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Un consensus existe sur la titularité des droits dont sont bénéficiaires les migrants. Tous les forums mentionnés s’accordent sur l’importance de souligner le caractère 294 Zeinab Badawi, journaliste à l a BBC, dans FMMD, Cinquième réunion du F orum mondial Sur migration et

développement : cohérence, capacité et coopération. Genève, Suisse. Décembre 2011.p 14.

295 Assemblée général Résolution 60/871 op cit p. 18

universel des droits de l’homme et de réitérer leur engagement vers le respect desdits droits. Or, quelle est la portée desdites affirmations ? La protection des droits des migrants sera-t-elle satisfaite par le biais des mécanismes existants ?

En premier lieu, nous constatons la réitération systématique des mêmes principes. Nous pensons ici par exemple à l’Initiative de Berne, qui invite à mettre en place des mesures telles que la formation des fonctionnaires publics en matière de protection et de respect des droits de l’homme ; à assurer l’accès à la justice des migrants ainsi que la réparation des dommages qu’ils peuvent subir ; à protéger les migrants privés de leur liberté et à soutenir les associations dans leurs efforts pour promouvoir le respect des droits des migrants. L’agenda de l’Initiative souligne certains principes tels que l’égalité et de la non-discrimination, le non-refoulement, la protection des victimes de déplacement forcé et des demandeurs d’asile. S’agissant des mesures conseillées pour encourager l’intégration des migrants, citons l’accès des migrants au droit de vote ainsi qu’à l’éducation, à la santé et à l’emploi. Le Dialogue de haut niveau reprend ces mêmes propos en ajoutant des références plus ciblées aux femmes et aux enfants migrants en tant que groupe spécialement vulnérable nécessitant une protection spéciale. Les invitations à lutter contre la xénophobie, la discrimination, le racisme et l’exclusion sociale, ainsi qu’à ratifier les instruments internationaux existants pour la protection des droits de l’homme sont de même réitérées.

Parmi les instruments ayant le plus contribué à mettre en avant les droits des migrants dans le cadre de la gouvernance globale des migrations, figurent les rapport publiés respectivement par le PNUD en 2009297 et par la Commission mondiale sur la migration internationale en 2005, intitulé « Les migrations dans un monde interconnecté: nouvelles perspectives d’action ».

Le premier document souligne que le fait de nier ou de réduire les garanties issues de la protection des droits de l’homme des migrants ne saurait constituer un moyen pour décourager la migration, bien qu’il s’agisse d’une pratique courante. Il dresse un bilan de l’état des ratifications de la Convention sur la protection des travailleurs migrants et les membres de leurs familles, et conclut qu’en dépit de la faible ratification de la part des

principaux Etats de destination des migrants, ces Etats continuent à être tenus de respecter les droits à portée universelle consacrés dans d’autres instruments internationaux (pactes, traités). Il conclut que le problème du non respect des droits de l’homme des migrants ne réside pas dans l’absence de cadre juridique, mais plutôt dans sa faible mise en œuvre. Par ailleurs, il présente une analyse complète sur les situations auxquelles doivent faire face les migrants, tant pour les migrations internationales que pour celles ayant lieu à l’intérieur des frontières des Etats. Le document contient des apports significatifs concernant la titularité et la portée des droits des migrants tels que leur droit à la liberté de circulation, à la non discrimination et leurs droits sociaux entre autres. Ces éléments seront présentés dans la troisième partie de cette recherche.

Le second document traite de sujets sensibles tels que la discrimination des migrants, leur intégration, la protection des femmes et des enfants migrants . Les Etats y sont invités à adopter des mesures pour favoriser un environnement de tolérance et lutter contre les discriminations faites aux migrants : il s’agit notamment de promouvoir leur intégration dans la société d’accueil, de limiter la diffusion de messages stigmatisant, notamment par les médias.

Les deux derniers chapitres du rapport traitent du sujet des droits des migrants et de la coopération entre les Etats. Il convient de mentionner que la Commission est consciente du manque de volonté politique des Etats en ce qui concerne leurs obligations en matière de droits de l’homme des migrants. Elle les invite donc à respecter ces droits tout en s’abstenant de les inviter à ratifier la Convention sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et de leurs familles. Elle propose une approche alternatif se limitant à inviter les Etats à acco mplir leurs obligations en matière de droits de l’homme déjà contenues dans d’autres dispositions internationales.

Les constats de la Commission face à l a situation des migrants dans les pays de transit et de destination sont plutôt mitigés. Elle dénonce les pratiques discriminatoires et d’exploitation de la part des gardes frontières et invite les Etats à

«adopter et appliquer une législation qui protège spécifiquement les migrants contre les comportements discriminatoires et leur donne accès à des voies de droit efficaces lorsque des violations se produisent ».

