4.2 Modélisation des corrélations statistiques : approche RANS
4.2.2 Positionnement du problème pour la rotation
(x,0,z,t)
=a
21= 0. (4.24)
En retenant le terme prépondérant du développement (4.22) et en tenant compte de (4.23)
et (4.24), on obtient les comportements asymptotiques suivants en proche paroi :
u∼y, v∼y
2et w∼y. (4.25)
Ces résultats ne sont vrais qu’asymptotiquement, c’est à dire très près de la paroi. En
revanche, il sont parfaitement généraux : ils ne dépendent pas de l’écoulement (homogène
dans les directions x et z ou pas, en particulier). On a simplement utilisé les propriétés
d’adhérence et d’incompressibilité, de sorte que tout champ L(u), pour L un opérateur
linéaire, vérifie les mêmes comportements. En particulier, c’est le cas de la vitesse moyenne
u et de la vitesse fluctuante u
′.
Les comportements asymptotiques (4.25) permettent de déduire ceux de plusieurs
gran-deurs turbulentes, par exemple le tenseur de Reynolds. En général, la consistance entre le
comportement asymptotique d’un modèle et celui de la grandeur exacte qu’il représente est
une condition nécessaire pour une modélisation efficace en proche paroi. C’est un des points
importants sur lesquels sont basés les modèles à relaxation ou pondération elliptique.
4.2.2 Positionnement du problème pour la rotation
Après ces généralités sur la modélisation RANS de la turbulence, l’objet de ce
para-graphe est de dégager les quelques implications immédiates et bien connues pour la
repré-sentativité des modèles pour les écoulements en rotation. Cela nous permettra de préciser
la démarche dans laquelle les paragraphes 4.2.3–4.2.5 s’inscrivent.
Niveau de fermeture : second ordre a priori mieux adapté
Examinons a priori les effets de la rotation sur le modèle au premier ordre k−ε en
figurant son comportement dans un référentiel tournant par application du principe de
modélisation (I) (p. 45). Les causes et les conclusions que l’on dégage sont valables pour la
majorité des modèles classiques (k−ω,k−ω SST, Spalart–Almaras, v
2−f, ...). D’abord,
la structure de l’anisotropie est fixée par l’hypothèse de viscosité turbulente (4.6),
impo-sant que le tenseur d’anisotropie est aligné au tenseur des taux de déformation moyen.
Celui-ci n’est pas affecté par la rotation d’ensemble car il est objectif, d’où la conclusion :
avec un modèle au premier ordre basé sur (4.6), la rotation n’a aucun effet direct sur
l’ani-sotropie de la turbulence. Ensuite, la viscosité turbulente elle-même est donnée par (4.7)
avec C
µconstant. Ce sont l’énergie cinétique turbulente k et la dissipation ε qui fixent
le montant de la viscosité turbulente et ces grandeurs sont elles-mêmes déterminées grâce
à une modélisation de leur équation de transport par la vitesse moyenne. À l’image des
équations exactes auxquelles elles correspondent, ces équations modélisées sont inchangées
en présence de rotation car elles ne contiennent que des termes objectifs. Cela traduit le
fait que la force de Coriolis ne produit aucun travail : son effet est donc nul pour ces
grandeurs « énergétiques » (voir équation 3.35). On a donc la conclusion suivante : la
ro-tation n’a aucun effet direct sur le montant de la viscosité turbulente (4.7). Au final, on
voit que les modèles au premier ordre classiques ne prennent en compte aucun effet direct
de la rotation sur la turbulence : celle-ci ne peut être affectée qu’indirectement par les
modifications du champ moyen sous l’effet de la rotation. On peut dire que ces modèles
ne « voient » pas la rotation car la modélisation du tenseur de Reynolds est indifférente
matériellement. Les fermetures au premier ordre les plus classiques partagent toutes cette
défaillance pour les écoulements en rotation, mais plusieurs auteurs ont proposé des
cor-rections plus ou moins empiriques pour y remédier. C’est l’objet du paragraphe 4.2.5 que
d’évaluer en quelle mesure ces corrections sont efficaces.
