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L’identification de la nature de la nullité

Conclusion du Chapitre

Section 1 L’identification de la nature de la nullité

217. La nullité possède une assise substantielle matérialisée par la cause de nullité733,

et un aspect « réaction », résultant du prononcé de la nullité734. Seule une conception conciliant

ces deux aspects de la nullité peut être retenue. En conséquence, la conception attachée aux auteurs du XIXe siècle, à savoir la nullité-état de l’acte, et celle proposée par JAPIOT – la

nullité-droit de critique – doivent être rejetées. La première met l’accent sur l’assise substantielle de la nullité mais occulte son aspect « réaction », tandis que la seconde insiste sur l’aspect « réaction » de la nullité mais ignore son assise substantielle.

Depuis plusieurs années, un consensus apparaît en doctrine et en jurisprudence pour qualifier la nullité de sanction735. Cette conception doit être approuvée puisqu’elle

permet, on le constatera, de rendre compte des deux aspects de la nullité.

Les conceptions prônées par la théorie dite classique et par JAPIOT doivent

donc être rejetées (§.1). En revanche, la conception de nullité-sanction doit être approuvée (§.2).

§. 1 - Le rejet des conceptions proposées en doctrine

218. La doctrine majoritaire soutient que les auteurs du XIXe siècle, considérés

comme les pères de la théorie dite classique des nullités, concevaient la nullité comme un état de l’acte736. Après avoir critiqué cette conception, JAPIOT a proposé de lui substituer celle de

nullité-droit de critique. La nullité n’étant ni un état de l’acte (A), ni un droit de critique (B.), il convient de repousser ces deux propositions.

A - Le rejet de la nullité-état de l’acte

219. Nul n’ignore que la conception de la nullité-état de l’acte résulte d’une analyse

anthropomorphique du contrat. Selon celle-ci, l’acte peut être atteint d’un vice plus ou moins grave. Dans le pire des cas, le vice affecte une condition d’existence de l’acte. L’acte ne peut alors accéder à la vie juridique : il doit être considéré comme mort-né, soit nul. Mais lorsque le

733 BANDRAC (M.), La nature juridique de la prescription extinctive en matière civile, Économica, 1984, n°143 et s.

734 GUELFUCCI-THIBIERGE (C.), op. cit., n°353 ; v. égal. ROUBIER (P.), Droits subjectifs et situations juridiques, préf. de

D. Deroussin, réed. Dalloz, 2005, n°10. Ce dernier soutient que l’action en nullité est liée à une « situation réactionnelle » car « l’ordre juridique procède par voie de réaction » à l’encontre de l’acte entaché de nullité. Cette réaction résulte du prononcé de la nullité à savoir le rétablissement de la légalité transgressée.

735 CARBONNIER (J.), Droit civil, vol. 1, Introduction – Les personnes – La famille, l’enfant, le couple, Puf, coll. Quadrige,

1ère éd., 2004,p. 323 et p. 330 ; v. par ex. : Cass. civ. 1ère, 17 juin 1981, n°80-11140, Bull. civ. I, n°222 ; Cass. civ.

1ère, 16 mai 2013, n°12-18223.

736 V. par ex. : FLOUR (J.), AUBERT (J.-L.) et SAVAUX (E.), n°325 et s. ; GHESTIN (J.), n°773 ; GHESTIN (J.),

LOISEAU (G.) et SERINET (Y.-M.), n°2104 ; TERRÉ (F.), SIMLER (Ph.) et LEQUETTE (Y.), n°87 ; GUELFUCCI-

vice est d’intensité moindre, c’est-à-dire lorsqu’il atteint une condition de validité, l’acte s’avère seulement malade, il n’est qu’annulable737. Cette conception, attribuée aux auteurs du XIXe

siècle (1), doit être repoussée (2).

