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3. Les impacts de l’artificialisation sur les caractéristiques et le fonctionnement des milieux artificialisés

3.3. Impacts de l'artificialisation des sols sur l’environnement physique urbain

3.3.2. Artificialisation des sols et pollution de l’air

Il n’existe pas à notre connaissance de travaux scientifiques mettant en relation l’artificialisation des sols (ou l’urbanisation) et ses effets sur et par la pollution de l’air. De nombreux travaux analysent les émissions et concentrations de polluants et leurs évolutions dans les villes, ou montrent l’impact du développement des grandes agglomérations sur la pollution, en s’appuyant sur l’observation ou la modélisation ; quelques rares études comparent différentes formes urbaines. Mais ces travaux ne considèrent que quelques polluants et certains des mécanismes de pollution, et développent des analyses sur une région, un épisode de pollution, etc., et il est difficile d’en tirer des conclusions générales.

Encadré - Le corpus bibliographique

Le corpus scientifique relatif à la pollution atmosphérique est très large, avec une abondante littérature très spécialisée sur la modélisation, l’observation, l’analyse, et les effets de la pollution de l’air, mais aussi des lacunes et inégalités de connaissances, selon les polluants, les processus, les secteurs d’activités, les effets… Le corpus analysé comporte une trentaine de références. Parmi celles-ci, 6 mettent en œuvre des chaînes de modélisation physico-chimiques (jamais complètes de l’activité aux effets sur les populations) et considèrent la pollution particulaire ou l’ozone, sur des études de cas avec quelques scénarios de développement urbain. Quatre autres références portent sur la simulation du trafic et des émissions. Trois études de la pollution particulaire sont basées sur l’analyse d’observations (satellitaires, ou au sol). Ces différents travaux concernent surtout des territoires aux USA, en Chine, en Europe.

3.3.2.1. Origine et variabilité de la pollution atmosphérique

 Mécanismes de pollution de l’air

Les processus régissant la pollution de l’air sont multiples et complexes (Figure 3-8) : émissions locales biogéniques et anthropiques (différents secteurs d’activité, transports, énergie...) de centaines de composés polluants particulaires ou gazeux, apports de polluants en provenance des territoires voisins ou lointains ; interactions physicochimiques entre ces composés et apparition de composés secondaires ; processus thermiques, météorologiques et climatiques qui dispersent, transportent, transforment ces polluants ; résorption par dépôts secs ou humides… C'est pourquoi on ne peut pas mettre simplement en relation l’artificialisation (changement d’occupation du sol et urbanisation) avec ses effets sur la qualité de l’air.

Les effets de la pollution de l'air sont eux-mêmes nombreux : ils affectent, directement ou indirectement, les populations

humaines et animales, la flore, les milieux, le cadre de vie et le bâti… Il n’existe pas à ce jour de synthèse des impacts de la pollution de l’air. Aux effets directs de la pollution atmosphérique s'ajoutent des impacts indirects et de long terme par transfert des polluants dans les eaux, les sols et la chaîne alimentaire. Les effets sur la santé humaine sont multiples, difficiles à caractériser car ils résultent d'expositions à des concentrations de polluants relativement faibles mais de longue durée, et difficilement dissociables car ces polluants interviennent en mélange dans la pollution atmosphérique ambiante (qui comprend aussi la pollution intérieure des bâtiments). Les effets sur la faune, la flore, les bâtiments et le patrimoine culturel sont peu documentés dans la bibliographie analysée, et sans doute considérés comme de moindre importance par rapport aux effets sanitaires sur les populations.

Figure 3-8. Vue schématique des processus de la pollution atmosphérique (Sartelet, 2017) Variabilité spatiale et paramètres de la pollution de l’air

La pollution atmosphérique affecte particulièrement les grandes agglomérations, où les enjeux sont importants, en raison de fortes émissions (trafic, chauffage), de phénomènes d’inversion de températures qui peuvent empêcher la dispersion des polluants et d’îlots de chaleur qui aggravent la pollution et probablement ses effets, et du grand nombre de personnes exposées. La pollution varie cependant avec le contexte géographique (topographie, altitude, climat) et météorologique (vitesses et directions des vents, précipitations, températures), la nature des sources d’émissions (industries, trafic, chauffage, etc.) et des sources naturelles (forêts, déserts, océans). Localement, les concentrations varient fortement avec l’éloignement aux sources, l’étage du bâtiment, les configurations des rues ou des bâtiments.

