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La plupart du temps, la terminologie employée par le législateur est neutre, en

relative et absolue

Section 2 Le but poursuivi par le législateur : l’intérêt protégé

63. La plupart du temps, la terminologie employée par le législateur est neutre, en

ce sens qu’elle ne donne aucune indication sur le régime de la cause de nullité édictée. Le terme utilisé ne permet ni de déterminer qui peut agir ni de savoir si la confirmation de l’acte entaché d’une cause de nullité est possible. En effet, lorsque le législateur édicte une cause de nullité290, il recourt souvent à l’adjectif « nul »291, ou à l’expression « à peine de nullité »292.

290 Quelques fois le législateur précise, après avoir posé le principe de la nullité, le régime ou un aspect du régime

de la cause de nullité édictée. Par exemple, l’article 402 alinéa 1er du Code civil dispose que « les délibérations du conseil de famille sont nulles lorsqu’elles ont été surprises par dol ou fraude ou que des formalités substantielles ont été omises ». Le terme « nul » ne permet pas de préciser le régime de l’action en nullité. C’est l’alinéa 3 de cette disposition qui indique les titulaires de l’action ainsi que le point de départ de la prescription. De même, l’article 815-16 du Code civil pose qu’ « est nulle toute cession ou toute licitation opérée au mépris des dispositions des articles 815-14 et 815-15 ». Là encore, le terme « nul » ne donne aucune indication sur les titulaires de l’action ou la durée de la prescription. Ces éléments ont été précisés par la suite.

291 V. not. (par ordre chronologique), l’art. L. 131-1 du CPI issu de la loi n°57-298 du 11 mars 1957 sur la

propriété littéraire et artistique, les articles 1443 et 1344 du C. civ. issus de la loi n° 65-570 du 13 juillet 1965 portant réforme des régimes matrimoniaux, l’art. 815-16 du même Code issu de la loi n° 76-1286 du 31 décembre 1976 relative à l’organisation de l’indivision, l’article L. 622-1 du CPI issu de la loi n°87-890 du 4 novembre 1987 relative à la protection des topographies de produits semi-conducteurs et à l’organisation de l’Institut national de la propriété industrielle, l’art. L. 310-2, III du C. assur. issu de la loi n° 94-5 du 4 janvier 1994 modifiant le Code des assurances (partie Législative), en vue notamment de la transposition des directives n° 92-49 et n° 92-96 des 18 juin et 10 novembre 1992 du Conseil des communautés européennes, les art. 16-5 et 16-7 du C. civ. issus de la loi n° 94-653 du 29 juillet 1994 relative au respect du corps humain, l’art. L. 213-6 du C. mon. fin. issu de la loi n° 2003-706 du 1 août 2003 de sécurité financière, l’art. L. 632-1 du C. com. issu de la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises, l’art. 2335 du C. civ. issu de l’ordonnance n° 2006-346 du 23 mars 2006 relative aux sûretés, les art. 768 al. 2, 901, 911, 930 al. 3, 1021 et 1078-5 al. 2 du C. civ. issus de la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006 portant réforme des successions et des libéralités, l’art. 402 du même Code issu de la loi n° 2007- 308 du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs, l’art. L. 113-11 du c. assur. issu de la loi n° 2010-238 du 9 mars 2010 visant à rendre obligatoire l’installation de détecteurs de fumée dans tous les lieux d’habitation, les art. L. 121-21 et L. 121-102 du C. conso. issus de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation, l’art. L. 215-3 du C. assur. issu de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové et l’art. L. 214-162-8 du C. mon. fin. issu de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques.

