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2. Cadre théorique

2.3 Populations d’intérêt

2.3.1.1 Définition

Le trouble du spectre de l’autisme est un trouble neurodéveloppemental qui affecte tant la communication que les interactions sociales. Le DSM-V (American Psychiatric Association, 2013) décrit les critères qui doivent être présents afin de diagnostiquer ce trouble. Le premier critère décrit le caractère persistant des déficits au niveau de la communication et des relations sociales. Ceux-ci peuvent se manifester par trois éléments : un déficit de réciprocité sociale ou émotionnelle (ne parvient pas à initier ou répondre aux interactions sociales de manière adéquate), un déficit de la communication non verbale dans les interactions sociales (difficultés lors d’échanges non verbaux par le regard, des gestes ou des expressions faciales), un déficit de compréhension des relations (peine à ajuster le comportement aux contextes sociaux). Le deuxième critère diagnostique rapporte la présence de comportements répétitifs et d’intérêts restreints, nécessitant la présence de deux symptômes parmi les quatre éléments suivants : des stéréotypies ou répétitions motrices et verbales, une rigidité face à des routines (difficultés lors de changements ou de transitions entre les activités), une présence d’intérêts restreints atypiques (intensité et but), une hyper ou hyposensibilité sensorielle (douleur, sons, textures).

Le troisième critère diagnostique précise que les symptômes doivent être présents dès les premières étapes du développement. Le quatrième critère explique que les symptômes entraînent un certain handicap dans la vie quotidienne et gênent l’enfant dans son fonctionnement. Le cinquième critère diagnostique présente le fait que les troubles ne peuvent pas être expliqués par une déficience intellectuelle ou un retard global du développement. Une possibilité de comorbidité entre ces troubles subsiste. Par ailleurs, la prévalence du trouble du spectre autistique s’élève à 1 % de la population, touchant quatre fois plus les garçons que les filles (American Psychiatric Association, 2013).

2.3.1.2 Difficultés en théorie de l’esprit

Comme décrit dans la section 2.3.1.1. de ce travail, la principale difficulté chez un enfant avec TSA se caractérise par des interactions sociales déficientes. De nombreux chercheurs ont tenté d’expliquer ce déficit. Une des hypothèses émanant de la recherche suggère que cette difficulté d’interaction sociale chez les enfants avec TSA dépend directement d’une altération dans la capacité à se représenter les états mentaux d’autrui et donc un déficit

en TdE (Baron-Cohen et al., 1985 ; Frith, Morton, & Leslie, 1991 ; Happé, 1995). D’après la méta-analyse de Yirmiya, Erel Shaked et Solomonica-Levi (1998), les personnes atteintes d’un TSA ont des performances en TdE significativement inférieures à celles d’enfants ayant un développement typique (de même âge chronologique) ainsi qu’à des personnes présentant une déficience intellectuelle (de même âge mental). Le TSA implique alors un retard en TdE qui influence négativement les interactions sociales et la communication entre celui qui en est atteint et ses pairs (Tager-Flusberg, 2001 ; Nilsson & de López, 2016). La déficience dans la capacité à se représenter les croyances et les états mentaux d’autrui explique en partie la difficulté qu’éprouvent les enfants avec TSA à comprendre ainsi qu’à s’adapter au contexte.

Tager-Flusberg et Joseph (2005) distinguent une composante socio-perceptive d’une composante socio-cognitive dans la TdE. La première reflète la capacité à extraire des informations en lien avec les états mentaux grâce à des stimuli sensoriels tels que le visage, le corps ou la voix, et la seconde représente la capacité à se représenter les états mentaux d’autrui.

Ces chercheurs expliquent que le déficit qu’ont les enfants TSA en TdE est probablement dû à un déficit du premier niveau : la composante socio-perceptive. Ils l’illustrent par le fait que les nouveau-nés ont tendance à préférer les stimuli de nature humaine, en particulier les visages et les voix, ce qui permet de construire ce niveau socio-perceptif. Ce niveau de la TdE est alors le premier à apparaître dans le développement de l’enfant à DT. Les enfants avec TSA ont, en revanche, peu d’attention conjointe et d’avidité précoce à l’interaction sociale, ce qui mène à un déficit du niveau socio-perceptif de la TdE qui ne peut pas se construire dans des conditions optimales. En outre, la composante cognitive se construit sur la base de celle socio-perceptive. Cette dernière étant déjà déficitaire chez les enfants avec TSA, cela se traduira par un déficit de la TdE.

À travers la tâche de Sally et Anne, décrite au point 2.1.3 de ce travail, Baron-Cohen et al. (1985) ont montré que 80 % des enfants avec TSA échouaient à une tâche de FC, bien qu’ils aient un âge mental non verbal similaire au groupe contrôle d’enfants à DT. Il apparaît que ces enfants présentent un déficit spécifique en TdE. Ils ne parviennent alors pas à dissocier leur connaissance de la réalité et la croyance erronée du personnage, ce qui entraîne une incapacité à répondre de manière correcte à la question posée. Cependant, tout comme le montre Tager-Flusberg (2007), le fait que 80 % d’entre eux échouent suggère alors qu’un sous-groupe d’enfants atteint de TSA parvient à réaliser correctement les épreuves de FC. Nous pouvons alors nous questionner sur ce paramètre, sur lequel nous nous pencherons ultérieurement. Cela

permet cependant d’affirmer que malgré le déficit important en TdE chez les enfants avec TSA, certains n’en sont pas entièrement dépourvus.

