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3.2.1. Influence des facteurs contextuels

Pour qu’une rencontre, voire un métissage entre deux cultures professionnelles de l’éducatif

puissent avoir lieu, il est essentiel que le cadre contextuel et législatif vienne soutenir ces

espaces partenariaux. Or, il convient de constater que la loi de 2005 propose effectivement ce

nouveau tableau à l’intérieur duquel les différentes institutions de l’éducation spéciale sont

invitées à fonctionner dans un « système unifié fondé sur la référence à la scolarisation »

(Benoit, 2012, p.66).

Nouveau tableau par l’évolution des référentiels professionnels : la loi d’orientation du 10

juillet 1989 au départ, puis celle du 11 février 2005 et plus récemment, celle de la refondation

du 8 juillet 2013 situent à tour de rôle et avec force l’élève au centre du système éducatif. La

transmission des savoirs ne semble donc plus être l’unique axe prioritaire et le centre de gravité

des politiques éducatives.

De plus, dans les IME, sont mis en place, depuis 2009, les Unités d’Enseignement

(12)

qui

instaurent une nouvelle organisation des liens entre l’Education Nationale et le secteur médico-

social. En effet, ces unités d’enseignement visent à la réalisation du Projet Personnalisé de

Scolarisation (PPS), qui invite les différents acteurs à coopérer pour mener des actions

cohérentes à l’attention des enfants ou des jeunes. Elles sont gérées par les personnels

(11)Arrêté du 20 juin 2007 relatif au diplôme d'Etat d'éducateur spécialisé.

(12) BO n°17 du 23 avril 2009- Création et organisation des unités d’enseignement dans les établissements et services médico-

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spécialisés de l’Education Nationale exerçant dans les unités d’enseignement. Ces personnels

relèvent du contrôle pédagogique d’inspecteurs de ce ministère, mais ils sont placés sous

l’autorité fonctionnelle du directeur de l’établissement spécialisé. De plus, un coordonnateur

pédagogique (qui peut être le directeur de l’établissement ou un enseignant en poste désigné

par l’Inspection Académique) assure le lien avec les autres cadres de l’établissement en

organisant et animant les actions entreprises par les unités d’enseignement. Enfin, l’équipe des

enseignants écrit un projet pédagogique qui est un élément du projet global d’établissement : là

encore, l’intérêt de l’enfant ou du jeune serait au centre des préoccupations des différents

professionnels qui enseignent ou qui accompagnent.

Du côté des éducateurs spécialisés, il convient de reconnaitre un même changement de

paradigme. L’application de la loi du 11 février 2005 et le changement de référentiel dans la

formation des éducateurs imposent tous deux une mutation fondamentale de la culture des

professionnels du travail social : « La posture professionnelle des éducateurs change, celle de

passeur : il n’est plus celui qui prend en charge, mais celui qui permet le lien » (Amaré et

Martin-Noureux, 2017, p.219). Aussi, cet acteur doit désormais envisager son champ d’action

dans une sphère plus large que celle de son institution de référence, et l’amène à articuler son

activité professionnelle avec des acteurs locaux et périphériques. Cette décentration n’est peut-

être pas sans conséquence sur l’identité professionnelle des éducateurs spécialisés, qui risque

d’être de nouveau fragilisée et en recherche de légitimité.

Aussi, ces deux métiers, en pleine évolution, se voient proposer un cadre d’exercice

institutionnel, national et international, entre Education Nationale et secteur médico-social, où

une coopération d’un nouvel ordre semble se mettre en place. Désormais, les partenariats sont

potentiellement multiples et chacun des protagonistes est invité à penser son activité

professionnelle dans un espace moins délimité et hermétique. Enseignants et éducateurs

spécialisés sont ainsi amenés à penser leur rencontre.

3.2.2. Des lignes de convergence favorables à la rencontre interprofessionnelle

Ce contexte nouveau, invitant éducateurs et enseignants spécialisés à penser leur rencontre,

propose une nouvelle articulation et un nouveau regard posé sur l’enfant ou le jeune en situation

de handicap. En effet, le cadre législatif passe de l’idée que « l’enfant handicapé est éducable

à l’idée que c’est un enfant qui, comme tous les autres, a droit à une scolarisation en milieu

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les acteurs à poursuivre un même objectif : placer l’enfant ou le jeune au coeur du dispositif

éducatif, c’est-à-dire mettre l’élève au centre du système éducatif pour l’enseignant

spécialisé

(13)

, et replacer l’usager au cœur du dispositif en développant ses droits et ses libertés

pour l’éducateur spécialisé

(14)

.

Aussi, pour ces deux professions, l’enjeu éducatif connait une évolution parallèle. Désormais,

il n’est pas dans une simple relation duelle avec l’enfant ou le jeune. Au contraire, les pratiques

professionnelles s’élargissent, dans des partenariats interinstitutionnels ou bien encore dans une

prise en considération amplifiée de la place des parents. Ces derniers sont désormais considérés

comme acteurs incontournables de cette coopération autour de l’enfant, dont l’émancipation est

visée par tous.

Un second élément, favorable au rapprochement et à la collaboration entre enseignant et

éducateur spécialisés, se situe dans « l’attachement de ces acteurs à la liberté du choix de leurs

actions, liberté pédagogique pour les enseignants, liberté de la mise en oeuvre des activités

pour les éducateurs » (Amaré et Noureux-Martin, 2012, p.191). Cette liberté accordée à chacun

des acteurs, dans leur conduite et dans leurs choix professionnels, peut leur permettre d’innover

dans des actions partenariales, de se lancer dans des projets adaptés aux besoins de ces publics,

de détenir un espace commun pour viser, dans des « aventures éducatives », de belles réussites

potentielles.

Un dernier point vient conforter cet argument de convergences culturelles entre enseignant et

éducateur spécialisé : il s’agit du rapport entretenu par chacun de ces protagonistes avec l’acte

de transmettre. Si la frontière entre instruire et éduquer reste floue, s’il est malaisé de déterminer

de façon claire qui fait quoi, on s’accorde en revanche pour penser qu’enseignant et éducateur

spécialisés ont, dans la relation à l’enfant ou au jeune dont ils ont la charge, la volonté de

transmettre. Bien évidemment, l’enseignant spécialisé met en avant son statut d’enseignant, qui,

dans des séances d’apprentissage, transmet des connaissances, du savoir pour développer puis

évaluer les compétences de ses élèves. Mais l’éducateur, pour répondre au projet personnalisé

de l’enfant ou du jeune, a lui aussi des objectifs d’apprentissage, qu’ils soient d’ordre

(13) Loi d'orientation sur l'éducation n°89-486 du 10 juillet 1989

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comportementaux, sociaux, éventuellement aussi, cognitifs. Ainsi, l’éducateur, par la mise en

oeuvre de savoirs d’action, de savoirs expérientiels, est finalement lui aussi dans l’acte de

transmettre et d’évaluer des compétences attendues chez l’enfant ou le jeune qu’il accompagne.