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Changement de référentiel et objectivité d’une grandeur tensorielle . 25

2.4 Transferts énergétiques et éléments d’analyse spectrale

3.1.1 Changement de référentiel et objectivité d’une grandeur tensorielle . 25

Notion de référentiel galiléen

Un référentiel R = {(O,B), t

0

} est la donnée d’une origine dans l’espace et dans le

temps, O et t

0

respectivement, et d’une base B = (e

1

,e

2

,e

3

) avec e

α

, α = 1,2,3, les

vecteurs de base, qu’on suppose orthonormés dans la suite. Le référentiel sert à définir

l’observateur du mouvement, en permettant de quantifier l’espace et le temps. L’origine du

référentiel est un point matériel. Les axes portés parBdoivent être fixe pour un observateur

en ce point.

Pour obtenir l’équation de Navier–Stokes (2.10), on a invoqué le principe fondamental

de la dynamique (deuxième loi de Newton). Cette loi n’est valable que dans un référentiel

galiléen, qu’on appelle également référentiel inertiel. L’existence d’un tel référentiel est

l’expression du principe de l’inertie (première loi de Newton), qu’on peut formuler ainsi : il

existe des référentiels dans lesquels un corps est au repos ou en mouvement de translation

uniforme si et seulement si la somme des forces qui s’exercent sur ce corps est nulle. En

pratique, un référentiel pourra être considéré comme galiléen selon la nature du phénomène

étudié (notament son échelle en espace et en temps) et la précision attendue des résultats. Si

par rapport aux éléments du système(O,B)un point sur lequel aucune force ne s’applique

semble fixe, il ne restera qu’à se fixer une origine des temps pour disposer d’un référentiel

galiléen.

Changement de référentiel

Dans ce référentiel galiléen R={(O,B), t

0

}, le principe fondamental de la dynamique,

et donc l’équation de Navier–Stokes (2.10), est valable. Cela n’interdit en rien pourtant

de décrire le mouvement dans un autre référentiel R

={(O

,B

), t

0

} de notre choix. En

revanche, il faudra tenir compte du fait que l’équation (2.10) n’est pas valable dans R

si

celui-ci n’est pas galiléen, mais seulement dans R.

Pour ce faire, il faut appliquer aux grandeurs (scalaires, vecteurs et tenseurs) exprimées

dans le référentiel R les formules de changement de référentiel suivantes :

x

=Q(t)x+b(t), (3.1)

t

=t+θ.

Le vecteur b(t) =−−→

OO

traduit le changement d’origine de l’espace et le scalaireθ=t

0

−t

0

le changement d’origine du temps. La matriceQ(t)est une matrice orthogonale, c’est-à-dire

qu’elle vérifie :

QQ

T

=Q

T

Q=I. (3.2)

Elle opère le changement de base (rotation et changement de sens – direct ou indirect –

des éléments de base), ce qui s’écrit e

α

=Qe

α

.

On peut donc décrire le mouvement dans un référentielR

quelconque en traduisant dans

ce référentiel, et par les formules de changement de référentiel (3.1), les lois valables dans

le référentiel galiléen R. Cela peut-être utile lorsque le domaine fluide qu’on considère est

lui-même animé d’un mouvement global connu. Par exemple, c’est le cas des écoulements

atmosphériques décrits dans le référentiel terrestre, qui ne peut plus être considéré comme

galiléen pour ces écoulements, ou encore des écoulements dans un rotor de turbomachine

décrits dans le référentiel tournant associé à la rotation du rotor.

Notion d’objectivité

On dit qu’une grandeur est objective si elle est intrinsèquement invariante par

change-ment de référentiel. Dans ce cas, la perception que l’on a de cette grandeur, c’est-à-dire

la mesure que l’on en fait, ne diffère dans les référentiels RetR

que par l’effet du

chan-gement de base de B à B

. En notant avec une étoile, respectivement sans, les grandeurs

perçues dans le référentiel R

, respectivement R, on a alors, pour une grandeur objective,

les relations :

– pour un scalairea:a

=a,

– pour un vecteura :a

=Qa,

– pour un tenseur d’ordre deuxA :A

=QAQ

T

.

