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Blommaert et al. (2005 : 198) abordent la problématique de l’espace dans leur article en

posant la question : « how does space organize regimes of language

87

? ». Ces auteurs

avancent la thèse de la centralité de l’espace dans une théorie sociolinguistique, car c’est lui

qui régit l’usage des langues et peut faire déchoir la compétence langagière d’un individu.

Leur position se résume dans un énoncé à l’allure de slogan : le manque de compétence pour

communiquer n’est pas vu comme « a problem of the speaker, but as a problem for the

speaker »

88

.

La compétence est donc gérée par l’espace où l’on vit, où l’on se déplace et où l’on

communique. L’espace met en valeur l’usage de certaines langues tandis que le même espace

peut condamner l’emploi et la valeur d’autres idiomes. Les participants de notre étude ont

bien conscience que l’usage, le pouvoir et le rôle des différentes langues sont liés à des enjeux

spatiaux. La compétence langagière de nos participants dans la langue du pays d’accueil a peu

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Le terme en anglais « regimes of language » est emprunté à Kroskrity (2000), notent les auteurs.

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ou pas de valeur dans leur pays d’origine. D’ordinaire, l’emploi du suédois, du norvégien et

du finnois ne trouve aucune place en Inde, à l’image des langues parentales dans les sociétés

nordiques. Les langues nordiques trouvent leur place uniquement au sein de l’ambassade ou

au travers des représentations consulaires et culturelles de ces pays dans quelques grandes

villes en Inde.

ERA

, la mère de la

FAM C,

manifeste son inquiétude au sujet de l’usage de la

langue finnoise en Inde si elle y rentre définitivement. Elle pense qu’elle oubliera cette langue

à laquelle elle est très attachée.

Quant à la langue française, elle est davantage acceptée en Inde que les langues nordiques, en

raison de son statut prestigieux et de l’histoire coloniale de ce pays. Le français est enseigné

dans plusieurs écoles privées comme langue étrangère facultative pour les élèves à partir de

13 ans. Pour la

FAM A

, la langue française ne jouait aucun rôle en Inde avant 2005. Ce n’est

qu’à partir de cette période que le français a été choisi par les enfants comme une matière

optionnelle et que la mère a commencé à enseigner cette langue dans l’école fréquentée par

ses enfants et ensuite elle ouvre son institut privé d’enseignement du français. Avant 2005,

puisque les enfants ne parlaient ni hindi, ni haryanvi, ils ne pouvaient pas entrer en

communication avec les autochtones indiens et leurs compétences langagières en français

n’avaient aucune valeur dans le foyer de leurs grands-parents.

De la même manière, pour les enfants de la

FAM D

, la communication est restreinte à quelques

expressions en anglais lorsqu’ils sont en Inde. En d’autres termes, leurs compétences en

suédois ne sont pas valables en Inde, car l’espace indien ne le reconnait pas. Il en va de même

pour les grands-parents plurilingues dont les compétences langagières dans les langues

indiennes n’ont pas de valeur dans l’espace européen où vivent les quatre familles. Les

grands-parents de la

FAM B

et de la

FAM D

, en Norvège et en Suède, ont renoncé à un séjour

de longue durée avec la famille en raison du manque d’échanges et de socialisation dans ce

nouvel espace. Derrière cette barrière linguistique, les grands-parents, qui ne parlent pas non

plus l’anglais, ne peuvent faire partager leurs propres expériences de vie. De cette manière, il

s’avère que la compétence langagière n’est pas ce qu’on possède, mais c’est le fait de

répondre aux normes linguistiques dominantes de l’espace dans lequel on réside. Dans le cas

de la

FAM D

, la grand-mère développe des compétences segmentées en suédois en

interagissant avec ses petits-enfants.