2.3.1.3 Difficultés langagières

Les compétences langagières des enfants présentant un TSA se manifestent de manière diverse (Lord et al., 2006). Dans cette étude, les chercheurs rapportent que parmi la totalité des enfants TSA, 15 % sont non verbaux alors que 85 % sont capables d’utiliser le langage, à des niveaux de compétences variables. Ces différences illustrent la notion de spectre qui est présente lorsque l’on caractérise l’autisme. Depuis l’introduction de cette notion dans la définition du trouble autistique, une prise en charge précoce et plus intense a été mise en place, ce qui a permis de réduire le taux d’enfants TSA non verbaux (Gotham, Bishop, & Lord, 2010).

De nombreux chercheurs se sont intéressés aux difficultés langagières des individus présentant un TSA, particulièrement à la pragmatique. Tager-Flusberg (1994) décrit les troubles pragmatiques comme prédominants chez cette population et ayant un lien étroit avec les difficultés en TdE.

D’autres niveaux linguistiques peuvent faire l’objet de difficultés chez les enfants TSA verbaux. Eigsti, Bennetto et Dadlani (2007), qui se sont penchés sur différents domaines langagiers dans cette population, ont mis en évidence des déficits en syntaxe. En effet, les enfants présentant un TSA ont des performances en syntaxe inférieures à celles d’enfants à DT de même âge. Suite à cette étude, Durrleman et Zufferey (2009) ont démontré que dans leurs discours spontanés, les enfants avec TSA utilisent peu de phrases complexes de type relatives ou complétives. De plus, ils semblent avoir des difficultés à organiser correctement les phrases interrogatives. L’hypothèse formulée par les auteures est la suivante : étant donné que leur développement langagier est perturbé, la syntaxe complexe ne se consoliderait pas comme celle des individus tout-venant. Les personnes atteintes de TSA présentent alors des déficits persistants en syntaxe complexe.

2.3.2 Enfants avec TDL 2.3.2.1 Définition

Longtemps appelé dysphasie ou trouble spécifique du langage (TSL), la terminologie de ce trouble a été modifiée. Sa spécificité a été remise en question, notamment du fait de la

présence de comorbidités chez les enfants ayant des troubles langagiers. À la suite de ces questionnements et afin de regrouper les difficultés langagières développementales sous une même entité, nous parlons désormais de trouble développemental du langage (Bishop, Snowling, Thompson, & Greenhalgh, 2017). La définition du TDL n’est pas une définition par critères d’exclusion, comme l’était celle du TSL. Le diagnostic de TDL peut alors apparaître en présence d’une comorbidité avec un ou plusieurs autres troubles : trouble cognitif, TDAH, dyslexie, dysorthographie, trouble de la parole ainsi que des difficultés comportementales, sensorimotrices ou émotionnelles. De plus, il n’est plus nécessaire pour un enfant diagnostiqué TDL de présenter un écart entre ses capacités verbales et non verbales. Ainsi, un enfant avec TDL peut avoir un quotient intellectuel non verbal faible, ce qui n’était pas possible avec la terminologie de TSL. De plus, l’enfant diagnostiqué TDL peut présenter une pathologie biomédicale connue. Les auteurs recommandent alors d’indiquer « trouble du langage associé à X », ce qui permet d’apporter un diagnostic différentiel.

La notion importante avec le TDL est celle du facteur de risque. Ainsi, on ne parle plus de critères d’exclusion, mais de facteurs de risque qui peuvent être de nature biologique ou environnementale : la présence de troubles langagiers au sein de l’histoire familiale, un niveau d’éducation des parents relativement bas ainsi qu’être un garçon ou être le cadet au sein d’une fratrie (Rudolph, 2017, cité dans Bishop et al., 2017).

Bien qu’il y ait eu un changement dans la terminologie du trouble, les symptômes observés restent les mêmes que ceux qui étaient présents avec la terminologie précédente. Au sein du DSM-V, ce trouble, appelé trouble du langage, est décrit comme un trouble neurodéveloppemental qui comporte quatre critères distincts. Le premier critère expose des difficultés persistantes dans l’acquisition du langage, sur le versant réceptif ou productif, qui doivent s’illustrer dans toutes les modalités (orale, écrite, gestuelle ou autre). Le deuxième critère consiste à dire que les compétences langagières d’un enfant avec TSL sont significativement inférieures à celles attendues pour son âge chronologique. De plus, le trouble doit représenter un handicap dans la vie de l’enfant, que ce soit dans le cadre de sa socialisation, sa réussite scolaire ou académique, sa communication ou toute activité qui sous-tend le langage. Le troisième critère présente le développement précoce des symptômes observés.

