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À la fin du XIX e siècle, les insuffisances du Code civil sont mises en lumière et

relative et absolue

Section 1 La gravité du vice

33. À la fin du XIX e siècle, les insuffisances du Code civil sont mises en lumière et

les constructions doctrinales assises sur la seule volonté du législateur s’en trouvent fragilisées.

n°85 et s.). Or dans une situation l’interdiction a été prononcée, mais pas dans l’autre. La situation n’étant pas identique, le principe d’égalité ne s’oppose pas à ce que la sanction soit différente – annulabilité de l’acte passé dans la première et inexistence dans la seconde. Si la position de DEMOLOMBE se justifie, elle ne parvient

cependant pas à occulter que la solution prévue par le législateur à l’article 502 du Code civil ne résulte pas de la mise en œuvre du critère de la gravité du vice.

164 V. la critique de GÉNY (F.)sur la méthode d’interprétation des auteurs du XIXe siècle, GÉNY (F.), op. cit., n°33. 165 DURANTON (A.), T. X, op. cit., n°103 ; COLIN (A.) et CAPITANT (H.), Cours élémentaire de droit civil français, T. II,

Dalloz, 1915, p. 81.

166 Les auteurs nés avec le Code, ont reçu l’enseignement de professeurs qui avaient été instruits sous l’ancien

droit.

167 MATHIEU-IZORCHE (M.-L.), « Esprit de géométrie et esprit de finesse : la pensée en ''3D'' », in Mélanges offertes à

R. Gassin, Sciences pénales et sciences criminologiques, PUAM, 2007, p. 439 (en italique dans le texte).

À cette même époque169, l’influence de l’École de Savigny atteint les facultés françaises170, ce

qui conduit les auteurs de la fin du XIXe siècle à se tourner vers l’histoire171. Ils considéraient

que si leur distinction existait en droit romain et perdurait sous l’Ancien droit, elle n’avait pu qu’influencer les rédacteurs du Code civil et, par conséquent, figurer au sein de celui-ci172.

Ainsi, dans leur thèse respective, PIZE et HARTEMANN soutiennent que la

distinction des actes nuls et annulables puise ses racines dans celle du jus civile et du jus praetorium. Ils soulignent qu’en droit civil romain, l’inexistence constitue la conception normale

d’un acte dont le formalisme imposé n’a pas été respecté173, tandis que le droit prétorien est à

l’origine des annulabilités174. S’ils concèdent qu’en Ancien droit la distinction des actes nuls et

annulables n’apparaît clairement qu’au XVIe siècle175, ils expliquent cependant qu’elle n’a cessé

d’être présente en raison de l’influence exercée par le droit romain tant sur le droit germanique, source d’inspiration des coutumes du nord de la France, que sur le droit écrit176.

Ainsi, PIZE a affirmé que « la théorie moderne de l’inexistence et de l’annulabilité n’est pas

169 Durant le premier tiers du XIXe siècle, les auteurs de la Thémis avaient eu la volonté de s’ouvrir à l’histoire,

d’initier le droit français à la renaissance du droit romain. Les dates de parution de cette revue – 1819 à 1830 – n’excluent pas son influence sur les auteurs de la fin du XIXe siècle car comme il l’a été relevé « l’influence d’un livre, parfois d’un simple article, d’une orientation d’idées, d’une méthode se prolonge ou ne se fait sentir que très longtemps après » (CHARMONT (J.) et CHAUSSE (A.), « Les interprètes du Code civil », in Le Code civil 1804-1904,

livre du centenaire, T. I, Paris : Arthur Rousseau éditeur, 1904, p. 136). L’influence de Savigny est certainement plus

significative que celle de la Thémis. V. égal. GAUDEMET (J.), Sociologie historique du droit, Puf, 2000, p. 34.

170 SAVIGNY accorde une grande importance à l’histoire. D’abord, pour lui, la science juridique n’est pas autre

chose que l’histoire du droit (DUFOUR (A.), « De l’école du Droit naturel à l’école du droit historique – Étude

critique pour le bicentenaire de la naissance de Savigny », Arch. phil. dr., T. 26 - l’utile et le juste, Sirey, 1981, p. 311 ;

FRYDMAN (B.), Le sens des lois, Bruylant et L.G.D.J, 2e éd., 2007, p. 353 ; GAUDEMET (J.), op. cit., p. 28). Ensuite,

son ouvrage "Vom Beruf unserer Zeit für Gesetzgebung und Rechtswissenschaft" révèle toute l’influence qu’il accorde à l’histoire. Lorsque Savigny y étudie la genèse du droit positif, il préconise d’interroger tout d’abord l’histoire (VON SAVIGNY (F. C.), De la vocation de notre temps pour la législation et la science du droit, Trad. A. Dufour,

Puf, coll. Léviathan, 2006, p. 53). Quand il y évoque le droit civil en Allemagne, il souligne l’importance du droit romain (VON SAVIGNY (F. C.), op. cit., p. 69). Enfin, en l’absence de Code, il y préconise de « remonter jusqu’à la

racine d’une matière donnée pour mettre au jour son principe organique » (VON SAVIGNY (F. C.), op. cit., p. 106).

L’importance qu’il attache à l’histoire, ainsi que son insistance à soutenir la continuité du droit (VON SAVIGNY (F. C.), op. cit., p. 106-107), ont incité les auteurs de la fin du XIXe siècle à se tourner vers l’histoire afin d’asseoir plus

solidement le critère de leur distinction (ROUBIER (P.), Théorie générale du droit – Histoire des doctrines juridiques et

philosophie des valeurs sociales, préf. D. Deroussin, Dalloz, 2e éd., 2005, p. 145).

171 Ainsi, par exemple, on peut lire sous la plume de HARTEMANN que son travail historique s’explique par « la

nécessité de l’étude des origines pour faire la lumière sur une théorie quelle qu’elle soit » (HARTEMANN (E.),

th. préc., p. 103). V. déjà DEMOLOMBE (C.), Cours de Code Napoléon T. XXIX, op. cit., n°4.

172 v. les remarques deGény sur cette manière de procéder (GÉNY (F.), Méthode d’interprétation et sources en droit privé

positif – Essai critique, T. II, L.G.D.J, 2e éd., 1919, n°143).

173 L’ancien droit romain concevait en effet le contrat comme une procédure. Lorsque celle-ci n’avait pas été

respectée, aucune obligation ne pouvait en résulter. v. infra n°35.

174 HARTEMANN (E.), th. préc., n°234 ; PIZE (J.), th. préc., p. 32-33. V. égal. infra n°35.

175 HARTEMANN (E.), th. préc., n°232 ; PIZE (J.), th. préc., p. 41. Ils soulignent en effet qu’auparavant, si elle a

perduré dans les pays de droit écrits, dans les pays de coutume l’inexistence a été majoritairement occultée au profit de l’annulabilité.

176 PIZE (J.), th. préc., p. 39 ; HARTEMANN (E.), th. préc., n°109. HARTEMANN prend cependant plus de

précisément une nouveauté, [qu’] elle a déjà de puissantes racines en droit romain »177 et a

perduré avec plus ou moins de clarté jusqu’aux rédacteurs du Code civil.