3.4 Effets conjugués de rotation et de cisaillement
3.4.2 Manifestations de l’instabilité dans un canal en rotation transverse . 41
L’écoulement turbulent dans un canal en rotation transverse est un écoulement plan
ci-saillé en rotation, dans lequel se manifeste donc l’instabilité Coriolis–cisaillement. Comme
cet écoulement servira de cas test récurrent dans les chapitres suivants, on donne ici
quelques éléments de description supplémentaires.
De même que dans un canal fixe (sans rotation), l’écoulement moyen est
monodimen-sionnel et permanent, mais, à l’inverse du canal fixe, la rotation se traduit par la présence
de la force de Coriolis dans le bilan, celle-ci étant orientée dans la direction normale aux
parois et dans le sens pointant vers une des deux parois suivant le sens de la rotation. La
force de Coriolis est équilibrée par un gradient de pression normal aux parois (cf note de
pied de page 40) de sorte qu’on a une surpression près de la paroi vers laquelle la force de
Coriolis pointe (faceen pressionou anticyclonique) et une dépression près de l’autre paroi
(faceen dépressionoucyclonique). La force de Coriolis n’a aucun effet direct sur la vitesse
moyenneu= (u
1,0,0); les altérations de celle-ci, sous l’effet de la rotation, n’interviennent
qu’indirectement par l’intermédiaire des contraintes de Reynolds. Ces points sont détaillés
formellement dans l’annexe B.2.
Figure 3.3 – Schématisation de l’écoulement turbulent dans un canal plan en rotation
trans-verse. F désigne la force de Coriolis (adaptée de Dutzleret al., 2000).
Cet écoulement a été étudié expérimentalement par Johnstonet al.(1972) et
numérique-ment (DNS) par Kristoffersen et Andersson (1993); Lamballais et al. (1996); Grundestam
et al. (2008) notamment, ces études successives ayant permis entre autre d’explorer des
taux de rotation toujours croissants. Il ressort que dès les nombres de rotation modérés –
|Ro
b|<0.2 environ –, avec :
Ro
bdef= 2Ωh
U
b(équation 3.36 pour les échelles U =U
bla vitesse débitante et L=h la demi-hauteur du
canal – voir annexe B.1), l’écoulement est largement affecté par la rotation. L’intensité de
la turbulence (composantes normales du tenseur de Reynolds notamment) est amortie du
côté en dépression et augmentée du côté en pression. Entre les deux parois, une zone de
vorticité absolue moyenne nulle, qui correspond à une pente en2Ωdans le profil de vitesse,
s’établit (cf figure 3.3).
Toutes ces observations sont en bon accord avec l’analyse de stabilité, en considérant que
le caractère stable (respectivement instable) correspond à une diminution (respectivement
une augmentation) de l’agitation turbulente. La zone de vorticité absolue nulle dans le
cœur de l’écoulement correspond pour sa part au critère de stabilité neutre R = −1 (cf
équation 3.47). L’apparition de zones de vorticité absolue quasi-nulle est d’ailleurs un
caractère régulièrement observé (mais, comme le note Lamballais et al., 1998, seulement
partiellement compris) dans les fluides en rotation.
À ces régimes de rotation modérés, l’apparition de longs vortex longitudinaux, parfois
appelés vortex de Taylor–Görtler, est également observée, phénomène qui n’est pas sans
rappeler l’apparition des rouleaux longitudinaux dans l’écoulement de Couette au régime de
stabilité neutre. Dans le canal en rotation, ces vortex seraient pourtant d’avantage localisés
du côté en pression du canal (Kristoffersen et Andersson, 1993) mais les simulations de
Piomelli et Liu (1995) semblent indiquer que ces structures sont quelque peu mobiles dans la
direction normale aux parois, conférant à l’écoulement du côté en dépression une évolution
sur des échelles de temps très longues.
Pour des taux de rotation supérieurs (0.5 <|Ro
b|< 1.5), ces vortex ne sont plus
réel-lement persistants. L’examen des fluctuations rms de vitesse normale √
v
′2et de vorticité
longitudinale p
ω
′2x