3.1.2 L’équation de Navier–Stokes en référentiel tournant

On établit dans ce paragraphe l’équation de Navier–Stokes dans un référentiel R

en

rotation constante d’axe Ωpar rapport au référentiel galiléenR. Les origines du temps et

de l’espace sont inchangées :

3.1Équations modèles en référentiel tournant 27

En revanche, les éléments de la baseB

sont en rotation d’axeΩpar rapport aux éléments

de la baseB.

Pour se fixer les idées, montrons la forme de la matrice Q lorsque l’axe de rotation est

suivantz :Ω= Ωe

3

. Dans ce cas, à un instant t, l’angle formé par les vecteurs de base e

1

ete

1

d’une part, et e

2

ete

2

d’autre part, vautΩt, de sorte que la matrice de changement

de base Qs’écrit simplement :

Q(t) =

cos(Ωt) −sin(Ωt) 0

sin(Ωt) cos(Ωt) 0

0 0 1

. (3.4)

PourΩquelconque, la matrice de rotation Qest donnée par :

Q=P+ (I−P) cos(Ωt) +Rsin(Ωt),

avec P

ij def

= Ω

i

j

/kΩk

2

la matrice de projection sur l’axe porté parΩ,(I−P)

ij def

= δ

ij

i

j

/kΩk

2

la matrice de projection sur le plan orthogonal à l’axe porté par Ω et R

ij

=

ǫ

imj

m

/kΩk la matrice antisymétrique duale du vecteur unitaire Ω/kΩk.

Une relation importante qui relie le vecteur de rotation du référentiel Ω à la matrice

orthogonaleQest que le produitQQ˙

T

est la matrice antisymétrique duale du vecteur−Ω.

En introduisant la notation symbolique :

(Ω∧)

ij

imj

m

, (3.5)

la relation reliant QetΩest donc :

˙

QQ

T

=−(Ω∧). (3.6)

Le produit à droite du tenseurQQ˙

T

par un vecteur correspond donc au produit vectoriel

de −Ω par ce vecteur. On s’autorisera également à utiliser la notation (3.5) y compris

lorsque l’on multiplie à droite par un tenseur d’ordre supérieur.

Donnons également deux propriétés de la matrice Q qui permettent de se ramener

systématiquement à la relation (3.6). La première est obtenue en différenciant la propriété

(3.2) par rapport au temps. Il vient :

˙

QQ

T

=−QQ˙

T

. (3.7)

Ensuite, on peut montrer par récurrence que pour tout entier n≥1 :

( ˙QQ

T

)

n

=Q

(n)

Q

T

, (3.8)

avec Q

(n)

la dérivée n−ième de Q.

Appliquons maintenant les formules de changement de référentiel (3.1), (3.3) à l’équation

de Navier–Stokes (2.10). On s’intéresse en premier lieu à la dérivée matérielle du membre

de gauche. Celle-ci est obtenue en dérivant deux fois, en variable lagrangienne, la position

x d’une particule dans le référentiel galiléen. Cette dernière s’exprime dans le référentiel

tournantR

suivant :

x=Q

T

x

. (3.9)

En différenciant une première fois cette relation par rapport au temps, on obtient la relation

suivante entre les vitesses uetu

perçues dans les référentiels RetR

:

La vitesse n’est donc pas une grandeur objective : les vitessesuetu

ne coïncident pas par

le simple changement de base, qui correspond à la multiplication à gauche par Q

T

dans

l’équation ci-dessus. Dans le référentiel tournant, la vitesse d’entraînement :

w=Ω∧x

,

qui correspond à une rotation solide d’axeΩ, doit être ajoutée à la vitesseu

pour retrouver

la vitesse uperçue dans le référentiel R.