Ces voies de droit passent notamment par la dénonciation desdits comportements et par l’accès effectif aux autorités. D’autres mesures, telles que la formation des agents gouvernementaux en matière de droits des migrants ou la diffusion de ces droits auprès des migrants à leur arrivée, sont proposées. La situation particulière des femmes qui travaillent comme employées de maison ainsi que celle des enfants migrants est également abordée.

En ce qui concerne les droits des travailleurs migrants, l’OIT recommande aux Etats de déceler les pratiques abusives dont sont victimes les travailleurs migrants en tenant compte de leur vulnérabilité particulière et des dangers auxquels ils sont confrontés. Une référence spécifique est faite à la situation des travailleurs domestiques dont la vulnérabilité est renforcée compte tenu des relations de dépendance tissés avec leurs employeurs. Parmi les moyens permettant de remédier à ces situations, l’organisation préconise de garantir un droit effectif à porter plainte et à obtenir une indemnisation lors que les migrants se trouvent dans une situation d’abus ou de violation de leurs droits ; elle recommande également de les accompagner dans leur recherche d’emploi afin qu’ils ne tombent pas dans les pièges des trafiquants ou qu’ils ne finissent par accepter des travaux qui ne correspondent pas à leur niveau de qualification.

Par ailleurs, le FMMD a servi de forum pour la discussion de la portée des droits des migrants. Ainsi, des débats sur la titularité des droits des migrants, leur condition particulière de vulnérabilité, l’obligation des Etats de respecter les migrants indépendamment de leur situation administrative, ont été proposés en premier lieu par la société civile, puis ont été inclus dans les débats centraux sous l’angle des droits des travailleurs migrants. L’approche fondée sur la protection des droits des migrants est fondée sur l’idée que si les droits de l’homme des migrants sont respectés, ces derniers pourront mieux contribuer au développement de leur pays d’origine. En 2008, dans le cadre du Forum, le Secrétaire général des Nations unies, M. Ban Ki-Moon, a rappelé que pour que les migrants puissent contribuer au développement ils doivent être traités « avec la dignité et le respect dus à tout être humain », car « l’exploitation est l’antithèse du

développement »298. La même année la Présidente des Philippines Mme Gloria Macapagal- Arroyo a rappelé que le concept de « développement humain »299 allait de paire avec le développement économique et a invité les Etats à ratifier la Convention de 1990 s ur la Protection des droits de tous les travailleurs migrants. Nous trouvons également dans le Forum des invitations à adopter des lois de lutte contre la discrimination des migrants ainsi que des incitations à tenir compte de la question du genre dans les politiques publiques migratoires300. Le manque d’application des traités internationaux pour ce qui est des migrants internationaux fut en outre spécialement dénoncé en 2007 et 2008. À ces occasions, les membres du Forum ont discuté des mesures à adopter pour rendre effective l’application des instruments des Nations unies et des conventions de l’OIT concernant le traitement des migrants. Outre l’augmentation des taux de ratification des instruments en question, ses membres ont conclu qu’une volonté politique était nécessaire pour traduire la notion de « responsabilité partagée » 301 dans des politiques et programmes concrets de

protection des droits des migrants ». La question de la discrimination des migrants a également été abordée lors du Forum. Toutefois, elle est perçue comme une tendance de la société en général et notamment des employeurs, sans référence aux politiques publiques dont l’application peut parfois entrainer des traitements discriminatoires (Situation qui n’a été traitée qu’en 2012). En 2009, la double discrimination des femmes est définie comme celle subie à la fois du fait de la condition de migrante et de la condition de femme. L’accès à la titularité des droits sociaux et du droit à la participation politique est quant à lui envisagé, mais exclusivement pour les migrants en situation régulière. En 2010, de s représentants étatiques ont manifesté leur réticence à a ccorder des droits sociaux aux migrants car ils jugent que les migrants abusent et surchargent les systèmes nationaux de protection sociale. Pour répondre à ce préjugé, d’autres représentants ont affirmé que les

298 FMMD, Protéger et renforcer la capacité des migrants pour le développement, Deuxième réunion du FMMD,

Manille 27-30 octobre 2008.p.5

299 Développement humain compris comme celui qui invite à tenir compte des conditions de vie des personnes

(en termes de santé, d’emploi, d’éducation) ainsi que celles de leurs familles comme éléments fondamentaux pour le développement.

300 FMMD. Rapport de la première réunion du Forum mondial sur les migrations et le développement. Belgique du 9 au

11 juillet 2007. Bruylant Bruxelles 2008. P. 20.

