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L’ordonnance royale d’août 1670 L’ordonnance royale d’août 1670 substitua

l’information à l’enquête53. Pour autant, cette information secrète menée par le juge demeurait la résultante de l’action de la partie lésée, du rapport émis par le représentant de la société ou de « l’avis d’un dénonciateur »54. Car, suivant la formule résumé de DU ROUSSEAUD DE LA COMBE, « deux sortes d’accusateurs sont reçus en France ; le procureur du Roi ou le procureur Fiscal qui poursuivent l’intérêt public et ont pour objet la punition corporelle contre l’accusé. Les autres qui sont les parties civiles, ne peuvent conclure qu’à la réparation, c’est-à-

48 F. HELIE, Traité de l’instruction criminelle, ou théorie du code d’instruction criminelle, 2ème édition, Tome

premier, Henri PLON éditeur, 1866, n°422

49 Adhémar ESMEIN, Histoire de la procédure criminelle en France : et spécialement de la procédure inquisitoire

depuis le XIII siècle jusqu’à nos jours, Préface, Editions Panthéon Assas, 2010, p.7

50 Aymard de BAUFFRES, Etude de la mise en mouvement de l’action publique depuis l’antiquité jusqu’à nos

jours, Thèse pour le doctorat de droit, Imprimerie Saint-Cyprien, 1896, p.127

51 Idem, p.123

52 Pierre-François MUJART DE VOUGLANS, Les lois criminelles de France dans leur ordre naturel, Chez

MERIGOT le Jeune, Libraire ; CRAPAR, Libraire ; Benoît MORIN, Imprimeur-Libraire, Paris 1780, p.578

53 F. HELIE, Traité de l’instruction criminelle ou théorie du code d’instruction criminelle, Tome premier, 2ème

édition, Henri PLON, Imprimeur Editeur, 1866 : n°368

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dire à la condamnation en des sommes pécuniaires, pour l’intérêt civil qu’ils souffrent à cause du délit, et ne peuvent pas demander la punition corporelle du délinquant»55.

Cette longue évolution historique des règles de la mise en oeuvre du procès pénal jusqu’à la veille du code d’instruction criminelle de 1808 est décrite et analysée par de nombreux auteurs, notamment par Faustin HELIE56, par René GARRAUD57, par Alfred MAURY58 et, surtout, par Adhémar ESMEIN59. Les trois principes dégagés de cette longue histoire en matière de déclenchement du procès sont celui de la fonction de poursuite dévolue à la partie lésée, celui reconnaissant à une partie publique le soin d’engager le procès même en cas de « désistement 60» ou d’abstention de la partie lésée, et celui de la saisine d’office laissant au juge la possibilité de s’autosaisir. L’accusateur public61 a tantôt été un particulier investi du pouvoir d’exercer la poursuite, tantôt une autorité spécialisée. La partie lésée a toujours tiré sa légitimité dans l’exercice des poursuites à travers le préjudice subi et la nécessité d’en rechercher une juste réparation. Le juge bénéficia de la possibilité d’exercer directement la poursuite notamment pour pallier l’inertie de la partie privée parfois non directement affectée par la commission de certains délits autrefois dits « publics », à certaines époques et jusque dans le droit de la période intermédiaire dans le cadre duquel « la dénonciation civique » côtoyait la saisine d’office. Xavier ROUSSEAUX62 souligne qu’« en 1791, le droit devient l’affaire de tous, car citoyens, juges de paix et directeurs de jurys élus peuvent concourir à la mise en accusation ».

55 DU ROUSSEAUD DE LA COMBE (Guy), op. cit, p.149

56 F. HELIE, Traité de l’instruction criminelle ou théorie du code d’instruction criminelle, Tome premier, 2ème

édition, Henri PLON, Imprimeur Editeur, 1866 : N°455 et suivants

57 René GARRAUD, Traité de l’instruction criminelle, Paris 1907

58 Alfred Maury, La législation criminelle sous l’ancien régime, Revue des Deux Mondes tome 23, 1877

59 Adhémar ESMEIN, Histoire de la procédure criminelle en France et spécialement de la procédure inquisitoire,

depuis le XIIIe siècle, Editions Panthéon Assas, 2010

60 Serge GUINCHARD, Jacques BUISSON, Procédure pénale, LexisNexis, 2014, p.30

61 A Rome, « l’accusateur était complètement maître de ce que nous appelons aujourd’hui l’action publique,

c’était à lui qu’était confié le soin d’assurer la répression du crime. Il procédait à tous les actes d’instruction, il obtenait pour accomplir son œuvre une commission du magistrat, une lex, qui l’investissait pour toutes ses recherches d’une partie de la puissance publique, et il pouvait contraindre les particuliers à lui obéir », A. NORMAND, op. cit

62 Xavier ROUSSEAUX, « Historiographie du crime et de la justice criminelle dans l’espace français (1990-205),

31 15. La position de la procédure pénale moderne. De vifs débats s’étaient engagés sur la

question de la dévolution du droit de poursuite devant la Section de la législation du Conseil d’Etat tout au long des travaux préparatoires et préalables à l’adoption du code d’instruction criminelle de 1808. A propos du rôle dévolu au ministère public, ces débats avaient déjà, dès cette époque, soulevé des questionnements sur son étendue dans des termes très comparables aux débats d’aujourd’hui. F. HELIE rapporte, par exemple, des échanges très instructifs à ce sujet :

« M. Cambacérès dit « que le projet transférait à la partie publique des fonctions qui autrefois appartenaient exclusivement au juge ; qu'on suivait, à la vérité, le système tracé par la loi du 7 pluviôse an IX, où le magistrat de sûreté cumulait la double fonction de partie publique et d'instructeur ; mais que l'ancien système avait l'avantage de mettre deux magistrats en mouvement, de manière que l'inaction d'un seul homme ne suffisait pas pour paralyser la justice» M. Defermon ajouta : « Que l'ancien système donnait aussi plus de garantie aux prévenus : la partie requérait, le juge prononçait ; ainsi l'autorité n'était pas concentrée dans une seule main. On ne verrait pas sans effroi le même magistrat recevoir la plainte ou la dénonciation, entendre les témoins et disposer de la liberté de la personne inculpée. »63

En définitive, les conclusions de ces discussions aboutirent à la consécration des pouvoirs et du quasi-monopole64, voire de « l’omnipotence »65, du ministère public dans le déclenchement du procès pénal.