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Pistes pour la recherche

Dans le document Quel accueil pour le jeune enfant (Page 114-117)

et les politiques publiques

Ce rapport a abordé la question de l’accueil du jeune enfant en situation de pauvreté dans les structures d’accueil collectif de la petite enfance. Plusieurs questions ont guidé son élaboration : Que signifie « accueillir un enfant en situa-tion de pauvreté » dans une structure de la petite enfance ? À partir de quels types de travaux et de choix d’indicateurs le lien entre développement des enfants et situations de pauvreté de leurs familles est-il étudié ? Que montrent-ils ? Quelles questions soulèvent-ils ? L’accueil en établissement d’accueil du jeune enfant compense-t-il (ou non) certains des effets de situations de pauvreté sur le développement des enfants ? L’offre proposée répond-elle quantitativement aux attentes des familles concernées ? Quelles sont les barrières à leur accès aux modes d’accueil ? Sur quels principes s’appuient les politiques publiques à l’égard des familles, des enfants ? Quels sont les programmes d’interventions et/

ou les pratiques professionnelles mises en œuvre ? Sur quoi portent-ils ? Quelles sont les actions, notamment les questions liées à la formation des professionnel.

le.s, réalisées pour intervenir auprès d’enfants en situations de pauvreté ? L’état des savoirs réalisé a permis de repérer les points aveugles et les zones d’ombre concernant ces questions tant en termes de recherche que de politiques publiques. Au vu du peu de données françaises – quelle que soit la discipline convoquée – que nous avons trouvées pour répondre aux interrogations précé-demment citées, il nous a paru important de proposer ce qu’il nous semble le plus urgent à entreprendre. Certains des axes d’études proposés rejoignant les pistes déjà indiquées dans le précédent état des savoirs concernant la parentalité (Martin et al., 2017, 146-147).

Pistes pour la recherche

Peu d’études – voire aucune – n’explorent les attentes, représentations des familles, des pères et des mères en situation de pauvreté sur les dispositifs d’accueil de leur jeune enfant. Quelles sont-elles ? Comment s’explique leur faible recours au-delà d’une insuffisance de places ? Quels autres obstacles, liés à des différences de normes et de valeurs éducatives avec les institutions d’accueil, entrent en jeu ?

• Sans doute serait-il aussi pertinent de soutenir des recherches qualitatives qui prendraient en compte les conditions de vie des enfants et de leurs familles (logement, santé, accès à l’éducation, aux loisirs, à la culture, etc.). Les résultats disponibles, qui généralement émanent de recherches quantitatives, se fondent souvent sur des moyennes, ce qui signifie aussi que si certains enfants en situa-tion de pauvreté présentent des difficultés, d’autres non, sans que les raisons de cette différence soient explorées. Aussi serait-il pertinent de conduire des études qui mettent en exergue et analysent la variété des dynamiques familiales et sociétales face aux situations de pauvreté. Pour ce faire, d’autres modes d’évaluation, qui se distingueraient des approches randomisées, restent à éla-borer, à partir d’approches ajustées à la singularité des familles et des contextes dans lesquels elles vivent. « À la manière de l’évaluation du programme Early Head Start, il est nécessaire de compléter ces dispositifs expérimentaux par des études de processus de même que des études qualitatives, afin de mieux com-prendre ce qui fonctionne, pour qui et sous quelles conditions » (Saïas, Poissant, Delawarde, Tarabulsy, 2019, in Tarabulsy, Poissant, Saïas et Delawarde, 2019, 314). Des études effectuées à partir de « l’évaluation basée sur la théorie » (Devaux-Spatarakis, 2014) permettraient, par exemple, de reconstituer finement les « chaînes causales » qui conduisent à différentes configurations de pauvreté et à leurs prises en charge. Une telle approche permettrait de mieux saisir les processus pouvant indirectement induire l’exclusion de ces enfants, et les mul-tiples facteurs qui influent, tant du point de vue des professionnel.le.s (dont les études ne questionnent pratiquement jamais leur propre rapport à la pauvreté) que des parents, le devenir des enfants, sans omettre ou dissocier les dimensions politiques de cette question.

• Des études pourraient être menées pour analyser les trajectoires des enfants en situation de pauvreté afin d’apprécier l’incidence d’évènements nouveaux qui, au cours de leur vie, peuvent être protecteurs ou dommageables. Aussi manque-t-on de données qui discernent finement l’âge dans les résultats des travaux men-tionnés, notamment les tranches d’âge de la petite enfance, objet de ce rapport.

• Des études analysant les pratiques d’accueil des enfants EAJE et chez des assistant.e.s maternel.le.s sont inexistantes. Des travaux seraient à encourager pour mieux analyser comment sont accueillis ces enfants âgés de moins de 3 ans.