301 La responsabilité partagée est comprise, à cette occasion, comme celle qui est répartie entre les gouvernements des

pays d'origine et d'accueil mais aussi des acteurs de la société civile et du secteur privé. En 2010, le concept est repris pour mentionner que « La promotion et la protection des droits de toutes les personnes indépendamment de leur statut migratoire ou autre, est une responsabilité partagée par tous les gouvernements ». Finalement, il a été mentionné que : « La responsabilité pour la protection des droits des migrants repose en premier lieu sur les Etats de destination qui sont responsables de la protection de toute personne sur leur sol ainsi que sur les pays d’origine qui doivent s’intéresser au bien-être de leurs ressortissants à l’étranger ». Sur ce dernier aspect, des mesures pour augmenter les services offerts par les consulats sont proposés. FMMD, cinquième réunion du Forum mondial sur les migrations et le développement :

prestations sociales en question «sont un élément essentiel de la sauvegarde des droits de l’homme des migrants, qui ne devrait pas être lié à des conditions économiques»302.

L’OIM a à son tour abordé le sujet des droits des migrants, notamment en 2009 lorsque le Dialogue international sur les migrations a eu pour thème central « droits de l’homme et migration: effort conjoint en faveur d’une migration protégée, digne et sûre ». À cette occasion, les aspects classiques de la protection des migrants ont été abordés, les Etats ont été invités à respecter les droits des migrants, à coopérer dans la lutte contre le trafic et la traite ainsi que dans la protection des migrants dans un s chéma de responsabilité partagée303.

Pour finir, l’Agenda tracé lors de l’Initiative de Berne, souligne que

«Le respect et la protection des droits de l’homme et de la dignité des migrants sont au cœur d’une gestion efficace des migrations (…) Une politique migratoire fondée sur le respect des droits de l’homme, la démocratie et le règne du droit contribuera au respect, à la tolérance et à

l’estime de la société pour les migrants ».304

Une mention est faite aux conditions de vulnérabilité dans lesquelles vivent les migrants irréguliers. À cet égard, le document invite à prévenir les tendances racistes et xénophobes.

En deuxième lieu, nous trouvons une référence à la titularité des droits des migrants en situation irrégulière. Dans certains cas, les droits fondamentaux des migrants sont mentionnés comme étant tributaires de la situation administrative de ces derniers. Ainsi, le Programme d’action du Caire divise l’étude des droits des migrants en deux

302 FMMD, Quatrième réunion du Forum mondial sur les migrations et le développement : Partenariats pour la

migration et le développement humain: prospérité partagée - responsabilité partagée. Puerto Vallarta Mexique 8-11

novembre 2010. à la même occasion, une liste d’éléments qui devraient inclure la réponse institutionnelle à la migration irrégulière a été dressée: « 1. Prévention (informer les personnes des risques encourus lors d’une migration irrégulière); 2.Protection (les personnes nécessitant une protection humanitaire devraient la recevoir dans le pays d’accueil et tout au long de leur trajet) ;3. Intégration et réintégration; et 4. Poursuites judiciaires (des criminels qui exploitent la situation vulnérable des migrants) ».

303 OIM Dialogue international sur la migration N 16: Droits de l’homme et migrations: œuvrer de concert à

des migrations sûres, dignes et sans risque. OIM 2010.

304 Office fédéral des migrations ODM, OIM, Agenda international pour la gestion des migrations: perceptions

communes et pratiques efficaces s’inscrivant dans une approche d’ensemble planifiée et équilibrée de la gestion des migrations.Op. cit. 120.

parties : une partie consacrée aux migrants en situation régulière et une seconde partie aux migrants en situation irrégulière. Dans la partie consacrée aux migrants en situation régulière, le programme suggère de leur accorder les mêmes droits sociaux et économiques qu’aux citoyens, et plus précisément s’agissant « des droits de l’homme fondamentaux, de favoriser l’égalité des chances et de traitement pour le culte, les conditions de travail, le droit à la sécurité sociale, l’adhésion à un syndicat, l’accès aux services de santé, l’éducation, l’accès aux services culturels et autres services sociaux, ainsi que pour l’accès aux tribunaux et l’égalité de traitement devant la loi ». Le regroupement familial, la protection de ces migrants et de leurs familles contre le racisme, la xénophobie et l’ethnocentrisme et l’importance de protéger leur « intégrité physique, leur dignité, leurs croyances religieuses et leurs valeurs culturelles » sont signalés comme des facteurs importants. En ce qui concerne la partie dédiée aux migrants en situation irrégulière, celle-ci contraste avec la précédente. En effet, le programme commence par rappeler le principe de souveraineté étatique et le pouvoir des Etats de décider de l’entrée et des conditions de résidence des migrants sur leur territoire, en soulignant que ce pouvoir doit s’exercer sans recourir à des mesures racistes ou xénophobes. Le document envisage la réduction des migrations irrégulières et des moyens de lutter contre l’exploitation des migrants. De même, il encourage le respect de leurs droits fondamentaux, et condamne le racisme, la xénophobie, l’ethnocentrisme, et le trafic de migrants. Dans les mesures à prendre, des moyens de coopération entre les pays d’origine et de destination sont énoncés dans le but de réduire les causes des migrations, de décourager les mouvements migratoires irréguliers, de sanctionner les trafiquants, de réadmettre les demandeurs d’asile refoulés et de conclure des accords de réadmission. Pour les migrants en situation irrégulière la question de l’accès au territoire et du respect de leurs droits fondamentaux n’est pas mentionnée, et la distinction est opérée en raison du besoin de contrôler les migrations irrégulières.