1 - Une conception attribuée aux auteurs du XIXe siècle

220. La conception de la nullité-état de l’acte a été attribuée aux auteurs du XIXe

siècle à la suite d’une systématisation opérée par DROGOUL et JAPIOT (a). Contrairement à ce

qu’affirment ces derniers, leurs prédécesseurs ne concevaient pas tous l’acte nul et l’acte annulable comme deux états possibles de l’acte (b).

a - Une systématisation à l’origine de la nullité-état de l’acte

221. L’idée selon laquelle les auteurs du XIXe siècle concevaient uniquement la

nullité comme un état de l’acte provient des thèses critiques formulées au tournant du XXe

siècle par DROGOUL et JAPIOT. Cherchant à démontrer qu’une théorie rigide fondée sur cette

conception s’était formée, ces auteurs ont occulté les nuances présentes dans les doctrines de leurs prédécesseurs.

Si DROGOUL reconnaît expressément avoir élaboré « une espèce de doctrine

moyenne et tempérée », il la qualifie tout de même de théorie de « traditionnelle »738. Il admet

que les théories des auteurs étudiées « étaient loin de concorder absolument, et que les différences entre elles étaient souvent fort importantes »739. Il confesse avoir occulté les

divergences doctrinales, avoir opéré un choix entre les différentes doctrines proposées. DROGOUL énonce que « ce qui est au fond de la théorie traditionnelle, c’est, sous une forme

plus ou moins dissimulée, la distinction imagée entre le malade dont la vie est incertaine et le mort que rien ne peut ressusciter. Il y aurait des actes si complètement dépourvus de la vie juridique que nulle action ne serait nécessaire pour les en priver […] D’autres actes au contraire jouiraient d’une existence provisoire, et, quoique susceptible de mourir, n’iraient pas à une mort certaine »740.

JAPIOT soutient également qu’une théorie rigide, fondée sur la métaphore de

l’acte-organisme, s’est formée à compter du dernier tiers du XIXe siècle. Pour démontrer

737 V. supra n°19.

738 DROGOUL (F.), Essai d’une théorie générale des nullités, th. Aix-en Provence, Librairie nouvelle de droit et de

jurisprudence, Paris, 1902, p. 180.

739Ibid., p. 58. V. égal. p. 6 où DROGOUL énonce qu’il est nécessaire de dépouiller la théorie dite classique des

nullités « de ses incertitudes et d’en arrêter avec précision la structure générale, fût-ce au détriment de quelques nuances intéressantes » (souligné par nous).

l’existence de cette construction, il compare la doctrine plus souple de LAURENT et d’AUBRY et

RAU741, avec celle plus rigide de PIZE, DEMOLOMBE ou encore de BEUDANT742. La pertinence

de ce procédé doit être soulevée. S’il est possible d’examiner l’évolution d’une doctrine à travers les différentes éditions d’un traité, il est beaucoup plus contestable de soutenir l’existence d’une telle évolution en comparant des auteurs aux doctrines différentes. Par ailleurs, JAPIOT prend le soin non seulement d’omettre les nuances exposées dans la théorie de

LAURENT743, mais également d’occulter en grande partie la thèse d’HARTEMANN744. La raison

est simple : ces deux auteurs ne sont pas parvenus à une théorie aussi rigide qu’il le souhaite.

741 JAPIOT (R.), Des nullités en matière d’actes juridiques – Essai d’une théorie nouvelle, th. Dijon, Librairie nouvelle de

droit et de jurisprudence, Paris, 1909, p. 126 et s. Pour procéder à sa démonstration il cherche à montrer que la notion d’inexistence a conduit à une plus grande rigidité non seulement en étendant son domaine, mais également par l’intensité de ses conséquences.

742 Ces trois auteurs reniaient, contrairement à AUBRY et RAU, toute catégorie intermédiaire entre l’inexistence et

la nullité relative dans le domaine de la nullité des contrats.

