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Le polymorphisme de la discrimination

§1 Une définition similaire de la discrimination

C. Le polymorphisme de la discrimination

99. Si, dans les deux unions, la liste des critères discriminatoires n’est pas fermée, au regard du marché intérieur, deux critères participent incontestablement au fractionnement du marché : le critère de la nationalité (ou de l’origine) et celui de la résidence, dans certaines hypothèses439. Dès lors qu’une mesure opère, dans son contenu même, une distinction sur le fondement d’un de ces critères, elle est qualifiée de discrimination directe en droit de l’UE440 et de « facially discriminatory » aux Etats-Unis441. Dans les deux cas, on parlera également de discrimination en droit. De telles discriminations sont facilement décelables sur « la base

d’analyses purement juridiques »442, c’est-à-dire « indépendamment même de l’application

435 V., à ce propos, 2ème partie, titre 2, section 2, §2, A, infra. 436 CJCE, Cassis de Dijon, aff. 120/78, préc.

437 V. en ce sens, C. BARNARD, The substantive law of the EU: the four freedoms, OUP, Oxford, 2004, spéc.

pp. 273 et s. La Cour de justice a progressivement étendu aux autres libertés de circulation le principe d’interdiction des entraves non discriminatoires : v. par ex. en matière de services, CJCE, 25 juillet 1991, Säger c/ Dennemeyer, aff. C-76/90, Rec. p. I-4221 ; en matière d’établissement CJCE, 31 mars 1993, Kraus, aff C- 19/92, Rec. p. I-1663 (en l’espèce une réglementation allemande opérait une distinction entre les diplômes allemands et les diplômes obtenus à l’étranger. Il aurait été loisible à la Cour d’identifier une discrimination indirecte – ce que fait d’ailleurs l’avocat général VAN GERVEN dans ses conclusions sous cette affaire – ou une discrimination à l’égard des personnes ayant fait usage de leur droit à la libre circulation. Elle se place au contraire sur le terrain de l’entrave non discriminatoire).

438 V. à ce propos, le titre 2 de la présente partie, infra. 439 V. B du présent §, supra.

440 V. à ce propos, K. LENAERTS, « L’égalité de traitement en droit communautaire… », préc., p. 12.

441 V. à ce propos D. COENEN, The Commerce Clause, op. cit., pp. 224 et s. ; M. A. LAWRENCE, “Toward a

more coherent dormant clause: a proposed unitary framework”, Harv. J. L. & Pub. Pol’y, vol. 21, 1998, p. 395, spéc. p. 416 et s. ; B. P. DENNING, “Reconstructing the Dormant Commerce Clause Doctrine”, préc., p. 498.

442 V. CJCE, 8 avril 1976, Defrenne c/ SABENA (« Defrenne II »), aff 43/75, Rec. p. 455, pt 21. V., dans un sens

dont la réglementation va faire l’objet »443.

100. La simple interdiction des mesures directement discriminatoires ou « facially discriminatory » apparaît, cependant, insuffisante pour garantir une égalité de traitement effective444 et réaliser le marché intérieur. En effet, de nombreuses mesures, sans être distinctement applicables sur le fondement de ces critères, peuvent aboutir en pratique à défavoriser les importations ainsi que l’exercice d’activités économiques par des opérateurs non nationaux ou non résidents. Elles produisent dès lors un effet discriminatoire et sont qualifiées de discriminations indirectes dans l’Union européenne445 et de « discriminatory in effect » aux Etats-Unis446. Elles sont à ce titre également interdites447.

101. Etant indistinctement applicables dans leur contenu, de telles mesures nécessitent une analyse plus approfondie que celle effectuée à l’égard des discriminations en droit. Elles impliquent un examen des effets concrets afin d’établir leur impact différencié sur les groupes en présence448. Par ailleurs, leur nature duale – elles sont à la fois indistinctement applicables dans leur contenu et discriminatoires dans leurs effets – suscite des difficultés de qualification que les juridictions ne semblent pas avoir définitivement tranchées puisqu’elles optent tantôt pour la première des qualifications tantôt pour la seconde449. Or, la qualification est décisive

443 O. de SCHUTTER, « Le concept de discrimination dans la jurisprudence de la Cour de justice des

Communautés européennes (égalité de traitement et liberté de circulation) », E. BRIBOSIA, E. DARDENNE, P. MAGNETTE et A. WEYEMBERGH (dir.), Union européenne et nationalité : le principe de non- discrimination et ses limites, Bruylant, 1999, p. 14.