292 V. not. (par ordre chronologique), l’art. L. 313-9 al. 2 du C. mon. fin. issu de la loi n° 66-455 du 2 juillet 1966

relative aux entreprises pratiquant le crédit-bail, l’art. L. 225-47 du C. com. issu de la loi n°66-537 du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales, l’art. L. 613-8 al. 5 du CPI issu de la loi n°68-1 du 2 janvier 1968 sur les brevets d’invention, l’art. 1125-1 du C. civ. issu de la loi n° 68-5 du 3 janvier 1968 portant réforme du droit des incapables majeurs, l’art. 1873-2 du C. civ. issu de la loi n° 76-1286 du 31 décembre 1976 relative à l’organisation de l’indivision, l’art. 1841 du C. civ. issu de la loi n° 78-9 du 4 janvier 1978 modifiant le titre IX du livre III du Code civil, l’art. L. 121-6 du C. com. issu de la loi n° 82-596 du 10 juillet 1982 relative aux conjoints d’artisans et de commerçants travaillant dans l’entreprise familiale, l’art. 515-2 du C. civ. issu de la loi n° 99-944 du 15 novembre 1999 relative au pacte civil de solidarité, l’art. L. 341-2 du C. conso. issu de la loi n° 2003-721 du 1 août 2003 pour l’initiative économique, l’art. 280-1 du c. civ. issu de la loi n° 2004-439 du 26 mai 2004 relative au divorce, les art. 2356, 2423 du C. civ. et L. 314-7 du c. conso. issus de l’ordonnance n° 2006-346 du 23 mars 2006 relative aux sûretés, les art. 2018 et 2019 du c. civ. issus de la loi n° 2007-211 du 19 février 2007 instituant la fiducie, l’art. 435 du C. civ. issu de la loi n° 2007-308 du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs, les art. 2012 al. 2, 2372-2, 2372-5 al. 3, 2488-2 et 2488-5 du C. civ. issus de l’ordonnance n° 2009- 112 du 30 janvier 2009 portant diverses mesures relatives à la fiducie, l’art. L. 225-229-2 al. 7 du C. com. issu de la loi n° 2012-354 du 14 mars 2012 de finances rectificative pour 2012, l’art. L. 513-14 al. 2 du C. mon. fin. issu de l’ordonnance n° 2013-544 du 27 juin 2013 relative aux établissements de crédit et aux sociétés de financement, l’art. L. 121-19-3 al. 2 du C. conso. issu de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation, l’art. L. 145-46-1 du C. com. issu de la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises, l’art. L. 132-17-1 du CPI issu de l’ordonnance n° 2014-1348 du 12 novembre 2014 modifiant

Parfois, le législateur délaisse les termes « nul », ou « à peine de nullité » pour ceux de « nul et de nul effet »293, « nul de plein droit »294, ou encore pour les expressions « peut

être annulé » par le tribunal ou en justice295, « déclaré nul »296, « nul par décision de justice »297,

« nul et non avenu »298. Ces différentes expressions ne donnent pas plus d’indications que les

précédentes sur les titulaires du droit d’agir ou sur la possibilité de confirmer l’acte entaché d’une cause de nullité299.

les dispositions du Code de la propriété intellectuelle relatives au contrat d’édition, l’art. L. 121-18-1 du C. conso. issu de la loi n° 2014-1545 du 20 décembre 2014 relative à la simplification de la vie des entreprises et portant diverses dispositions de simplification et de clarification du droit et des procédures administratives.

293 V. not. (par ordre chronologique), l’art. 1321-1 du C. civ. issu de l’ordonnance n° 2005-1512 du 7 décembre

2005 relative à des mesures de simplification en matière fiscale et à l’harmonisation et l’aménagement du régime des pénalités, l’art. L. 122-15 du C. conso. issu de la loi n° 2008-3 du 3 janvier 2008 pour le développement de la concurrence au service des consommateurs, l’art. L. 112-11 du C. mon. fin. issu de l’ ordonnance n° 2009-866 du 15 juillet 2009 relative aux conditions régissant la fourniture de services de paiement et portant création des établissements de paiement, l’art. L. 122-2 du C. conso. issu de la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 de simplification et d’amélioration de la qualité du droit, l’art. L. 122-8 du même Code issu de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation et l’art. L. 514-14-2 du CSP issu de la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt.

294 V. not. (par ordre chronologique), l’art. L. 321-1 du C. conso. issu de la loi n° 85-1097 du 11 octobre 1985

relative à la clause pénale et au règlement des dettes, l’art. 465 du C. civ. issu de la loi n° 2007-308 du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs et l’art. L. 311-39 du C. conso. issu de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 portant réforme du crédit à la consommation.