743 La théorie de LAURENT, au regard de la sous-distinction qu’il retient, se rapproche davantage de celle d’AUBRY

et RAU que de celle de DEMOLOMBE tant au regard de la conception de la nullité (Principes de droit civil français, T. I,

Paris : Librairie Maresq Ainé, 3e éd., 1878, n°36 et s.), que de son régime puisque. Comme AUBRY et RAU, il

soutient qu’ « en principe, toute nullité peut être couverte par la confirmation », avant de se trouver dans le même embarras que ces prédécesseurs face aux nullités d’ordre public (Principes de droit civil français, T. XVIII, Paris :

Librairie Maresq Ainé, 3e éd., 1878, n°599 et s.).

Pour montrer que la théorie des nullités s’est rigidifiée, JAPIOT cite LAURENT comme partisan de l’inexistence et non de la nullité absolue pour ce qui est de l’acquisition d’un droit litigieux par un magistrat ou par un officier ministériel du ressort. Il s’agit d’une erreur de la part de JAPIOT car LAURENT critique au contraire la position de

Marcadé qui se prononce en faveur de l’inexistence. Pour LAURENT, il s’agit d’une nullité d’ordre public.

Lorsqu’il reconnait que du point de vue des titulaires de l’action cela « conduit à la même conséquence que si la cession était inexistante, en ce sens que toute personne intéressée peut se prévaloir de la nullité », il affirme bien que pour lui il ne s’agit pas d’une inexistence (Principes de droit civil français, T. XXIV, Paris : Librairie Maresq Ainé,

3e éd., 1878, n°63).

744 La souplesse de la thèse d’HARTEMANN se constate à travers la double distinction qu’il retient (Étude sur la

distinction des actes inexistants et des actes annulables dans le droit romain, l’ancien droit français et le Code civil, thèse Nancy,

Typographie de G. Crépin-Leblond, 1889, n°252 et s.). Après avoir distingué l’inexistence de l’annulabilité, il affirme que si l’annulabilité s’avère rationnelle lorsque le fondement de la disposition violée consiste en la protection d’intérêts privés, il constate de façon critique que le législateur n’a pas toujours opté pour l’inexistence lorsque la prohibition est d’ordre public. Il ne peut donc qu’opérer une distinction au sein des annulabilités.

(Ibid., n°257 et n°261). Il convient cependant de préciser que sa distinction des annulabilités ne correspond pas à

la distinction des nullités relative et absolue. Si HARTEMANN évoque également la distinction des nullités relative

et absolue, il estime qu’elle « n’a pas toute l’importance qu’on lui attribue ». Pour cet auteur, cette distinction n’a pour effet que de déterminer le cercle des personnes pouvant invoquer la nullité, « les unes pouvant être prononcées sur la demande de toute personne intéressée ; les autres ne peuvent être opposées que par certaines personnes déterminées : les premières sont absolues, les secondes relatives ». Il ne se prononce pas sur le critère de distinction. Il évoque des ''personnes déterminées''. Mais le sont-elles par le législateur ? En vertu d’autres considérations ? Il apparaît au regard de ses développements suivants que ce n’est pas en considération du but poursuivi par le législateur puisqu’il n’opère aucun lien entre la distinction des nullités relative et absolue et celle à laquelle il accorde de l’importance c’est-à-dire la distinction des annulabilités d’ordre public et des annulabilités d’intérêt privé. Il estime que cette distinction « doit primer celle des annulabilités absolues et relatives » (Ibid.,

p. 336). La position de cet auteur s’explique par l’absence de lien qu’il opère entre le but poursuivi par le législateur et le cercle des personnes pouvant invoquer la nullité. Il considère en effet qu’une nullité est absolue lorsque « l’intérêt à protéger, tout en n’étant pas d’ordre public», est général, l’intérêt général consistant en « l’intérêt de tous les particuliers considérés comme tels » (Ibid., note de bas de page n°4 p. 269). Cette même

hypothèse sera qualifiée de ''nullité relative généralisée'' par GAUDEMET (Théorie générale des obligations, publiée par