444 V. par ex. dans l’UE, CJCE, Sotgiu, aff. 152/73, préc., pt 11.

445 V. P. GARONNE, « La discrimination indirecte en droit communautaire… », préc., pp. 425-426 : une

discrimination indirecte est caractérisée lorsque « les membres d’un groupe protégé contre l’emploi d’un critère

prohibé sont proportionnellement plus nombreux à être touchés par une mesure que les membres d’autres

groupes ».

446 V., à ce propos, W. F. TWYMAN, Jr., “Beyond Purpose…”, préc., pp. 431 et s. V. également National Paint &

Coating v. City of Chicago, 45 F.3d 1124 (7th Cir. 1995). La Cour d’appel établit une distinction entre le

« disparate treatment » (équivalent de la discrimination directe) et le « disparate impact » (équivalent de l’effet discriminatoire). Le principe est le même concernant la Privileges and Immunities clause (v. par ex. Chalker v. Birmingham & Northwestern R. Co., 249 U.S. 522 (1919)).

447 En matière de marchandises, v. par ex. l’arrêt de la Cour Suprême : Washington State Apple Advertising

Comm’n, 432 U.S. 333, préc., et celui de la Cour de justice : CJCE, 10 juillet 1980, Commission c/ France

(« Publicité pour l’alcool »), aff 152/78, Rec. p. 2299.

448 V., à ce propos, D. DAY, “The Expanded Concept of Facial Discrimination…”, préc., p. 513 et G. DAVIES,

Nationality Discrimination…., op. cit., p. 11.

449 Dans l’UE, v. nos développements dans la 2ème partie, titre 2, chapitre 1, section 2, §2, infra. Ce phénomène

peut également être observé dans la jurisprudence de la Cour Suprême : celle-ci a tantôt qualifié de discriminatoires des mesures indistinctement applicables dans leur forme mais discriminatoires dans leurs effets (v. par ex. Seelig, 294 U.S. 511, préc.), tantôt retenu la qualification de “evenhanded measures” (indistinctement applicables) pour de telles mesures (Pike, 397 U.S. 137, préc.).

en ce qu’elle détermine le test appliqué aux Etats-Unis – les mesures discriminatoires sont soumises à un test de stricte proportionnalité, tandis que les mesures indistinctement applicables font l’objet d’un balancing test, c'est-à-dire d’un contrôle souple de proportionnalité450 – et les justifications admissibles dans l’Union européenne – seules les dérogations du traité étant, en principe, invocables pour justifier une mesure discriminatoire451.

102. Outre les hésitations jurisprudentielles quant à la qualification des mesures produisant un effet discriminatoire, cette catégorie suscite également des difficultés de preuve. A cet égard, les exigences américaines et communautaires diffèrent, l’examen des effets semblant prendre une forme atténuée dans la jurisprudence communautaire. Aux Etats-Unis, la victime prétendue de la discrimination indirecte doit démontrer concrètement le traitement défavorable452. Dans l’Union européenne, en revanche, il suffit de démontrer le risque de traitement défavorable. La Cour de justice reconnaît, en effet, l’entrave potentielle et, en conséquence, la discrimination potentielle. Ainsi, a-t-elle affirmé, dans plusieurs arrêts relatifs à la libre circulation des personnes, qu’ « une disposition de droit national doit être regardée

comme indirectement discriminatoire dès lors qu’elle est susceptible, par sa nature même d’affecter davantage les travailleurs migrants que les travailleurs nationaux et qu’elle risque par conséquent, de défavoriser plus particulièrement les premiers. Il n’est pas nécessaire de

constater que la disposition en cause affecte, en pratique, une proportion substantiellement plus importante de travailleurs migrants. Il suffit de constater que cette disposition est susceptible de produire un tel effet »453.

Cette divergence dans le degré de preuve à apporter s’explique probablement par la dimension plus subjective de la notion d’entrave aux Etats-Unis. Centrée sur l’intention protectionniste du législateur étatique, difficile à démontrer, le juge américain présume cette intention lorsque l’objet ou l’effet discriminatoire ne fait aucun doute. Dans le cas contraire, il revient à la

450 V. à ce propos, 2ème partie, titre 2, chapitre 2, section 1, §1, A, infra. 451 V. à ce propos, 2ème partie, titre 2, chapitre 1, section 2, §2, infra.

