ecoles et qui après obtention du diplôme donne accès aux examens du DSCG57.

Cette période de formation doit avoir lieu dans un cabinet où le stagiaire doit être formé en expertise comptable mais aussi en audit s’il souhaite pouvoir s’inscrire à la Compagnie des commissaires aux comptes, ce qui restreint le nombre des cabinets pouvant recevoir des stagiaires. De plus, trouver un maître de stage n’est pas nécessairement une tâche facile et trouver un maître de stage femme l’est encore moins, surtout en province où la population d’experts-comptables tend à être plus masculinisée.

Il y a aussi de grandes disparités entre les petits cabinets de province et les grands cabinets parisiens en termes de processus de formation des stagiaires ou de rémunération. Lors du processus de recrutement, les diplômes acquis s’avèrent très importants car si les diplômés des grandes écoles sont reçus « les bras ouverts » par les

Big 4 et les grands cabinets, les diplômés des écoles moins prestigieuses, en revanche, peinent beaucoup avant de trouver un cabinet qui les accepte comme stagiaires58. L’Ordre des experts-comptables recense à ce jour 12 300 cabinets. Cette population se répartit en 2 700 cabinets sans salarié, 9 600 cabinets qui emploient entre 1 et 50 salariés et 130 cabinets qui emploient plus de 50 salariés59. La grande majorité des cabinets en France sont donc de petite taille, ce type d’organisation étant souvent préféré en raison de la flexibilité et des coûts réduits. Pourtant, l’étude du marché comptable montre une tendance vers la fusion des cabinets.

Les missions à dominante comptable (tenue, surveillance et tenue partielle, surveillance sans tenue) représentent 71,8 % du chiffre d’affaires des cabinets toutes catégories confondues. Elles ont, cependant la plus forte proportion dans les cabinets de trois à cinq salariés (76%). Ce sont, également, les cabinets situés dans les plus petites

57 Il y a deux chemins à suivre pour ceux qui veulent être des commissaires aux comptes (CAC) en France :

- la première – après avoir suivi des études universitaires et 3 années de pratique en tant que CAC, le candidat passe un certificat d’aptitudes qui lui donne le droit d’exercer en tant que CAC ;

- la deuxième – donne l’opportunité de devenir membre des deux organismes, OEC et CNCC. Après l’obtention du diplôme d’études supérieures comptables et financières (DSCG), suivi de 3 années de pratique dans une société d’audit et après avoir obtenu le diplôme d’expertise comptable, le candidate devient membre de l’OEC et peut demander à être inscrit à la CNCC.

58Selon les témoignages recueillies sur le forum Comptaonline.

agglomérations qui réalisent la proportion la plus forte (75,3 %) alors qu’en région parisienne, la part de ces activités descend à 68,2 % (OEC, 2008).

Les cabinets de 20 à 50 salariés réalisent en moyenne 11,5 % de leur chiffre en commissariat, suivis de près par les cabinets de un à deux salariés. Ce sont les cabinets de 3 à 5 personnes qui ont la part la plus faible avec 5,5 %. Parallèlement, les cabinets franciliens ont la proportion la plus forte, avec plus de 11 % (OEC, 2008).

A partir des années 1970 il y a un remplacement du modèle de la profession française basé sur la pratique individuelle par le modèle des grands cabinets multinationaux. Ce modèle devient alors le modèle dominant et impose une réorganisation de l’arène professionnelle (Ramirez, 2007, p. 56).

La domination du modèle des Big cabinets a réordonné le champ de la profession comptable française autour de la notion de dimension. « Big » est devenu ainsi un synonyme du « global » et « petit » pour « local » (Ramirez, 2007, p. 67).

Critères de classification

Petits cabinets Cabinets de taille moyenne

Cabinets de grande taille Nb. d’associés 1-2 De 3 à 20 Plus de 20

Clientèle Clientèle de proximité Clientèle régionale Clientèle de grandes dimensions

Formation du personnel

formation technique dominante

Formation technique, mais aussi EC stagiaires, master CCA Essentiellement grandes écoles (commerce, ingénieurs…), master CCA Missions et méthodes de travail

Tenue comptable, paye, un peu de révision et de conseil de proximité, voire de l’audit Méthode souvent peu automatisée

Segmentation minime des tâches

Il y a souvent deux pôles: expertise et audit Moindre segmentation des tâches que dans un grand cabinet

Structure complexe, plusieurs pôles : audit, expertise, conseil, banque et assurance, etc. Outils et processus très pointus

Forte spécialisation et segmentation des tâches

Organisation et business model Formation minime du personnel Hiérarchie presque inexistante

Structure assez complexe Echelle hiérarchique moins développée que dans un Big

Accent sur la formation interne du personnel Structure très hiérarchisée Existence des aménagements du travail Quasi-absence des aménagements ou au contraire, flexibilité totale

Existence des aménagements sur le modèle des grands cabinets

Grande diversité d’aménagements du travail

Tableau 3. Classification des cabinets comptables en France60

60 Je remercie le cabinet de recrutement VSC, qui a bien voulu partager avec moi ses connaissances du marché comptable français, connaissances qui ont constitué le point de départ de la présente classification.

