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Initiatives dans le cadre des processus d’intégration régionale

Les processus d’intégration régionale visent à établir un cadre normatif commun afin de régler des sujets considérés comme d’intérêt conjoint pour leurs membres. Ces structures fonctionnent à travers la cession d’une partie de la souveraineté des Etats membres, au profit d’une autorité communautaire supranationale dotée du pouvoir suffisant pour imposer ses décisions aux Etats membres323.

Concernant les mesures sur l’entrée et la sortie des étrangers du territoire d’un Etat, le groupe d’experts sur les migrations internationales et le développement en Amérique latine et aux Caraïbes des Nations unies a souligné que

« La capacité des Etats (pour décider de façon autonome de l’entrée et de la sortie de leurs territoires) est limitée par plusieurs facteurs, y compris

par leur modèle de développement économique »324.

Ainsi, lorsque les Etats ont opté pour un modèle économique dans le cadre d’une structure d’intégration ils se sont vus contraints de se concerter, non seulement sur le cadre de l’intégration économique mais aussi sur les cadres de mobilité humaine, afin de rendre possible la construction des marchés communs. Ainsi, les mécanismes d’intégration existants dans le cadre du sous-continent ont inclus le sujet migratoire à leurs agendas. Tel a ét é le cas de la Communauté andine des Nations (CAN), le Groupe de Rio (récemment transformé en CELAC) et l’Alliance du Pacifique et le Mercosur. Dans le cadre de notre étude, nous allons analyser l’émergence des initiatives de gouvernance migratoire dans le cadre des structures signalées avec l’exception du Mercosur, organisme auquel la Colombie n’appartient pas. Nous

323 Diez de Velazco (Manuel), Les organisations Internationales. Collections de Droit International 2002. 324 ONU Secretariat general Group meeting on international migration and development in Latin America and

the Caribbean Population Division Department of Economic and Social Affairs, United Nations Secretariat PEREZ Vichich (Nora). El Mercosur y la migración Internacional. Mexico City, 30 November – 2 December 2005.UN/POP/EGM-MIG/2005/05.

commencerons par étudier son inclusion au sein de la Communauté andine des nations (CAN).

Initiatives au sein de la Communauté andine

La Communauté andine des Nations (CAN)325, organisme multilatéral qui promeut le

développement conjoint à travers l’intégration et la coopération entre Etats membres, s’est a connu deux grandes phases d’intérêt au cours desquelles le phénomène a été régulé. Une première, inspirée du besoin d’accompagner l’espace de liberté d’échange des biens d’une liberté de circulation des personnes, avec l’apparition, dès les années quatre-vingt-dix, d’une multiplicité de décisions; et une seconde, plus récente, en réponse à l’augmentation des migrations inter et extra-communautaires. S’agissant de la première période, la Communauté a fixé un délai pour parvenir à la création d’un marché commun en 2005. Parmi les mesures évoquées pour atteindre cet objectif, la liberté de circulation des travailleurs, accompagnée de la garantie de leurs droits sociaux, civils et politiques à l’intérieur des pays communautaires, a été envisagée dans tout un ensemble de décisions326. Cependant, les difficultés

rencontrées pour établir un marché commun ont empêché l’application des mesures visant à assurer la liberté de circulation des citoyens andins.

Le Comité andin des autorités de migration a été conçu en 1993 afin de pallier au défaut de mise en œuvre des décisions migratoires, et fut chargé de jalonner ce processus. Sa création n’a été formalisée qu’en 1999 par la Décision 471. Le Comité a fonctionné de façon régulière entre 1993 et 2004, avec peu de résultats. Par la suite, ses travaux ont été suspendus jusqu’en 2011, à la suite du constat qu’il restait un long chemin à parcourir avant de pouvoir réglementer les décisions adoptées, les appliquer et ainsi voir s’instaurer une coopération en la matière.

325La Communauté andine a été fondée en 1969 par l’Accord de Cartagènes avec la participation de la Bolivie, du Chili, de la Colombie, l’Equateur et le Pérou. Le Venezuela a adhéré en 1973 avant de se retirer en 2006; le Chili a son tour s’est retiré en 1976 puis s’est rattaché en 2006 en tant que pays associé.

326 La Communauté andine adopte des décisions qui sont des normes communautaires avec un caractère supranational ; ont un caractère contraignant et ont une application directe dans le droit interne des 4 pays membres.

La deuxième période a vu apparaître de nouvelles manifestations, réglementations et décisions visant notamment à protéger les droits des migrants andins se trouvant à l’étranger et à garantir leur mobilité327. Ainsi, depuis 1999, le sujet apparaît dans le cadre des Sommets présidentiels andins. Lors du X Ième Sommet, les ministres du travail des pays membres ont été chargés de coordonner des mesures visant à encourager le travail et les migrations des travailleurs, objectif qui a également été mentionné en 2000 lorsque le besoin de flexibiliser les normes nationales a été rappelé.

Les pays membres de la CAN ainsi que le Chili en tant qu’associé, comptent plus de 11 millions de migrants. L’ampleur gagnée par ces mouvements de population au cours des dernières décennies a p oussé les Etats à ad mettre que la gestion de la mobilité humaine à l’intérieur de leurs frontières et la protection des droits des migrants andins dans le reste du m onde demeuraient l’un des principaux défis de notre siècle328.

