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Des politiques universelles plutôt favorables aux enfants en situation

Dans le document Quel accueil pour le jeune enfant (Page 73-76)

de pauvreté…

Tout d’abord, notons que l’universalité favorise globalement l’ensemble de la population, y compris les enfants vivant en situation de pauvreté. Elango, García, Heckman et Hojman (2015) synthétisent la littérature sur cette question.

Les auteur.e.s dépassent le cadre de la méta-analyse et dissèquent à nouveau les sources de données primaires dans un cadre commun, en étudiant les données d’enquêtes provenant de programmes divers, universels ou ciblés. Selon les données issues recherches menées en Norvège, au Québec ou aux États-Unis, les programmes universels profitent largement aux enfants défavorisés.

Par exemple, Miller, Votruba-Drzal, McQuiggan et Shaw (2017) établissent une comparaison entre les deux principaux modèles états-uniens de pro-grammes de prématernelle (1 à 2 ans avant la maternelle) financés par des fonds publics : la « pré-maternelle ciblée », soumise à condition de ressources, et la « pré-maternelle universelle ». Ces programmes diffèrent souvent par les caractéristiques économiques des enfants d’âge préscolaire inscrits. Selon les auteures, des études antérieures avaient mis en évidence des liens entre les résultats individuels des enfants et la composition économique des autres élèves de la classe, mais peu d’entre elles avaient permis de déterminer si ces associations étaient valables dans les classes de l’enseignement préscolaire. En utilisant les données de 2 966 enfants dans 709 classes pré-maternelles, elles examinent tout d’abord si la composition économique de la classe (c’est-à-dire

le revenu familial moyen, l’écart-type des revenus et le pourcentage d’élèves issus de ménages à faible revenu) est corrélée à la réussite scolaire ; puis si les associations entre la composition économique de la classe et les résultats des enfants diffèrent en fonction du niveau de compétences académiques initial. Le premier résultat vérifie l’hypothèse initiale : l’augmentation de l’avantage économique dans les classes de l’enseignement pré-maternel est corrélée positivement aux résultats de réussite. Plus précisément, l’augmen-tation du revenu global des salles de classe entre 22 500 et 62 500 dollars est liée à l’amélioration des résultats en mathématiques. L’augmentation de la proportion d’enfants issus de ménages à faible revenu dans la salle de classe a une relation négative avec les compétences en mathématiques, en lecture et en écriture et en langue. Il y a peu de preuves statistiques que les liens entre la composition économique de la classe et les performances diffèrent selon le niveau de compétence initial. Les résultats (en termes de modèles de régres-sions logistiques notamment) indiquent que les programmes de pré-maternelle économiquement intégrés peuvent être plus bénéfiques pour les enfants d’âge préscolaire issus des ménages à faible revenu que les salles de classe destinées uniquement aux enfants économiquement défavorisés.

Peticlerc et al. (2017) ont mené une étude qui intègre les données de cinq cohortes d’enfants vivant dans différents pays occidentaux à revenu élevé (Royaume-Uni, États-Unis, Pays-Bas, Canada et Norvège, au total 21 437 per-sonnes). Elles constatent que les taux de participation plus élevés aux services d’accueil sont associés à des subventions universelles, c’est-à-dire non ciblées sur les familles à faible revenu dans les différents contextes politiques de la petite enfance de 0 à 5 ans révolus. Les prestations universelles bénéficieraient donc à l’ensemble des familles et ne seraient pas associées à des effets pervers de sélections par le revenu ou associé au revenu (par exemple, le fait de « ne pas se sentir à sa place »).

Si l’on considère la notion d’accueil dans un sens large, l’étude de l’équipe de Sekhobo (2014) est extrêmement instructive. Une politique universelle, ne tenant notamment pas compte des revenus des bénéficiaires ni de leur lieu de vie, permettrait de lutter contre des inégalités autres que directement monétaires, telle que la situation d’obésité chez le très jeune enfant. Or, par effet de retour, comme la question de l’obésité chez les très jeunes enfants est fortement liée au niveau de revenus, une politique de lutte contre les causes de l’obésité bénéficie fortement aux enfants en situation de pauvreté.

