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Critiques des politiques des pays de destination et invitations au dialogue

Face au besoin de répondre aux politiques de plus en plus restrictives et sélectives des pays de réception des migrants, les organisations régionales ont manifesté leur mécontentement et ont invité ces pays à s’engager dans des dialogues conjoints. En premier lieu, il s ’agit de manifestations qui dénoncent le caractère restrictif des politiques migratoires des pays de destination en général ou d’un groupe de pays en particulier. Par exemple, dans la communauté andine, dans une perspective de protection des citoyens andins à l’étranger, le Secrétariat Général de la Communauté andine a élaboré une «Proposition sur les principes de la Politique Externe Commune andine sur les Migrations»392. Cette proposition inclut un projet de Décision pour le Conseil des Ministres393 qui dénonce «l’apparition quotidienne de cas de violation des

droits fondamentaux des migrants non qualifiés » et souligne le besoin de «désigner à moyen terme des politiques de coopération migratoire avec des tiers pays au profit des migrants de la Communauté andine »394. Hélas, à ce jour, le Conseil des Ministres n’a pas encore adopté ladite Déclaration.

Par ailleurs, dans le cadre du XVIIème Conseil Présidentiel à Tarija (Bolivie)395, les Etats membres de la CAN concernés par les politiques restrictives des principaux pays de destination ont noté que «les barrières restrictives fondées sur une approche unilatérale encouragent les migrations irrégulières»396, ce qui les rendent

incohérentes. Par la même occasion, les Etats ont été invités à ratifier la Convention Internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille.

392 Présentée à Lima en Août 2006.

393 Le Conseil des Ministres des Affaires étrangères des pays andins est l’organe communautaire chargé

d’adopter des décisions avec force obligatoire et application directe dans le droit interne des pays membres.

394 MENDOZA Fantinato Guido. Avances en la formulación de un Plan Andino de desarrollo humano para las

migraciones. biblioteca digital andina. 2010. disponible en: http://www.comunidadandina.org/bda/docs/CAN- INT-0045.pdf

395 XVII Consejo presidencial Tarija (Bolivia) 12 - 14 junio 2007

396 XVII Reunión ordinaria del Consejo Presidéncial andino. Déclaración de Tarija. Junio de 2007.

La Conférence sud-américaine des migrations s’est aussi caractérisée pour avoir critiqué les politiques migratoires des principaux pays de destination. Ainsi, en 2007, la Conférence dans son ensemble a exprimé son désaccord avec « les politiques économiques qui permettent la précarisation des conditions de travail, l’exploitation des travailleurs migrants et la méconnaissance de leurs droits sociaux et du travail ». Elle a dans ce sens invité les Etats à «promouvoir et développer des politiques publiques tendant à en courager le travail digne et décent pour les migrants et leur familles afin de faciliter leur intégration dans la société de destination »397. Cette

même année la Déclaration de Caracas (Venezuela) a i nvité la communauté internationale dans son ensemble à «assumer la réciprocité historique et la responsabilité conjointe sur les migrations dans le cadre de l’universalité des droits de l’homme comme principe fondamental des relations entre pays d’origine, de transit et de destination». Les pays de destination sont ainsi invités à «accorder un traitement juste et humanitaire aux migrants dans le cadre de l’inclusion sociale et du respect des droits de l’homme»398. En 2008, la Conférence s’est montrée particulièrement

critique vis-à-vis des mesures adoptées par les pays de destination des migrants et a déclaré que compte tenu de la « nature multidimensionnelle » des migrations, les mesures restrictives prises par les pays de destination ne constituaient pas « une solution réaliste à la migration irrégulière ». L’année suivante, les Etats ont fait spécialement référence à la politique migratoire italienne qui «criminalise la migration irrégulière et fait un lien entre migration irrégulière et sécurité publique», ainsi que celle de la France qui exige un « double visa pour certains pays d’Amérique du sud » (en faisant référence au visa de transit aéroportuaire)399. A cette occasion, les Etats ont déclaré que :

« la recrudescence des politiques migratoires actuelles des pays de transit et de destination, non seulement porte atteinte aux droits fondamentaux des migrants, mais également stimule des formes de migration irrégulière, la traite des personnes et le trafic illicite des migrants »400.

397 Déclaration de Caracas, approuvée lors de la VIIème Conférence Sud-Américaine sur les migrations,

Caracas juillet 1 au 3 de 2007.

398 Déclaration de Caracas op cit.

399 Déclaration de Quito, IX Conférence sud-américaine sur les migrations, 21 et 22 septembre 2009. 400 Idem

Par la même occasion certaines politiques américaines ont été pointées du doigt par la Conférence car elles ont « qualifié de délit la migration irrégulière, ainsi que le fait de transporter ou de fournir un emploi aux immigrants en situation administrative irrégulière»401.

