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3. Les impacts de l’artificialisation sur les caractéristiques et le fonctionnement des milieux artificialisés

3.2. Impact de l’artificialisation des sols sur l’hydrologie urbaine et la gestion des eaux pluviales

3.2.1. Impacts de l’artificialisation sur l’hydrologie

3.2.1.1.Impacts sur les processus hydrologiques

 Modifications des processus en surface et dans le sol

La pluie qui tombe sur des surfaces urbaines imperméables (toitures), ou revêtues/scellées (voiries, parkings…) génère en premier lieu à du ruissellement de surface, au détriment de l’infiltration et de l’évaporation. Les surfaces verticales interceptent, en présence de vent, une partie (non quantifiée) des précipitations. L’infiltration sur les surfaces revêtues/scellées n’est pas toujours négligeable du fait de la porosité et de la rugosité de ces surfaces, et l’évaporation à partir de ces surfaces reste significative en bilan annuel (de 10 à 25% de la pluie).

L’artificialisation des sols urbains (compaction du fait des usages et travaux, présence de remblais, nature et teneur en matière organique du sol…), modifie la structure et la texture du sol (cf. supra 2.1). Ainsi les dynamiques temporelles et spatiales de l’infiltration et des écoulements de sub-surface s’avèrent plus conditionnées par les effets de l’artificialisation que par les caractéristiques initiales du sol.

Les écoulements des eaux dans le proche sous-sol sont aussi modifiés par les effets des multiples réseaux qui parcourent le sol urbain. Les fuites des réseaux d’alimentation d’eau potable constituent un apport d’eau au sol parfois non négligeable. Les réseaux d’assainissement (eaux usées ou pluviales) et les tranchées dans lesquelles ils sont posés contribuent au drainage

de l’eau du sol et évacuent parfois des volumes très significatifs (de 20 à 30% de la pluie annuelle à Nantes, par exemple). Des exfiltrations d’eau usée vers le sol se produisent également (estimées à une hauteur d’eau annuelle de 10 mm à Nottingham). La présence de pompages pour alimenter des activités urbaines et rabattre la nappe au voisinage d’infrastructures souterraines (parkings notamment) affecte le niveau des nappes souterraines.

 Impacts à l'échelle des bassins versants

Les bassins versants affectés par l’urbanisation présentent une très grande diversité de situations, depuis le bassin versant partiellement urbanisé ou en cours d’urbanisation (périurbain) jusqu’au bassin versant totalement urbanisé, équipé d’un réseau d’assainissement pluvial. Un bassin versant est souvent caractérisé par un coefficient de ruissellement défini par la proportion de la pluie qui se transforme en débit à l’exutoire durant un évènement pluvieux. Lors d’évènements pluvieux courants, ce coefficient est souvent significativement inférieur à la proportion des surfaces imperméabilisées. Sa valeur augmente avec l’importance des évènements pluvieux, pour parfois dépasser le coefficient d’imperméabilisation.

L’influence de l’urbanisation sur le régime hydrologique des petits cours d’eau devrait théoriquement se traduire, dans un bassin versant urbanisé ou en cours d’urbanisation, par une augmentation des débits de crue et du débit moyen, et une baisse des débits d’étiage. Les observations sur le terrain conduisent à des conclusions moins nettes, voire différentes pour les débits moyens et les débits d’étiage, qui soulignent que les particularités de chaque bassin versant et de son réseau d’assainissement restent déterminantes.

Il a longtemps été admis que le développement urbain se traduisait nécessairement par une réduction de la recharge des

nappes superficielles, et donc par une baisse de leur niveau. La littérature scientifique récente rapporte des exemples plus

contrastés, de baisse mais aussi de hausse du niveau des nappes. La complexité des processus en jeu, le manque d’observations ainsi que l’importance de l’échelle considérée incitent à considérer avec prudence ces résultats.

L’artificialisation affecte également l’évapotranspiration, aujourd’hui centrale en milieu urbanisé du fait de son importance dans les bilans hydrologique et énergétique des zones urbaines. En milieu urbain, elle reste encore mal documentée. Sa mesure est peu fréquente, en raison notamment de difficultés méthodologiques (de transposition aux espaces urbains très hétérogènes de méthodes développées pour de grandes surfaces de végétation homogène). Elle est donc souvent estimée par modélisation sans réelle validation de ces résultats que l’on doit considérer comme des ordres de grandeur.Ces résultats indiquent que l’évapotranspiration représente une part importante du bilan hydrologique annuel, de 30% à près de 60% de la pluie annuelle pour des bassins versants imperméabilisés de 35% à 60% de leur superficie.