Dans cette perspective, des travaux seraient à initier sur les fondements impli-cites et expliimpli-cites des actions et pratiques des professionnel.le.s, à leur égard (dif-férenciation des types de jeux, activités, organisation des espaces) en fonction des situations sociales et du genre des enfants, dans les différents lieux d’accueil.

• Quasiment aucune des études répertoriées ne repose sur des enquêtes auprès des deux parents, qu’ils soient en couples ou séparés, ni sur d’autres tiers jouant un rôle de parent et pouvant intervenir dans le soin et l’éducation de l’enfant accueilli ou non dans un mode d’accueil. Des études seraient pertinentes pour pallier ce manque dans la littérature scientifique. L’étude des enfants vivant en situation de pauvreté devrait davantage sortir de la dualité famille conjugale – famille mono-parentale, famille le plus souvent convoquée dès qu’il s’agit de situations de pau-vreté et interroger d’autres situations possibles générées par la paupau-vreté (isolement par exemple). Il serait pertinent d’étudier cet ensemble de familles en relation avec leur environnement (alternances de présence/absence paternelles ; de parents non statutaires ou surnuméraires, par exemple) afin de mieux en analyser les effets sur le départage et l’accueil de l’enfant. Les données qui informeraient sur la

partici-pation (sans doute limitée, sans doute intermittente, ce qui complique d’autant la situation des mères) des pères séparés à la délégation de l’enfant manquent, d’où la nécessité de réaliser des recherches qui prennent en compte les arbitrages autour du départage de l’enfant dans les milieux populaires, autrement qu’à travers des situations pathologiques ou de monoparentalité.

• Certaines études s’intéressent aux problématiques du cumul et des alternances des modes d’accueil que les parents doivent opérer dans une journée, sur une semaine. Les études sont peu nombreuses et datent d’une dizaine d’années. La reprise de travaux comme ceux initiés par Bressé, Le Bihan et Martin (2007) sur les stratégies opérées par les parents travaillant selon des horaires atypiques pour faire garder leurs enfants seraient à renouveler. De même, des travaux plus anciens encore s’intéressant aux atouts et aux limites des dispositifs de garde innovants pour répondre à des demandes spécifiques (Campéon, Le Bihan et Martin, 2005) incluant des enfants vivant en situation de pauvreté seraient bienvenus.

• Par ailleurs, les effets de la réduction de la durée de versement des presta-tions versées dans le cadre d’un congé parental sur l’organisation de la garde et les ressources des familles seraient à étudier notamment pour les familles les plus pauvres.

• Aucune étude recensée n’étudie le potentiel d’action (agentivité ou agency) que pourrait mobiliser chaque être humain, enfant comme parent, selon les modes d’accueil utilisés par exemple, cette approche pourrait constituer un axe d’analyse novateur en contexte de pauvreté.

• Les études restent mono-disciplinaire (psychologie, économie, sociologie…).

Des approches pluridisciplinaires permettraient de mieux saisir la complexité des intrications des situations de pauvreté affectant les parents, les enfants et les professionnel.le.s. Elles permettraient de nouvelles approches méthodologiques pour mieux saisir les trajectoires les plus fréquentes des personnes prises dans ces situations de pauvreté.

• Par ailleurs, ne conviendrait-il pas d’étendre le champ de la réflexion sur les pratiques des professionnel.le.s, en incluant leur action auprès des enfants en situation de pauvreté ? Quelles représentations guident les pratiques ? Quels sont les types d’interventions proposés : ciblés sur les enfants, les parents ? Il semble que fait aussi défaut ce que disent les professionnel.le.s de leurs rapports à la garde de leurs propres enfants.

• Pour ce qui concerne la question des bricolages de garde par les parents, peu d’études font état des démarches et parcours effectués dans les familles en situa-tion de pauvreté avant l’obtensitua-tion d’un mode d’accueil (mobilisasitua-tion des réseaux personnels, rencontres avec des travailleurs sociaux, par exemple). Des données sérieuses à ce propos permettraient de mieux apprécier les actions publiques à mettre en œuvre.

• Sur un territoire donné, est-ce que l’articulation d’une politique d’accueil de la petite enfance avec d’autres politiques publiques, telles que la PMI, l’ASE, le sou-tien à la parentalité, la politique de la ville, a des conséquences favorables ou défa-vorables dans une lutte contre la pauvreté ? Pour répondre à cette question, il serait nécessaire de disposer d’études de cohortes d’enfants, afin d’étudier leur parcours au sein des divers dispositifs dont ils bénéficient parallèlement ou successivement.

• Et, finalement, il resterait sans doute fort utile de s’intéresser au nouveau fait social d’« errance mondiale » que rencontrent les PMI à travers

l’accompagne-ment de tous jeunes enfants de mères en situation de migration et de l’étudier à travers l’accueil des jeunes enfants dans les structures petite enfance.

Pistes en termes de politiques

Dans le document Quel accueil pour le jeune enfant (Page 114-117)