6.5 Conclusion du chapitre
7.1.3 Formulation du Forçage Linéaire Anisotrope (ALF)
Le paragraphe précédent a montré que l’analyse des effets statistiques d’un forçage
vo-lumique donnait des informations très utiles et que de ce point de vue, il était important de
considérer à la fois l’effet du forçage sur l’écoulement moyen mais aussi sur les contraintes
de Reynolds. En effet, si la force de rappel est fluctuante, un terme de production
sup-plémentaire P
ijfentre dans le bilan des contraintes résolues. Dans le cadre d’un couplage
RANS/LES zonal, ce terme de production pourrait permettre d’amplifier ou d’amortir les
fluctuations turbulentes en rendant consistants les moments au second ordre résolus dans
le calcul RANS et dans le calcul LES.
On propose ici d’utiliser une force de rappel fluctuante sous la forme générale suivante :
f
i=A
ijue
j+B
i, (7.13)
avec A
ijun tenseur d’ordre deux symétrique et B
iun vecteur. On peut noter que le
forçage (7.6) considéré au paragraphe précédent est de cette forme (pourA
ij=−
1τf
δ
ijet
B
i=
τ1f
u
iRAN S), de même que le forçage de Laraufieet al.(2011) (pourA
ij=r
LDSδ
i2δ
j2).
Le forçage de Spille-Kohoff et Kaltenbach (2001) peut également s’écrire sous la forme
générique (7.13), mais pour A
ij= r
SKKδ
i2δ
j1, c’est-à-dire que le tenseur A
ijn’est pas
symétrique avec ce forçage. La caractéristique principale de la force générale (7.13) est
qu’elle est linéaire en la vitesse. De ce fait, elle est étroitement liée au terme de forçage
linéaire introduit par Lundgren (2003) pour maintenir une turbulence isotrope à l’équilibre.
Ce point est développé au paragraphe suivant.
Si l’on suppose queA
ijetB
isont déterministes, la partie moyenne def
i, qui contribue
au bilan de quantité de mouvement moyen, est :
f
i=A
ijhue
ji+B
i, (7.14)
et la partie fluctuante def
i, non nulle, est :
Par suite, la force (7.13) contribue au bilan des contraintes résoluesu
′i
u
′j r
en faisant
appa-raître le terme (équation 7.4) :
P
ijf=A
iku
′j
u
′kr
+A
jku
′i
u
′kr
. (7.15)
Si l’on souhaite faire tendre les contraintes résolues vers un niveau « cible » u
′iu
′j†r
, un
modèle simple pour P
ijfest :
P
ijf= 1
τ
r(u
′iu
′j † r−u
′ iu
′ j r), (7.16)
avecτ
run paramètre libre fixant l’intensité du terme de rappel, et qui a la dimension d’un
temps. Les équations (7.15) et (7.16) définissent un système linéaire de six équations (pour
les six composantes distinctes de P
ijf) à six inconnues (les six composantes distinctes de
A
ij), qui s’écrit :
A
iku
′ ju
′ kr+A
jku
′ iu
′ kr= 1
τ
r(u
′iu
′j † r−u
′ iu
′ j r). (7.17)
Dans le cadre d’un couplage RANS/LES, on peut faire l’approximation suivante pour les
contraintes résolues cibles :
u
′iu
′j†r
=u
′iu
′jRAN S− hτ
iji, (7.18)
avec hτ
iji la moyenne statistique du tenseur de sous-maille, qui donne une approximation
de la contribution des échelles de sous-maille aux contraintes de Reynolds. Le système
(7.17) s’écrit alors :
A
iku
′ ju
′ kr+A
jku
′ iu
′ kr= 1
τ
r(u
′iu
′j RAN S− hτ
iji −u
′ iu
′ j r). (7.19)
Pour construire ce système, les termes u
′i
u
′j r
et hτ
iji doivent être estimés, ce qui est fait
en pratique grâce à un filtrage spatial (pour les cas homogènes) et/ou temporel (pour les
cas stationnaires) de l’écoulement. Le système (7.19) est ensuite inversé par une méthode
directe, de manière à déterminer les coefficients A
ijdu forçage. L’inversion peut se faire
localement, dans chaque cellule de la zone de recouvrement RANS/LES, ce qui demande
peu d’opérations (O(N) avec N le nombre de cellules dans la zone de recouvrement).
1Il reste à prescrire l’effet moyen du terme de forçage, ce qui achève de le déterminer.
Comme pour les forces de rappel de type (7.7), on peut proposer que le forçage fait tendre
la vitesse moyenne hue
iivers une valeur cible u
i†:
f
i= 1
τ
v(u
i†− hue
ii), (7.20)
avec τ
vl’échelle de temps du forçage de la vitesse moyenne. Dans ce cas, une fois les
coef-ficients A
ijdéterminés, les équations (7.14) et (7.20) permettent de définir explicitement
les coefficients B
i:
B
i= 1
τ
v(u
i†
− hue
ii)−A
ijhue
ji. (7.21)
Dans le cadre d’un couplage RANS/LES zonal, on prendra u
i†=u
iRAN S.