H. Desbois et J. Gaudemet, réed. Dalloz, 2004, présentée par D. Mazeaud, p. 167-168).

HARTEMANN se trouve tout aussi embarrassé que LAURENT, AUBRY et RAU lorsqu’il évoque le régime de la

222. Ce n’est donc qu’en recourant à ces procédés critiquables que JAPIOT a pu, à

l’image de DROGOUL, retenir une théorie unique, imagée, et surtout utile à la démonstration

qu’il entendait mener par la suite. Il énonce ainsi « on est arrivé au système qui présente le minimum de catégories. De deux choses l’une : - ou bien l’être manque de l’un des organes nécessaires à la vie ; c’est le « mort-né » : inexistence ; - ou bien il réunit tous les organes nécessaires mais l’un d’eux est atrophié, insuffisant ; c’est l’ « infirme » : annulabilité relative »745. Les pères de la théorie dite moderne des nullités ont tant mis l’accent sur cette

métaphore qu’elle est, aujourd’hui, couramment employée par la doctrine contemporaine pour exposer ce qu’ils dénomment la théorie dite classique des nullités746.

La conclusion à laquelle parvient JAPIOT s’avère discutable parce que seuls

certains auteurs ont expressément comparé le contrat à un organisme vivant747, et que certains

d’entre eux, tel DEMOLOMBE, ont relativisé l’emploi de cette métaphore748. D’ailleurs, comme

il l’a été souligné, les auteurs du XIXe siècle n’ont fait « qu’user d’une image banale à une

époque de révolution médicale » afin d’illustrer leur théorie749. En outre, ils n’ont pas autant

développé cette métaphore que DROGOUL et JAPIOT à l’origine de la systématisation de la

théorie dite classique750.

223. La théorie fondée sur la conception de la nullité-état de l’acte ne constitue

qu’une création orientée de DROGOUL et JAPIOT. Ils ne l’ont élaborée qu’afin d’en rendre la

critique plus aisée. Cette construction ne peut pas être considérée comme représentative de la

principalement sur un intérêt d’ordre public ». Il estime qu’en l’absence de dérogation législative expresse, « les nullités d’ordre public sont absolument indélébiles » (Étude sur la distinction des actes inexistants et des actes annulables dans le droit romain, l’ancien droit français et le Code civil, op. cit., n°286 et s.). La nullité fondée sur des motifs d’ordre

public n’est donc pas soumise à la prescription ni de l’article 2262, ni de l’article 1304 du Code civil (Ibid., n°301.

Il refuse d’appliquer l’article 2262 du Code civil au motif qu’aucun des deux fondements de cette disposition – présomption d’extinction amiable d’une part et négligence d’autre part – ne peuvent trouver application pour une telle action en nullité. Il rejette l’application de l’article 1304 du même Code pour la même raison qu’AUBRY et RAU : la présomption de ratification sur laquelle elle est fondée, ratification impossible pour une nullité fondée sur des motifs d’ordre public).

745 JAPIOT (R.), op. cit., p. 129 ; v. égal. p. 272.

746 V. par ex. : GHESTIN (J.), n°733 ;FLOUR (J.),AUBERT (J.-L.) et SAVAUX (E.), n°325 ; GUELFUCCI-THIBIERGE

(C.), op. cit., n°350.

747 D’ailleurs lorsque JAPIOT reprend ces images, il n’évoque à leur appui que DEMOLOMBE (JAPIOT (R.), op.cit.,

p. 129, note de bas de page n°1).

