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Les mesures formellement discriminatoires à l’égard des produits importés

§2 Principe de non discrimination et libre circulation des marchandises

B. Non discrimination et réglementations non tarifaires des marchandises

1. Les mesures formellement discriminatoires à l’égard des produits importés

134. Bien que plusieurs exemples de mesures directement fondées sur l’origine des produits puissent être relevés dans la jurisprudence communautaire577, on constate que de telles mesures ont fortement diminué au cours des années578. La surveillance étroite de la Commission, le contrôle des opérateurs économiques et la condamnation inévitable des mesures formellement discriminatoires sont autant de facteurs qui ont conduit les Etats à modifier leurs comportements579. La Cour de justice s’est dès lors progressivement focalisée sur les entraves non discriminatoires. Il n’en demeure pas moins que toute réglementation étatique des produits est soumise au principe de non discrimination580. L’approche américaine est similaire : si la clause de commerce ne comporte aucune interdiction formelle des discriminations, la Cour Suprême a itérativement jugé qu’elle impliquait une interdiction per se des mesures « facially discriminatory »581.

577 V. par ex., CJCE, 17 juin 1981, Commission c/ Irlande (« Souvenirs d’Irlande »), aff. 113/80, Rec. p. 1625

(mesure imposant aux entreprises fabriquant des souvenirs d’Irlande hors du territoire irlandais d’apposer la mention « foreign » sur leurs produits) ; CJCE, 9 juin 1982, Commission c/ Italie, aff. 95/81, Rec. p. 2187 (réglementation italienne imposant le versement d’une caution ou d’une garantie bancaire pour le paiement anticipé des marchandises destinées à être importées) ; CJCE, 22 mars 1983, Commission c/ France (« vins italiens »), aff. 42/82, Rec. p. 1013 (réglementation française soumettant à des contrôles systématiques l’importation de vins italiens) ; CJCE, 20 avril 1983, Weinvertriebs-GmbH (« Vermouth »), aff. 59/82, Rec. p. 1217 (réglementation appliquant des exigences différentes quant à la teneur en alcool du vermouth selon que

la boisson était fabriquée en Allemagne ou dans un autre Etat) ; CJCE, 20 mars 1990, Du Pont de Nemours c/

Unita Sanitaria Locale, aff. 21/88, Rec. p. 889 (mesure réservant aux entreprises implantées dans la zone du Mezzogiorno un pourcentage des marchés publics de fourniture, favorisant ainsi les marchandises produites localement) ; CJCE, 7 mai 1997, Pistre, aff. jtes C-321 à 324/94, Rec. p. I-2343 (mesure réservant la dénomination « montagne » aux seuls produits fabriqués sur le territoire national) ; CJCE, 25 octobre 2001, Commission c/ Grèce (« Produits pétroliers »), aff. C-398/98, Rec. p. I-7915 (faculté de transfert de l’obligation de stockage de produits pétroliers offerte aux sociétés de commercialisation de tels produits subordonnée à l’approvisionnement auprès des raffineries nationales).

578 V. R. HERNU, Principe d’égalité et principe de non discrimination…, op. cit., p. 400. De manière plus

générale, « [la] mention explicite de la nationalité […] comme critère de distinction est aujourd’hui devenue rare » (P. GARONNE, « La discrimination indirecte en droit communautaire… », préc., p. 425).

579 V. par ex. en matière de contrôles sanitaires et phytosanitaires à l’importation, la jurisprudence abondante et

très constante de la Cour de justice au cours des années 1970 et 1980, qui, combinée avec l’adoption d’actes communautaires visant à harmoniser ces contrôles, a amené les Etats à modifier leurs législations en la matière (v. par ex. CJCE, Rewe-Zentralfinanz, aff. 4/75, préc. ; CJCE, Simmenthal, aff. 35/76, préc. ; CJCE, 7 avril 1981, United Foods & Van den Abeele, aff. 132/80, Rec. p. 995).

580 V. par ex. CJCE, cyclomoteurs, aff. C-110/05, préc., pt 34.

581 V. par ex., Great Atlantic & Pac. Tea Co., 424 U.S. 366, préc. ; Raymond Motor Transportation Inc. v. Rice,

434 U.S. 429, 444 n.18 (1978) ; City of Philadelphia v. New Jersey, 437 U.S. 617, préc. ; Hughes, 441 U.S. 322, préc. ; Kassel v. Consolidated Freightways Corporation of Delaware, 450 U.S. 662 (1981) ; Heald, 544 U.S. 460, préc.

