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pauvreté des parents et des familles ?

Dans le document Quel accueil pour le jeune enfant (Page 44-47)

Dans le champ de la psychologie du développement, plusieurs résultats issus de recherches, notamment anglo-saxonnes, convergent pour mentionner moins d’enfants sécurisés, et plus d’enfants « désorganisés/désorientés » chez ceux vivant dans un contexte de pauvreté, que dans la population générale. Les conduites sociales qui renvoient aux comportements de l’enfant avec ses camarades et les adultes de son entourage semblent elles aussi perturbées. Sont relevés des problèmes de comportements dits « intériorisés » tels l’anxiété, la dépression, le retrait social ou encore la dépendance affective, et des problèmes de comportements dits « extériorisés » comme l’irritabilité, l’agressivité, la résistance à l’adulte… Plusieurs difficultés d’ordre émotionnel sont également décrites : faible estime de soi, accès de colère ou humeur changeante. Au plan cognitif, les études menées auprès des jeunes enfants utilisent des indicateurs tels que les résolutions de problèmes (par exemple des jeux de construction ou des puzzles), les habiletés verbales, les tests de réussite en lecture ou en calcul. Sur l’ensemble de ces paramètres, les résultats indiquent, chez les jeunes enfants pauvres, un niveau moins satisfaisant de fonctionnement cognitif, notamment sur les apprentissages scolaires et les aptitudes verbales.

Par exemple, l’étude de Buckingham, Beaman et Wheldall (2014) indique que les écarts entre les enfants de différents milieux socio-économiques sont

manifestes avant le début de la scolarisation obligatoire (soit 6 ans en Australie, pays où a été effectuée l’étude). Le statut socio-économique est déterminant pour l’alphabétisation précoce 47, en raison de son association avec d’autres facteurs. Les enfants issus de familles défavorisées ont ainsi moins d’oppor-tunité pour réaliser des expériences favorisant l’acquisition de compétences fondamentales pour l’apprentissage de la lecture, du vocabulaire et du langage oral. Les environnements domestiques faiblement dotés réduisent le potentiel des enfants et leurs capacités à lire et à mobiliser du vocabulaire à l’oral. En outre, les enfants issus de familles à statut socio-économique défavorisé sont plus susceptibles d’avoir des déficiences cognitives liées à des problèmes de santé. Les facteurs de risque associés à l’incapacité d’acquérir des compé-tences en lecture précoces sont cumulatifs et interactifs.

Notons aussi que le développement socio-affectif reste un domaine non seu-lement peu étudié mais aussi peu lié au développement cognitif. Ainsi, par exemple, un attachement insécurisé à la mère (la figure maternelle étant la plupart du temps la figure de référence) chez les jeunes enfants peut avoir des conséquences dans d’autres domaines du développement tels que les habiletés sociales, l’autonomie, l’exploration…, et que ces habiletés sociales, cette auto-nomie, ce désir d’explorer l’environnement sont autant de facteurs explicatifs d’un développement cognitif satisfaisant (Zaouche Gaudron, 2017).

La recherche australienne, menée par Tran, Luchters et Fisher, en 2016, a pour objectif d’analyser les relations entre la pauvreté des familles, les pratiques de soins des parents, l’accès à l’éducation et le développement des enfants vivant dans des pays à revenu faible ou intermédiaire. Ce dernier a été évalué dans quatre domaines : cognitivo-langagier, physique, socio-émotionnel et dans le champ des apprentissages. Les pays ont été classés en trois groupes sur la base de l’indice de développement humain (IDH). Les données portent sur 97 731 enfants âgés de 35 à 59 mois issus de 35 pays à revenu faible ou intermédiaire. Le score moyen sur l’échelle de développement de l’enfant était de 4,93 sur un score maximum de 10 dans les pays à IDH faible et de 7,08 dans les pays à IDH élevé. La pauvreté familiale était associée à des scores plus faibles de développement de l’enfant dans tous les pays. Les principales conclusions indiquent, sans grande surprise mais de façon consistante, que les enfants vivant dans des pays à faible IDH et de surcroît dans les milieux les plus défavorisés de leur société courent le plus grand risque de ne pas atteindre leur potentiel de développement. Le fait d’optimiser la qualité de l’attention et des soins que l’enfant reçoit à la maison par ses parents, comme la mise en place de services d’éducation à la petite enfance, sont essentiels pour réduire les effets de la pauvreté sur le développement précoce et la vie ultérieure des enfants.

