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L’obligation de reconnaître et de respecter les droits des migrants

En premier lieu, la plupart des forums de discussion, des rapports, études, et bilans

dédiés à la gestion migratoire suggèrent que les migrants, en tant que personnes sont titulaires des droits de l’homme. Cependant, cette proclamation est dépourvue des moyens nécessaires pour rendre effectifs lesdits droits.

Ainsi, le Programme d’action du Caire énonce dans son principe 12 le devoir pour les pays de garantir « à tous les migrants la jouissance de tous les droits fondamentaux de la personne humaine énoncés dans la Déclaration universelle des droits de l’homme ». Néanmoins, lorsqu’il s’agit d’exposer la teneur de ces droits, il autorise des limitations en fonction du statut juridique des migrants.

L’Assemblée générale des Nations unies, bien qu’ayant réparti l’étude de la question migratoire entre deux commissions distinctes, a inclus des références aux droits des migrants parmi ses réflexions sur les migrations et le développement. Ainsi, en 2001, elle a souligné la nécessité d’accroître les efforts « pour garantir le respect et la protection des droits de l’homme et de la dignité de tous les migrants et de leur famille». Toutefois, à cet te occasion, elle a co nsidéré que l’amélioration de la situation était seulement souhaitable pour les migrants et familles en situation régulière287. Pour expliquer les raisons qui motivent ses références aux droits des

migrants dans un forum de discussion dédié au développement, l’Assemblée considère que la garantie des droits de l’homme des migrants est nécessaire pour que les flux migratoires constituent un facteur de développement économique288 et que

l’intégration des migrants puisse se faire car:

« Lorsque les migrants ont des droits en matière d’accès aux services sociaux et que leurs droits en tant que travailleurs sont protégés, leur intégration se fait généralement plus aisément. Les migrants s’en sortent

287 Assemblée générale, Résolution 56/203 op cit p. 3. 288 Assemblée générale, Résolution 60/871 op cit p.16.

mieux dans un milieu social et politique favorable, qui leur permet de

s’adapter à leur propre rythme»289.

Les rapports du Secrétaire général de l’ONU reconnaissent que certains pays vont à l’encontre des conditions de séjour et de travail édictées par les normes internationales en matière de droits de l’homme et, de ce fait, exposent les migrants à la marginalisation et à des abus290. Toutefois, aucune proposition concrète n’est faite

pour faire cesser cette situation.

De même, lors du Dialogue de haut niveau, les liens entre développement et respect des droits des migrants ont étés soulignés. Les Etats ont de plus été invités à respecter les principaux traités en matière de droits de l’homme, à l’instar des mentions faites dans le cadre de l’Initiative de Berne. Toutefois, aucune mention n’a été faite à la Convention sur la protection des droits des travailleurs migrants et les membres de leurs familles.

Au vu de ces références, la protection des droits de l’homme ne résiderait non pas dans leur importance intrinsèque, mais dans l’avantage que pourrait en tirer les Etats. Par ailleurs, le Groupe mondial sur la migration internationale a adopté en 2010 une déclaration invitant les Etats à mettre en œuvre la protection des droits de l’homme de tous les migrants, notamment de ceux qui se trouvent en situation irrégulière. Pour le vingtième anniversaire de la Convention sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et de leurs familles, le Groupe a en outre invité les Etats à aux Etats n’ayant toujours pas ratifié ledit instrument de le faire.

L’OIT à quant à elle rappelé à plusieurs reprises que les migrants doivent bénéficier du contenu des conventions de l’OIT ainsi que d’autres instruments internationaux de protection des droits de l’homme, indépendamment de leur statut administratif. Son engagement en faveur de la protection des droits des travailleurs migrants, sujet qui sera abordé dans la troisième partie de cette étude, est basé sur le mandat de l’OIT d‘œuvrer en faveur des personnes les plus vulnérables. Ainsi, à la différence des

autres autorités mentionnées, son intérêt ne réside pas dans l’impact que cette protection pourrait avoir sur le développement. C’est dans cette perspective que l’organisation a énormément contribué à donner un visage humain aux discussions que sur la gestion migratoire ont lieu dans des Forums internationaux. Par exemple, lors du deuxième Forum mondial sur les migrations et le développement, l’organisation a soumis un document sur la protection des droits des travailleurs migrants partant du principe de la responsabilité partagée. Selon ce principe, la gestion migratoire doit faire l’objet d’une concertation entre pays d’origine, de transit et de destination, afin de renforcer les liens existants entre protection des droits des migrants et développement, et de s’attaquer à la protection de ces droits dans lesdits pays291.

Le Forum mondial sur les migrations et le développement a également abordé le sujet, notamment à partir des invitations de la société civile et des « amis du Forum ». Le besoin de protéger les migrants a été souligné à maintes reprises ainsi que celui d’envisager de nouvelles voies légales pour la migration. En outre, le besoin de mener des politiques cohérentes avec le respect des droits des personnes est souligné. Sur ce point, lors du Forum de 2010, la société civile a demandé aux gouvernements de « retirer la migration du programme de sécurité nationale pour l’inscrire dans le cadre du développement humain »292.En 2012, des récits de parcours migratoires ont été présentées afin de sensibiliser l’audience sur la dimension humaine des migrations. De même, en 2011, un journaliste de la BBC293 a été invité à prononcer un discours sur cette dimension humaine

des migrations. Il a invité les Etats a :

« penser qu’il y a de vraies personnes derrière les statistiques et les gros titres, et à débattre de façon franche sur les questions liées à la criminalisation des migrants et leur exclusion sociale »294.

290 Ibid p. 79.

291 OIT, Protéger les droits des travailleurs migrants: une responsabilité partagée. OIT 2010.

292 FMMD, Quatrième Réunion duForum mondial surles migrations et le développement : Partenariats pour la

migration et le développement humain: prospérité partagée - responsabilité partagée. Puerto Vallarta Mexique 8-11

novembre 2010. P 13.

En deuxième lieu, certains font un lien entre respect des droits de l’homme des migrants et exercice de la souveraineté étatique. Ce lien, obligation de respect des droits/ exercice de la souveraineté, correspond aux craintes des Etats de voir leur pouvoir de déterminer qui entre et qui sort de leurs frontières réduit, dans les cas où ils soient obligés à respecter les droits des migrants en situation irrégulière.

Ainsi, l’Assemblée générale de l’ONU fait systématiquement référence au droit souverain des Etats qui leur accorde le pouvoir de décider si une personne est en droit d’entrer et de résider sur leur territoire, droit qui doit s’exercer:

« […] dans le respect des obligations conventionnelles et de celles qui découlent du droit international coutumier (….) Les États ont l’obligation de protéger les droits fondamentaux de toute personne qui se trouve sur leur territoire, ils doivent prendre les mesures voulues pour protéger les migrants contre toute forme de violation de ces droits et d’abus à leur encontre. Ils doivent aussi lutter contre toutes les formes de

discrimination, de xénophobie, d’ethnocentrisme et de racisme »295.

Par ailleurs, la Commission mondiale sur la migration internationale a établi que :

« Les Etats ont le droit de définir leurs propres politiques relatives à la situation des migrants dans la société, mais ils doivent s’assurer que ces politiques respectent les principes internationaux des droits humains qui ont été acceptés par la plupart des Etats »296.