Avec une fermeture au second ordre, la situation est plus favorable car l’anisotropie du
tenseur de Reynolds n’est pas fixée explicitement par le modèle. De fait, en présence de
rotation, le terme de production (ou plutôt redistribution) de Coriolis G
ij(équation 3.34)
affecte directement l’anisotropie du tenseur de Reynolds à ce niveau de fermeture :
Du
′ iu
′ jDt =P
ij+φ
ij+D
T ij+D
ijν−ε
ij, (4.26)
=⇒ Du
′ iu
′ j ⋆Dt =P
⋆ ij+φ
⋆ij+D
ijT ⋆+D
ijν⋆−ε
⋆ij+G
⋆ij, (4.27)
avec un exposant⋆, respectivement sans, pour des grandeurs perçues dans un référentiel en
rotation, respectivement galiléen. À l’instar des termes d’advection et de production dont
il provient, le termeG
ijne demande aucune modélisation : il peut être exactement calculé
à partir des inconnues principales du système. Les modèles de fermeture au second ordre
prennent donc naturellement en compte certains effets de la rotation sur la turbulence.
En dépit de cette sensibilité à la rotation intrinsèque à la fermeture au second ordre, la
modélisation des corrélations inconnuesφ
ij,ε
ijetD
ijTaffecte bien entendu les performances
d’un modèle spécifique. C’est ce que l’on examinera au paragraphe 4.2.4.
Prise en compte des paroi : manque d’universalité des lois de paroi
En réalité, l’universalité des lois de paroi est toute relative, et particulièrement mise
à mal pour les écoulements en rotation. Les DNS de Kristoffersen et Andersson (1993)
montrent sans ambiguïté que l’on s’écarte sensiblement du comportement universel (4.21)
dans un canal en rotation transverse, en particulier du côté en dépression où la zone
logarithmique disparaît quand l’écoulement laminarise. Dans le même sens, Andersson et
Kristoffersen (1993) montrent qu’aucune zone d’équilibre local P =εn’est identifiable de
ce côté du canal, y compris pour des taux de rotation modérés (Ro
b> 0.05). De fait,
plusieurs corrections aux lois de paroi ont été proposées pour prendre en compte à la paroi
les effets de la rotation (Bradshaw, 1969; Watmuff et al., 1985).
Dans les paragraphes suivants, on utilisera exclusivement des modèles de turbulence
intégrables jusqu’à la paroi ; les lois de paroi ne seront pas utilisées. En ce qui concerne la
fermeture au second ordre, c’est l’approche à pondération elliptique qui sera mise en œuvre.
Pour les modèles de viscosité turbulente, plusieurs approches apparaîtront (amortissement
bas-Reynolds, relaxation elliptique et modèle k−ω SST en particulier). On pourra ainsi
juger de la validité de ces traitements en présence de rotation.
4.2.3 Introduction et comparaison de plusieurs modèles sur le cas test
du canal plan fixe
On montre dans ce paragraphe les résultats obtenus avec Code_Saturne sur le cas test
du canal plan (voir annexe B.1 pour une description formelle du cas test) pour plusieurs
modèles de turbulence bas-Reynolds ou de proche paroi, correspondants à des fermetures
au premier ou au second ordre. Il s’agit d’une étude préliminaire à celle des paragraphes
4.2.4, 4.2.5, pour se familiariser avec les modèles et leur comportement en écoulement de
canal. On utilise les données de référence issues des calculs DNS de Moser et al. (1999),
aux nombres de Reynolds Re
τ= 180,395,590, basés sur la vitesse de frottement u
τet la
demi-hauteur du canal h.
4.2Modélisation des corrélations statistiques : approche RANS 57
0,1 1 0,6 0,8 1 1,2 1,4 1,6y
+1C
f/C
∗ f LS SST φ−f EB–RSMFigure 4.1 – Coefficient de frottementC
fnormalisé par le coefficient de frottement obtenu
pour le maillage le plus finC
∗f