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LES POINTS MARQUANTS DES DOCTRINES PENALES CONTEMPORAINES ET LA DIVERSIFICATION DES MODES DE POURSUITE

LA DIVERSIFICATION DES MODES DE POURSUITE

CHAPITRE 2. LES RAISONS THEORIQUES DE LA DIVERSIFICATION DES MODES DE POURSUITE

B).- LES POINTS MARQUANTS DES DOCTRINES PENALES CONTEMPORAINES ET LA DIVERSIFICATION DES MODES DE POURSUITE

128. La systématisation de la réponse pénale. Rendre systématique la réponse pénale pour

tout acte de délinquance constaté répond à la double préoccupation d’effacer le sentiment « d’impunité »488qu’éprouveraient les auteurs de ces actes et de répondre à l’opinion publique réactive aux effets supposés de cette impunité. Systématiser la réponse pénale est donc, à la fois, prendre en compte chaque acte de délinquance en lui allouant une réponse judiciaire appropriée, mais aussi renvoyer, politiquement, un message de fermeté et d’assurance489 à l’opinion publique. Le systématisme judiciaire serait, d’une certaine manière, la traduction contemporaine de l’observation de BECCARIA selon laquelle « pour lutter contre la

486 Michel MASSE, Jean-Paul JEAN, André GIUDICELLI (dir.), Un droit pénal post-moderne ? Mise en

perspective de certaines évolutions récentes, Synthèse et conclusion, PUF 2009, p.11

487 Idem

488 Laura AUBERT, « Systématisme pénal et alternatives aux poursuites en France : une politique pénale en

trompe-l’œil », Droit et Société 74/2010, p.17-33

489 Laurent MUCCHIELLI, « La violence des jeunes : peur collective et paniques morales du XXè et du XXIè

siècles », in René LEVY, Laurent MUCCHIELLI, Renée ZAUBERMAN (dir.), Crime et insécurité : un demi- siècle de bouleversement. Mélanges pour et avec Philippe ROBERT, L’Harmattan, 2007, p.195-223

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criminalité et faire produire à la peine son effet d’intimidation, l’énormité de la sanction importe moins que la certitude et la promptitude de son application »490.

129. Le systématisme au cœur de la politique pénale du gouvernement. Les instructions

de politique pénale adressées par le garde des sceaux aux parquets sont particulièrement explicites sur ce point. Ainsi, la circulaire de politique pénale du 19 septembre 2012491 énonce sans ambiguïté en matière d’orientation des procédures que « le large éventail de réponses pénales disponibles…est de nature à permettre systématiquement une suite pénale la plus adaptée possible à la situation. » La circulaire de politique pénale du 2 juin 2016492 publiée par le Garde des Sceaux préconise également la systématisation de la réponse pénale en affirmant qu’aucun agissement avéré ne doit rester sans réponse ».

Pour parvenir à rendre effective cette systématisation de la réponse pénale, il a donc fallu élargir les possibilités de réponses mises à la disposition du ministère public, car l’objectif de systématisation induit une individualisation de la réponse pénale. Il implique aussi la mise en œuvre d’un principe de proportionnalité dans l’orientation des procédures. C’est ce qu’explique toujours cette circulaire de politique pénale du 19 septembre 2012 en précisant que « le choix de la réponse pénale, et notamment du mode de poursuites, doit donc être fait avec un souci constant d’individualisation et ce, y compris dans contexte d’urgence. »

L’option de la systématisation de la réponse pénale se singularise aussi par sa préoccupation de la recherche de la meilleure prévention contre le risque que représenterait « l’état dangereux » de certains individus « dans une société du risque zéro. »493 Le postulat retenu étant celui selon lequel la répression systématique de chaque infraction commise conduit à dissuader de nouveaux passages à l’acte criminel. En France comme en Angleterre, même si c’est à des rythmes différents, la crise de l’idéal réhabilitatif de la pénologie Welfare, la hausse des chiffres de la délinquance enregistrée et le retour de la victime sur la scène pénale ont

490 Cf. Jean BOYER, « Réalisme, idéologies et politique dans le droit de la procédure pénale », Revue pénitentiaire

et de droit pénal, septembre 2003, pp11-15

491 Circulaire du 19 septembre 2012 de politique pénale de Mme la garde des sceaux, Jo du 18 octobre 2012

p16225

492 Circulaire de politique pénale n° CRIM-2016-6/E1/02.06.2016

493 Christine LAZERGES, « Un populisme pénal contre la protection des mineurs », in MUCCHIELLI (dir.), La

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favorisé le déploiement d’un discours sécuritaire « dramatisant le risque criminel » et le souci de répondre de manière plus systématique et plus efficace à la délinquance.