Les processus de la pollution interviennent à différentes échelles. De manière simplifiée, on distingue la pollution de proximité, proche des sources (jusqu’à quelques dizaines à centaines de mètres et quelques dizaines de minutes) et qui affecte donc les riverains et usagers des axes routiers, et la pollution de fond qui peut s’étaler sur plusieurs dizaines à centaines de kilomètres, sur plusieurs heures ou journées, et qui concerne des agglomérations entières et au-delà.

Évolutions de la pollution de l’air

En France, les émissions anthropiques de polluants diminuent, par la mise en œuvre de réglementations, de technologies de dépollution (catalyseurs, filtre à particules...), mais ces diminutions concernent principalement les polluants réglementés tandis que d’autres polluants (non contrôlés, ou liés à de nouvelles technologies ou carburants) peuvent persister ou émerger. Les concentrations de polluants baissent également, mais moins rapidement (-20% en 15 ans pour NO2 et PM10), tandis que la

pollution par l’ozone est plutôt en progression.

Cette évolution favorable des émissions et concentrations de polluants n’est pas vérifiée partout dans le monde, et les régions qui connaissent un fort développement voient leurs émissions de polluants croître considérablement, malgré des progrès rapides dans la mise en œuvre des réglementations et technologies plus propres. Ainsi, à échelle mondiale, les émissions anthropiques de NOx et de PM10 croissent encore à un rythme de 1 à 3% par an.

3.3.2.2. Urbanisation et qualité/pollution de l’air

Plusieurs travaux ont tenté d’appréhender l’incidence de l’urbanisation sur la qualité de l’air, au travers d’observations au sol et/ou satellitaires de la pollution et de l’occupation des sols, ou par la simulation des mobilités et émissions de polluants induites, les plus exhaustives simulant l’ensemble de la chaîne, de l’occupation des sols aux concentrations de polluants et à l’exposition des personnes. Différents scénarios, de développement urbain ou de redéploiement des populations et activités, sont envisagés ; les simulations portent sur des épisodes de pollution (quelques journées) ou sur une année entière, et

concernent toujours une agglomération ou une région donnée (disponibilité de données locales). Ces travaux, enrichis d’études sur la végétalisation en ville et l’influence de l’urbanisation sur la météorologie, permettent de tirer quelques enseignements sur les conséquences de l’urbanisation.

· Développement urbain et aggravation de la pollution de l’air

La pollution est fortement dépendante du contexte, mais globalement, elle augmente avec l’urbanisation, par une croissance relative de l’activité en lien avec la population, par une augmentation des mobilités aggravée éventuellement par une extension géographique, et corrélativement par une hausse des émissions anthropiques et des concentrations de certains polluants sur les zones urbanisées et alentours. Enfin, l'urbanisation accroit le nombre de personnes exposées à ces concentrations, ce qui permet d’anticiper un impact négatif sur la santé des populations. Ces effets pourraient décroître avec l’avènement de technologies plus propres, des réglementations de limitation des émissions et de suivi des concentrations, mais sans présumer de l’émergence de nouvelles substances polluantes, de l’évolution des usages, d’une sensibilité accrue des populations, notamment avec le vieillissement et les changements climatiques.

· Influence relative de l’occupation des sols par rapport à l’émission anthropique et l’exposition

Les paramètres prépondérants de l’aggravation de la pollution sont l’augmentation des émissions anthropiques, du niveau des concentrations de la pollution de fond et du nombre de personnes exposées, l’extension urbaine et l’augmentation des mobilités. La modification de l’occupation des sols (urbanisation au détriment de forêts, de prairies, de sols nus ou de friches industrielles), la réduction éventuelle d’émissions naturelles (négligeables comparées aux émissions anthropiques), et l’évolution des conditions météorologiques locales liée à l’urbanisation sont des paramètres de moindre importance. Il en est de même de la configuration des quartiers, rues et bâtiments. L’urbanisation modifie les paramètres météorologiques locaux qui à leur tour influencent la pollution atmosphérique, dans des sens très variables, augmentation ou diminution selon les paramètres considérés.

Les travaux portant sur les matériaux, les écrans ou barrières et équipements susceptibles de tempérer ou influencer les effets de la pollution de l’air n'ont pas été analysés ici. Leur portée est très localisée et ne concerne que la pollution de proximité. Les matériaux absorbants n’ont probablement qu’un impact très limité en atmosphère ouverte.

