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8. Eviter l’artificialisation des sols ou réduire, voire compenser, ses effets

8.1. Les voies juridiques et fiscales de l’artificialisation des sols

8.1.1. Les voies juridiques de l’artificialisation

L’artificialisation des sols est indissociablement liée à la propriété et au caractère souverain de celle-ci sur l’usage du bien. L’usage en est « libre » sous réserve du droit des tiers et pourvu qu’il n’en soit pas fait un usage contraire aux lois et règlements (Code civil, art. 544). Ce qui implique que si artificialisation il y a, c’est que soit il n’y a pas de réglementation qui s’y oppose, soit au contraire, que cette réglementation la favorise et qu’éventuellement, la réglementation est accompagnée de dispositifs financiers et fiscaux susceptibles d’avoir un impact sur les marchés immobiliers.

 Le renforcement des règles contentieuses en faveur de l’urbanisation

La volonté de renforcer le parc immobilier pour faire face aux besoins en logement a conduit à modifier sensiblement les règles contentieuses, afin soit de restreindre la capacité de recours des requérants contre un document ou une autorisation

Requérant, délais de recours et pouvoir de régularisation du juge :

- Le droit a évolué dans le sens de la restriction des possibilités de recours des associations. Désormais une association de protection de l’environnement ne peut former un recours contre une décision si celle-ci a été prise avant que l’association ait obtenu l’agrément qui atteste de son intérêt à agir. De même, l’action d’une association contre une décision d’urbanisme n’est recevable que si le dépôt de ses statuts est intervenu antérieurement à l’affichage de la demande du pétitionnaire.

- Alors que la simple condition de voisinage suffisait à fonder la recevabilité d’un recours, les conditions ont également été renforcées et le requérant devra démontrer en quoi il se trouve directement affecté.

- Le législateur a par ailleurs limité les délais de recours pour vice de procédure ou vice de forme des documents d’urbanisme à 6 mois, tout comme le juge dispose de pouvoirs croissants en matière de régularisation desdits documents ainsi que des permis de construire, ce qui lui permet d’éviter de plus en plus de les annuler (C. Urb. Art L. 600-9 et 5).

Restrictions à la démolition des constructions illégales :

Cette sanction reposait sur une annulation ou exception d’illégalité constatée par la juridiction, et dans un délai suffisamment long pour permettre l’exercice de l’action en démolition (cinq années), avec un point de départ de prescription accommodant (achèvement des travaux). A la suite des rapports "Pelletier" de 2005 et "Labetoule" de 2013, deux réformes vont complexifier ce régime et en limiter la portée. Désormais la démolition des constructions est limitée dans le temps (6 mois ou deux ans dans certains espaces protégés) et ses conditions sont encadrées de manière à limiter son recours.

 La construction de logements : une contrainte pour les collectivités

Certaines dispositions imposent la construction et partant, conduisent à l’artificialisation des sols. Le programme local de l’habitat (PLH) impose aux intercommunalités de conduire une politique locale de l’habitat en vue de répondre aux besoins de logements et en hébergement, et de favoriser la mixité sociale et le renouvellement urbain. Ce programme vise à équilibrer la réparation des "charges" de logements entre les communes de l’intercommunalité et partant, de répartir la charge d’artificialisation, si le terrain assiette du projet n’était pas déjà construit. Cela n’interdit pas, même si cela n’est pas formellement encouragé, les actions et les opérations de renouvellement urbain.

Quelques voies de réduction de l’artificialisation seraient envisageables, au prix de modifications mineures de ce programme : subordination des aides et subventions à une économie des sols, impliquant une recherche prioritaire de recyclage foncier et le versement d’un dossier établissant l’état de la question sur le territoire de la commune ou de l’intercommunalité ; priorité donnée aux opérations de renouvellements urbains, aux mêmes conditions de démonstration des disponibilités foncières.

Encadré 8-1 - L’absence de réglementation des résidences secondaires (les "lits froids")

Les résidences secondaires qualifient, selon la nomenclature INSEE, les logements utilisés pour les week-ends, les loisirs ou les vacances, ainsi que les logements meublés loués (ou à louer) pour des séjours touristiques sur le littoral et en montagne particulièrement (36,5% en Corse du Sud, 34% en Haute-Corse et dans les Hautes-Alpes, contre 10% de moyenne nationale). La réglementation ne permet cependant pas d’en limiter la construction, et moins encore d’interdire un usage secondaire à une construction qui aurait été édifiée à fins de résidence principale.

D’autres pays ont opté pour une solution plus radicale : l’interdiction de résidences secondaires une fois dépassé un certain ratio. C’est le cas en Suisse, à la suite de l’adoption de l’initiative Weber (Initiative populaire fédérale "pour en finir avec les constructions envahissantes de résidences secondaires"). Ainsi, la loi fédérale sur les résidences secondaires du 20 mars 2015 interdit leur construction dans les communes qui en comptent déjà plus de 20%, ou en compteraient plus de 20% si l'autorisation de construire demandée était octroyée.