1. Dans notre implémentation, les équations du système (7.17) et les inconnuesA
ijétaient numérotées
dans l’ordre 11,22,33,12,13,23. L’inversion était réalisée par la méthode LU. Aucun problème de stabilité
numérique n’a été rencontré.
7.1Dérivation du Forçage Linéaire Anisotrope 173
On peut également envisager de ne pas forcer la vitesse moyenne, en la laissant s’ajuster
aux contraintes de Reynolds forcées à leur niveau RANS par (7.19). Dans ce cas, on a :
f
i= 0, (7.22)
et donc :
B
i=−A
ijhue
ji. (7.23)
La question du forçage de la vitesse moyenne est développée dans la remarque plus bas. Il
ressort que pour un écoulement homogène, le forçage moyen devrait être nul mais que dans
le cas général, un forçage moyen non nul permet de compenser les erreurs de modélisation
entre les domaine RANS et LES.
Que l’on utilise le modèle (7.20) ou (7.22), cette seconde étape achève de déterminer le
terme de forçage volumique proposé. Les coefficientsA
ijetB
idu forçage sont implicitement
déterminés par des fonctions simples (équations 7.19 et 7.20 ou 7.22), qui ne dépendent
que de statistiques et non pas de réalisations aléatoires, en accord avec l’hypothèse de
déterminisme (équations 7.14 et 7.15) de ces coefficients.
Le terme de forçage (7.13) est défini comme une fonction linéaire de la vitesse et il est
construit de manière à forcer la vitesse moyenne et l’ensemble des contraintes de
Rey-nolds, quelle que soit l’anisotropie de la turbulence. Il est donc qualifié deForçage Linéaire
Anisotrope dans la suite, ou, de manière plus synthétique, de ALF (Anisotropic Linear
Forcing).
Remarque (Forçage de la vitesse moyenne). On note l’équation de Navier–Stokes sous la
forme symbolique :
N S(u, p) = 0.
Sur une zone de recouvrement RANS/LES avec forçage volumique, les équations modèles sont :
N S(eu,pe) +∇·τ−f = 0 (LES forcée), (7.24)
N S(u, p) +∇·R= 0, (RANS), (7.25)
avecτ le tenseur de sous-maille,f le terme de forçage etRle tenseur de Reynolds. En appliquant
l’opérateur de moyenne de Reynolds à (7.24) et l’opérateur de filtrage à (7.25), on obtient (sous les
hypothèses classiques de commutation de la dérivation avec l’opérateur de moyenne de Reynolds et
avec l’opérateur de filtrage) :
N S(eu,pe) +∇·τ+∇·R
r−f = 0, (7.26)
N S(eu,ep) +∇·Re +∇·τ
m= 0, (7.27)
avec :
τ =u^⊗u−ue⊗ue (contraintes de sous-maille moyennes), (7.28)
R
r=eu⊗ue−ue⊗ue (contraintes de Reynolds résolues), (7.29)
e
R=u^⊗u−u^⊗u (contraintes de Reynolds filtrées), (7.30)
τ
m=u^⊗u−ue⊗ue (contraintes de sous-maille du champ moyen). (7.31)
En définissant l’opérateur de moyenne de Reynolds comme une moyenne d’ensemble (équation 2.12)
et l’opérateur de filtrage comme un produit de convolution (équation 4.62), ces deux opérateurs
commutent. Cela implique notamment N S(ue,pe) = N S(eu,ep), et donc, en soustrayant (7.26) et
(7.27), on obtient :
f =∇·(R
r−Re) +∇·(τ−τ
m). (7.32)
D’après leur définition et en raison de la commutation des opérateurs de moyenne et de filtrage,
une application pratique de couplage RANS/LES zonal, R et τ sont modélisés et les contraintes
ne s’annulent pas a priori. C’est donc l’expression (7.32), trop complexe pour être calculée
directe-ment (en particulier le tenseurRe qui demande à connaître explicitement le filtre LES), qu’il faut
modéliser. En raison du terme de rappel des contraintes de Reynolds résolues (équation 7.16), on
peut faire l’approximation :
R
r+τ=R,
⇒ f =∇·(R−Re)−∇·τ
m. (7.33)
L’expression (7.20) modélise principalement le premier terme, qui ne peut pas être calculé
explici-tement lorsque le filtre LES est inconnu. Le second terme pourrait être modélisé par un modèle de
sous-maille appliqué au champ moyen, mais on s’attend à ce que l’influence de ce terme soit très
faible. Il a donc été négligé ici, pour simplifier le modèle.
7.1.4 Formulation du forçage pour une turbulence homogène et isotrope.
Dans le document
Modélisation des écoulements turbulents en rotation et en présence de transferts thermiques par approche hybride RANS/LES zonale
(Page 190-193)