Outre DEMOLOMBE,BEUDANT y recourt également (note sous Req., 5 mai 1879, D. 1880, 1. 145, spéc. p. 146)

ainsi que plusieurs auteurs au sein de leur thèse à la fin du XIXe siècle (v. PIZE (J.), Essai d’une théorie générale sur la

distinction de l’inexistence et de l’annulabilité des contrats, thèse Lyon, Librairie nouvelle de droit et de jurisprudence,

Arthur Rousseau, 1897, p. 2 et p. 179 ; HARTEMANN (E.), op. cit., n°2).

748 Ainsi DEMOLOMBE avant d’employer l’expression « mort-né » pour désigner l’acte nul ou inexistant

précise : « si j’osais dire ainsi ».

749 POSEZ (A.), L’inexistence du contrat, th. dactyl. Paris II, 2010, note de bas de page 13, p. 4. L’idée d’illustration se

retrouve d’ailleurs dans les précautions prises par DEMOLOMBE, v. supra note ci-dessus.

doctrine des auteurs du XIXe siècle. En réalité, certains d’entre eux ne concevaient d’ailleurs

pas uniquement la nullité comme un état de l’acte. b - Une dualité de conception retenue au XIXe siècle

224. Il n’est pas possible de soutenir que tous les auteurs du XIXe siècle

concevaient la nullité uniquement comme un état de l’acte. Apparaissant de manière sous- jacente dans la doctrine de certains auteurs, cette conception se manifeste de façon beaucoup plus confuse dans celle de plusieurs de leurs contemporains. Si DEMOLOMBE adopte cette

conception, AUBRY et RAU semblent, de même que LAURENT, l’avoir cantonnée à

l’inexistence pour retenir en sus une conception de la nullité-sanction.

225. Pour DEMOLOMBE751, la nullité est intrinsèque et initiale. Sa conception de la

nullité ressort de sa définition du contrat nul. Il s’agit du contrat « qui n’a pas pu se former, il est même plus que nul, il est inexistant ; c’est un pur fait »752. Dès lors qu’une condition

essentielle du contrat fait défaut, l’acte est intrinsèquement nul. Cette instantanéité influence directement le régime de l’acte nul : le recours au juge n’est aucunement nécessaire. Toutefois si un conflit survient, l’intervention du juge sera impérative. Cependant, ce dernier se bornera à constater la nullité. Il ne la prononcera en aucun cas, car la nullité – état intrinsèque et initial de l’acte – s’impose à lui753 : il ne peut que la reconnaître.

DEMOLOMBE ne s’interroge pas sur l’annulabilité indépendamment de la

nullité. Il envisage l’acte nul et son régime uniquement par opposition à l’acte annulable754. Par

conséquent, sa conception de l’acte nul rejaillit sur celle de l’acte annulable. La métaphore de l’acte organisme à laquelle il recourt illustre bien sa manière de procéder. Il énonce ainsi : « L’acte nul ou inexistant est mort-né, si j’osais dire ainsi ! Ou plutôt c’est le néant même ! L’acte annulable n’est qu’infirme ; il est malade, susceptible, à la vérité, de périr, mais susceptible aussi très souvent d’être guéri et sauvé ! »755.

En n’étudiant pas séparément la nullité et l’inexistence, DEMOLOMBE se

distingue d’AUBRY et RAU ou encore de LAURENT.

751 DEMOLOMBE oppose la nullité à l’annulabilité ou l’acte nul à l’acte annulable, v. supra n°19.

752 DEMOLOMBE (C.), Cours de Code Napoléon, T. XXIV, Traité des contrats ou des obligations conventionnelles en général,

T. I, Paris : A. Durand et L. Hachettes et Cie, Libraires, 1870, n°76 et Cours de Code Napoléon, T. XXIX, Traité des contrats ou des obligations conventionnelles en général, T. VI, Paris : A. Durand et L. Hachettes et Cie, Libraires, 1876,

n°22 à 24.

753 DEMOLOMBE (C.), Cours de Code Napoléon, T. III, Traité du mariage et de la séparation de corps, T. I, Paris : A.

Durand et L. Hachettes et Cie, Libraires, 1869, n°241.

