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Chapitre 2 : Deux formes de mémoire épisodique

2.1. Deux processus de récupération en mémoire : La recollection et la familiarité

2.1.5. Les critiques adressées à la PDP

Un certain nombre de critiques ont été adressées à la PDP. Une remarque importante est que certaines des hypothèses sur lesquelles cette procédure repose ne peuvent pas être vérifiées (Brainerd, Stein, & Reyna, 1998 ; Brainerd, Reyna, & Mojardin, 1999). Et si l’une de ces hypothèses n’est pas respectée, cela peut fausser les estimations de l’un ou de l’autre voire même des deux processus.

Prenons par exemple l’hypothèse d’invariance des processus. L’influence des processus de recollection et de familiarité est supposée être identique dans les conditions d’inclusion et d’exclusion. Or, il est probable que des tests de mémoire différents (inclusion et exclusion)

modifient le type de processus autant en quantité qu’en qualité. On pourrait par exemple s’attendre à ce que les processus de recollection interviennent davantage dans la situation d’exclusion que dans la situation d’inclusion ce qui conduirait à sous-estimer la contribution des processus de familiarité. Ces derniers seraient surestimés dans le cas inverse (Brainerd et al., 1998 ; 1999 ; Clarys, 2001 ; Yonelinas, 2002).

Les biais de réponse sont aussi supposés intervenir de façon similaire dans les deux conditions de test. Or, il est possible que les participants répondent davantage au hasard dans une condition que dans une autre, ce qui conduirait à surestimer l’un des paramètres et à sous-estimer l’autre dans chacun des cas (Brainerd et al., 1998 ; 1999). Par exemple, la recollection serait surestimée et la familiarité sous-estimée si les participants répondaient davantage au hasard dans la condition d’inclusion que dans la condition d’exclusion. L’inverse serait vrai si les participants répondaient davantage au hasard dans la condition d’exclusion.

Enfin, selon l’hypothèse d’indépendance des processus, la recollection et la familiarité sont supposées contribuer de façon indépendante à la performance. Or, s’il existait des cas où les paramètres de recollection et de familiarité sont corrélés positivement alors la familiarité serait sous-estimée parce que les seuls items figurant dans son estimation sont ceux qui ne sont pas récupérés de façon consciente. L’inverse serait vrai dans les cas où les paramètres seraient corrélés négativement (Brainerd et al., 1998 ; 1999 ; Clarys, 2001 ; Yonelinas, 2002). Il est donc important que ces hypothèses puissent être vérifiées lors des expériences. La PDP ne fournit pas de procédure pour tester ces hypothèses.

Une autre remarque adressée à la PDP est que les estimations obtenues semblent parfois être affectées par l’obtention de scores de reconnaissance trop élevés. Par exemple, lorsque les paramètres de recollection sont élevés, les scores dans la condition d’exclusion sont bas et approchent de 0. Les paramètres de familiarité ne peuvent pas être estimés quand les scores d’exclusion sont égaux à 0 et ceci peut déformer les estimations moyennes des processus dans chaque condition expérimentale. Selon Yonelinas (2002), les résultats rapportés dans la littérature indiquent que c’est lorsque le paramètre de recollection est supérieur à .60 que la méthode peut conduire à fausser les estimations du paramètre de familiarité.

La PDP ne permet pas non plus de tester la validité de l’ajustement entre les données brutes obtenues dans les deux conditions du test (les scores de bonnes ou de fausses reconnaissances) et les données prédites par le modèle théorique (les paramètres de

recollection et de familiarité). Pour réaliser un test de la validité de l’ajustement, le modèle doit avoir moins de paramètres théoriques à estimer que de données empiriques. La différence entre les deux étant les degrés de liberté du test. Dans la PDP, il n’y a pas de degré de liberté parce que deux données empiriques sont obtenues, les scores de reconnaissance dans les deux conditions du test, et deux paramètres théoriques doivent être estimés, la recollection et la familiarité. Il n’est donc pas possible de réaliser de test de validité de l’ajustement. Sans ce test, nous ne pouvons pas affirmer avec certitude que les données obtenues ont plus de chance d’avoir été générées par ce modèle théorique qui postule l’existence de deux processus ou par un tout autre modèle.

Enfin, la PDP ne fournit pas non plus de paramètres mesurant la contribution des processus de recollection et de familiarité lors de la fausse reconnaissance des items non étudiés (Brainerd et al., 1998 ; 1999). Or, le fait de pouvoir estimer la contribution de chacun des processus au niveau des fausses reconnaissances semble être important puisque le modèle suppose que le processus de familiarité est à l’origine des fausses reconnaissances et le processus de recollection est à l’origine des rejets corrects. De plus certains résultats (Brainerd & Mojardin, 1998 ; Reyna, & Kiernan, 1994, 1995 ; Reyna & Lloyd, 1997 ; Tulving, 1981) ont indiqué que le fait de renforcer le niveau de ressemblance sémantique entre les items leurres de la liste d’un test de reconnaissance et les items étudiés favorise l’apparition de fausse reconnaissance. A l’inverse, la probabilité de fausse reconnaissance diminue lorsque l’association entre les items leurres et les items étudiés est basée sur leurs caractéristiques de surface (la sonorité ou la couleur des items par exemple). Ces résultats amènent à questionner la proposition des modèles présentés précédemment selon laquelle la familiarité dépendrait de facteurs perceptuels uniquement et la recollection de facteurs conceptuels uniquement (Brainerd et al., 1998, 1999 ; voir aussi Rajaram, 1993).

Brainerd et ses collaborateurs (1998, 1999) ont proposé un autre paradigme dit de « Reconnaissance Conjointe » (« CR » de l’anglais « Conjoint Recognition ») qui permet de résoudre certains des problèmes méthodologiques de la PDP. En effet, ce paradigme fournit des procédures statistiques pour tester les hypothèses sur les paramètres, il permet de vérifier la qualité de l’ajustement des données empiriques aux données théoriques et aussi de mesurer séparément la contribution des processus pour les fausses reconnaissances. Ce paradigme opérationnalise une nouvelle interprétation théorique qui va au-delà, qui prolonge en quelque sorte, la distinction entre recollection et familiarité. Il s’agit de la distinction entre jugement d’identité et jugement de similarité, représentations « verbatim » et « gist », de la

« Théorie des Traces Floues » (« FTT », de l’anglais « Fuzzy Trace Theory » ; Reyna & Brainerd, 1995). Ce modèle est présenté dans la section suivante.

2.2. Deux types de représentations mentales : Des représentations