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Politiques foncières et immobilières susceptibles de limiter l’extension urbaine et périurbaine

5. Stratégies de localisation des ménages et construction de logements

5.3. Politiques foncières et immobilières susceptibles de limiter l’extension urbaine et périurbaine

Les études portant sur les marchés fonciers et immobiliers révèlent la nécessité de distinguer leur ajustement tel qu’il s’observe au sein des villes monocentriques et à l’échelle de la couronne périurbaine, afin de mieux cerner les outils et leviers d’action susceptibles d’influencer les stratégies de localisation des ménages.

Les marchés fonciers et immobiliers s’ajustent en fonction des demandes de terrains et de logements exprimés par les ménages. Ils sont caractérisés par les règles suivantes :

- Les prix par unité de service résidentiel diminuent lorsque la distance au centre augmente ; - La taille optimale du lot foncier augmente quand on s’éloigne du centre ;

- Les densités d’occupation du sol diminuent avec la distance au centre de la ville.

Quels sont les outils disponibles pour influer sur la densité et la répartition spatiale des ménages ? Si le zonage et la fiscalité sont les réponses classiques (cf. Chapitre 8), d’autres outils tels que les marchés de droit à bâtir ou l’achat de foncier par les collectivités territoriales peuvent également être envisagés.

 Transfert de droit à bâtir

Le transfert de droit à bâtir est un outil économique susceptible d’influer sur les caractéristiques des marchés fonciers et immobiliers. Il permet au porteur de projet d’augmenter la densité sur une parcelle en achetant des droits non utilisés sur une autre parcelle de la même zone.

Dans les zones où des marchés de droits existent, les constructeurs sont limités dans leur choix de densité de construction par un seuil maximal. Ils peuvent éventuellement dépasser ce seuil en acquérant des unités de densité supplémentaire autorisée auprès d’un autre propriétaire foncier si ce dernier ne souhaite pas densifier sa parcelle à son seuil maximal. C’est le marché des coefficients d’occupation des sols (COS) tel qu’il a théoriquement existé sans être vraiment mis en pratique. L’efficacité de ce type de régulation en termes de limitation des constructions nouvelles dépend de plusieurs facteurs. En particulier, l’intensité de constructions supplémentaires à laquelle les constructeurs peuvent prétendre, doit être plus élevée que sous un schéma de régulation uniforme classique. La zone soumise à ce type de régulation doit correspondre aux attentes de la communauté locale, le seuil de limitation de densité doit être appliqué de manière stricte et le territoire ne doit pas présenter des zones non soumises à la régulation offrant ainsi aux constructeurs des opportunités alternatives de constructions nouvelles.

La mise en place d’un marché de droits de construction échangeables se heurte à la crainte de concentrer les activités dommageables (densité extrême en un lieu unique) ou la remise en cause de la réduction effective de la quantité totale de bâti, en comparaison avec un système de régulation uniforme plus classique. Pourtant, dans l’hypothèse vertueuse d’une répartition optimale des terres et une répartition des gains d’urbanisation, les transferts de droit à bâtir sont susceptibles, selon les économistes, de satisfaire l’intérêt général et l’intérêt privé.

En France, le recours à cet outil est négligeable : l’absence d’un marché suffisant pour fixer des prix cohérents, les contraintes législatives et le régime d’autorisation préalable mis en place expliquent en partie ce constat. Il pourrait peut-être se développer sous l’impulsion de la loi ALUR (2014) qui a créé un mécanisme de transfert de constructibilité dans les zones à protéger en raison de leurs paysages.

 Achats fonciers et projet de développement comme levier contre l’artificialisation des sols

Les politiques publiques peuvent agir directement sous la forme d’achats fonciers et de projets de développement. C’est le cas de la ceinture verte (Green belt) autour de Londres. Ces ceintures vertes (cf. Chapitres 4 et 8) existent dans plusieurs pays mais leur application au Royaume-Uni est originale puisqu’elles y sont décidées par l’agglomération et imposées aux communes. L’objectif britannique est ambitieux : limiter l’extension urbaine, réduire l’impact sur les zones agricoles, et éviter les déplacements périphériques en décourageant les implantations au-delà de la ceinture. Sur ce dernier aspect au moins, les résultats ne sont pas au rendez-vous et le bilan de cette politique est controversé dans la littérature.