135. Les affaires relatives à des interdictions d’importation illustrent parfaitement cette volonté commune de lutter contre les discriminations. Une interdiction d’importation n’est pas discriminatoire si le produit visé présente des caractéristiques distinctes de celles du produit national auquel on le compare. En revanche, lorsqu’il n’existe aucune différence réelle, autre que l’origine, entre les produits, une telle interdiction viole la dormant commerce clause aux Etats-Unis582 et l’article 34 TFUE dans l’Union européenne583. Ainsi, la Cour Suprême a déclaré inconstitutionnelles des lois étatiques interdisant l’importation de déchets, estimant que les déchets importés étaient similaires aux déchets étatiques. Les Etats ne pouvaient donc opérer de distinction selon l’origine des déchets, et ce même dans la perspective de protéger l’environnement584. De même, les interdictions de livraison directe aux consommateurs par des entreprises établies dans d’autres Etats, alors que ces livraisons sont autorisées de la part d’entreprises étatiques, sont directement discriminatoires585.

136. La Cour de justice a, pour sa part, condamné une interdiction d’importation édictée en 1981 par le Royaume-Uni à l’égard des viandes de volaille586. Cet Etat prétendait que la mesure était nécessaire pour éviter la propagation de la maladie de Newcastle dans le cheptel national. A ce titre, il avait refusé les demandes françaises visant à obtenir que les produits de volaille français soient réadmis en Grande-Bretagne. Or, le gouvernement français avait adopté, à l’égard de la maladie, une politique similaire à celle du Royaume-Uni. Ainsi, un traitement différent était appliqué à des produits pourtant analogues. Les juges en ont déduit que la mesure était en réalité une restriction déguisée, au sens de l’article 36 TFUE, en ce

582 Railroad Co. v. Husen, 95 U.S 465 (1877) ; City of Philadelphia v. New Jersey, 437 U.S., préc., pp. 626-627 :

« quel que soit l’objectif poursuivi [par l’Etat], il ne peut l’accomplir en établissant une discrimination à l’égard des produits du commerce originaires d’autres Etats, sauf s’il a une raison, autre que l’origine du produit de le traiter différemment » (“whatever New Jersey’s ultimate purpose, it may not be accomplished by discriminating against articles of commerce coming from outside the State unless there is some reason, apart from their origin to treat them differently”).

583 V. par ex., CJCE, 11 mars 1986, Conegate, aff. 121/85, Rec. p. 1007. On peut également estimer qu’une

interdiction d’importation constitue la forme la plus ultime de restriction quantitative.

584 V., par ex., City of Philadelphia v. New Jersey, 437 U.S. 617, préc. Saisie d’un litige similaire la Cour de

justice a, au contraire, jugé que les déchets importés et les déchets locaux n’étaient pas similaires compte tenu du principe de la correction à la source. Il en résulte qu’une interdiction d’entreposer des déchets provenant de l’étranger dans les décharges wallonnes n’est pas discriminatoire (CJCE, 9 juillet 1992, Commission c/ Belgique (« déchets wallons »), aff. C-2/90, Rec. p. I-4431).Cette décision a toutefois été relativisée depuis, la Cour ayant jugé discriminatoire une exonération fiscale bénéficiant aux seuls déchets nationaux (CJCE, 8 novembre 2007, Stadtgemeinde Frohnleiten et Gemeindebetriebe Frohnleiten, aff. C-221/06, Rec. p. I-9643). V. à ce propos, le chapitre 1, section 2, §2, A, 2 ainsi que le chapitre 2, section 2, §1, B du titre 2 de la 2ème partie, infra.

585 Heald, 544 U.S. 460, préc.

qu’elle était utilisée « de manière à établir des discriminations à l’égard des marchandises

originaires d’autres Etats membres »587.

137. Si les discriminations directes posent peu de difficultés de qualification aux juridictions, le contrôle des discriminations de fait est, en revanche, plus difficile à opérer. C’est pourquoi, les Cours ne cherchent pas nécessairement à démontrer l’existence d’une discrimination lorsque d’autres arguments leur permettent de conclure à l’existence d’une entrave588. A cet égard, les réglementations indistinctement applicables concernant le prix des marchandises ont suscité un abondant contentieux qui illustre les difficultés auxquelles ont pu être confrontés tant le juge communautaire que le juge américain.

2. Les discriminations de fait à l’égard des produits importés : l’exemple des