· Effets de l’extension et de la densification urbaine sur les émissions et l’exposition

L’extension urbaine se traduit par une aggravation de la pollution de l’air au moins aussi importante que celle qui serait liée à la densification sans extension, et plus importante si l’on considère qu’elle accroît significativement les distances parcourues et la dépendance à l’automobile. La densification d’un centre urbain optimise la ville et l’accessibilité, mais aggrave l’exposition des personnes aux niveaux élevés de pollution. L’extension à faible densité (de type périurbain actuel, ou étalement urbain) aggrave globalement les effets (augmentation des concentrations de polluants PM10, ozone), avec cependant des zones de moindre pollution et une dilution de certains impacts (PM10) sur de plus grandes superficies. Une extension à plus forte densité ou une organisation multipolaire ou plus homogène de la ville, pourraient permettre d’optimiser l’organisation des déplacements, de contenir l’augmentation des émissions anthropiques et de limiter les populations exposées aux plus fortes concentrations. La végétalisation urbaine contribue globalement à diminuer la pollution de l’air, même si cet effet reste assez faible. Elle favorise également les modes de déplacement doux et actifs et améliore le cadre de vie. La morphologie urbaine et la configuration des quartiers peuvent également contribuer à réduire la pollution de l’air (diminution de la température, meilleure ventilation), même si le potentiel est probablement assez limité.

Enfin, les infrastructures de transports qui sont implicitement prises en compte dans les travaux analysés en milieu urbain, contribuent bien évidemment aussi à une pollution atmosphérique des zones non urbaines, mais les quantités d’émissions sont bien inférieures à celles enregistrées en zone urbaine, la résorption de la pollution est plus efficace, et la population concernée est réduite.

3.3.2.3. État des lieux des connaissances scientifiques, besoins de recherche et leviers d’action

L’explicitation de la problématique de l’influence de l’artificialisation sur la pollution de l’air et l’analyse bibliographique ont montré que de nombreux points, qu’il conviendrait de développer, sont peu ou pas documentés. On note ainsi : une littérature scientifique insuffisante (ou à mieux identifier) sur certains aspects de la pollution atmosphérique, un manque d’éléments de quantification ou d’ordres de grandeur qui permettraient de considérer les effets prédominants, le caractère souvent limité des travaux (quelques polluants, quelques mécanismes), et plus généralement un manque de travaux de synthèse qui permettraient une appréhension plus exhaustive de la pollution de l’air (de l’occupation des sols aux concentrations, à l’exposition et aux effets sur les populations), et de tirer parti des nombreuses expériences, simulations, études de cas,

Il conviendrait également de développer des simulations sur des études de cas françaises (agglomérations à enjeu de pollution, contextes types) afin d’élargir les analyses et documenter les effets sous différents scénarios. Il s’agirait en particulier d’identifier et combiner les outils les plus appropriés pour permettre une analyse allant du développement urbain jusqu’aux impacts de la pollution de l’air, incluant l’analyse de l’exposition des personnes, voire l’extrapolation aux impacts sanitaires. Les travaux analysés mentionnent peu de perspectives en termes de leviers d’action. Les conclusions des analyses permettent toutefois de retenir comme moyens susceptibles de réduire les pollutions de l'air ou leurs impacts :

· Une meilleure organisation spatiale de la ville, minimisant les besoins de mobilités, les distances et les émissions anthropiques sans toutefois conduire à des densités fortes de personnes exposées à des niveaux élevés de pollution (ville moins concentrée, moins étalée, plus homogène ou polycentrique),

· Des configurations favorables des bâtiments, quartiers, rues, etc., favorisant les écoulements d’air et la réduction de la pollution, et optimisant l’exposition des personnes, selon leurs activités, aux moindres niveaux de pollution, · La végétalisation des villes, qui améliore en outre le cadre de vie et favorise la pratique des modes doux et actifs de

déplacement,

· Le développement d’éco-quartiers et de modes de transports doux, actifs, collectifs, qui contribueraient à créer des zones de moindre pollution.

Même s’il est possible d’envisager la résorption des concentrations de polluants dans les villes, il est difficile d’apprécier la réversibilité des impacts (pour les générations futures). Il est également difficile de différencier l’effet marginal de l’effet global de l’artificialisation sur la pollution de l’air.

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