452 V. en ce sens K. LACKHOFF, “Restrictions on state interference with commerce in the U.S.A. and the EC”,

Colum. J. Eur. L., vol 2, 1996, p. 313, spéc. p. 321.

453 CJCE, 12 septembre 1996, Commission c/ Belgique, aff. C-278/94, Rec. p. I-4307, pt 20. V. dans le même

sens, CJCE, 17 mai 1994, Corsica Ferries, aff. C-18/93, Rec. p. I-1783, pt 34 ; CJCE, 13 janvier 2000, TK- Heimdienst, aff. C-254/98, Rec. p. I-151, pt 27 ; CJCE, 11 septembre 2008, Commission c/Allemagne, aff. C- 141/07, Rec. p. I-6935, pts 38-39. V. également à ce propos D. WILSHER, “Does Keck discrimination make any sense?...”, préc., p. 9 et G. DAVIES, “Any Place I Hang My Hat ?...”, préc., p. 43.

« victime » de la discrimination de démontrer l’intention discriminatoire du législateur étatique454. Dès lors, l’allégation d’un potentiel effet discriminatoire est insuffisante pour entraîner l’inconstitutionnalité des mesures étatiques455.

103. Contrairement aux discriminations directes, la grande variété d’hypothèses de discriminations indirectes ou de « discrimination in effect », rend extrêmement difficile toute tentative de recension exhaustive en la matière. Comme l’a relevé le professeur SUNSTEIN, « la catégorie des effets discriminatoire est [une catégorie] complexe, contenant de

nombreuses sous catégories. Parfois les entraves ne sont imposées qu’aux intérêts étrangers ;

parfois les entraves pèsent à la fois sur les intérêts locaux et étrangers, mais la réglementation bénéficie de manière disproportionnée aux intérêts locaux ; parfois les entraves pèsent de manière disproportionnée sur les intérêts étrangers, tandis que la réglementation bénéficie à la fois aux intérêts locaux et aux intérêts étrangers » 456. Notre propos, dans les sections suivantes, se concentrera, dès lors, sur quelques exemples de mesures indirectement discriminatoires particulièrement significatives457.

104. En sus des discriminations en droit et de fait, peut être observée une dernière catégorie de discrimination, selon que l’effet discriminatoire a été recherché ou non par l’Etat. Cette distinction n’est pas formalisée dans la jurisprudence de la Cour de justice même si elle se révèle en pratique déterminante quant au résultat du contrôle puisque toute volonté de favoriser les marchandises nationales ou les ressortissants nationaux est sanctionnée458. En revanche, cette catégorie a fait l’objet d’une conceptualisation aux Etats-Unis459.

La doctrine et les juridictions américaines identifient, en effet, un troisième type de discriminations : les mesures poursuivant un objectif discriminatoire, c’est-à-dire visant à

454 C&A Carbone, Inc., 511 U.S., préc., p. 423: « [l]orsque la discrimination n’est pas patente […] la partie

invoquant l’inconstitutionnalité a une tâche plus difficile […] ».

455 V. par ex. Exxon Corp., 437 U.S. 117, préc. ; Clover Leaf Creamery Co., 449 U.S. 456, préc. V., toutefois,

C&A Carbone, Inc., 511 U.S. 383, préc.

456 C. R. SUNSTEIN, “Protectionism, the American Supreme Court…”, op. cit., p. 135. V. également B. P.

DENNING, “Reconstructing the Dormant Commerce Clause Doctrine”, préc., pp. 499 et s.