3.2.1.2.Impact sur la qualité des eaux pluviales

En milieu artificialisé, les infrastructures urbaines (chaussées, béton, équipements de sécurité, mobilier urbain) ou interurbaines (réseau routier), le bâti ou les activités commerciales et industrielles qui s’y déroulent, le trafic automobile, sont susceptibles d’émettre une grande diversité de polluants, que l’on retrouve dans les eaux de ruissellement pluvial.

Une attention particulière est portée dans la littérature aux rejets urbains de temps de pluie (RUTP) : ce terme désigne les rejets directs vers l'environnement d'effluents des réseaux unitaires, pratiqués lors d'évènements pluvieux très intenses qui placent les stations d'épuration en situation de surcharge. Ces RUTP contiennent par conséquent les polluants présents dans les eaux pluviales et ceux des eaux usées.

 Sources et voies de transferts des polluants

Les émissions polluantes liées au trafic automobile peuvent être dues aux émissions des moteurs (gaz d’échappement, pertes de fluides sur la chaussée), et à l’usure des véhicules et des infrastructures (plaquettes de frein, pneumatiques, barrières de sécurité ou panneaux de signalisation, pots catalytiques…). Le trafic est la source très majoritaire d’émissions d’hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) et une source de métaux (cuivre, zinc, antimoine, plomb, platinoïdes...). D’autres familles de polluants sont aussi susceptibles d’être relarguées par les matériaux constitutifs des véhicules (phtalates, alkylphénols, bisphénols).

Parmi les matériaux de construction, les toitures sont des sources significatives de métaux (cadmium, cuivre, plomb, zinc), et certains éléments en PVC (gouttières) peuvent émettre des alkylphénols, du bisphénol A, mais aussi des organoétains. Les bois de construction, revêtements de façades et toitures végétalisées peuvent être sources de biocides, observés par exemple après la construction d’infrastructures urbaines. La contamination des eaux de ruissellement peut se produire au cours des opérations d’entretien des bâtiments, de la voirie ou des espaces urbains (pesticides, fertilisants, sels de déneigement). Les politiques de réduction des émissions de certaines familles de polluants organiques se heurtent à une difficile détermination de leur origine, les molécules (le bisphénol A et les phtalates, par exemple) étant utilisées dans une large gamme de produits.

 Caractérisation des eaux de ruissellement pluvial

Les recherches récentes sur les eaux de ruissellement, réalisées dans le cadre des observatoires en hydrologie urbaine (réseau URBIS), confirment la présence de nombreuses familles de polluants (Encadré 3-2). Le transfert des eaux pluviales chargées en polluants dans les réseaux concentre, à l’exutoire des bassins versants, une pollution issue du mélange d’effluents provenant de zones d'activités diverses. La contamination des eaux pluviales en HAP, nonylphénol (NP) et certains métaux traces peut cependant être significative à l’échelle de la parcelle, avec une variabilité forte entre les évènements pluvieux. Dans les eaux pluviales, certains polluants sont majoritairement transportés par les particules (les HAP le sont à plus de 90%, le plomb et le chrome à plus de 80%), mais d'autres sont dissous (zinc et alkylphénols) ou bien répartis entre les deux fractions (cuivre, HAP légers…). Ce constat conforte l'intérêt de gérer les eaux pluviales en infiltrant une partie importante des volumes ruisselés au plus près de la source pour traiter la pollution dissoute, en ne se limitant pas à des traitements par décantation. Les gestionnaires sont en effet confrontés à la problématique des sédiments contaminés présents en fond d’ouvrages. La mobilité des polluants piégés dans ces matériaux dépend de nombreux paramètres : contexte géologique, conditions physico- chimiques, niveau des nappes sous-jacentes, etc. La végétation des ouvrages influence également les transferts ; quant aux microorganismes, ils présentent dans les ouvrages une spécificité liée à la qualité des eaux.

