• Aucun résultat trouvé

Partie 3- Analyse et interprétation des résultats

1.1. Portrait de Sarah, enseignante spécialisée : un processus équilibré

72

Interculturation enseignants et éducateurs spécialisés à l’IME

A l’analyse de l’entretien de Sarah, apparaît de manière évidente une cohérence entre sa

trajectoire personnelle et son parcours professionnel. En effet, il semble bien que l’orientation

professionnelle vers l’enseignement spécialisé trouve sa source, pour Sarah, dans un

cheminement et des expériences personnelles marquantes et déterminantes. Elle évoque ainsi,

en tout début d’entretien, les raisons essentielles de cette vocation à enseigner en partant des

besoins des élèves et de leurs spécificités.

Tout d’abord, elle fait référence à la pédagogie, marquante pour elle, de son enseignante de

CM1, qui « pratiquait la pédagogie institutionnelle et donc on avait du travail individualisé ».

Cette posture professionnelle à défendre une pédagogie qui part des demandes et des besoins

des élèves a été pour Sarah une première étincelle dans le mûrissement de sa propre vocation

professionnelle. Par la suite, Sarah détaille ses premiers contacts avec le « milieu du spécialisé »

quand, animatrice l’été, elle côtoie des jeunes d’un foyer d’accueil d’urgence accompagnés de

leurs éducateurs spécialisés. Elle a alors été « interpelée puis intéressée par les réponses que

les éducateurs apportaient face aux comportements décalés de ces jeunes ». Ces expériences

d’animation sont ainsi considérées par Sarah comme le point de départ et une motivation initiale

à s’orienter vers le champ du spécialisé. En tant qu’étudiante, elle a suivi un parcours

universitaire en sciences de l’éducation, parcours au cours duquel elle aime à rappeler qu’en

licence 3, elle avait fait le choix, non hasardeux, d’entreprendre l’écriture d’un dossier sur le

thème de l’individualisation. Là encore, il s’agissait pour elle de pousser la réflexion sur la

manière « d’individualiser vraiment, de chercher à quel niveau est rendu chacun, d’essayer de

correspondre vraiment l’élève, d’être proche de lui, dans les apprentissages. Ca, ça m’a plu. »

Cette socialisation primaire et cette trajectoire diachronique ont logiquement débouché pour

Sarah vers l’obtention du CAPE (Certificat d’aptitude au Professorat des Ecoles). Les deux

premières années d’exercice ont eu lieu à titre provisoire en classes maternelles, puis Sarah a

été affectée sur ordre en ITEP. Une demande de poste en SEGPA lui ayant été refusée par la

suite, elle est restée une seconde année en ITEP. Mais Sarah a tout de même choisi de revenir

ensuite dans l’enseignement ordinaire car elle cherchait « à avoir surtout de l’expérience dans

l’élémentaire parce que j’avais fait essentiellement de la maternelle et qu’en ITEP, ça m’avait

manqué ». Mais le retour en milieu ordinaire la plaçant de nouveau en responsabilité face à des

élèves de maternelle, Sarah a donc accéléré son déroulement de carrière en passant dès lors le

CAPASH, pour pouvoir être titularisée dans le milieu spécialisé qui l’intéressait et qui était son

objectif professionnel principal. Elle est ainsi depuis 8 ans enseignante spécialisée à l’IME de

A. et coordonnatrice de l’unité d’enseignement de cet établissement.

73

Interculturation enseignants et éducateurs spécialisés à l’IME

Ce parcours professionnel présente ainsi un tissage cohérent entre, d’une part les expériences

biographiques marquantes, issues de la socialisation primaire et d’autre part, les choix et

stratégies professionnelles qui amènent Sarah à enseigner aujourd’hui en milieu spécialisé.