Partant de ce constat, sont apparus trois instruments reconnaissant le besoin de respecter les droits des migrants.

En premier lieu, la Charte sociale andine a en 2012 dédié un chapitre au sujet de la mobilité humaine329. Il s’agit d’une décision qui comporte une déclaration de droits à l’intérieur de la Communauté, ciblée notamment sur les groupes de population particulièrement vulnérables tels que les femmes, les enfants, les jeunes, ainsi que les personnes âgées, les personnes en situation de handicap, les groupes autochtones et les afro-descendants.

En deuxième lieu, il convient de mentionner la charte andine de promotion et de protection des droits de l’homme330, de 2002, dans laquelle les migrants et les

327 Cette période a été sans doute impulsée pendant les dernières années par l’Equateur qui a adopté une

politique migratoire très ambitieuse notamment à partir de sa Constitution de 1998

328 Premier Sommet andin de migrations en 2008 à Quito. Dans: Menoza (Guido). Avances en la formulación de

un Plan Andino de Desarrollo Humano para las Migraciones. Biblioteca digital Andina. 2008 disponible dans: http://www.comunidadandina.org/bda/docs/CAN-INT-0045.pdf consulté le 2 février 2012.

329 Approuvé en 2012 par la Décision 1302. Lors de son adoption il a été déclaré qu’il appartiendrait aux

Ministres des Relations extérieures, le pouvoir d’établir sa rigueur « au moment opportun ».

330 Adoptée par le Conseil Présidentiel Andin le 16 Juillet 2002.

membres de leurs familles sont reconnus en tant que «groupe objet d’une protection spéciale» et dans lequel les autorités nationales et la société civile sont invitées à leur accorder une protection adéquate.

Cet instrument, antérieur à l a Charte Sociale andine partage certains éléments avec cette dernière. Néanmoins il constitue une simple manifestation d’intentions car il ne s’est pas traduit en une décision à proprement parler.

En troisième lieu, en 2008, a été formé un espace de discussion politique autour du sujet migratoire. Le Forum andin sur les migrations se compose des pays andins ainsi que du Chili en tant que pays associé, et se réuni annuellement. Les discussions du Forum ont été inspirées du besoin d’aborder le sujet migratoire de façon intégrale et tournent autour des questions telles que la maîtrise des migrations, la titularité des droits des migrants et leur besoin de protection. En 2009, les participants au Forum ont décidé de la construction d’un Plan andin de développement humain pour les migrations (PADHM)331qui s’inspire du Plan national équatorien du développement

humain pour les migrations. Il vise parmi ses objectifs principaux la création de mécanismes effectifs de protection des droits des migrants andins.

Le Forum andin s’avère être une plateforme de discussion conjointe adaptée sur le sujet migratoire car il se révèle plus humain et plus soucieux de la réalité des migrants andins vis-à-vis les autres mécanismes mentionnés. Il est aussi un espace propice au partage d’expérience entre pays ayant progressé dans la construction de politiques migratoires pour la protection des droits de leurs ressortissants et pays voisins332. Les Déclarations émises à la fin de chaque Forum rendent compte des principales conclusions adoptées. Les Déclarations de Quito333 et Lima334 montrent ainsi la volonté des Etats d’aborder de façon conjointe et concertée le sujet migratoire. Les mentions aux droits des migrants et au besoin de placer leur protection au centre des politiques migratoires y sont aussi constantes. Les travaux du

331 Approuvé à Lima en 2008.

332 C’est le cas de l’Equateur qui a récemment pris des mesures sans précédent pour garantir les droits liés à la

mobilité humaine

333 Premier Forum Andin des migrations, Quito Equateur 2008. 334 Deuxième Forum Andin des migrations, Lima Pérou 2009.

Forum ont cessé entre 2009 et 2012 en raison des difficultés politiques rencontrés en termes d’organisation puis ont repris en 2012 à Quito335.

Or, il convient de souligner que la Colombie a été particulièrement réticente à soutenir les travaux du Forum andin. La position officielle des autorités colombiennes invite à s’appuyer sur le Comite andin des autorités migratoires336. Ceci démontre la volonté des autorités colombiennes de centrer leurs efforts sur l’application des mesures adoptées dans les années quatre-vingt-dix sans poursuivre les discussions sur des sujets qui ont pourtant gagné beaucoup d’importance ces dernières années. De notre point de vue, ceci s’explique par le fait que le discours des Forums s’avère très critique et contestataire envers les mesures adoptées par les Etats de destination des migrants, attitude qui n’est pas partagé par les autorités colombiennes. En effet, les Forums rendent compte des critiques formulées à l’égard des politiques migratoires des principaux pays de destination et du t raitement qui y est réservé aux migrants, notamment quant à leurs conditions de rétention et aux cas de discrimination.

