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Chapitre 2 : Deux formes de mémoire épisodique

2.3. Les points de convergence et de divergence entre les deux modèles

basée sur deux processus mnésiques distincts : la remémoration consciente ou recollection et la familiarité. Dans la conception de Jacoby (1991), les deux types de réponses mnésiques correspondent à des processus distincts de récupération contrôlée de l’information et de récupération automatique reposant sur la familiarité. La FTT s’intéresse au type de représentations, verbatim ou gist, utilisées lors de la reconnaissance et suppose que la récupération de représentations verbatim nécessite un processus de recollection tandis que le processus de familiarité supporte la récupération de représentations gist.

Ces deux conceptions ont donné lieu à deux paradigmes expérimentaux qui permettent de séparer et de quantifier la contribution des processus mnésiques dans une même tâche. Ces deux procédures reposent sur la même logique qui consiste à comparer la performance à une tâche mnésique lorsque les processus agissent de façon convergente avec la performance à la même tâche lorsque les processus agissent de façon opposée.

Les expériences réalisées avec ces différentes méthodologies confirment qu’il existe deux modes d’accès à l’information au sein d’une même tâche mnésique et notamment une tâche de reconnaissance. En effet, des variables qui affectent l’un des processus mais pas l’autre ont été mises en évidence. Ainsi, les résultats issus des deux paradigmes ont montré que des variables traditionnellement associées à une réduction des ressources cognitives (comme la charge attentionnelle ou l’âge par exemple) ont une influence sur la recollection et la récupération de représentations verbatim sans affecter la familiarité ni la récupération de représentations gist. A l’opposé, les résultats obtenus avec la PDP ont indiqué que des variables, comme la diminution des exigences de la tâche ou encore l’augmentation de la fluidité du traitement, influencent la familiarité sans impacter la recollection. Les résultats obtenus avec le paradigme CR ont aussi mis en évidence des variables qui affectent la récupération de représentations gist comme l’activation répétée d’un concept à l’encodage sans avoir d’effet sur la récupération de représentations verbatim.

Puisque ces deux méthodes reposent à l’origine sur des concepts théoriques assez similaires, il est intéressant d’examiner les liens susceptibles d’exister entre les résultats issus de chacune d’elles. Le fait de comparer des résultats obtenus avec des méthodes différentes permet de s’assurer que ceux-ci sont valides et ne sont pas des artéfacts. Bien que les variables manipulées dans les études utilisant la PDP ne soient pas strictement identiques à

celles manipulées dans les études utilisant le paradigme CR, certaines de ces manipulations renvoient à des concepts théoriques assez similaires.

Ainsi, parmi les études passées en revue dans les sections précédentes, certaines ont montré des similarités au niveau des résultats sur l’effet de variables reflétant un même concept sur les estimations des processus obtenues en utilisant l’une ou l’autre des méthodes. En effet, il s’agit notamment des variables en rapport à la réduction des ressources cognitives qui affectent à la fois la recollection ainsi que la récupération de représentations verbatim sans avoir d’influence sur la familiarité et la récupération de représentations gist.

A l’inverse, il y a aussi des variables qui ont un effet différent sur les estimations des processus en fonction de la méthode utilisée. En effet, il s’agit notamment de variables renvoyant au traitement de l’information conceptuelle qui ont un plus large effet sur la recollection que sur la familiarité mais influencent davantage la récupération de représentations gist que la récupération de représentations verbatim. Ces différences de résultats peuvent nous amener à nous interroger sur l’équivalence des distinctions théoriques proposées par les deux modèles. Des recherches supplémentaires incluant les deux méthodes sont néanmoins nécessaires afin de pouvoir conclure.

A ce jour, il semble que, conformément aux prédictions de la FTT, la récupération de représentations verbatim puisse être assimilée au processus de recollection. Il apparait aussi clairement, comme postulé par la FTT, que le processus de familiarité peut supporter les reconnaissances basées sur des représentations gist. Il semble toutefois que la récupération de représentations gist puisse ne pas être uniquement associée au processus de familiarité. En effet, un certain nombre de résultats suggèrent que la récupération de représentations gist peut parfois s’accompagner d’une expérience illusoire de remémoration consciente de l’évènement en question.

Comme indiqué au début de ce chapitre, il semble clair à présent que certaines des caractéristiques des processus ou représentations en mémoire sont comparables aux caractéristiques des deux formes de pensées que décrit l’UTT. Par exemple, d’après l’UTT, la pensée consciente, comme la recollection et les représentations verbatim, serait précise et aurait besoin de ressources cognitives pour opérer. A l’inverse, la pensée inconsciente, comme la familiarité, ne nécessiterait pas de ressources cognitives conscientes et, comme les représentations gist, pourrait intégrer un grand nombre d’information à partir de leur sens. Nous verrons dans le chapitre suivant que certaines variables qui influencent les processus et

les représentations en mémoire sont semblables à celles qui modèrent les modes de décision.

Dans ce chapitre, nous avons étudié deux modèles qui considèrent que la mémoire repose sur deux processus ou représentations distincts.

- Le modèle proposé par Jacoby (1991) distingue la recollection qui est décrite comme un processus de récupération contrôlée de l’information de la familiarité qui est décrite comme un processus de récupération automatique.

- La théorie des traces floues distingue les représentations verbatim qui sont littérales et précises des représentations gist qui reflètent le contenu sémantique des informations.

- Ces deux conceptions ont donné lieu à deux paradigmes expérimentaux permettant de séparer et de quantifier la contribution des deux processus ou représentations dans une même tâche.

- Les résultats issus de ces deux méthodologies ont montré que les deux types de processus ou représentations opèrent de façon indépendante lors de la récupération. La recollection et la récupération de représentations verbatim reposent sur des processus contrôlés qui ont besoin de ressources cognitives pour être mis en œuvre alors que la familiarité et la récupération de représentations gist sont moins affectées par les variations de la charge cognitive. La recollection et la récupération de représentations gist sont sensibles aux manipulations d’ordre conceptuel alors que la familiarité et la récupération de représentations verbatim le sont moins.

- La récupération de représentations verbatim peut être assimilée à la recollection. La récupération de représentations gist peut être associée à la familiarité mais pas uniquement. Il semblerait que la récupération de représentations gist puisse parfois être accompagnée de recollection.

Chapitre 3 : Les processus mnésiques sous-jacents à