Des valeurs de métier autour du respect de chacun élaborées en amont de la carrière

professionnelle

Sarah, quand elle est interpelée au sujet des valeurs qui la portent, défend ouvertement l’idée

de l’éducation pour tous, dans le respect de chacun. Elle ne prétend pas, en tant qu’acteur du

milieu spécialisé, avoir des valeurs professionnelles différentes de celles que peut défendre un

enseignant ordinaire : « Je pense que les valeurs que je défends seront les mêmes dans le milieu

ordinaire. […] une éducation ou un enseignement pour tous… Le respect de l’autre… Mais je

pense que c’est… enfin voilà, c’est pas forcément propre au fait d’être spécialisé. »

Cet objectif d’éducabilité, de chance identique pour tous dans le respect de chacun est bien une

valeur qui a sillonné jusque-là tout le trajet de vie de Sarah. Quand elle fait référence à une

pédagogie institutionnelle marquante pour elle en tant qu’élève, quand elle relate ses premiers

contacts avec des publics différents, quand elle évoque ses choix de recherches universitaires

sur le thème de l’individualisation, c’est à chaque fois pour Sarah la volonté de cibler ce qu’est

l’individu dans sa globalité et dans sa singularité, respecter ce qu’il est véritablement et partir

de ces constats pour le faire cheminer.

Pour illustrer ce propos, Sarah fait d’ailleurs référence à des enseignants non spécialisés qui

sont venus la remplacer dans sa classe, à l’IME et qui, à son retour, se sont dit « un peu gênés »

par des « faciès [d’élèves] qui sont pas forcément très agréables ». Sarah, dans sa prise en

compte globale des élèves, déclare qu’elle « n’éprouve rien pour ça. Je me suis jamais dit quoi

que ce soit à ce propos-là, mais du coup je me dis qu’il faut peut-être avoir cette possibilité-là

d’aller vers un autre qui physiquement peut être différent… »

Ainsi, dans la façon de projeter dans le futur professionnel cette dimension subjective, Sarah

donne cohérence à ses choix, elle poursuit son projet de carrière dans une continuité logique :

si respecter l’Autre dans toutes ses dimensions a été une valeur essentielle dans l’identité qu’elle

s’est construite, Sarah entend bien faire vivre cette même valeur dans son champ professionnel.

74

Interculturation enseignants et éducateurs spécialisés à l’IME

Représentations du métier : un parcours conventionnel en relation avec les valeurs

personnelles

Pour Sarah, le métier d’enseignant spécialisé consiste à remplir une mission première, celle de

répondre à la singularité de chaque usager de l’IME pour réussir à l’enrôler dans un parcours

scolaire, adapté à ses besoins et compétences. Elle garde ainsi en tête la volonté « d’enseigner

à des élèves qu’on doit prendre dans leur globalité, c’est-à-dire à quel niveau ils sont rendus,

comment ils apprennent, quelles sont leurs conditions les plus optimales pour apprendre…

essayer de prendre en compte tous ces paramètres pour les mettre en situation. »

Pour atteindre ces objectifs, elle cherche à instaurer avec les élèves une relation de confiance,

puisque, selon Sarah, l’instauration de ce lien est essentielle avant toute mise en œuvre

d’apprentissages scolaires. Pour cela, elle met en place un cadre, concrétisé par quelques règles

de vie de classe : « ce cadre doit correspondre à la possibilité pour certains de se mettre au

travail et pour d’autres, de ne pas se mettre au travail ». Ainsi, Sarah instaure dans sa classe

des règles suffisamment souples pour qu’encore une fois, chaque élève trouve sa place avec ce

qu’il est. C’est ce qui permettra que les élèves la « reconnaissent en tant qu’enseignante,

puisque je suis là pour leur apprendre de nouvelles choses, ou les mettre en situation

d’apprentissage, et que le lien se crée à travers ça. » Elle se donne donc comme mission

« d’écouter ce que l’élève peut être, comment il va apprendre, quelles vont être les difficultés,

les obstacles à se mettre au travail pour pouvoir le mettre dans un contexte facilitateur, pour

qu’il accepte de se mettre au travail et pour qu’on crée ce lien de confiance… »

Il apparait clairement ici que la façon dont le métier d’enseignant spécialisé est appréhendé par

Sarah vient en résonnance parfaite avec ses aspirations personnelles. Cela lui permet de tracer

un parcours conventionnel puisque son désir initial de réalisation est en phase avec les missions

professionnelles qu’elle se donne désormais.