Finalement, en 2012, la Déclaration de Santiago (Chili) a évoqué le «malaise» des Etats membres envers le Forum Global sur les migrations et le développement (FGMD) en raison de l’absence de références faites aux apports de la Conférence et de ses membres dans les Actes du Forum. Ceux-ci estiment que le débat mondial doit être «reconduit au niveau des Nations unies, espace adéquat pour tenir un débat politique qui permettrait d’aboutir à la concrétisation d’une Convention Internationale»402.

En deuxième lieu, l’adoption de la directive retour403 par l’Union européenne a

motivé toute sorte de manifestations de la part des mécanismes régionaux. Ainsi, le conseil andin des Défenseurs de la République404 s’est prononcé dans un communiqué

daté du 14 juillet 2008 dans lequel il a exprimé sa

«profonde inquiétude à propos de l’adoption de la Directive retour de l’Union européenne car elle constitue une politique migratoire restrictive

et punitive qui va à l’encontre des droits humains des migrants»405.

De la même manière, dans le cadre de l’OEA, le Conseil Permanent et la Commission d’affaires juridique se sont prononcés 406 afin d’exprimer leur inquiétude quant au respect

401 Vers la citoyenneté sud-américaine, XIème Conférence sud-américaine des Migrations, Brasilia. 19 au 21

aout 2011.

402 Déclaration de Santiago, XIIème Conférence Sud américaine des Migrations, 4,5 et 6 novembre 2012. 403 La directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2008 dite “directive retour”

prévoit la possibilité de retenir les migrants pendant une période maximale de 18 mois, ainsi qu’une interdiction du territoire de 5 ans après l’expulsion, en outre elle n’interdit pas l’expulsion des mineurs

404 Crée en Septembre 1998 ce Comité a pour mission de promouvoir la coopération intra régionale dans le

domaine des droits de l’homme.

405 Consejo Andino de Defensores del Pueblo. Communiqué du 14 de juillet de 2008.

Disponible à: http://200.44.98.254/detalle.asp?sec=201506&id=1004&plantilla=1. Consulté le 1 février 2011. La Directive Retour de l’Union européenne a aussi provoqué la formation d’une Mission de haut niveau des Etats de l’OEA chargée de chercher des espaces de discussion avec des responsables de l’Union européenne à propos des implications de ladite directive sur les droits des migrants américains (Résolution CP/RES.938 du Conseil Permanent de l’ Organisation des Etats Américains (OEA)).

406 Les résolutions CJI/RES. 150 (LXXIII-O/08) “Opinion du comité juridique interaméricain sur la directive

du retour approuvée par le Parlement de l’Union européenne” et la Résolution du Conseil Permanent CP/Res. 938 (1654/08) “Action permanente de l’OEA sur la Directive du Retour de l’Union européenne en Matière Migratoire”;

des droits de l’homme des migrants dans le cadre de l’application de ladite directive, notamment s’agissant des droits à une procédure équitable, aux conditions de rétention et à la situation particulière des enfants et des adolescents. La commission juridique a estimé que :

«L’établissement d’un régime juridique à caractère spécial par un groupe de pays dans un espace géographique déterminé ne peut pas contenir de normes qui ne soient pas en harmonie avec les principes généraux du droit international auxquels sont soumises tous les organisations

internationales y compris les modèles communautaires»407.

Le Conseil permanent de l’OEA a rappelé quant à lui l’histoire des migrations en provenance d’Europe vers le continent américain, et a manifesté son inquiétude quant aux droits de l’homme des migrants. En conséquence il a d emandé au Secrétaire général de l’OEA d’accompagner et de former une

«mission de haut niveau des États membres de l’OEA auprès de l’Union européenne pour se renseigner directement et discuter des implications de la Directive retour ainsi que pour rechercher, par le dialogue, des solutions pratiques aux préoccupations exprimées par certains Etats

membres au sujet de cette Directive»408.

Les Etats de l’Unasur se sont également prononcés à cette occasion et ont rappelé dans un communiqué daté du 12 février 2009 le principe d’universalité des droits de l’homme409. Ils ont manifesté leur inquiétude s’agissant de la vulnérabilité des migrants irréguliers en provenance de la région et ont invité les Etats européens à

407 Comité Juridique interaméricain, CJI/RES. 150 (LXXIII-O/08) Rio de Janeiro, Brésil, 8 aout 2008. 408 Conseil Permanent Organisation des Etats Américains, CP/RES. 938 (1654/08) du 26 juin 2008. Aucune

données n’a été identifiée concernant les résultats de la dite Mission de haut hiveau.