Les effets attendus des ceintures vertes portent sur la restriction des constructions et de leur prix, l’amélioration des aménités environnementales sur le site et ses alentours et sur des effets de rareté de l’offre par rapport à la demande. Par ailleurs, une ceinture verte aurait pour effet de réduire sensiblement les effets des îlots de chaleur urbain, comme l’ont montré les modèles du CNRM simulant une ceinture verte autour de Paris. En France, certains travaux montrent que ces ceintures auraient un effet protecteur sur la zone visée et à proximité, tandis que l’attractivité est renforcée à une échelle plus large. Parallèlement, l’effet de rareté provoque une hausse des prix et modifie la demande en logements en la dirigeant vers d’autres lieux. La revalorisation par le renouvellement urbain permet, de son côté, de maintenir et d’attirer la population dans les centres urbains. Cela peut se traduire par la réalisation de projets, la définition de zones de renouvellement ou des programmes de rénovation-renouvellement de l’habitat dans les quartiers défavorisés. La réalisation de grands projets publics (transports, espaces verts à l’intérieur des villes, projets favorisant le lien social, etc.) contribue à réorganiser les quartiers en incitant les constructeurs à concentrer leurs actions à proximité de ces nouvelles aménités plutôt qu’en périphérie. Potentiellement de grande ampleur, on observe qu’il est nécessaire pour les collectivités de disposer d’une bonne capacité de gestion administrative pour gérer ces projets.

La problématique des espaces vacants et de leur reconversion est logiquement au cœur de nombreuses stratégies urbaines.18 Bien que peu explorées par la littérature scientifique, les principales causes de la vacance sont la taille, la forme

et la localisation des parcelles ainsi que le coût de la reconversion lié à la nature de l’usage antérieur (logements vétustes, implantations industrielles ou militaires…). Les mobilités résidentielles contribuent également à la vacance, tout comme la capacité géographique d’une ville à s’étendre. Le phénomène est en outre cumulatif : les logements vacants ou la présence de terres à l’abandon donnent un signal de délaissement qui peut conduire à terme à dégrader davantage les quartiers considérés. En cas de signe de déclin de certains quartiers ou, plus globalement, en cas de délaissement de la ville, une politique publique proactive permet d’anticiper ce phénomène pour mieux le contrebalancer, d’autant que la réhabilitation de quartiers dégradés accroit la valeur des biens immobiliers dans les quartiers voisins.

L’anticipation est un facteur clé et permet d’identifier les terrains susceptibles de constituer l’assise de nouveaux réseaux d’espaces de déplacement et d’espaces verts multifonctionnels. L’assemblage des espaces vacants, interstitiels (dents creuses) nécessite des politiques incitatives permettant aux propriétaires de coopérer, en accordant des capacités de densification plus fortes dans les espaces ciblés. Le cas échéant, ces politiques seraient complémentaires des actions menées par les établissements publics fonciers à travers l’exercice de leur droit de préemption.

En secteur urbain déjà dense, les exigences publiques (en termes de réseaux, de circulation, de qualité du bâti, etc.) sont fortes et la gestion de la complexité pèse sur les coûts. Ces obstacles sont amplifiés sur les friches industrielles par le besoin d’études environnementales, la recherche du responsable de la pollution, la durée du projet, etc.

Dans les espaces délaissés par les opérateurs privés, c’est aux pouvoirs publics d’assurer le renouvellement urbain. Si les politiques urbaines sont rarement en cause dans l’accroissement des espaces vacants, il convient en revanche de pratiquer des politiques incitatives à leur réappropriation. Dans le cas des villes en décroissance, ces espaces sont des opportunités pour moderniser la ville, inclure des nouvelles normes en matière environnementale et énergétique. Le choix du type de reconversion (espace vert, chemins, logements) doit être étudié avec attention en fonction du tissu et de la densité existante. Le bien-être des habitants est un levier important permettant de limiter l’augmentation des espaces vacants en milieu urbain. Des dynamiques par "effets de substitution" émergent. Ainsi, en Ecosse, les ceintures vertes sont accompagnées de politiques de densification des espaces urbains, ciblées sur la reconversion des sites pollués. En France, les outils contractuels de type ZAC peuvent être utilisés pour forcer la reconversion d’espaces stratégiques dans les PLU, que le marché privé délaisse.

 La politique de transport : élément clé du développement compact des villes

La construction d’infrastructures de transports génère de l’étalement urbain, puisqu’elle permet d’habiter plus loin. En même temps, elle fluidifie le transport et, lorsqu’il s’agit de transport en commun, elle permet de rendre accessibles les centres urbains à un plus grand nombre de résidents, de réduire la pollution et la consommation énergétique globale.

La politique de transport vise souvent à créer des centres secondaires périurbains en tant que plateformes multimodales de transport ou nœuds de mobilité dont un des objectifs est de réduire la dispersion de l’habitat dans les couronnes périurbaines mais les résultats ne sont pas flagrants : bien qu’ils permettent une meilleure attractivité (notamment résidentielle) des sous- centres périurbains, la réduction de la dispersion du bâti n’est pas à la hauteur des attentes des décideurs. Certains auteurs préconisent l’application d’un Transit Oriented Development (TOD), consistant en une coordination des politiques de transports en commun avec les politiques d’aménagement afin d’augmenter l’usage des transports collectifs et d’encourager un développement plus compact des villes.

Alors que le fonctionnement des marchés tend à concentrer spatialement la localisation des entreprises dans le territoire, le déploiement d’infrastructures de transport peut induire de la dispersion dans la localisation de ces activités s’expliquant notamment par la diffusion améliorée des externalités de connaissances (cf. Chapitre 6).

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