Les petits cabinets, sont généralement des cabinets individuels ou de moins de trois associés. Ils ont généralement une clientèle de proximité constituée pour la plupart des TPE et des artisans.

Le personnel de ces cabinets est composé plutôt des personnes ayant déjà une formation technique, majoritairement des personnes avec un BTS/DUT ou DCG et éventuellement un ou deux experts-comptables stagiaires. Ainsi les coûts de formation du personnel sont réduits.

Les missions sont assez basiques et routinières : de la tenue comptable, de la paye, un peu de révision, et des missions d’audit si l’un des associés est aussi commissaire aux comptes. Dans ces cabinets, généralement seuls les associés sont diplômés experts-comptables et ils supervisent tous les travaux et portent la responsabilité entière d’un dossier. En ce qui concerne les méthodes de travail, parfois ces cabinets utilisent des méthodes un peu à l’ancienne et généralement il y a une spécialisation minime du personnel.

Les cabinets de taille moyenne ont généralement entre trois et vingt associées. Ils attirent des clients comme les PME régionales, parfois des sociétés de dimension nationale qui ont des filiales dans la région et assez peu d’artisans et de TPE.

Le personnel est souvent formé en proportion de moins de 50% des possesseurs de BTS et de DCG et, pour le reste, d‘experts-comptables stagiaires ou de diplômés de master CCA.

L’activité est généralement organisée en deux pôles : le pôle comptabilité, qui fait assez peu de saisie des données, un peu de tenue, de la révision, du conseil, du social et de la paye de façon développée ; et le pôle audit qui s’occupe de l’audit légal, des missions spéciales et d’audit contractuel (fusions, transformations, apport).

Ces cabinets ont une structure plus complexe que les cabinets de petite taille, les procédures sont plus informatisées et on peut parler d’une certaine souplesse et polyvalence. Ces cabinets sont recherchés par les stagiaires car ils offrent la possibilité de faire de l’expertise et de l’audit, ce qui n’est pas souvent possible dans les petits cabinets. Ces cabinets ont par ailleurs une moindre segmentation des tâches et une échelle hiérarchique moins développée que dans un Big.

Les cabinets de grande taille sont les plus grands cabinets français, y compris les grands cabinets anglo-saxons, les Big 4 : Deloitte, PricewaterhouseCoopers, Ernst & Young et KPMG.

La clientèle de ces cabinets est constituée généralement d‘entreprises de grandes dimensions, nationales et internationales.

Ces cabinets recrutent leurs salariés parmi les diplômés des grandes écoles de commerce, d’ingénieurs et les diplômés de master CCA. La formation comptable n’est pas considérée comme importante, car ces cabinets investissent beaucoup dans la formation technique de leur personnel. Ils ont une structure complexe, avec plusieurs pôles : audit, expertise, conseil fiscal, droit, etc.

Les outils et les processus utilisés sont très pointus et la spécialisation des tâches est importante. La structure des cabinets est très hiérarchisée. Par exemple, dans un Big, la hiérarchie peut comporter les six niveaux suivants : assistant débutant, assistant expérimenté, chef de mission, manager, senior manager et au plus haut niveau, la position d’associé.

A partir des années 1970 la plupart des mandats de commissariat des sociétés du CAC 40 font partie des portefeuilles des Big et ainsi les cabinets autochtones sont réduits soit à rechercher l’hyperspécialisation, soit à intervenir en généralistes auprès d’entreprises plus petites, soit à intervenir marginalement, aux côtés des Big, sur des missions comme le co-commissariat aux comptes (Ramirez, 2003).

Figure 1. Lemarché comptable en France avec un accent sur l’exode des femmes

Le cadre à gauche représente le recrutement, c’est-à-dire l’offre primaire des diplômés qui entrent dans le circuit comptable et le recrutement au niveau expérimenté qui a lieu entre les cabinets comptables, spécialement dans des périodes de pénurie de main-d’œuvre qualifiée. Le cadre à droite représente l’exode des professionnels des grands cabinets vers des entreprises et des cabinets comptables plus petits. Après une étape de formation et d’évolution dans les plus grands cabinets, certains décident de se mettre à leur propre compte (entrepreneuriat). Ce mouvement est représenté par une flèche menant des grands/moyens cabinets vers les petits cabinets.