130. De la certitude de la sanction à la précocité de l’intervention judiciaire. Le schéma

traditionnel de la poursuite pénale symbolisé par le recours à l’instruction préparatoire ou à la citation directe rendait la certitude de la sanction pénale et de son exécution aléatoire du fait de la lourdeur des formalités et de la durée qu’elles impliquent. La certitude de la sanction pénale en tant que fondement des dispositifs de répression de la délinquance traduit, dans ce contexte, l’idée selon laquelle tout auteur d’infraction déféré devant la justice subira avec certitude une sanction pénale. Dans une perspective « d’intimidation »494 des auteurs d’infraction et des potentiels délinquant, la certitude de la sanction est un message qui tend à prévenir le passage à l’acte selon le schéma esquissé par la pensée néolibérale dans une sorte de retour à la doctrine classique. Or, la pensée pénaliste classique d’inspiration utilitariste a soutenu, depuis BECCARIA, que « la certitude de la punition, plus que sa cruauté, prévient le plus sûrement les crimes »495. Comme l'affirmait déjà BECCARIA496, Jean-Paul BRODEUR précise qu'il « importe au-delà de tout de rappeler que ce n'est pas tant la rigueur du châtiment qui dissuade que la certitude qu'il soit appliqué à tout manquement. »497 Associée au principe de l’individualisation de la peine porté par les doctrines de la défense sociale qui vise une adaptation de la peine « à l'infracteur et à un pronostic sur sa réinsertion sociale»498, la certitude de la peine ne s’écarte pas d’une vision rétributive de la sanction pénale. Le code de 1810 contenait déjà la synthèse des options utilitariste et rétributive. Charles MORIZOT-THIBAUL rappelle que ce texte essaya de fondre « les deux systèmes opposés de KANT et de BETHAM, en unissant dans une sorte d’éclectisme l’idée de « justice absolue » à celle de « l’utilité matérielle.»499 L'utilitarisme pénal apparaît lui-même, dès lors, comme une légitimation prospective de la punition par ses effets bénéfiques, une sorte d’évaluation « des estimations

494 Raymond GASSIN, « La criminologie et les tendances modernes de la politique répressive », RSC n°2 avril-

juin 1981, p265-279

495 Cf., Jean-Paul JEAN, Le système pénal, La découverte, 2008, p14

496 Cf. « Utilitarisme », in Monique CANTO-SPERBER (sous la dir.), Dictionnaire d’éthique et de philosophie

morale, PUF, 1996, p.1583 et s.

497Jean-Paul BRODEUR, « Justice distributive et justice rétributive », Philosophiques, vol. 24, n°1, 1997, p.71-89 498Idem

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conséquentialistes »500 de la pénalité. « Justifier la peine par son effet dissuasif est la caractéristique essentielle de l'utilitarisme et de la pénologie »501.

L’idée de la certitude de la sanction pénale s’accompagne aussi de cette autre idée selon laquelle, plus tôt l’intervention judiciaire va s’opérer, plus dissuasive sera la peine et plus efficace sera la dissolution « de l’angoisse latente ou exprimée des populations face à la criminalité. »502 « L’idée de jugement immédiat »503 des personnes traduites devant la justice apparait dès lors comme une modalité pour garantir la certitude de la sanction judiciaire. Cette idée d’immédiateté et de précocité de l’intervention judiciaire pour le jugement des auteurs d’infractions a trouvé sa traduction, non seulement en procédure pénale à travers le mécanisme de la « saisine directe » institué par la loi « sécurité et liberté », puis pérennisé par les réformes ultérieures à travers la comparution immédiate, notamment, mais aussi à travers toutes les innovations procédurales et organisationnelles504qui ont permis d’accélérer le cours du procès pénal.