KUL

raconte :

(18) Ma mère a appris plein de choses en suédois, telles que comment dit-on, “comment ça va”, “l’argent”, “quel jour es-tu libre”.

limitée à certains mots et expressions pour pouvoir communiquer avec ses petits-enfants. Ses

pratiques langagières évoluent et même une faible compétence segmentée par domaine (ici

familial) peut suffire à réaliser une communication.

3.3.1 (i) Contexte

Nous aborderons maintenant la notion de la compétence langagière dans un contexte

spécifique à un espace donné. Blommaert et al. (2005 : 203) disent que « [c]ontexte

(inculding space) does something to people when it comes to communicating ». Le contexte

joue un rôle décisif pour la validation de l’emploi d’une langue particulière, et ce faisant, le

contexte met en évidence ou non la compétence langagière d’un individu. Le contexte peut

donc révéler la compétence linguistique, différents types de pratiques langagières, ainsi que la

segmentation des compétences par domaine. Une soirée organisée dans un foyer est un

contexte susceptible d’engendrer l’alternance de plusieurs codes ou l’hybridité de langues, des

pratiques dans une seule langue comme dans plusieurs, selon le choix et la compétence des

locuteurs présents. Quand les parents de la

FAM C

invitent leurs amis au sein de leur foyer,

l’anglais ou le finnois devient la langue dominante. Le contexte peut être, par exemple,

l’anniversaire d’un des enfants quand plusieurs personnes d’origine indienne, pakistanaise,

anglaise et finnoise sont invitées. L’anglais devient alors une sorte de langue véhiculaire pour

la soirée. Nous pouvons voir d’emblée que le contexte métamorphose la physionomie

linguistique de l’espace. Dans cette situation, la compétence en anglais ou en finnois est tour à

tour mise en valeur ou mise en question. Nous avons ainsi remarqué qu’à l’arrivée de

locuteurs finnophones,

YAS

se retire de la conversation. Et sa femme, qui parle anglais avec

des femmes présentes à la soirée, préfère ne pas s’adresser en anglais aux amis de

YAS

. En

effet,

ERA

ne se trouve pas assez compétente pour parler avec les amis de son mari qui ont un

accent britannique. Si, pour

ERA

, la compétence en anglais est suffisante pour parler avec ses

amis indiens et travailler dans une crèche anglaise, elle ne se trouve pas à l’aise, voire se sent

moins compétente, pour parler avec les personnes d’origine britannique. Nous avons fait les

mêmes observations auprès des enfants de la

FAM B

.

RAF

et

MUS

sont très à l’aise pour parler

en anglais en Inde et mènent plusieurs activités en anglais dans leur vie quotidienne ; mais ils

pensent qu’il est difficile pour eux de suivre et de participer à la conversation en anglais

britannique lors de leur séjour chez leur grand-mère en Angleterre.

Dans les passages qui suivent, seront évoqués différents contextes dans lesquels, un répertoire

multilingue segmenté peut jouer un rôle. Ce faisant, nous pouvons examiner de plus près le

degré de compétence requis ou manifesté pour pouvoir communiquer ou réaliser une tâche.

(a) Contexte religieux

Nous explorerons tout d’abord le contexte religieux qui produit certains changements

langagiers au sein du foyer et aussi en dehors du foyer. Au sein de la famille

B

, nous

remarquons l’usage de l’arabe coranique tout au long de la prière. Dans la

FAM C

, la pratique

est moins fréquente, voire rare pour le père. La compétence en arabe coranique pour tous les

membres de la

FAM B

et de la

FAM C

est segmentée pour la religion. Puisqu’il est obligatoire

d’apprendre cette langue afin de pouvoir accomplir les rituels spécifiques lors de la prière, la

compétence est conditionnée par cette pratique impliquant pour tous les membres de la

famille de savoir lire l’arabe coranique. Lire n’implique pas forcément de comprendre ce

qu’on lit. La compétence est visée non pas en vertu de la compréhension, mais dans l’optique

de pouvoir déchiffrer des textes. En d’autres termes, la formation consiste à apprendre à

décoder les mots, mais le sens du texte n’est pas considéré comme important. Il s’agit

d’apprendre les versets coraniques et quelques expressions cultuelles pour faire louange à