457 Pour une étude plus approfondie, nous renvoyons à l’étude de P. GARRONE consacrée à ce sujet :

P. GARONNE, « La discrimination indirecte en droit communautaire… », préc., pp. 428 et s.

458 V. à ce propos, 2ème partie, titre 2, chapitre 1, section 1, §1, infra.

459 Sur le rôle de l’intention dans l’analyse des discriminations, v. J. SCHMIDT, « La notion d’égalité dans la

favoriser les productions ou les opérateurs étatiques460. En ce sens, cette catégorie se confond avec le protectionnisme, lequel a lui-même été défini comme un objectif461. Pour certains auteurs, le contrôle de la Cour Suprême viserait exclusivement à détecter cette forme de discrimination462. Aussi, l’objet ou l’effet discriminatoire ne serait une cause d’inconstitutionnalité que s’il accompagne une volonté protectionniste. Pour d’autres, en revanche, seul l’effet serait déterminant, de telle sorte que l’intention ne jouerait qu’un rôle secondaire463. La jurisprudence de la Cour Suprême ne permet pas de trancher clairement cette controverse. Il est cependant vrai qu’elle accorde, dans la plupart de ses décisions, une grande attention à l’objectif poursuivi par le législateur étatique et condamne vigoureusement toute mesure visant à avantager les marchandises ou les ressortissants étatiques464.

L’expression « discrimination déguisée » apparaît, quant à elle, dans la doctrine communautaire pour désigner les mesures indirectement discriminatoires dont l’effet a été recherché par l’auteur de la mesure465. Cette catégorie est toutefois plus étroite que la catégorie américaine qui ne préjuge pas du caractère directement ou indirectement discriminatoire de la mesure466.

460 Concernant la jurisprudence, v. par ex. Clover Leaf Creamery Co., 49 U.S., préc., p. 471 ; Bacchus Imports

Ltd., 468 U.S., préc., p. 270 ; Smithfield Foods, Inc. v. Miller, 367 F.3d 1061 (8th Cir. 2004). Concernant la

doctrine, v. par ex., D. COENEN, The Commerce Clause, op. cit., pp. 224 et s. ; D. DAY, “The Expanded Concept of Facial Discrimination…”, préc., p. 502 ; M. A. LAWRENCE, “Toward a more coherent dormant clause…”, préc., p. 395. Certains auteurs distinguent différents types d’objectifs discriminatoires : l’objectif protectionniste, l’objectif isolationniste et l’objectif extraterritorial (c'est-à-dire la volonté d’étendre l’applicabilité de ses réglementations au-delà des frontières nationales) (v. D. DAY, “The Expanded Concept of Facial Discrimination…”, préc., p. 503 et p. 511). Nous utiliserons pour notre part indifféremment les expressions « objectif protectionniste » et « objectif discriminatoire » et les considérerons comme englobant les deux autres types d’objectifs.

461 V. introduction de cette partie et de ce titre, supra.

462 C’est notamment la thèse défendue par le professeur REGAN (D. H. REGAN, “The Supreme Court and State

Protectionism…”, préc.). V. dans le meme sens, C. GAGE O’GRADY, “Targeting State Protectionism…”, préc.

463 V. par ex. R. D. FRIEDMAN, “Putting the Dormancy Doctrine out of its Misery”, Cardozo L. Rev., vol. 12,

1991, p. 1745, spéc. p. 1759 ; R. B. COLLINS, “Economic Union as a Constitutional Value”, préc., p. 118.

464 V. à ce propos United Haulers Assn., 550 U.S. 330, préc. Dans cet arrêt, dans lequel était contesté un

monopole attribué à une entité publique pour le traitement des déchets, l’opinion majoritaire semble accorder une importance décisive au caractère non protectionniste de la mesure pour conclure à l’absence de discrimination et à la constitutionnalité de la mesure. Au contraire, l’opinion dissidente estime qu’une mesure employant des moyens discriminatoires, tels que l’octroi d’un monopole, doit être soumise à un contrôle strict, nonobstant les objectifs poursuivis.

465 V. par ex. O. de SCHUTTER, « Le concept de discrimination dans la jurisprudence de la Cour de justice… »,

op. cit., p. 14.

466 Une mesure poursuivant un objectif discriminatoire peut tout aussi bien prendre la forme d’une discrimination

directe que d’une discrimination indirecte. Or, la discrimination déguisée désigne spécifiquement une discrimination indirecte.

Nonobstant ces nuances entre la jurisprudence communautaire et la jurisprudence américaine, l’intention discriminatoire est toujours rédhibitoire467 et ce n’est que si l’effet discriminatoire est fortuit, c’est-à-dire involontaire, que les juridictions seront enclines à faire preuve d’indulgence468.