Ce faisant, les résultats des recherches ne nous informent pas encore clairement sur l’impact qu’une entrée dans la vie dans un contexte de pauvreté peut avoir sur le développement de l’enfant (Smith, Brooks-Gunn et Klebanov, 1997). Or, pour Bruniaux et Galtier (2003), il est essentiel de savoir quand apparaissent les

47 Au Québec, « l’éveil à la lecture et l’écriture » est une expression qui ne fait pas seulement réfé-rence à l’apprentissage des lettres et des mots (alphabétisation), mais aussi à tout ce qui sous-tend cet apprentissage (intérêt/motivation, régulation de l’attention, latéralité, relation avec l’adulte, etc.).

difficultés développementales, de savoir si elles persistent ou si elles peuvent être compensées par les structures scolaires ou d’autres instances ou services.

Smith, Brooks-Gunn et Klebanov (1997) estiment que les effets de la pauvreté seraient plus durement ressentis par les plus jeunes enfants (de la naissance à l’âge de 8 ans) que par les enfants plus âgés. Par contre, en ce qui concerne la durée durant laquelle un enfant vit dans des situations de pauvreté, il semble établi que la pauvreté « persistante » affecte davantage le développement de l’enfant que la pauvreté « transitoire ». Les conclusions les plus saillantes qui résument les effets de la durée sur le développement cognitif et socio-affectif sont les suivantes. Sur le plan cognitif, la pauvreté « transitoire » affecte les scores de quotient intellectuel, d’habileté verbale et de réussite, mais les effets sont généralement moins importants que ceux liés à la pauvreté « persistante ».

De même, elle induit des scores plus faibles sur les registres de l’habileté verbale et de la réussite en lecture et en calcul (op. cit.). S’agissant des problèmes de comportement à 5 ans, les effets de la pauvreté « persistante » sont 60 à 80 % plus élevés que ceux de la pauvreté « transitoire » (op. cit.).

Précisons aussi que les difficultés que rencontrent les enfants ne peuvent pas être analysées de façon isolée mais doivent être interprétées en fonction des contextes de vie. Par exemple, en France, le mal-logement caractérisé par l’insalubrité, l’exiguïté et l’insécurité apporte un éclairage quant aux multi-ples difficultés rencontrées par les jeunes enfants. Pour ce qui concerne leur santé, les situations les plus préoccupantes sont diverses mais, pour la plupart, liées aux conditions du mal-logement : asthme et symptomatologie ORL en raison de l’humidité, des moisissures, du chauffage insuffisant ou défectueux ; saturnisme 48 dont on connaît les effets dévastateurs sur le développement des enfants ; hygiène défaillante, troubles de la vision non corrigés, problèmes bucco-dentaires, atteintes dermatologiques de toute nature ; risque d’obésité de 3 à 4 fois plus important que dans la population générale. Ce cortège de symptômes affecte tous les secteurs de développement des enfants. Si l’insalu-brité, les nuisances sonores, le surpeuplement atteignent la santé physique des enfants, d’autres effets moins observables, découlant de l’exiguïté de l’espace vital qui se double d’une contraction de l’espace intime et produisent, entre autres, une promiscuité préjudiciable au bon développement socio-affectif et à un développement adéquat au plan cognitif (Zaouche Gaudron, 2017). Ainsi, on peut aisément comprendre que les effets de la pauvreté en conditions de vie sur le développement de l’enfant peuvent être cumulatifs (Haveman, Wolfe et Spaulding, 1991 ; Parke et Anderson, 1988).

48 Chez le jeune enfant, l’effet le plus préoccupant d’une intoxication au plomb est la diminu-tion des performances cognitives et sensorimotrices. Une plombémie de 12 μg/L est associée à la perte d’un point de QI, et de nombreuses études épidémiologiques ont montré une associa-tion entre la concentraassocia-tion de plomb dans le sang et les performances à l’âge scolaire. Dès les faibles concentrations, le plomb altère également le développement staturo-pondéral et sexuel du jeune enfant, son comportement et l’acuité auditive. https://www.inserm.fr/information-en-sante/

dossiers-information/saturnisme.

Les structures d’accueil

Dans le document Quel accueil pour le jeune enfant (Page 44-47)