409 Le principe d’Universalité des droits de l’homme a ét é rappelé par l’Unasur á p lusieurs reprises, par

«Considérer les principes contenus dans divers mécanismes internationaux, ainsi que dans des résolutions et d’autres instruments

adoptés dans le domaines des droits de l’homme et des migrants »410.

Par ailleurs, les invitations au dialogue sont également courantes, soit entre membres de l’organisation soit entre pays d’origine et de destination.

Par exemple, lors de la Conférence sud-américaine des migrants, les Etats ont invité les pays d’origine, de transit et de destination des migrants à entamer un « dialogue constructif qui incorpore l’analyse des causes profondes des migrations provoquées par les asymétries et les iniquités existantes dans les relations économiques internationales »411412.

Concernant les relations avec l’Union européenne, la Conférence sud-américaine de 2011 a conseillé l’adoption d’un « agenda commun » qui tienne compte notamment des aspects tels que «la réunification familiale ou le regroupement familial, la non- admission, la résidence régulière, l’accès à l’éducation, la sécurité sociale et la citoyenneté des migrants de l’Amérique latine et des Caraïbes »413. La Conférence

invite l’Union européenne à dialoguer, conformément à ce qui avait été prévu dans le cadre des relations entre cette dernière et l’Amérique latine et les caraïbes.414

Cependant elle précise que ceci devra se faire :

« sur la base d’une agenda amplifié qui n’inclue pas seulement des politiques migratoires restrictives, tel qu’elles sont envisagées dans le

410 Communiqué de l’Unasur. Disponible à:

http://unasursg.org/index.php?option=com_content&view=article&id=454:unasur-frente-a-la-propuesta-de- directiva-de-la-union-europea-para-sancionar-a-empleadores-de-inmigrantes-

irregulares&catid=68:comunicados. Consulté le 26 février 2012.

411 Dans le même sens, la Déclaration de Santiago, approuvée lors de la deuxième Conférence Sud-Américaine

des Migrations à Santiago de Chili, 2001, a prôné le besoin de « coordination régionale, afin de promouvoir la coopération inter-régionale avec l’union européenne pour établir des normes et des procédures qui aboutissent à la régulation des flux migratoires, en tenant compte des liens historiques et culturels existants entre les deux régions».

412 Déclaration de Montevideo sur les migrations, le développement et les droits de l’homme des personnes

migrantes, approuvée lors de la VIIIème Conférence Sud-Américaine sur les migrations, Montevideo, 17 -19 Septembre 2008.

413 Vers une citoyenneté sud -américaine op cit.

414 Déclaration de Lima ALC-UE du 16 mai 2008.Nous ferons référence aux dialogues UE- ALC dans le

Pacte européen sur migration et asile, mais aussi des politiques et des actions de coopération internationale »415.

Dans le cadre de la CAN, cette même invitation a é té adressée en 2012 à Quito416, lorsque les Etats membres ont discuté du besoin d’un dialogue conjoint entre les pays de destination et ceux d’origine en soulignant le besoin de régulariser la situation des migrants en situation irrégulière et d’assurer le respect des droits de l’homme des migrants andins.

Les sommets des Amériques de l’OEA ont à leur tour, fait référence au besoin d’un dialogue constructif pour

« Promouvoir la reconnaissance pleine des droits des travailleurs migrants, réduire leur vulnérabilité dans le travail, procurer l’accomplissement effectif du principe d’égalité et la non- discrimination (…) et garantir ainsi que la migration soit un pr ocessus ordonné au bénéfice de toutes les parties qui stimulent la productivité globale »417.

La Communauté des Etats Latino-américains et Caribéens (CELAC) a souligné quant à elle le besoin de nouer un dialogue avec d’autres régions telles que l’Union européenne et les Etats-Unis dans le but de chercher des « solutions tendant à régulariser la situation migratoire des citoyens qui s’y trouvent et d’appuyer des initiatives pour encourager le travail dans les pays d’origine afin d’éviter la migration irrégulière»418.

Finalement, les invitations au dialogue et à la coopération ne s’adressent pas exclusivement aux Etats de destination. L’entraide entre les Etats sud-américains est encouragée par la Conférence sud-américaine des migrations qui a co nsacré la volonté des Etats membres de promouvoir, défendre et protéger les droits des

415 Déclaration de Montevideo op cit.

416 Troisième Forum Andin des migrations, Quito Equateur 2012.

417 Quatrième sommet des Amériques, Plan d’action, Mar del Plata, 5 novembre 2005.

418 XVI Sommet, San José. Référencié dans FLACSO. Fundación Carolina. Cuadernos de integración en

migrants par le biais d’un travail conjoint avec la société civile, la prise d’initiatives pour assurer l’intégration des migrants et la promotion d’« actions conjointes et de coordination des politiques consulaires afin d’améliorer l’assistance des migrants sud-américains qui se trouvent en dehors du territoire communautaire »419.