De l’identité individuelle subjective à l’identité opératoire structurelle

Si la conduite professionnelle de Sarah parait, dans ses pratiques matrices d’action, en phase et

en continuité avec le projet initial qu’elle s’est forgé, il nous faut à présent observer si l’espace

structuré, dans lequel cette enseignante spécialisée exerce, permet une reconnaissance de cette

identité professionnelle. Autrement dit, les partenaires institutionnels qui gravitent autour de

75

Interculturation enseignants et éducateurs spécialisés à l’IME

cet acteur de l’IME sont-ils des autrui significatifs qui légitiment la position revendiquée par

cette enseignante ?

Sarah exerce au sein d’une structure spécialisée, un IME, au cœur duquel elle côtoie divers

professionnels des champs pédagogiques, thérapeutiques ou éducatifs. Dans ce maillage

complexe où les compétences, les identités professionnelles s’entrecroisent, Sarah affirme

clairement sa spécificité professionnelle pour être reconnue par les différents acteurs de cette

institution. Contrairement à l’enseignement en milieu ordinaire où d’office, « on a les jeunes,

on n’a pas le choix de les avoir ou pas », dans l’enseignement spécialisé, « on doit justifier

notre présence alors qu’en fait, dans le milieu ordinaire, c’est de base ! ». Ainsi, nouvellement

titularisée dans l’IME, Sarah a particulièrement veillé à bien « faire sa place » pour être

reconnue en tant qu’enseignante spécialisée, expliciter et justifier auprès des autres

professionnels de l’établissement « pourquoi on prend [les jeunes] ou pas, pourquoi, à un

moment donné, on décide de réduire, pourquoi, à un moment donné, on se dirait que ce serait

bien d’augmenter ». En affirmant ainsi ce qui fait sa spécificité professionnelle, Sarah cherche

à être identifiée et reconnue dans son champ d’intervention particulier auprès des jeunes de

l’IME. Elle admet qu’après ces huit années passées dans cet établissement, cette démarche n’est

plus à faire auprès de l’équipe pluridisciplinaire : « Maintenant, j’ai moins besoin d’aller

expliquer les choses ou de dire les choses ».

Mais si Sarah assume son unicité en tant qu’enseignante spécialisée au milieu de professionnels

non enseignants, elle apprécie également se sentir « partie d’un tout », membre active d’un

collectif et d’une dynamique au service des usagers. Elle considère qu’il y a « beaucoup plus

d’échanges avec toute cette équipe-là, même au niveau des femmes de ménage

»,

que les temps

de travail en équipe pluridisciplinaire ou les temps de classe partagé permettent de « mieux

connaitre l’établissement » et « rapprochent » les acteurs de l’établissement. Ainsi, la structure

permet à chaque professionnel, quelle que soit sa responsabilité auprès des usagers, de « trouver

une place » pour laquelle il est reconnu. Sarah semble apprécier vivement de se sentir une

« pièce » considérée et reconnue dans cet « échiquier éducatif » !

De la transaction relationnelle au travers des différents autrui

La reconnaissance des positions revendiquées par cette enseignante semble bien effective dans

son environnement professionnel. Détaillons désormais de quelle façon cette transaction

relationnelle s’opère vis-à-vis des différents autrui significatifs gravitant autour de Sarah.

76

Interculturation enseignants et éducateurs spécialisés à l’IME

 Relation aux pairs : Sarah fait partie d’un petit collectif de trois enseignants spécialisés

exerçant dans cet IME. Ce trinôme constitue le pôle pédagogique et à ce titre, il soumet

d’une seule voix des suggestions au reste de l’équipe, concernant notamment le temps

de scolarisation des élèves (« on joue avec beaucoup d’adaptation ici »), la création du

dispositif de groupe-classe pour les plus jeunes (« mes collègues étaient tout à fait

d’accord avec moi »), l’affirmation de compétences professionnelles au sein d’une

dynamique collective (« on a besoin d’expliquer pourquoi l’école c’est important »).

Si les deux collègues directes de Sarah défendent et soutiennent une culture

professionnelle identique, il n’en est pas de même pour certains enseignants

remplaçants, non spécialisés, qui étant en poste à l’IME pour une courte période,

affirment : « Je ne suis pas enseignant ici ! Et je comprends pas comment on peut mettre

des enseignants dans des IME parce qu’on ne fait pas un travail d’enseignant ! ». Ce

décalage de point de vue, ce regard différent posé sur une activité professionnelle du

milieu spécialisé renforce, pour cette équipe enseignante, le sentiment d’exercer un

métier « à part ». Il crée une cohésion et une reconnaissance mutuelle entre les

différents membres de ce pôle pédagogique pour lequel Sarah, en tant que coordinatrice,

est porte-parole auprès de la hiérarchie de l’établissement.