À l’inverse, la Commission de la Population et du développement, bien que chargée du suivi du Programme d’action du Caire, encourage les Etats à s’investir dans la protection et dans la défense des droits de tous les migrants, indépendamment de leur statut migratoire.

D’autres Forums ont servi pour critiquer les mesures prises à l’encontre des migrants en situation irrégulière et qui nuisent à la jouissance de leurs droits. Dans ce sens, le PNUD a indiqué dans son Rapport de 2009 que les Etats ont tendance à considérer les travailleurs en situation irrégulière ainsi que les travailleurs temporaires comme « l’eau d’un robinet qu’ils peuvent ouvrir et fermer selon leur bon vouloir »305. Le PNUD estime

qu’il existe actuellement dans le monde plus de 50 millions de travailleurs en situation irrégulière rencontrant des difficultés pour accéder aux services locaux. Des améliorations sont proposées dans le traitement de ces migrants de même que dans leurs conditions d’admission. À ce sujet, des experts considèrent que le développement humain a beaucoup à gagner de ces propositions et considèrent que dans ces deux aspects (le traitement des migrants et leurs conditions d’admission), il reste beaucoup à faire. Il s’agit des mesures pour éviter leur exploitation au travail, leur ségrégation sociale et pour éviter que les candidats à l a migration deviennent la proie des réseaux de trafic et de traite. Ces recommandations s’adressent aux gouvernements des pays d’accueil mais également aux employeurs, aux syndicats, aux ONG et aux migrants eux-mêmes.

La Commission mondiale sur la migration internationale établit quant à elle dans son rapport de 2005 que les Etats devraient laisser de côté les considérations qui manquent d’objectivité pour faire une étude objective sur «les causes et les conséquences de la migration irrégulière et les moyens d’y répondre de la manière la plus efficace». Les pratiques en matière de contrôle frontalier et de récolte des données sont qualifiées comme comportant des risques de discrimination, d’atteinte à la vie privée et aux libertés civiles. Ainsi, les Etats sont invités à respecter leurs obligations en matière de droits de l’homme et à combiner les mesures de contrôle avec d’autres types de mesures comme par exemple l’organisation de campagnes d’information. La coopération est mentionnée comme étant nécessaire pour faire face à la migration irrégulière. L’accent est aussi mis sur les besoins pour les Etats de faciliter les conditions de vie, le travail et le bien-être pour que les migrants ne se voient pas obligés de quitter leurs pays d’origine. S’agissant des conditions précaires de travail des migrants en situation irrégulière, les cas dans lesquels les employeurs profitent de ces travailleurs pour réduire leurs coûts de production en payant des salaires trop bas sont mentionnés. La Commission préconise qu’en cas d’expulsion des migrants en

situation irrégulière, celle-ci doit faire l’objet d’une procédure judiciaire, conformément au droit de toute personne à une procédure équitable et accompagné de toutes les garanties légales (droits de la défense, droit de se faire assister par un traducteur). Le renvoi doit s’effectuer vers une destination où la vie ou la liberté des migrants ne sera pas en danger. Quant à l a réadmission, hypothèse impliquant la collaboration des pays d’origine ou de transit des migrants dans les procédures d’expulsion de ces derniers, elle est mentionnée comme un principe reconnu. Les Etats sont invités à coopérer dans ce sens, avec l’expédition des documents de voyage et la réadmission des migrants expulsés. Enfin, les aides au retour octroyées par les Etats de destination pour inciter les migrants à retourner vers leur pays d’origine sont mentionnés comme étant parfois liées aux aides accordées aux pays en voie de développement.

Dans ce même sens, dans le cadre du FMMD, la société civile a invité les Etats à éviter de conditionner les droits fondamentaux des migrants à leur statut migratoire (régulier ou