131. La précocité de l’intervention judiciaire. Le constat empirique de l’évolution

croissante de la criminalité a abouti à l’affirmation, dans le prolongement de ces théories d’inspiration utilitariste, que la précocité de la sanction judiciaire, plutôt que sa sévérité constitue le moyen le plus sûr de prévenir la réitération des infractions505. Ainsi, alors que sous l’angle du délai raisonnable, la promptitude de la réponse pénale est appréhendée comme une garantie de l’effectivité du droit au procès équitable, sous l’angle des politiques criminelles, la rapidité de la réponse pénale apparaît comme un facteur d’efficacité de la répression des phénomènes criminels. Madame la professeure RASSAT506 parle des « tenants français de

500 David W.CARRITHERS, « La philosophie pénale de Montesquieu », Revue MONTESQUIEU n°1, 1997, pp39-

63

501 Jean-Paul BRODEUR, « Justice distributive et justice rétributive », Philosophiques, vol. 24, n°1, 1997, p.71-89 502 Raymond GASSIN, « La criminologie et les tendances modernes de la politique répressive », RSC n°2 avril-

juin 1981, p.265-279

503 Laurent MUCCHIELLI (dir.), La Frénésie sécuritaire. Retour à l’ordre et nouveau contrôle social, La

Découverte, 2008, p.11

504 L’institution du traitement en temps réel des procédures pénale (TTR) fait partie des innovations

organisationnelles qui ont favorisé l’intervention judicaire très tôt après la phase policière.

505 Idem

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l’école radicale » pour lesquels la rapidité de la réponse constituerait un indicateur prépondérant de l’efficacité des politiques criminelles.

Dans le cadre des « politiques criminelles contemporaines », l’option de la « systématisation et de la célérité de la réponse pénale » se situe dans le ressort des politiques dites sécuritaires507, car « les points communs caractéristiques de ces politiques sécuritaires sont la volonté d’une réponse précoce, systématique, rapide et efficace à tous les actes de délinquance, voire aux comportements qualifiés d’antisociaux »508. Dans les expériences contemporaine de mise en œuvre de politiques de lutte contre la criminalité, la concrétisation de la théorie dite de « la fenêtre brisée et de la tolérance zéro» aux USA509est l’une des illustrations les plus marquantes de ces doctrines.

Les approches de la systématisation de la réponse judiciaire à tout acte de délinquance qui trouvent leur inspiration dans les approches néo-classiques ont ainsi abouti à préconiser le recours aux procédures rapides et simplifiées de traitements des affaires pénales. Ces modes de poursuite rapides représenteraient la marque de l’efficacité de la répression des comportements criminels en tant qu’ils insufflent la dissuasion et l’exemplarité510 par l’effet quasi automatique de la sanction qui s’y attache. Jean-Paul JEAN511 souligne à ce propos que le « recours accru

507 Ibidem 508 Idem

509 La théorie dite de la vitre brisée et tolérance zéro postule qu’un acte délictueux non sanctionné incite à la

commission d’autres actes, cf. Jean-Paul JEAN, Le système pénal, La découverte, 2008, p.25

510 Stéphane ENGUÉLÉGUÉLÉ, « Politiques publiques et criminalité - Quelques hypothèses pour l’analyse de la

construction des politiques pénales », in J. CHEVALLIER (sous la dir. de), Désordre(s) », PUF 1997. Pp.228- 244. L’auteur souligne qu’à côté d’un courant humaniste proche de la Nouvelle Défense sociale « Une tendance opposée préconise ensuite le renforcement de la répression et la systématisation du recours à la prison. D'inspiration néoclassique, les tenants de cette lecture manifestent un grand intérêt pour les procédures accélérées (comparution immédiate perçue comme une condition de la célérité de la répression) et un attachement viscéral à la prison considérée comme la solution idéale aux problèmes de protection de la société face à la criminalité. Il est, de leur point de vue, indispensable d’oser punir"28, à la fois pour défendre la société, mais aussi pour traiter les comportements criminels, lesquels illustrent une volonté délibérée de nuire en profitant des bénéfices que procure le crime. Les choix pénaux les plus efficaces sont ceux qui s'adossent à la dissuasion et à l'exemplarité qui conditionnent la certitude de l'application des peines prononcées par les tribunaux. »