105. Cette catégorie de mesures, fondée sur l’intention discriminatoire, ne mérite pas, à notre sens, de faire l’objet d’un examen autonome des deux autres catégories de discriminations au stade de l’identification de l’entrave. En effet, contrairement aux deux classifications précédentes – la discrimination en droit et la discrimination en fait –, la mesure poursuivant un objectif discriminatoire ne se révèle, sauf admission peu probable de l’Etat l’ayant édictée469, qu’à l’occasion de la détection d’une discrimination en droit ou en fait. Pour le dire autrement, il faut d’abord identifier une discrimination directe ou indirecte pour démontrer qu’une mesure poursuit un objectif discriminatoire470.

La discrimination en droit conduit à présumer l’intention protectionniste : en présence d’une telle discrimination, les juridictions requièrent des Etats qu’ils démontrent que la différence de traitement est en réalité justifiée par des considérations indépendantes de l’origine étatique. Il faut donc montrer que la mesure a l’apparence de la discrimination, en ce qu’elle semble opérer une différence de traitement sur le fondement d’un critère interdit, mais qu’en réalité elle n’en est pas une, étant fondée sur un critère autorisé471. En revanche, le lien entre discrimination de fait et objectif discriminatoire est plus difficile à établir et impose un

467 V. par ex., Washington State Apple Advertising Comm’n, 432 U.S. 333, préc., et CJCE, Cassis de Dijon, aff.

120/78, préc. Dans ces deux affaires, la Cour Suprême et la Cour de justice ont employé un raisonnement similaire : elles ont, tout d’abord, observé que la mesure litigieuse avait pour effet d’empêcher l’importation de certains produits, puis, après examen des justifications avancées par les Etats, elles ont jugé que la réglementation avait en réalité une visée protectionniste.

468 V. infra, 2ème partie, titre 2.

469 Les Etats, lorsqu’ils sont amenés à justifier une de leur mesure devant les juridictions, prétendent toujours

poursuivre un objectif légitime (sauf exception où l’objectif protectionniste est admis, v. par ex.CJCE, Buy Irish, aff. 249/81, préc. ; H.P. Hood and Sons, 336 U.S. 525, préc.). Toutefois, l’examen des travaux préparatoires ou des motifs de l’acte révèle parfois l’intention protectionniste des Etats (Aux Etats-Unis, v. par ex., Seelig, 294 U.S. 511, préc. ; Dans l’UE, v. par ex., l’arrêt CJCE, 26 septembre 2000, Commission c/ Autriche, aff. C-205/98, Rec. p. I-7367). La Cour de justice a cependant estimé dans un arrêt de 2002 que si « […] l’intention du

législateur telle qu’elle se manifeste lors des débats politiques qui précèdent l’adoption d’une loi ou dans l’exposé de ses motifs peut constituer un indice quant au but poursuivi par ladite loi, cette intention ne peut être

déterminante » (CJCE, 25 octobre 2002, Finalarte Sociedade de Construçao Civil Lda e.a., aff. jtes C-49, 50/98, 52 à 54 et 68 à 71/98, Rec. p. I-787, pt 40).

470 Si la mesure n’est discriminatoire ni en droit ni en fait, elle n’atteint pas son objectif. Or, seule la réalisation

de l’objectif permet ici de le révéler (v. en ce sens, R. D. FRIEDMAN, “Putting the Dormancy Doctrine out of its Misery”, préc., p. 1759).

examen approfondi de la mesure litigieuse. En effet, contrairement aux discriminations en droit, les discriminations de fait peuvent se révéler involontaires. Cette difficulté a été clairement présentée par l’avocate générale STIX-HACKL dans ses conclusions l’arrêt Lyski : « pour constater l’existence d’une forme déguisée de discrimination, il y a lieu de procéder à

une distinction délicate pour examiner s’il s’agit d’une réglementation qui n’a que les

apparences de la neutralité en ce qui concerne la nationalité, mais qui en réalité présente des

caractéristiques protectionnistes en faveur de ses propres ressortissants, ou bien s’il s’agit d’une réglementation en soi neutre qui prévoit une distinction en fonction de critères

objectifs, et le fait que les conditions qu’elle prévoit peuvent être plus facilement remplies par des ressortissants nationaux est une conséquence tenant à la nature des choses ou de la

mesure qui procède d’une distinction légitime »472.

106. L’objectif discriminatoire n’est donc pas en soi un critère de qualification de l’entrave et ce n’est qu’au second stade de l’analyse, c’est-à-dire au stade de l’examen des justifications, qu’il devient un élément d’appréciation pertinent des mesures litigieuses.