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Politique technologique et industrielle et rôle des régulateurs

Chapitre I : Libéralisation du marché des télécommunications et modalités de

Section 2 – Régulation politique et intervention démocratique

3.2 Politique technologique et industrielle et rôle des régulateurs

Bien que les deux termes « politique » et « industrielle » soient aujourd’hui l’objet de contestation, il n’en demeure pas moins que la concurrence, même accompagnée de la régulation, n’est jamais parfaite. Elle ne peut atteindre certains objectifs qui ressortent de l’intérêt général (Durieu, 2000). Le développement considérable du marché durant la période de monopole et l’actuelle libéralisation du secteur ne doivent pas faire oublier les enjeux des télécommunications dans la société et donc la nécessité de maintenir une politique technologique et industrielle active.

Dans le domaine technologique, la phase d’ouverture à la concurrence s’accompagne d’un effort de standardisation (ou normalisation) des produits et services fournis. Ce rapprochement des techniques est nécessaire pour assurer l’interopérabilité des réseaux ou la compatibilité des terminaux (Pénard et Thirion, 2005).

En amont de la régulation, la normalisation est donc le premier carrefour entre les acteurs du marché afin de faciliter la dynamique concurrentielle. Les autorités européennes privilégient la voie réglementaire pour assurer cette normalisation (voir l’article 17 de la directive « cadre » 2002/21/CE). Si la Commission se donne la possibilité d’intervenir en dernier ressort, elle délègue aux États membres le soin d’encourager l’utilisation des normes et spécifications qu’elle a définies.

Par ailleurs, les nouvelles technologies de l’information peuvent être un facteur de productivité, de modernisation et de transformation du travail. Le haut débit peut notamment faciliter l'accès des entreprises à des biens et services nouveaux, de même qu'à des possibilités d'utilisations novatrices des technologies de l’information et de la communication (TIC). L’accès à ces nouvelles technologies permet à chaque utilisateur de voir sa satisfaction augmenter avec le nombre d’utilisateurs et donc de profiter des externalités de réseau. Le téléphone, les réseaux informatiques ou plus récemment le réseau internet haut débit présentent tous les trois cette propriété (Perrot, 1995).

En raison de certaines caractéristiques géographiques, notamment la faiblesse de la densité démographique dans certaines régions, il est cependant difficile d'étendre certains services à l'ensemble des collectivités. Face à cet enjeu, les pouvoirs publics doivent garantir le développement du secteur dans une perspective de long terme. A ce titre, les pouvoirs publics tentent d’accroître l’attractivité de leur territoire aussi grâce à la politique industrielle.

Afin d’attirer les capitaux privés, nationaux ou étrangers, l’État doit créer les conditions favorables, voire incitatives, pour que les différentes catégories d’agents économiques expriment leurs capacités d’initiative et de création de richesse (Cohen, 2000). Il doit se préoccuper de la qualité des infrastructures, des services et de l’environnement afin d’attirer les entrepreneurs et investisseurs nationaux ou étrangers.

L’initiative privée ne peut pas prendre en compte les objectifs d’intérêt général, notamment parce qu’ils vont souvent à l’encontre des intérêts financiers des opérateurs. De même, les agences de régulation devant assumer la régulation économique, ne peuvent se consacrer à la politique industrielle. Leur action doit être orientée vers la seule concurrence ce qui apparaît incompatible avec la prise en compte d’intérêts plus généraux. De plus, ces agences doivent être indépendantes du pouvoir politique, et la prise en compte, dans leur action, de la politique industrielle définie par le gouvernement remet directement en cause cette indépendance. Pour cette tâche, on ne peut se satisfaire d’un « comité de spécialistes (…) qui subit forcément les pressions des lobbies industriels » (Du Castel, 2000). Les citoyens doivent être associés aux institutions et aux entreprises pour exprimer tous les intérêts d’une politique industrielle. Ainsi, ces politiques ne peut être entreprises que par une instance responsable démocratiquement ce qui justifie l’appartenance de la politique industrielle à la régulation politique.

Conclusion du chapitre 1

Si le processus de libéralisation a pu s’accompagner d’une diminution de l’intervention publique dans certains domaines, une partie du marché doit néanmoins continuer d’être réglementée et régulée par les autorités publiques. Il s’agit d’assurer l’efficience économique du processus de régulation (régulation économique) mais, également, de rendre compatible la libéralisation du marché avec certains objectifs d’intérêt général (régulation politique).

Ce chapitre a permis d’établir un lien entre ces domaines de la régulation et les institutions chargées de leur mise en œuvre. En considérant les directives de la Commission européenne, nous avons montré que des institutions indépendantes doivent

être chargées d’assurer l’efficience économique. Nous avons alors défini les composantes de la régulation économique. Il s’agit de permettre aux opérateurs alternatifs d’entrer sur le marché à travers un mécanisme d’attribution des licences, puis d’accéder au réseau de l’opérateur historique en participant à la fixation des tarifs de location de ce réseau. Après avoir identifié l’opérateur puissant sur le marché, l’agence de régulation a pour mission d’encadrer ses comportements afin de prévenir la formation de tarifs de détail anti-concurrentiels et de contrôler les tarifs du service universel. Enfin, elle doit être chargée de sanctionner les éventuels manquements des opérateurs dans l’application du cadre réglementaire.

En dehors de ces missions à caractère économique, le processus de libéralisation s’accompagne de missions à caractère politique. La Commission européenne laisse les États membres décider des institutions chargées de mettre en œuvre ces missions. Nous montrons qu’elles doivent appartenir à des autorités disposant d’une certaine légitimité démocratique. Il s’agit, dans un premier temps, de transposer les directives européennes en droit national tout en utilisant les marges de manœuvre disponibles pour les adapter aux spécificités nationales. Ensuite, l’autorité politique doit préciser le contenu du service universel et y intégrer à la fois les principes communautaires et les traditions nationales du service public. Enfin, la régulation politique peut être le lieu de l’élaboration d’une politique industrielle et d’aménagement du territoire destinée à favoriser la croissance économique grâce au développement des nouvelles technologies.

La distinction entre régulation économique et régulation politique peut donc être utilisée pour appréhender la répartition des compétences entre l’agence de régulation indépendante et le gouvernement. Cependant, nous allons voir que le législateur n’a que partiellement tenu compte de cette distinction. Le gouvernement possède en effet des fonctions qui vont au-delà des seules questions de politique redistributive alors que la nature de ses liens avec l’opérateur historique devrait justement le tenir à l’écart des questions de régulation économique.