La réglementation de l’article 47 de la ville de New York, entrée en vigueur en 2007, impose aux centres agréés d’accueil de l’enfance d’améliorer les comportements des enfants inscrits en matière de nutrition, d’activité phy-sique et de temps passé devant la télévision. Pour compléter l’évaluation des réglementations de l’article 47, les auteurs ont lancé une étude écologique (c’est-à-dire tenant compte de l’environnement et du contexte) et exploratoire, afin d’examiner l’évolution de la prévalence de l’obésité chez les enfants d’âge préscolaire issus de familles à faible revenu et inscrits au programme de nutrition pour les femmes, les nourrissons et les enfants dans des quartiers de la ville de New York. Ils ont mené cette étude trois ans avant (de 2004 à 2006) et après (de 2008 à 2010) la mise en application de la réglementation en 2007. Ils constatent que la prévalence de l’obésité chez les jeunes enfants a diminué dans tous les quartiers étudiés de 2004-2006 à 2008-2010. La plus

forte baisse a été enregistrée dans les quartiers à haut risque de Manhattan, où la prévalence de l’obésité est passée de 18,6 % en 2004-2006 à 15,3 % en 2008-2010. Les résultats ont montré une réduction de l’écart de prévalence de l’obésité entre les quartiers à haut risque et à faible risque. La réduction de la prévalence de l’obésité chez les jeunes enfants dans certains quartiers à risque élevé comme à risque faible de la ville de New York suggère que des progrès ont été accomplis dans la réduction des disparités en matière de santé au cours des années à la suite de l’application de la réglementation de 2007. Une politique universelle sur l’ensemble d’une ville, sans ciblage sur les revenus ou sur les quartiers par exemple, a profité à l’ensemble des enfants, voire a proportionnellement plus bénéficié aux plus démunis.

Burström et al. (2017) ont mené le même type d’étude et complètent les conclu-sions. Les auteurs étudient un programme post-natal de prévention de l’obésité chez les enfants dans les services de soins et d’éducation en Suède. Ils constatent que malgré un système de protection sociale bien développé dans ce pays, il existe d’importants écarts de santé entre les zones résidentielles du comté de Stockholm et une espérance de vie plus courte dans les zones défavorisées. Ces fractures socioéconomiques et sanitaires affectent également les enfants. Selon les auteurs, cette intervention peut être considérée comme l’exemple concret d’un « universalisme proportionné », en tant que stratégie visant à réduire les inégalités en matière de santé, en appliquant une intervention universelle avec une intensité accrue aux groupes qui en ont le plus besoin. Des efforts supplé-mentaires et une collaboration organisée de la part des différentes autorités ont été nécessaires pour répondre aux besoins plus grands des enfants qui grandissent dans ces zones. L’article décrit la logique et la conception de l’évaluation d’un programme étendu de visites à domicile post-natales en collaboration entre les services de santé pour enfants et les services sociaux dans la région de Rinkeby, à Stockholm, et dans le reste de la Suède, où vit une forte proportion d’immigrants

« récents », dont plus de la moitié est à risque de pauvreté. L’intervention a reçu un accueil très positif de la part des parents (taux de participation de 95 %) ; ceux-ci semblent avoir l’impression de bénéficier réellement de la participation, ainsi que du personnel des services de santé infantile et des services sociaux qui, de leur côté, trouvent cette approche en lien avec leurs intentions professionnelles. Les membres du personnel interrogés apprécient également la collaboration inter-professionnelle. L’intervention a également suscité des activités dans d’autres secteurs (la bibliothèque locale, la garderie d’enfants) de la région. Le moment de l’intervention, au début de la vie de l’enfant, peut être bien adapté pour aider les parents à se réorienter et à trouver un rôle parental adéquat, c’est-à-dire au profit du développement de l’enfant. Pour les cas français, cette étude interroge un service, lui universel, à savoir la protection maternelle et infantile (PMI). Cet organisme est universel puisqu’il assure un service à tous les enfants depuis la gestation et jusqu’à trois ans et à leurs parents (notamment leurs mères), mais il comporte la possibilité de le moduler et d’apporter un accompagnement renforcé en cas de nécessité liée à des besoins spécifiques de l’enfant. L’universalité offre une couverture totale de la population et permet de cibler ensuite des populations avec des spécificités dans les besoins.

Se pose toutefois la question fondamentale de l’accès de toutes et tous aux poli-tiques universelles, condition pour que l’universalité soit réelle dans la pratique et ne soit pas seulement une universalité d’égalité juridique théorique.

… à condition que la politique

Dans le document Quel accueil pour le jeune enfant (Page 73-76)