Enfin, le dernier critère précise que les difficultés ne peuvent pas être attribuées à un problème auditif, moteur, intellectuel, à une affection neurologique ou à un retard global de développement.

La prévalence des troubles langagiers est de 7 % chez les enfants de 5 ans (Leonard, 2014 ; tirée de Tomblin et al., 1997). Bien que ces diagnostics permettent une prise en charge précoce, les difficultés langagières rencontrées par la majorité de ces enfants resteront présentes à l’âge adulte. En effet, certaines compétences liées au langage sont acquises précocement et ne peuvent plus être acquises à un âge avancé. Les déficits seront alors maintenus et présents au premier plan (Leonard, 2014).

2.3.2.2 Difficultés langagières

Les enfants avec TDL présentent des difficultés langagières très hétérogènes et touchant différents niveaux linguistiques (Tomblin, 2011). Les difficultés observées peuvent être de nature phonologique, articulatoire, syntaxique, sémantique, lexicale, discursive, liées à l’apprentissage ainsi qu’à la mémoire verbale (Bishop et al., 2017). Compte tenu de l’hétérogénéité des profils possibles, une chercheuse a développé des marqueurs aidant au diagnostic de ces troubles et permettant d’estimer le pronostic d’évolution de ceux-ci (Schelstraete, 2008, cité dans Leclercq & Maillard, 2014). Les enfants avec TDL peuvent présenter des troubles en réception touchant la discrimination de sons ou en compréhension de mots ou de phrases, d’importantes erreurs phonologiques, la présence d’un profil agrammatique ainsi qu’un retard dans le développement de la communication gestuelle. Les acquisitions chez ces enfants vont se développer plus lentement et des perturbations vont se maintenir dans le temps.

Les enfants avec TDL présentent, dans 30 à 40 % des cas, des troubles lexicaux. Ceux-ci vont impacter l’étendue du stock lexical (Trauner, Wulfeck, Tallal, & Hesselink, 1995) ainsi que la diversité lexicale (Leonard, Miller, & Gerber, 1999). Concernant la syntaxe, les erreurs les plus fréquemment commises par les enfants présentant un TDL seront similaires à celles d’enfants à DT plus jeunes. Certaines erreurs seront souvent présentes dans les productions des enfants avec TDL : l’utilisation incorrecte de morphèmes grammaticaux, de pronoms clitiques ou de la morphologie verbale (Parisse & Maillart, 2004). Tuller, Henry, Sizaret et Barthez (2012) démontrent que leurs difficultés syntaxiques seront toujours présentes à l’adolescence et toucheront alors les phrases complexes. Les phrases subordonnées comporteront alors plus d’erreurs que celles prononcées par les enfants à DT. Il est intéressant de mentionner également que les phrases complétives seront également souvent remplacées par du discours direct. Cela

représente, d’après les auteurs, une stratégie souvent observée auprès des enfants présentant un TDL afin de ne pas recourir à l’utilisation de phrases subordonnées.

2.3.2.3 Difficultés en théorie de l’esprit

Les enfants avec TDL présentent des difficultés langagières au premier plan, notamment en sémantique, en pragmatique ainsi qu’en syntaxe (Bishop, Chan, Adams, Hartley, & Weir, 2000, cité dans Nilsson & de López, 2016). Bien que ces difficultés soient attestées et très représentées dans la littérature, différentes études plus récentes mettent également en évidence des difficultés en TdE. La méta-analyse de Nilsson et de López (2016), reprenant les données de 17 études, a été conduite afin de comparer les performances en TdE des enfants TDL, âgés de 4 à 12 ans, avec celles d’enfants à DT. Ces chercheurs ont démontré qu’en TdE, les enfants avec TDL ont des performances inférieures aux enfants DT de même âge chronologique.

D’après les auteurs, ces difficultés montrent un retard en TdE. En effet, les TDL ont des performances en TdE similaires à celles d’enfants plus jeunes ayant un DT. Pour expliquer cela, les auteurs mettent en avant l’hypothèse selon laquelle ce retard en TdE serait la conséquence d’un développement du langage réduit et déficitaire. Il est important de préciser que les difficultés observées ne peuvent pas être expliquées par la présence de langage dans la tâche à accomplir d’après Nilsson et de López (2016). En effet, ces auteurs ont mis en évidence la présence de différences entre les performances des enfants TDL et celles des DT dans les tâches évaluant la TdE, que celles-ci soient verbales ou non verbales. En outre, dans leur étude, Andrés-Roqueta, Adrian, Clemente et Katsos (2013) montrent que le retard dans le développement de la TdE chez les enfants avec TDL, plus léger que celui des enfants avec TSA, est corrélé plus fortement avec le niveau langagier général qu’avec l’âge de l’enfant. Il existe alors un lien étroit entre la TdE et le langage. Un déficit dans le domaine du langage entraînerait donc des difficultés en TdE.

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