Différencions maintenant la relation (3.10) pour obtenir l’expression dans le référentiel

tournant R

de l’accélération perçue dans le référentiel galiléen R. Il vient :

Du

Dt =Q

T

QQ˙

T

| {z }

=−QQ˙ T

u

+Du

Dt −( QQ˙

T

| {z }

=−QQ˙ T

˙

QQ

T

+ ¨QQ

T

| {z }

=( ˙QQT)2

+ ˙QQ

T

QQ˙

T

| {z }

=−QQ˙ T

)x

−QQ˙

T

u

,

=Q

T

Du

Dt −2 ˙QQ

T

u

+ ( ˙QQ

T

)

2

x

,

=Q

T

Du

Dt + 2∧u

+Ω∧(Ω∧x

)

. (3.11)

L’accélération n’est donc pas non plus une grandeur objective. Deux termes

supplémen-taires apparaissent par changement de référentiel : l’accélération de Coriolis 2Ω∧u

et

l’accélération centrifuge Ω∧(Ω∧x

).

Intéressons-nous maintenant aux termes de droite de l’équation de Navier–Stokes (2.10).

Comme on l’a vu au paragraphe 2.1 ces termes représentent les contraintes, de pression

(statique) et visqueuses (dynamique), qui s’exercent au bord d’un volume élémentaire de

fluide. Elles modélisent donc l’effet du contact entre deux éléments de fluide infiniment

voisins. L’intuition physique porte à croire que l’effet de ces contacts est indépendant de

l’observateur du mouvement. On invoque donc le principe d’indifférence matérielle qui

postule que ces grandeurs sont objectives. En fait le principe d’indifférence matérielle ne

porte que sur les scalaires intervenant dans le bilan (masse volumique ρ, pression p et

coefficient de viscosité cinématique ν) :

ρ=ρ

, (3.12)

p=p

, (3.13)

ν =ν

. (3.14)

En effet, on vérifie à partir de l’équation (3.9) et de la loi de composition des dérivées que

le gradient eulérien ∇est objectif :

∇=Q

T

. (3.15)

Appliqué à une grandeur objective, il génère donc une nouvelle grandeur objective (d’un

ordre tensorielle supplémentaire). Le gradient de pression (premier terme du membre de

droite de 2.10) est donc objectif. Pour le terme de contrainte visqueuse, examinons la

transformation du gradient de vitesse par changement de référentiel. Celle-ci est donnée

en dérivant l’expression (3.10) et en utilisant (3.15). Il vient :

∂u

i

∂x

j

=Q

ki

∂u

k

∂x

j

−Q

ki

Q˙

kl

Q

ml

∂x

⋆ m

∂x

j

,

=Q

ki

∂u

⋆ k

∂x

⋆ m

Q

mj

−Q

ki

Q˙

kl

Q

ml

Q

mj

,

3.1Équations modèles en référentiel tournant 29

c’est-à-dire :

∇u=Q

T

(∇u)

−QQ˙

T

Q,

=Q

T

(∇u)

+ (Ω∧)

Q. (3.16)

Le tenseur gradient eulérien de vitesse n’est donc pas objectif. En revanche, comme la

contribution supplémentaire qui apparaît par changement de référentiel est un tenseur

antisymétrique, on vérifie immédiatement que seule la partie antisymétrique du gradient,

ou tenseur de vorticité

1

, est affectée par le changement de référentiel :

W=Q

T

W

+ (Ω∧)

Q. (3.19)

Au contraire, le tenseur des taux de déformation (partie symétrique du gradient), qui est

le seul à intervenir dans le modèle des fluides newtoniens pour les contraintes de viscosité,

est objectif :

S=Q

T

SQ. (3.20)

L’ensemble des propriétés de transformation par changement de référentiel nécessaires

à l’établissement de l’équation de Navier–Stokes en référentiel tournant sont désormais

réunies. En substituant dans l’équation (2.10), valable dans un référentiel galiléen

unique-ment, les grandeurs concernées par les égalités (3.11)–(3.15), (3.20) puis en éliminant à

gauche le facteur communQ

T

, on décrit le mouvement d’un fluide incompressible dans un

référentiel en rotation constante par rapport au référentiel galiléen par l’équation

