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Chapitre 2 : Deux formes de mémoire épisodique

2.2. Deux types de représentations mentales : Des représentations verbatim et des

2.2.4. Les caractéristiques des deux types de représentations

Les données obtenues avec les paradigmes CR ou SCR autant avec la manipulation de variables liées aux caractéristiques de la tâche qu’au niveau des différences individuelles produisent effectivement des dissociations entre les représentations verbatim et gist. Ces résultats viennent attester certaines des hypothèses de la FTT concernant les caractéristiques des deux types de représentations.

Premièrement, les données obtenues sont cohérentes avec le principe selon lequel deux types de représentations sont extraites à l’encodage des informations : des représentations verbatim qui sont littérales et précises et des représentations gist qui reflètent le contenu sémantique des informations. En effet, les résultats ont montré que, lors d’un test de reconnaissance, les indices qui représentent exactement les stimuli étudiés (items cibles) sont de meilleurs indices de récupération des représentations verbatim que les indices qui sont reliés sémantiquement. De plus, les tâches qui encouragent le traitement des informations de

surface (par exemple, présentation répétée, placer les items cibles avant les items reliés dans la liste de test, les items reliés sont des séquences de lettres sans signification, etc.) plutôt que des informations sur le contenu sémantique favorisent la récupération des représentations verbatim. A l’inverse, les représentations gist semblent être plus sensibles à des manipulations impliquant le traitement du contenu sémantique (par exemple, activation répétée d’un même concept en phase d’étude).

Deuxièmement, les données observées sont en accord avec l’hypothèse d’encodage en parallèle des deux types de représentations. En effet, les études ont mis en évidence plusieurs variables manipulées à l’encodage affectant différemment la récupération de représentations verbatim et gist. Ainsi, des variables comme la présentation répétée des stimuli ou encore la charge attentionnelle à l’encodage affectent la récupération de représentations verbatim mais pas la récupération de représentations gist. A l’opposé, l’activation répétée d’un même concept à l’encodage favorise la récupération de représentations gist sans influencer la récupération de représentations verbatim.

Troisièmement, les résultats obtenus fournissent aussi des arguments en faveur de la notion d’indépendance des représentations verbatim et gist à la récupération. Ainsi, certains travaux ont identifié des variables manipulées lors de la phase de test, comme la position des items cibles par rapport aux reliés ou encore le type de lien entre items cibles et reliés, qui favorisent la récupération de représentations verbatim sans influencer la récupération de représentations gist. Certaines variables ont des effets opposés sur la récupération de représentations verbatim et gist. C’est le cas par exemple lorsqu’on manipule la valence émotionnelle des stimuli ou encore lorsqu’on présente des séquences de lettres sans signification en guise d’items reliés. Enfin d’autres variables, comme l’intervalle de rétention ou encore l’âge, ont des effets parallèle sur la récupération des deux types de représentations.

Quatrièmement, les données sont en accord avec la proposition selon laquelle les représentations verbatim sont accessibles moins longtemps que les représentations gist. L’allongement de l’intervalle de rétention diminue la récupération de représentations verbatim et influence aussi mais dans une moindre mesure la récupération de représentations gist.

Cinquièmement, les résultats ont montré que, conformément aux prédictions de la FTT, la capacité à former des représentations gist, c’est-à-dire à traiter le sens général des évènements, et aussi à faire des faux souvenirs, augmentent au cours du développement. Il

semblerait que la capacité à former des représentations verbatim, autrement dit à traiter avec précision le détail des évènements s’améliore aussi avec l’avancée en âge.

Enfin, selon la FTT, la récupération de représentations verbatim s’accompagne d’une expérience de remémoration consciente tandis que la récupération de représentations gist s’appuie sur des processus automatiques de familiarité. Les données ont en effet montré que les représentations gist sont moins précises et que leur formation nécessite moins de ressources attentionnelles que les représentations verbatim. Il est toutefois moins sûr que la récupération de représentations gist puisse être associée à des processus automatiques uniquement. En effet, un item non étudié ayant un lien sémantique fort avec les items de la liste d’étude peut être considéré consciemment à tort comme un item étudié. De plus, ce phénomène de recollection fantôme se produit davantage lorsque le traitement du contenu sémantique des informations est encouragé et diminue lorsque le traitement des informations de surface est encouragé. Ces résultats suggèrent que la récupération de représentations gist peut parfois s’accompagner d’une expérience illusoire de remémoration consciente.

Bien que les paradigmes CR et SCR semblent constituer une alternative intéressante à la PDP, ces paradigmes ont rarement été utilisés. Ceci pourrait être dû à la relative nouveauté de l’approche fondée sur les modèles multinomiaux. Le paradigme initial est aussi assez couteux à mettre en œuvre. En effet, il nécessite d’avoir trois conditions de tests en intergroupe pour chacune des modalités de chaque variable expérimentale. De plus, l’hypothèse selon laquelle les processus mnésiques sont de même amplitude dans les trois conditions du test pourrait s’avérer potentiellement problématique (Rotello, 2001 ; Stahl & Klauer, 2008). Certains auteurs ont aussi suggéré que la consigne de la condition où il s’agit d’identifier les items reliés (R) ou encore ce que sont les items reliés eux-mêmes pourraient être difficiles à comprendre par les participants ce qui rendrait l’identification de ces items difficile et les données obtenues pourraient ne pas être fiables (Cowan, 1998 ; Stahl & Klauer, 2008). Notons toutefois que nous avons vu que ce paradigme a été utilisé avec succès auprès d’enfants de cinq ans (Brainerd & Reyna, 1998, 2002 ; Brainerd et al., 2004) ce qui suggère que la condition R n’est pas problématique en soi. Le paradigme SCR en proposant d’estimer les processus avec une seule tâche de mémoire permet néanmoins de résoudre ces limitations.

2.3. Les points de convergence et de divergence entre les deux modèles