511 Jean-Paul JEAN, « Les réformes pénales 2000-2010 : entre inflation législative et révolutions silencieuses », in

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aux procédures simplifiées et négociées sous l’égide du parquet », « au nom de l’efficacité » constitue l’une des tendances lourdes de l’évolution du système pénal français au cours de la décennie 2000-2010. La diversification des modes de poursuite serait ainsi la résultante d’un algorithme associant la volonté de réduire les classements sans suite, la systématisation de la réponse judiciaire, l’individualisation de l’orientation des procédures et l’effet corrélatif de l’augmentation des flux pénaux. Cette vision qui associe l’efficacité de l’action répressive et la systématisation de la réponse judiciaire à travers la diversification des modes de traitement des procédures pénales apparaît toujours en vigueur dans les politiques pénales contemporaines. Ainsi, la circulaire de politique pénale du garde des sceaux du 19 septembre 2012 affirme que « dans un souci d'efficacité qui doit en permanence guider l'action des parquets, il appartient à chacun de veiller à la pertinence de la réponse pénale […) Le large éventail de réponses pénales disponibles, dont ces procédures alternatives, est en effet de nature à permettre systématiquement une suite pénale la plus adaptée possible à la situation512 ».

Cette diversification des modes de traitement des infractions reflète une double dimension. Elle reflète, d’abord, une dimension substantielle en ce que chaque décision d’orientation de la procédure porte une part de prédétermination de la décision judiciaire finale. Ensuite, la décision d’orientation de la procédure demeure un acte processuel qui détermine, soit la saisine d’un juge, soit la mise en œuvre d’une alternative aux poursuites513.

132. La barèmisation de la réponse pénale. L’appropriation et l’application concrète des

nouveaux dispositifs de traitement des délits par la justice pénale inspirées des doctrines de la lutte contre la délinquance et la criminalité se sont également trouvées confortées par les nouveaux modes de gestion de la justice pénale. La barèmisation de la réponse pénale relève de ces nouvelles stratégies de traitement des délits. « Pour répondre rapidement aux flux d’appels, réagir dans l’instant et éviter de trop fortes disparités de décision, les parquets ont également

512 Circulaire de politique pénale du garde des sceaux du 19 septembre 2012, JORF n°0243 du 18 octobre 2012

page 16225

513 Cf. Sylvie GRUNVALD, « Choix et schémas d’orientation », communication au colloque : « Une évaluation de

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automatisé et uniformisé leurs décisions en élaborant des “barèmes” qui détaillent l’orientation procédurale et les sanctions/réquisitions applicables à chaque infraction. »514

133. Systématisation de la réponse pénale et théorie dite de « la tolérance zéro ». La

théorie dite de « la tolérance zéro » est l’une des plus emblématiques des doctrines sécuritaires exhibées dans les discours politiques au cours des années 1990. Selon Nicolas QUELOZ, même dans le cas de la Suisse, la nouvelle politique pénale « … est caractérisée par la politique de “tolérance zéro” et par la réponse pénale et répressive (“coûte que coûte”) face à toutes les formes de délinquance, des plus bénignes (comme les “incivilités”) aux plus graves (comme les atteintes à l’intégrité physique des personnes et les attentats contre la sécurité publique). »515Si cette théorie trouve ses origines et ses véritables expérimentations aux Etats-Unis d’Amérique516, son importation en France paraît clairement établie. Certes, la question de son authenticité dans le processus de son transfert dans le champ des politiques publiques françaises reste discutée.517 En revanche, son appropriation par le débat public demeure quant à elle clairement identifiée.518

Laurent MUCCHIELLI519 souligne la double destination de la reprise de la théorie de la tolérance zéro dans le débat français. Selon cet auteur, il s’agit d’un côté de signifier à l’opinion publique française la volonté ferme des autorités politique d’apporter une réponse à tout acte de délinquance, voire d’incivilité. D’autre part, il s’agirait de mettre en évidence l’engagement de vouloir « améliorer l’efficacité du système pénal pour réduire l’impunité dont bénéficieraient nombre d’auteurs d’actes de délinquance »520. C’est sous ces deux angles que la théorie de la tolérance zéro a trouvé, selon cet auteur, un écho particulier dans les outils de la mise en route de la poursuite. De fait, la traduction pratique du principe de la systématisation de la réponse

514 Virginie GAUTRON, « L’impact des préoccupations managériales sur l’administration locale de la justice

pénale française », Champ pénal/penal field [en ligne], Vol. XI I 21 janvier 2014, consulté le 09 février 2014. URL : http://champenal.revues.org/8715 ; DOI : 10.4000/champenal.8715

515 Nicolas QUELOZ, « Les dérives des politiques pénales contemporaines. La fin de l’ultima ratio du droit pénal

? », Revue Suisse de Criminologie, 2013, no 2, pp. 3-8.