754 DEMOLOMBE (C.), Cours de Code Napoléon, T. XXIV, op. cit., n°76 et Cours de Code Napoléon, T. III, op. cit., n°241. 755 DEMOLOMBE (C.), Cours de Code Napoléon, T. III, op. cit., n°240.

226. Soutenir qu’AUBRY et RAU retiennent une conception de la nullité-état de l’acte

ne peut se faire qu’au prix de l’isolement de leur premier développement relatif à la nullité. Dans le premier tome de leur Traité, ces auteurs définissent d’abord l’inexistence et la nullité, pour ensuite les distinguer756. Ce procédé leur permet, contrairement à DEMOLOMBE, de

retenir une conception distincte de l’inexistence et de la nullité.

La définition de l’acte inexistant ainsi que le régime qu’ils lui attachent, révèlent que ces auteurs conçoivent l’inexistence comme un état intrinsèque et initial de l’acte757. Leur

conception de la nullité diffère complètement. Ils la placent, de même que les dommages- intérêts ou encore les déchéances, parmi les « conséquences pénales qui constituent » ce qu’ils nomment « la sanction de la loi »758. Ils lient ainsi nullité et méconnaissance de la loi759. La

place de leur paragraphe relatif aux nullités est d’ailleurs, à cet égard, significative. Celui-ci se situe au sein de la section de l’introduction ayant trait à « la force obligatoire des lois civiles ». Dans la doctrine d’AUBRY et RAU, la nullité apparait donc comme une sanction attachée à la

méconnaissance de la loi, et non un état de l’acte760. Cette conception de la nullité-sanction est

également révélée par l’importance que ces auteurs attachent à la nécessité de recourir au juge761, ainsi que par les conséquences résultant du jugement qui, selon leurs termes, « frappe »

l’acte contrevenant à un commandement ou à une défense de la loi d’ « invalidité » ou d’ « inefficacité »762. Ainsi pour ces auteurs, la nullité constitue non pas un état de l’acte, mais

une sanction.

227. LAURENT retient une conception de la nullité similaire à celle d’AUBRY et

RAU763. Il lie également la nullité au non-respect de la loi. Il soutient ainsi que « la nullité que la

756 Ils précisent d’ailleurs expressément qu’ « il ne faut pas confondre avec les actes nuls, les actes inexistants

[…] ». AUBRY (C.) et RAU (C.), Cours de droit civil français, traduit de l’allemand de M. C. S. Zachariae, T. I, Paris :

Imprimerie et librairie générale de jurisprudence, 4e éd., 1869, n°37. V. déjà T. I, Strasbourg : F. Lagier Libraire

éditeur, 1839, n°37 : « L’acte nul diffère essentiellement de l’acte inexistant ».

757 Pour la définition, v. AUBRY (C.) et RAU (C.), T. I, 1ère éd., op. cit., n°37 : « l’acte inexistant est celui qui ne

réunit pas les conditions essentielles à son existence de fait […] ».

Pour le régime, v. AUBRY (C.) et RAU (C.), ibid. : « L’inexistence d’un acte est indépendante de toute déclaration

judiciaire. Elle ne se couvre ni par la confirmation ni par la prescription. Il appartient à tout juge de la reconnaître même d’office ».

758 AUBRY (C.) et RAU (C.), ibid., n°37 et 4e éd., op. cit., n°37.

759 AUBRY (C.) et RAU (C.), T. I, 4e éd., op. cit., n°37 : « il ne renferme aucun texte portant que les cas prévus par

ces dispositions sont les seuls dans lesquels la violation de la loi entraine la nullité », et plus loin : « le juge a uniquement à examiner en fait si le précepte prescrit à peine de nullité a été ou non violé ».

760 JAPIOT reconnaît d’ailleurs qu’AUBRY et RAU se sont gardés « de faire la moindre allusion à la conception de