Dieu. Rosowsky (2006 : 312) souligne qu’il est impossible pour les musulmans de faire la

prière sans lire le premier chapitre du Coran. Ce genre de formation est très répandu parmi les

familles musulmanes en Inde. Les membres de la

FAM B

et de la

FAM C

ont ce type de

compétence en arabe coranique ; ils peuvent lire le Coran, ils peuvent réciter certains versets

coraniques, mais ils ne peuvent pas comprendre ce qu’ils lisent. De ce fait, ils ne peuvent pas

lire l’arabe moderne ou ils y parviennent avec difficulté. C’est le fait même de pouvoir

oraliser le texte sacré qui est important, et non pas de comprendre ce qu’il signifie. Jaspal et

Coyle (2009 : 4) remarquent également dans leur étude sur les musulmans de deuxième

génération de l’Asie de sud que « [t]he meaning of the verses recited is seldom understood ».

Il est fort probable que les musulmans pratiquants parviennent à développer une compétence

segmentée en arabe classique, à force de réciter et répéter certains versets coraniques dans le

quotidien. Rosowsky (2006 : 313) remarque que les personnes de la communauté musulmane

du Royaume-Uni qui lisent l’arabe coranique peuvent connaitre quelques expressions figées

et interjections en arabe qu’ils emploient souvent dans la conversation telles que « al hamdu

lillah » (merci à Dieu), « subhan Allah » (gloire à Dieu) et « astaghfirullah » (que Dieu nous

pardonne). Ajoutons à cela « incha Allah » (si Dieu le veut) que l’on trouve aussi

communément dans les conversations de nos participants, notamment chez la première

génération.

enfants n’en ont aucune.

RAF

, de la

FAM B

, parle de sa compétence en arabe coranique :

(19) Je lis l’arabe, mais très lentement, et je pense qu’en tant que migrant, quand on vit dans un autre pays, on apprend une autre langue en maintenant sa propre langue, alors il est difficile d’avoir de la fluidité en arabe.

RAF

attribue son manque de fluidité en arabe à son statut de migrant. Nous ne comprenons pas

ce qu’il entend par “fluidité”. Peut-être veut-il parler d’une lecture fluide du texte sacré. Dans

cet énoncé de

RAF

, apparait à nouveau l’enjeu spatial de la gestion et du maintien des langues.

Premièrement, le changement d’espace implique de devoir apprendre deux langues de

socialisation, celle de l’espace dans lequel ont grandi les parents et celle du nouvel espace.

Ensuite, par affiliation religieuse, l’arabe coranique est appris pour le seul contexte/espace du

lieu de prière, soit la mosquée, soit la maison pendant les temps de prière.

Dans le cas de la

FAM A

, la langue religieuse est le sanscrit. Nous avons remarqué à une

occasion que le père récitait des mantras – des extraits de formules sacrées et poétiques,

pendant sa prière. Sa compétence dans la langue sanscrite est réduite à quelques versets de

textes sacrés de la religion hindouiste. Parmi les fidèles de la religion hindoue, une

connaissance de la langue sacrée n’est pas obligatoire pour participer aux cérémonies ou

accomplir les rituels religieux. C’est en effet au prêtre qu’il revient de mener la prière. Une

formation religieuse n’est ni nécessaire, ni requise, à l’exception du brahmanisme où la

transmission des valeurs religieuses est obligatoire. La religion brahmanique renforce le

système des castes ; seuls les membres de la caste supérieure peuvent être prêtres. Les

membres de la

FAM A

n’appartiennent pas à cette caste et n’ont pour cette raison pas de

tradition familiale brahmanique. Cependant, l’accès au savoir religieux n’est pas fermé pour