516 WILSON et KELLING, « la vitrine cassée », Les Cahiers de la sécurité intérieure, 1994

517 Cf, MAILLARD (de) Jacques et LE GOFF Tanguy, « la tolérance zéro en France, succès d’un slogan, illusion

d’un transfert, Revue française de science politique, 2009, Vol.59, p. 655-679

518 MUCCHIELLI Laurent, « La politique de la tolérance zéro », Hommes et Libertés, 2002, n°120, pp38-40. 519 MUCCHIELLI Laurent, Idem

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devait se heurter à une double réalité. Premièrement, elle entrainait presque mécaniquement une augmentation massive des affaires soumises à la justice pénale. Deuxièmement et par voie de conséquence, la justice pénale ne disposait pas de la capacité de traitement nécessaire pour soumettre toute la masse de ces affaires pénales à un traitement systématique et indifférencié sous la forme du procès pénal classique. L’élargissement des procédés de la réponse pénale, y compris sous l’angle des alternatives aux poursuites, offrait alors une solution bien indiquée qui permettait de garantir la systématisation voulue, sans bloquer le fonctionnement du système. Laura AUBERT souligne, à juste titre, que « la place prise par la troisième voie dans le traitement pénal se comprend en grande partie au regard des moyens alloués aux juridictions pour fonctionner au quotidien »521. L’application même relative de la théorie de la « tolérance zéro » dans sa variante judiciaire qui se manifeste notamment, dans l’administration de la justice pénale, par l’indicateur statistique du « taux de réponse pénale »522, ne pouvait s’envisager que grâce à la diversification des modes de poursuite qui offre un panel élargi de solutions pénales pour chaque infraction poursuivie.

134. L’aboutissement du processus de transformation ? Etienne VERGES voit dans cette

évolution qui tend à la recherche d’équilibre entre efficacité et garnantie des droits, culminant en France par la loi du 3 juin 2016523, comme l’aboutissement des combats idéologiques qui ont marqué la politique criminelle. Pour lui, « cette loi est le résultat d'un mouvement qui nous paraît révéler l'essoufflement de la bipolarisation politique de la procédure pénale. Elle laisse apparaître un point d'équilibre que les groupes politiques auraient atteint après quelques décennies d'affrontement »524 Il n’est pourtant pas certain le point d’équilibre décrit soit l’épilogue définitive des transformations du procès pénal. La place de l’instruction préparatoire et le trôle corrélatif du parquet dans la phase de pré-jugement demeurent des questions non encore tranchées

521 Laura AUBERT, « Systématisme pénal et alternatives aux poursuites en France : une politique pénale en

trompe-l’œil », Droit et Société 74/2010, p.17-33

522 Le taux de réponse pénale désigne le pourcentage des affaires pénales poursuivables (infraction juridiquement

constituée et auteur identifié) ayant une réponse pénale sous forme de poursuite ou d’alternative aux poursuites. Il permet notamment d’isoler le taux des classements sans suite opérés en pure opportunité

523 loi n° 2016-731 du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et

améliorant l'efficacité et les garanties de la procédure pénale, JO du 4 juin 2016

524 Etienne VERGES, « La procédure pénale à son point d'équilibre (À propos de la loi n° 2016-731 du 3 juin 2016

renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l'efficacité et les garanties de la procédure pénale) », RSC 2016 p.551

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Cette prévention par la répression systématique et sévère de la moindre infraction constatée fait écho à la théorie dite de la « tolérance zéro » prônée et mise en œuvre dans certains états des Etats-Unis d’Amérique.

En définitive, le postulat de la nécessité de la recherche d’une meilleure efficacité dans la lutte contre la délinquance, sous l’impulsion des doctrines néolibérales, a abouti à la reconfiguration des modes de poursuite comme outils de l’action publique au travers de deux aspects qui articulent ces doctrines. D’une part, elles ont fait émerger la proposition d’une réponse judiciaire systématique à tout acte de délinquance. Cette systématisation induit, par définition, la mise en place de certains cadres procéduraux adaptés au traitement de la masse des affaires pénales. D’autre part, l’injonction d’une réponse pénale rapide, la plus proche possible de la commission de l’infraction, justifie l’élaboration de procédés adaptés de l’action publique. Le développement remarqué des « formes simplifiée » de traitement des procédures