 Relation aux éducateurs spécialisés : Exerçant au cœur d’un établissement pluri

professionnel, Sarah se retrouve directement confrontée aux autres acteurs de la

structure que sont notamment les éducateurs spécialisés. Dans cette socialisation

secondaire, il lui faut aussi rechercher l’assentiment de ces collègues non enseignants.

A ce titre, elle exprime avoir eu besoin, par le passé, de clarifier les missions et les

compétences de chacun. Elle estime avoir « défendu la fonction enseignante encore plus

que dans le milieu ordinaire », pour « dans l’accompagnement [des jeunes], se

différencier des éducateurs spécialisés ».

Des tensions interpersonnelles ont

effectivement eu cours quand, le matin, les éducateurs spécialisés ont mis en place un

cahier de graphisme et d’écriture. Sarah est alors venue interroger cette pratique : « On

fait quoi et dans quel lieu ? Pour elles, c’était pas facile parce qu’en fait, ça occupait

un espace, ça occupait un temps ! Et moi, je venais leur dire que ça n’avait rien à faire

». Les échanges directs qui ont suivi ont permis de clarifier la situation partenariale

et de repartir sur des bases plus claires. Au travers de ce « frottement

interprofessionnel », c’est bien la reconnaissance de chacun, dans ses compétences

propres, qui est visée.

77

Interculturation enseignants et éducateurs spécialisés à l’IME

Depuis cette mise au point, pour tout dispositif partenarial entre cette enseignante et les

éducateurs, chaque acteur est reconnu dans sa posture professionnelle et dans sa

fonction spécifique auprès des jeunes. En découlent alors des retombées positives,

comme un sentiment d’entraide (« J’étais très très contente d’être épaulée d’une

éducatrice parce que, elle, elle a fait le lien avec les parents et puis, elle m’a aidée dans

cette construction-là »), une co-autorité assumée (« Y’a de la reconnaissance et donc

on gagne en autorité aussi ! Parce que pour le coup, on est encore plus reconnus dans

ce qu’on peut faire ») et une vigilance permanente à laisser de la place au partenaire

(« Quand on commence à travailler avec un éducateur, moi, je suis toujours vigilante à

ce que les deux soient reconnus dans le projet »).

Sarah, en mettant à plat et en requestionnant les missions et les responsabilités de chacun

auprès des usagers, a donc en parallèle gagné en légitimité auprès des éducateurs

spécialisés de l’IME. Dans un contexte de situation partenariale éclaircie, ces autrui

significatifs reconnaissent désormais à Sarah ses compétences et sa spécificité

professionnelle au sein de leur établissement commun.

 Relation à la hiérarchie : En tant que coordinatrice de l’Unité d’Enseignement de cet

IME, Sarah se trouve être le maillon, le lien entre l’équipe de direction de cet

établissement, les services de l’Education Nationale et ses collègues enseignants

spécialisés. Or, dans les deux strates de la hiérarchie dont elle dépend, Sarah relate des

politiques structurelles qui légitiment peu ou prou son investissement professionnel. En

effet, le projet de classe externalisée qu’elle a porté à l’extérieur et défendu auprès de

l’inspection académique n’a pas vu le jour. Par ailleurs, la direction de l’IME n’exige

plus de projet rédigé pour les classes-ateliers et classes à projets : « Je pense que c’est

plus demandé par qu’en fait, ils [l’équipe de direction] savent que derrière, les

professionnels vont réclamer un temps spécifique, donc c’est pour ça que c’est aussi un

moyen de… d’éviter les levées de boucliers ». En effet, des temps de réunion en

commun, institutionnalisés et rémunérés, ayant été retirés aux enseignants et aux

éducateurs spécialisés, plus aucun projet écrit n’est attendu de la part de la direction de

l’IME. Cet investissement interprofessionnel se voit donc moins valorisé et encouragé.

Pourtant, pour ces enseignants spécialisés qui « n’ont pas le même supérieur » et qui

sont « les plus extérieurs à l’établissement », avoir l’assentiment de la hiérarchie sur des

dispositifs auxquels ils participent est un véritable moyen de reconnaissance de leur

identité professionnelle en exercice.