Encadré 3-2 - Les données sur les contaminations par les rejets pluviaux du projet ANR "Innovations pour une Gestion durable de l'Eau en Ville" (INOGEV) (voir le rapport complet pour des données chiffrées)

L’étude de trois bassins versants urbains dotés de réseaux séparatifs, représentants différents modes d’occupation des sols (pavillonnaire, résidentiel avec habitat collectif et individuel, et industriel ; situés respectivement en région parisienne, à Nantes et près de Lyon), a produit de nouvelles données sur l’effet de l’artificialisation des sols sur la qualité des eaux de ruissellement : - des concentrations en métaux peu voire pas documentées, issus du bâti, des voiries et des activités humaines (arsenic, cobalt, molybdène, platine, strontium, titane, vanadium) ont été quantifiées. La plupart des concentrations mesurées dans les eaux de ruissellement dépassent les normes de qualité environnementale ;

- une différence de répartition des HAP entre fractions particulaire et dissoute, en fonction de leur poids moléculaire, a été mise en évidence, avec plus de molécules lourdes moins dégradables sur les particules ;

- de nombreux pesticides sont toujours détectés dans les eaux pluviales, malgré la diminution de leur usage pour l’entretien des espaces publics ;

- les premières données expérimentales sur les teneurs en PBDE (polybromodiphénylethers) dans les eaux pluviales ont été obtenues : le BDE-209 est toujours présent à des teneurs bien supérieures à celles des retombées atmosphériques, même si des différences significatives sont notées entre les différents sites. Les PBDE sont associés aux particules ;

- des substances (le bisphénol A et les alkylphénols) sont présentes majoritairement sous une forme dissoute, donc mobile.

 Impacts des rejets d’eaux pluviales sur les milieux aquatiques

Les impacts des polluants traditionnels (matières en suspension (MES), azote et phosphore) apportés par les rejets d’eaux pluviales ou des RUTP ont été étudiés depuis de nombreuses années. Les rejets de MES peuvent avoir des effets directs de colmatage sur le lit des cours d’eau ; l'oxydation des MES entraîne une baisse de la concentration en oxygène dissous des eaux, qui peut dans certains cas conduire à des mortalités piscicoles. Les MES sont également le vecteur des polluants présents en phase particulaire. Les rejets d’azote et de phosphore, dans les milieux aquatiques ayant des écoulements très lents ou relativement fermés (lacs et ruisseaux urbains, certaines baies), contribuent au phénomène d’eutrophisation. L’évaluation de l’impact du rejet direct des eaux pluviales sur le milieu naturel met en évidence le caractère potentiellement toxique pour le milieu aquatique de métaux (chrome, plomb, cuivre et zinc), et de substances organiques telles que les nonylphénols, les organoétains, les polychlorobiphényls (PC) et les HAP. Les concentrations en métaux, HAP et micropolluants organiques des milieux aquatiques sont augmentées significativement par les rejets d’eaux pluviales. A l’échelle événementielle, les rejets pluviaux sont des contributeurs significatifs et parfois majeurs des rejets urbains par rapport aux rejets des stations d’épuration, notamment pour des polluants émergents tels que les alkylphénols, le bisphénol A ou certains résidus phytosanitaires ou pharmaceutiques (lors de la surcharge des stations d’épuration sur réseau unitaire). Annuellement, dans le cas des alkylphénols et du bisphénol A, un bilan en l’Ile-de-France suggère que les eaux pluviales pourraient contribuer à entre 20 et 60 % des flux de polluants en Seine. La variabilité est liée aux évènements pluvieux.

Les rejets d’eaux pluviales ont des impacts importants sur les écosystèmes aquatiques. Pour un certain nombre de substances (pesticides, certains métaux), ils entraînent des phénomènes de bioaccumulation et de bioamplification le long des chaînes trophiques, qui peuvent affecter certains organismes (maladies, longévité plus faible, reproduction perturbée), ou conduire à terme à la disparition de certaines espèces et donc perturber l’écosystème. Les nombreux micropolluants organiques étudiés plus récemment dans les eaux pluviales ont, quant à eux, des conséquences sur les milieux aquatiques encore très mal documentées. Enfin, les rejets d’eaux pluviales et plus encore les RUTP ont des impacts sanitaires notables. Les concentrations élevées

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