 L’effet incitatif des politiques publiques du logement sur les marchés immobiliers

L’intervention de l’Etat en matière de logement vise à aider les ménages les plus modestes à se loger tout en soutenant la construction. Les dépenses directes de l’État en faveur du logement représentent environ 41 milliards d’euros soit près de 2 % du PIB (Comptes du logement 2015). Les études sur les impacts de ces mesures sont centrées sur leur efficacité à réduire les inégalités sociales, en particulier pour étudier si les ménages ou entreprises se relocalisent dans des zones ciblées. Elles ne portent pas sur le fait de participer ou non à l’étalement urbain. L’ensemble de ces évaluations met en lumière la difficulté à contrer les mécanismes à l’œuvre sur les marchés immobiliers et, en particulier, les dynamiques ségrégatives et l’étalement des villes.

L’impact de la loi SRU. La loi SRU de 2000 a l’objectif d’atteindre 20% de logements sociaux dans les agglomérations de

plus de 50 000 habitants. Elle a eu un effet positif significatif sur la construction de logements sociaux croissant au cours du temps, avec une augmentation de la proportion de logements sociaux de 2,9 points entre 2000 et 2004 et de 6,6 points entre 2000 et 2008.

L’incitation à l’investissement locatif. Plusieurs dispositifs se sont succédés depuis la loi Méhaignerie en 1986 (tendant à

favoriser l'investissement locatif, l'accession à la propriété de logements sociaux et le développement de l'offre foncière), avec l’objectif d’inciter des ménages à réaliser des investissements locatifs dans la construction neuve, en leur accordant des crédits d’impôts. La loi Scellier en 2009 exclut les zones denses les moins tendues du dispositif. Les études montrent que ces dispositifs n’auraient pas augmenté la production de logements mais auraient entrainé une augmentation des prix de 1% dans les territoires proches de la frontière entre les zones inclues et exclues du dispositif.

L’effet inflationniste des aides personnalisées au logement et la régulation des loyers. Les aides à la personne se sont

fortement développées en France, notamment l’aide personnalisée au logement (APL). Si la construction n'augmente pas suffisamment suite à une hausse des aides au logement (faible élasticité-prix), alors les loyers ou les prix s'ajusteront à la hausse pour équilibrer l'offre et la demande. Ce sont donc les propriétaires qui dans ce cas profitent des aides. On parle d’effet inflationniste des aides. Sur les 40 dernières années, les loyers n’ont été fixés librement lors des nouvelles locations ou des renouvellements de bail que durant les années 1986 à 1989. Des études montrent l’impact négatif à long terme de l’encadrement des loyers sur l’entretien des logements et le développement de l’offre.

Les aides à l’accession à la propriété : l’effet du prêt à taux zéro (PTZ). Initialement réservé à l’achat de logement neuf,

le PTZ est actuellement également ouvert à l’achat dans l’ancien avec travaux. Le PTZ a eu un effet inflationniste sur le prix des terrains. L’analyse de ces évolutions est menée en comparant l’évolution des prêts accordés et des prix des logements aux frontières entre différentes zones, suite à l’augmentation différenciée des montants de PTZ. Les résultats montrent que les conditions plus généreuses du prêt à taux zéro conduisent les banques à augmenter le volume des crédits accordés aux ménages, et qu’une grande partie de cette augmentation se traduit en hausse de prix.

Les politiques de subvention à des zones particulières. Les politiques ciblant certains territoires ont été développées pour

faire face à d’importantes disparités territoriales. Les politiques de subvention à des zones particulières peuvent être importantes pour des cas particuliers – par exemple quand une population défavorisée ne peut pas déménager ou se déplacer et qu’il n’y a pas de travail dans ce territoire, il peut alors être justifié d’inciter financièrement à la mobilité des travailleurs – mais ces politiques sont généralement capitalisées dans les loyers et récupérées par les propriétaires.

Les gouvernements justifient généralement ce type d’interventions par des arguments d’équité, un argumentaire contredit par les économistes qui prônent des moyens plus directs (taxation des revenus plus progressive, allocation sur critères de ressources) pour diminuer les inégalités, et craignent les éventuels effets inflationnistes des politiques ciblées.

Pour favoriser l’installation d’entreprises dans les zones touchées par le chômage, des zones ont été définies et classées mais les études montrent que l’impact de ces programmes sur les créations d’entreprises et d’emploi est limité et temporaire au regard de leurs coûts importants. Toutefois, ces politiques sont plus efficaces lorsque les zones concernées ont une bonne accessibilité.

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