78

Interculturation enseignants et éducateurs spécialisés à l’IME

Démarche partenariale et stratégies identitaires : entre crédibilisation et validation

identitaires.

Dans les démarches partenariales auxquelles elle participe, de quelle manière Sarah se

positionne-t-elle ? Quelles stratégies identitaires met-elle en place pour assumer sa dynamique

identitaire ?

Au regard de l’analyse du discours tenu par Sarah durant notre entretien, il semble bien que

cette enseignante spécialisée navigue entre deux formes de stratégies identitaires proposées par

Kaddouri : d’une part, la crédibilisation identitaire lui permettant la reconnaissance des

homologues ; d’autre part, la validation identitaire pour faire reconnaitre son identité par les

autrui officiels.

En effet, Sarah semble avant tout envisager le partenariat interactoriel comme un moyen de

légitimation de son identité. Coopérer avec des éducateurs spécialisés lui permet de « voir

d’autres professionnels fonctionner » et de se faire reconnaitre dans ses compétences

d’enseignante. A ce propos, Sarah remarque : « J’ai beaucoup de retours positifs des

éducateurs sur : « Ah, mais tu as préparé tout ça ? Tu as anticipé tout ça ? Tu fais ça avec lui ?

Parce que moi, je sais pas quoi faire… » Voilà, ce genre de choses où je trouve que du coup,

ça nous remet, nous aussi, dans une posture d’enseignant.

»

Co-animant un même dispositif, la

reconnaissance par les éducateurs spécialisés de l’investissement de Sarah dans le travail de

conception et de préparation des séances en commun est un important levier de crédibilisation

interne. Le partenariat sert et renforce ainsi sa légitimité professionnelle auprès des homologues

du temps de classe partagé.

Pour autant, Sarah semble bien, en parallèle, chercher à maintenir une continuité entre le projet

pour soi et le projet d’autrui pour soi. Ainsi, elle met en œuvre une démarche de validation

identitaire, pour faire reconnaitre par les autrui officiels une identité pas assez reconnue. Dans

le partenariat extérieur qu’elle soutient pour le projet de classe externalisée, tout comme dans

le nouveau dispositif de classe-groupe qu’elle impulse pour les élèves les plus jeunes de l’IME,

Sarah envisage aussi le partenariat comme moyen de consécration de son identité. Elle cherche

(peut-être à son insu ?) à réduire les écarts entre l’identité acquise (son statut actuel

d’enseignante spécialisée en unité d’enseignement) et l’identité visée (un enseignement

spécialisé encore plus adapté aux besoins de ses élèves, soit par une scolarisation à l’IME avec

un empan horaire plus large, soit par la mise en place d’un dispositif nouveau externalisé). Ces

deux projets qu’elle initie et qu’elle défend peuvent contribuer, à terme, à mieux faire

79

Interculturation enseignants et éducateurs spécialisés à l’IME

reconnaître, par ses supérieurs hiérarchiques, l’identité professionnelle à laquelle elle aspire

pleinement.

En conclusion…

Enseignante spécialisée depuis huit ans dans l’IME de A., Sarah a suivi une trajectoire

professionnelle en totale cohérence avec sa trajectoire individuelle. Sa socialisation primaire,

qui l’amène très tôt à envisager la carrière enseignante, l’oriente vers une pédagogie

respectueuse des différences et adaptée à chacun. La socialisation secondaire qui en découle

permet à Sarah de faire des choix de formation et de mettre en œuvre un parcours professionnel

où elle oriente assez rapidement sa fonction enseignante au service de publics en situation de

handicap. Exercer en tant qu’enseignante spécialisée, c’est donner vie à une vocation

longuement mûrie. Même si tous les projets qui lui tiennent à cœur n’ont pu voir le jour, elle

semble ne pas avoir tari l’envie de progresser, de continuer à projeter des avenirs professionnels

possibles.

Par ailleurs, Sarah semble naviguer, lors des temps de démarche partenariale, entre

crédibilisation identitaire et validation identitaire : les temps de classe partagé semblent pour

elle être à la fois le moyen d’être légitimée par ses pairs, mais aussi le prétexte à une plus ample