295 V. not. (par ordre chronologique), l’art. L. 632-1 du C. com. issu de la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 de

sauvegarde des entreprises, l’art. 465, 2° du C. civ. issu de la loi n° 2007-308 du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs et l’art. L. 214-162-8, I, 3e du C. mon. fin. issu de la loi n° 2015-990 du 6 août

2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques.

296 V. not. l’art. 262-2 du C. civ. issu de la loi n° 65-570 du 13 juillet 1965 portant réforme des régimes

matrimoniaux.

297 V. not. (par ordre chronologique), L. 613-25 du CPI issu de la loi n°68-1 du 2 janvier 1968 sur les brevets

d’invention, l’art. 714-3 du même Code issu de la loi n°91-7 du 4 janvier 1991 relative aux marques de fabrique, de commerce ou de service, l’art. L. 512-4 du même Code issu de l’ordonnance n° 2001-670 du 25 juillet 2001 portant adaptation au droit communautaire du Code de la propriété intellectuelle et du Code des postes et télécommunications et l’art. L. 623-23-1 du même Code issu de la loi n° 2011-1843 du 8 décembre 2011 relative aux certificats d’obtention végétale.

298 V. not. l’art L. 122-6-1 CPI issu de la loi n° 94-361 du 10 mai 1994 portant mise en œuvre de la directive

(C.E.E.) n° 91-250 du Conseil des communautés européennes en date du 14 mai 1991 concernant la protection juridique des programmes d’ordinateur et modifiant le Code de la propriété intellectuelle.

299 Certaines expressions comme « nul par décision de justice » ou « peut être annulé » par le tribunal ou en justice

ou encore « déclaré nul » contiennent expressément l’idée du recours au juge. Est-ce à dire qu’il n’est nullement nécessaire dans les autres ? Il n’en est rien. En effet, lorsque le législateur recourt simplement au terme « nul », il évoque parfois l’action en nullité soit expressément, soit implicitement à travers son régime. Ainsi, l’article L. 213-6 alinéa 2nd du Code monétaire et financier dispose : « Toute émission faite en violation des dispositions du

présent article est nulle. Sans préjudice de l’action en responsabilité contre les mandataires sociaux, le ministère public ainsi que tout intéressé peut exercer l’action en nullité ». Si l’article L. 632-1 du Code de commerce pose que « sont nuls, lorsqu'ils sont intervenus depuis la date de cessation des paiements, les actes suivants […] », l’article L. 632-4 précise les titulaires de l’action en nullité299. Les articles 901, 930 alinéa 2 et 1078-5 du Code civil

établissent un lien entre la nullité de l’acte et l’existence d’un consentement « vicié par l’erreur, le dol ou la violence ». Or, on sait qu’en vertu de l’article 1117 du Code civil, une action en nullité doit être intentée pour que le contractant dont le consentement a été vicié puisse obtenir l’annulation de l’acte litigieux. Ainsi, dans toutes ces hypothèses, l’emploi du terme « nul » n’implique pas une sanction automatique, c’est-à-dire l’absence de recours au juge.

Ensuite, certaines expressions renvoient aux pouvoirs d’appréciation du juge. Différents rapports parlementaires révèlent que le législateur considère que l’expression « nul de plein droit » signifie non pas l’absence de recours au

Confortés par la démarche contemporaine du législateur les auteurs mettent alors en œuvre le critère de l’intérêt afin de déterminer le régime de ces causes de nullité. Ils cherchent quel intérêt le législateur a eu en vue de protéger. Mais cette démarche du législateur ne conduit-elle pas à qualifier toutes les causes de nullité relative ? Le critère de l’intérêt peut-il être opératif au regard de cette démarche ? Nous le constaterons, le critère de l’intérêt n’est pas apte à qualifier incontestablement toutes les causes de nullité300. L’explication s’avère

simple : une frontière étanche entre intérêt particulier et intérêt général ne peut pas être tracée301.