4.4 Politique linguistique nationale – Inde
4.4.3 Politique linguistique éducative en Inde
Nous avons vu précédemment l’importance accordée dès le
XIX
e siècle à l’hindi par les
décideurs politiques. L’enseignement de la langue hindie après l’indépendance de l’Inde
devient l’une des premières préoccupations des responsables politiques et éducatifs afin de
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pouvoir l’instaurer en tant que langue légitime au plan national. La politique linguistique
éducative naitra dans le cadre du projet “Trois formules linguistiques (Three Language
formula)” implanté dans le système scolaire de tout le pays, et dans lequel il existe une langue
d’enseignement et deux langues enseignées en tant que matières. La langue d’enseignement
sera soit l’hindi, soit une langue régionale, soit l’anglais. Ce projet n’est pas aussi simple qu’il
y parait. Meganathan (2011 : 59) explique que l’ébauche des Trois formules linguistiques
adoptée en 1956 avait pour but de minimiser l’inégalité entre les langues en Inde. Dans un
premier temps, il avait été proposé dans cette formule deux possibilités d’enseignement de
langues :
1) a). i. Mother tongue,
ii. Regional language,
iii. A composite course of mother tongue and a regional language,
iv. A composite course of mother tongue and a classical language,
v. A composite course of regional language or a classical language,
b). Hindi or English ;
c). A modern Indian language or a modern European language provided it has not already been
taken under (a) or (b) above.
2) a). As above ;
b). English or modern European language ;
c). Hindi (for non-Hindi speaking areas) or another modern Indian language (for Hindi-speaking
areas).
En 1961, d’après Meganathan, le projet Trois formules linguistiques a été simplifié et ratifié
lors d’une conférence réunissant les ministres en chefs
117 de chacun des États indiens :
1. The regional language or the mother tongue when the latter is different from the regional
language ;
2. Hindi or any other Indian language in Hindi speaking areas ; and
3. English or any other modern European language.
Cette politique linguistique éducative est de nouveau modifiée en 1966 et arrête la
proposition suivante :
1. The mother tongue or the regional language ;
2. The official language of the Union or the associate official language of the Union so long as it
exists ; and
3. A modern Indian or foreign language not covered under (1) and (2) and other than that used as
the medium of instruction.
117
Les ministres en chef sont les chefs de gouvernement élus par le parti politique qui a obtenu la majorité des sièges dans les
élections au suffrage universel indirect à l’assemblée législative des États.
Ces propositions montrent que la langue maternelle est privilégiée comme langue
d’enseignement dans la société multilingue de l’Inde. Cela correspond en effet à
l’article 350
A
de la Constitution indienne qui stipule que l’enseignement primaire doit être
effectué dans la langue maternelle de l’élève. Mais l’objectif de cette proposition, d’après
Agnihotri (2001 : 191), était surtout l’apprentissage d’une deuxième langue du pays : « the
South will learn Hindi and the people in the North will reciprocate by learning a South Indian
language and English will remain in the periphery as an auxiliary library language ».
Agnihotri constate qu’après quatre décennies de Trois formules linguistiques, ce projet n’est
pas un succès. L’hindi est toujours perçu par les locuteurs du Sud de l’Inde comme une
langue susceptible de menacer la culture locale et/ou dravidienne, alors que, dans le Nord, les
locuteurs manquent de motivation lorsqu’il s’agit d’apprendre les langues du Sud de l’Inde.
Parmi les États qui ont opté pour Deux Formules Linguistiques (en éliminant l’hindi), l’on
trouve le Tamil Nadu, Puducherry et le Mizoram (Agnihotri, 2001 ; Viswanatham, 2001 :
319). Khubchandani (2001 : 34) remarque que, dans les États hindiphones, l’enseignement de
la langue sanscrite est proposé à la place de celui d’une langue moderne, alors que certains
États non-hindiphones (le Bengale occidental et l’Orissa) privilégient le sanscrit au détriment
de l’hindi comme troisième langue. Selon Viswanatham (2001 : 319), le Karnataka propose 9
langues, le Bengale occidental, 19 langues et l’État du Delhi, 26 langues en tout. Lakshmi Bai
(2001 : 288) s’appuie sur un rapport de l’éducation aux langues indiennes dans les
établissements scolaires mené par Chaturvedi et Mohale (1976) et cite le chiffre de 67 langues
enseignées ou employées comme moyen de scolarisation. Dans les grandes villes ou
métropoles, comme New Delhi et Mumbai, les langues étrangères telles que le français,
l’allemand et le portugais font aussi partie du curriculum.
Voici une liste des langues enseignées au sein des établissements scolaires des quatre États
d’où sont originaires les familles de notre étude :
Figure 21 : Langues proposées
118 dans les écoles des États dont sont issus les parents
États Langues Enseignées
Bihar Hindi, Ourdou, Bengali, Anglais, Bhojpouri, Arabe, Maithili, Persan, Magahi,
Sanscrit
Delhi Hindi, Ourdou, Pendjabi, Anglais, Sanscrit, aussi toute autre langue moderne
indienne que l’élève souhaitera
Haryana Hindi, Anglais, Pendjabi, Sanscrit, et les autres langues modernes indiennes
Pendjab Pendjabi, Hindi, Ourdou, Anglais, Sanscrit, Persan, Arabe, Népalais, Tibétan,
Français, Allemand, Portugais, Russe, Bengali, Goujarati, Marathi, Télégou,
Tamoul, Malayalam, Oriya, Kannada
Les langues modernes européennes n’apparaissent pas dans le curriculum de l’État du Delhi
dans ce tableau produit par Meganathan, alors que Viswanatham (2001 : 314) évoque le
français, l’allemand, le russe et le portugais comme faisant partie du curriculum. En Inde, il
existe plusieurs curricula scolaires : en fonction de la politique linguistique éducative de
l’école, les instances collectives optent pour un curriculum scolaire où l’on trouvera le choix
des langues européennes ou classiques. Il semble que les deux auteurs cités ci-dessus
s’appuient sur des curricula différents pour arriver à des résultats différents. Lors de notre
séjour à New Delhi, nous avons remarqué que la plupart des écoles privées et certaines écoles
publiques proposent l’enseignement de langues européennes et asiatiques aux élèves de
quatrième et troisième.