les autres castes. Plusieurs livres contenant divers textes sacrés sont accessibles et l’on peut y

apprendre des mantras. On apprend aussi par le biais des chants religieux, lors des rituels, au

cours desquels certains mantras

89

doivent être répétés plusieurs fois, à l’instigation des

parents et des grands-parents qui insistent pour que leurs descendants en apprennent

quelques-uns pendant l’enfance. Coward (1999 : 5) cite des migrants hindous au Canada qui relatent

leur expérience d’apprentissage des textes sacrés grâce aux mantras que les enfants, dès leur

plus jeune âge, chantent tôt le matin avec leur père.

89

Parmi les mantras, il s’agit de Gayatri mantra qui est très populaire dans la plupart des castes de la religion hindoue. Voir

Pour la

FAM D

, les membres vont régulièrement au gouroudwara, le lieu de prière pour la

religion sikhe dont la langue sacrée est le vieux pendjabi. Le père déclare avoir très peu de

connaissance de cette langue difficile à comprendre et à lire. La mère apprend à lire le

pendjabi et elle aspire à pouvoir lire le texte sacré dans l’avenir. On pourrait ainsi dire que la

compétence langagière pour déchiffrer l’écriture gourmoukhi est minimale pour cette famille

dont seul le père peut identifier les lettres, les lire, mais avec beaucoup de difficultés. D’après

lui, le gourmoukhi signifie « de la bouche des gourous ». Le texte sacré, Sri Gourou Granth

Sahib

90

, est de fait une composition de milliers d’hymnes récités par les prêtres dans le

gouroudwara. Les parents participent à la prière en tant qu’auditeurs, comme c’est le cas de la

FAM A

quand ils vont au temple.

(b) Contexte des pratiques alimentaires

L’examen des usages liés au contexte des pratiques alimentaires au sein des familles

migrantes nous permettra à nouveau de mettre en relief le répertoire multilingue segmentéde

nos participants. Les éléments de ce contexte ne nous sont pas tous connus, car malgré les

données recueillies par les différentes méthodes de collecte de données sur le terrain, nous

n’avons pas pu saisir en totalité les pratiques langagières familiales en lien avec ce contexte.

Nos observations ont été réalisées lors des repas auxquels nous avons été convié dans les

familles

B

et

C

. Pour accéder aux données des pratiques alimentaires, nous nous basons

essentiellement sur l’observation directe des mets consommés pendant les repas familiaux, de

l’espace de la cuisine et sur les discours tenus sur la nourriture par les différents membres.

L’espace de la cuisine est un espace d’intimité et de complicité entre les femmes dans la

culture indienne. Il n’est pas accessible aux invités par souci de pudeur, car les Indiens ne

veulent pas montrer à qui que ce soit ce qu’ils mangent ou ce qu’ils préparent. Cet espace est,

dans certains cas, même inaccessible aux membres masculins de la famille

91

. Dans une étude

menée sur les femmes hindoues, Mazumdar et Mazumdar (1999 : 163) expliquent le rôle de

90

Le texte sacré est aussi appelé Adi Granth.

91

Dans la société indienne qui reste largement patriarcale, l’espace culinaire est réservé aux femmes dans la mesure où elles s’occupent de la cuisine et des autres travaux domestiques. La cuisine est vue comme un lieu de pouvoir pour les femmes, car elles savent que les hommes dépendent d’elles pour assouvir leur faim. Dans la cuisine, les membres féminins de la famille peuvent se retrouver avec des femmes domestiques, s’il y en a, pour discuter et bavarder. La cuisine apparait comme un endroit privilégié pour elles. Du point de vue des pratiques langagières, cet espace fait émerger les pratiques langagières les plus intimes et les moins formelles de la personne, c’est-à-dire la première langue et le registre vernaculaire. On y entend souvent des disputes et des injures que l’on n’entendrait pas hors de cet espace. Dans les trois familles A, B et C, la proximité entre la cuisine et le salon dans ces trois ménages ne garantit pas l’intimité, car on entend les discussions menées à l’intérieur de la cuisine. À contrario, le visiteur peut voir l’intérieur de la cuisine et observer ce qui s’y passe, ce qui est une occasion rare en Inde. En dépit de ce manque de distance entre la cuisine et le salon, les participants de notre étude semblent très sensibles et conscients de l’importance de cet espace spécifique.