(l’expo-sant ⋆est omis) :

∂u

∂t +·(u⊗u) =−1

ρp+ν

2

u−2Ω∧u−Ω∧(Ω∧x). (3.21)

Deux forces supplémentaires apparaissent donc dans le bilan de quantité de mouvement :

– la force centrifuge f

e

=−Ω∧(Ω∧x),

– la force de Coriolis f

c

=−2Ω∧u.

On les qualifie plutôt de pseudo-forces car elles n’interviennent dans le bilan que pour

compenser le fait que l’on s’est placé dans un référentiel non galiléen en rotation pour

décrire le mouvement.

La force centrifuge est orientée dans la direction radiale vers l’extérieur. Elle ne dépend

que de la position du point où elle s’applique et de la vitesse angulaire Ω = kΩk. Son

amplitude kf

ek

= Ω

2

r est d’autant plus grande que la vitesse angulaire est grande et que

la distance r = |sin(Ω,x)| de x à l’axe de rotation est grande. Cette force est familière

au voyageur qui se sent poussé dans son véhicule vers l’extérieur d’un virage au moment

de tourner. Elle est également exploitée en aérospatiale lorsque l’on lance des fusées à

proximité de l’équateur, là où l’effet de la force centrifuge est le plus important. La force

1. On a définit le vecteur vorticité comme le rotationnel de la vitesse et on a alors (cf notation 3.5) :

W= 1

2∧), (3.17)

c’est-à-dire que le tenseur de vorticité est le tenseur antisymétrique dual de la moitié du vecteur vorticité.

Cette précision faite, donnons l’expression du vecteur vorticité par changement de référentiel, qui se

déduit directement de (3.19), (3.17) :

ω=Q

T

+ 2Ω). (3.18)

La contribution2Ωest appelée vorticité d’entraînement.

centrifuge étant, au même titre que la gravité, indépendante de l’écoulement et ressentie

même en l’absence de mouvement, elle dérive d’un potentiel, qu’on note Φ

e

:

f

e

=∇Φ

e

, avec Φ

e

= (∧x)

2

2 . (3.22)

On l’incorpore donc souvent au potentiel de pression dans le bilan de quantité de

mouve-ment :

∂u

∂t +·(u⊗u) =−1

ρp

e

+ν

2

u−2Ω∧u, (3.23)

p

e

=p−Φ

e

.

etp

e

est qualifiée de pression « effective ».

La force de Coriolis agit pour sa part perpendiculairement au plan engendré parΩetu.

Son amplitude kf

ck

= 2Ωkuk|sin(α)|, avec α l’angle (Ω,u), est d’autant plus grande que

l’angleαse rapproche d’un angle droit (α=±

π2

). À l’inverse de la force centrifuge, la force

de Coriolis interagit avec la vitesse dans le référentiel tournant R

: elle est responsable

du gauchissement (ou du « droitissement ») dans R

d’une trajectoire qui apparaîtrait

rectiligne dans un référentiel inertiel. Cette action se fait toutefois sans apport d’énergie :

pour dx un élément infinitésimal de trajectoire, le travail f

c

·dx que génère la force de

Coriolis est nul car f

c

est orthogonale au vecteur vitesseu :

f

c

·dx=f

c

·wdt= 0. (3.24)

Là encore, les effets de la force de Coriolis se manifestent à grande échelle dans le référentiel

terrestre. En météorologie par exemple, on observe que les masses d’air convergentes vers

une dépression sont déviées dans le sens anti-horaire dans l’hémisphère nord et dans le

sens horaire dans l’hémisphère sud, ce qui est dû à l’action de la force de Coriolis. Dans le

domaine de la ballistique, un tireur d’élite visant une cible très éloignée devra également

prendre en compte la force de Coriolis pour atteindre sa cible.