Par ailleurs, nous retrouvons au sein de la CAN d’autres manifestations témoignant d’une volonté de concertation sur le sujet migratoire et d’assumer une posture conjointe de travail. C’est ainsi que le Conseil Présidentiel andin a eu l’occasion de se prononcer sur le sujet lors du XVIIème Conseil Présidentiel à Tarija337 ainsi que

dans l’acte de San Francisco338 qui rappelle le besoin de garantir les droits humains des migrants. Par ailleurs, nous retrouvons les déclarations du Conseil andin des défenseurs de la république339 qui invitent les Etats à modérer leurs actions pour défendre et promouvoir les droits humains des migrants.

Or, les défis et difficultés posées par la régulation migratoire au sein de la Communauté andine sont ceux auxquels doit faire face tout mécanisme d’intégration. Le non-respect en droit interne des décisions andines, voire leur absolue

335 Troisième Forum Andin des migrations, Quito Equateur 2012.

336 XII Reunión del Comité Andino de Autoridades de Migración. Lima- Perú 17 de septiembre de 2011.

Disponible dans:

http://www.comunidadandina.org/camtandinos/Documentos/PDF/SG_CAAM_XII_INFORME.pdf

337 XVII Consejo presidencial Tarija (Bolivia) 12 - 14 junio 2007

338 Emise au cours du XV Consejo Presidencial andino, acte disponible dans:

http://www.comunidadandina.org/documentos/actas/Quito.htm consulté le 20 février 2012.

339 Crée en Septembre de 1998 ce Comité a pour mission de promouvoir la coopération intra régionale dans le

méconnaissance lorsqu’elles ne sont pas publiées au journal officiel des pays membres, demeure un obstacle qui affecte la Communauté dans son ensemble. À cela s’ajoute le manque de volonté politique prégnant des Etats pour permettre l’intégration et une tendance certaine à privilégier les relations bilatérales. Du fait de leur caractère non-contraignant, il est de ce fait permis de douter des résultats que pourraient produire les nouvelles manifestations dédiées au sujet. Il reste donc à espérer que ce nouvel élan dure suffisamment longtemps pour voir les décisions existantes être réglementées et mises en œuvre.

Outre la Communauté andine, d’autres structures d’intégration plus récentes ont abordé le sujet migratoire.

Initiatives au sein de l’Alliance du Pacifique

L’Alliance du Pacifique constitue un bloc commercial composé de quatre pays latino- américains (la Colombie, le Chili, le Pérou et le Mexique), visant l’intégration économique de ses pays membres et la liberté de circulation des personnes, biens, services et capitaux340.

Dans une perspective de liberté de circulation des citoyens, a été accordée à partir du 1er novembre de 2012 la suppression des visas de tourisme pour les ressortissants des

pays membres. Par ailleurs, ces derniers ont accordé, dans la Déclaration de Cali (Colombie), l’établissement d’Ambassades et de Consulats conjoints pour assurer les services diplomatiques nécessaires. Il existe déjà une représentation conjointe au Ghana, ainsi qu’une ambassade colombo-chilienne au Maroc et en Algérie, et une ambassade colombo-péruvienne au Vietnam341.

Bien qu’il s’agisse d’une structure de coopération très récente, nous souhaitons souligner le fait qu’elle a j usqu’à présent déjà mis en œuvre les deux mesures- susmentionnées visant la circulation des personnes et leur assistance diplomatique et consulaire à l’étranger. En outre, certains des principaux pays de destination des

340 L’alliance a é té formée en 2011 par la Déclaration de Lima. Pérou 28 avril 2011 et l’Accord Cadre de

l’Alliance Pacifique (Traité Constitutif de l’Organisation) a été signé lors du IV Sommet de l’Alliance Pacifique à Antofagasta Chili le 6 juin 2012.

migrants en provenance des pays membres ont manifesté leur volonté de participer à la structure en tant que pays observateurs (comme l’Espagne, le Canada, la France, entre autres).

L’approche de l’Union des Nations Sud- américaines (Unasur)

L’Union des Nations Sud-américaines (Unasur) est une structure d’intégration et de coopération multilatérale qui regroupe tous les pays d’Amérique du Sud. Elle poursuit l’objectif de construire une identité et une citoyenneté sud-américaines342. Le

thème des migrations a été présent tout au long des réunions des présidents d’Amérique du sud, d’autant que le thème de la citoyenneté sud-américaine avait été posé dès le début. Ainsi, dans le cadre des réunions des présidents de l’Amérique du sud, et par le biais de déclarations non contraignants, les Etats ont manifesté leur volonté de coopérer pour assurer la protection des droits des migrants sud- américains343, ainsi que pour exalter les valeurs de la citoyenneté du sous-continent.

L’Unasur a rencontré un grand nombre de difficultés d’ordre politique, car elle regroupe tous les pays latino-américains. C’est pourquoi elle n’est parvenue à aucune mesure concrète, se contentant de reproduire le comportement des mécanismes de coopération qui se limitent à f aire des déclarations politiques dépourvues de force normative.

342 Le traité constitutif de l’Unasur date de 2008 et il est entré en vigueur en mars 2011 343 II Réunion de présidents de l’Amérique du Sud, Cochabamba (Bolivie) 2006.

Chapitre II : Initiatives dans le cadre de processus de