l’espace de la cuisine dans une maison en Inde où la responsabilité de faire à manger repose

essentiellement sur les femmes. Ces auteurs rappellent que, « The kitchen then becomes a

central space in the socialization process ; here younger and inexperienced women learn

their domestic and familial responsibilities ».

Au sein de la

FAM C

, la table des repas est placée dans le salon et la cuisine est à côté du

salon. La famille fait ses courses à deux endroits : dans un magasin finlandais et dans une

épicerie indienne. Ainsi, nous trouvons dans la cuisine des produits finlandais et des produits

indiens. Les inscriptions des produits finlandais sont en finnois et en suédois. Les produits

indiens sont quant à eux étiquetés en hindi, en goujarati ou dans d’autres langues indiennes.

On y trouve aussi des produits portant des inscriptions en ourdou ou en arabe. Nous

reviendrons plus loin sur l’importance de ces langues dans le marquage des produits. Nous

trouvons dans la cuisine des ustensiles indiens rapportés d’Inde pour la préparation de certains

repas. On peut dire enfin que le repas préparé dans la cuisine en Finlande est du même genre

que le repas préparé en Inde. On trouve les mêmes habitudes alimentaires chez les

FAM A

et

B

; les produits finlandais y étant respectivement remplacés par des produits français et

norvégiens. Ces familles font des courses également dans une épicerie tenue par un

commerçant indien.

À l’heure du repas, contexte et objet de notre analyse, les membres de la

FAM C

mangent

séparément ou ensemble selon leur disponibilité. La communication se déroule en ourdou ou

en hindi au cours du repas et nous avons remarqué que les enfants ne connaissent pas les

termes indiens des plats servis sur la table. Le fils ainé ne connait pas les noms de ces plats en

ourdou et en hindi. Les produits achetés dans les magasins finlandais, tels que le lait, le

beurre, le sucre, etc, sont désignés en finnois par

YAS

et les deux enfants. Seule la mère ne s’y

réfère qu’en ourdou.

YAS

et

ARI,

qui ne parlent pas le finnois intègrent néanmoins le nom de

ces produits en finnois dans leurs énoncés en ourdou. Ils parlent parfois du maito (lait) ou du

jogurtti (yaourt). Pour

YAS

, mémoriser les noms des produits en finnois qu’il voit et utilise

dans son quotidien est facile. Les langues de marquage des produits alimentaires, en finnois et

en ourdou/hindi, dans le foyer de la

FAM C,

servent au père à construire une compétence

segmentée en finnois et constituent l’occasion pour les enfants d’apprendre quelques mots en

ourdou/hindi.

Dans le foyer de la

FAM B

, les enfants ne connaissent pas non plus le nom des plats indiens.

Voici un extrait de conversation lors d’un diner avec les enfants de la

FAM B

:

TP.5.ENQ %add MUS : (montrant la purée de pomme de terre) comment dit-on ça ?

(20)TP.6. MUS : Celui-ci ? hein, ah

TP.9.ENQ : bharta (un terme vernaculaire au Bihar).

Cette question était posée sans volonté de tester la compétence langagière de l’enfant, mais

par simple curiosité pour savoir si ce dernier connaissait le nom des plats de la région

d’origine de ses parents. Alors que

MUS

ne le connaissait pas, son frère ainé qui était avec

nous, n’a pas réagi. Nous étions en train de manger un plat régional, et les enfants qui ont