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Si la distinction des nullités absolue et relative, ou « respective », apparaît

relative et absolue

Section 1 La gravité du vice

39. Si la distinction des nullités absolue et relative, ou « respective », apparaît

expressément au sein des Traités de POTHIER191, il ne s’agit pas de celle à laquelle il accorde de

187 Sur l’influence exercée par ces auteurs sur les rédacteurs du Code civil, v. CARBONNIER (J.), Droit civil, vol.1,

Introduction - Les personnes - La famille, l’enfant, le couple, Puf, coll. Quadrige, 1ère éd., 2004, p. 129. Cette influence est

visible au sein des travaux préparatoires du Code civil. En effet, dans son rapport au Tribunat sur le titre « Des contrats », FAVARD énonce, en se référant à DOMAT et POTHIER que « c’est dans les ouvrages de ces deux grands hommes que le projet de loi dont je vais vous entretenir a été puisé » (LOCRÉ (J.-G.), T. XII, op. cit., p. 423).

188 DOMAT (J.), Les lois civiles dans leur ordre naturel ; Le droit public et legum delectus, T. I, Paris, 1756, Liv. I, Tit. I, Sec.

VI, n°VII, n°XIV et n°XII.

189 HARTEMANN (E.), th. préc., p. 188 ; PIZE (J.), th. préc., p. 49. 190 DOMAT (J.), op. cit., Liv. I, Tit. I, Sec. VI, n°II, p. 152.

191 La terminologie de « nullité respective » a cours sous l’Ancien droit afin de désigner les nullités relatives. Elle

l’attention192. Il n’évoque cette distinction qu’ « en passant », à propos de certains exemples

particuliers193. Contrairement à ses contemporains, POTHIER ne s’attache à développer la

distinction des nullités absolue et « respective » qu’au regard de ses effets194. D’ailleurs, il ne

donne aucune indication sur les raisons pour lesquelles il qualifie une cause de nullité d’absolue plutôt que de relative. Le critère de la gravité du vice ne transparaît pas de sa doctrine. Ce critère n’apparaît pas davantage lorsque POTHIER développe la distinction

retenant toute son attention : celle des nullités de plein droit et des rescisions. Cette distinction repose sur une différence de source : les nullités de plein droit sont édictées soit par une ordonnance, soit par une coutume, tandis que les rescisions proviennent du droit romain195.

192Contra : BERTHIAU (D.), op. cit., n°190 : « On n’en trouve aucune trace chez Pothier, ni chez Domat » ; CUMYN

(M.), op. cit., n°36 : « En revanche, elle n’est pas mentionnée par Pothier, qui s’en tient à la seule distinction entre

les nullités de plein droit et les rescisions ».

193 Il l’évoque par exemple au sein de son Traité du contrat de mariage lorsqu’il traite de la « nullité des mariages

célébrés par un prêtre incompétent » (Œuvres de Pothier par M. Bugnet, T. VI, Traité du contrat de mariage, Paris : imp.

H. Plon, Lib. Cosse et Marchal, 2e éd., conforme à la première, 1861, n°362) ou encore dans son Traité du

Contrat de vente lorsqu’il aborde la question de la vente des biens du mineur et de l’impossibilité pour le tuteur de les acquérir ou encore de celle des biens de l’interdit ou de l’Église (Œuvres de Pothier par M. Bugnet, T. III, Traité du contrat de vente, Traité des contrats, Traité du contrat de constitution de rente, Paris : imp. H. Plon, Lib. Cosse et Marchal,

2e éd., conforme à la première, 1861, n°13 et s.).

194 Ainsi, par exemple, au sein de son Traité du contrat de mariage, qu’il affirme : « Cette nullité des mariages

célébrés par un prêtre incompétent, n’est pas de la classe de celle qu’on appelle relatives, qui n’ont lieu que lorsque la partie s’en plaint ; telles que sont celles qui résultent du défaut de liberté dans le consentement de l’une des parties contractantes, de l’impuissance, du défaut de consentement des père et mère, ou tuteurs, etc. ; elle est de la classe de celles que l’on appelle nullités absolues, et elles ne peuvent se purger, ni se couvrir que par une réhabilitation du mariage des parties, c’est-à-dire, c’est-à-dire, une nouvelle célébration faite par le curé ou avec sa permission, ou celle de l’évêque » (Œuvres de Pothier par M. Bugnet, T. VI, op. cit., n°362).

195 Cette distinction avait d’ailleurs une incidence procédurale considérable : il était nécessaire, pour obtenir

l’annulation d’un acte fondée sur une cause de nullité provenant du droit romain, d’obtenir une lettre de rescision. Cette exigence peut trouver une justification dans la réaction des praticiens face à l’invasion des causes de nullité provenant du droit romain : la multiplication des clauses de renonciations. Cette pratique avait pour résultat que « les nullités romaines ne s’appliquaient jamais, puisque les parties y renonçaient » (AUGUSTIN (J.-M),

art. préc., p. 54). Par ailleurs, à cette clause de renonciation, s’ajoutait bien souvent le serment de ne pas contrevenir à sa promesse. Cependant, l’un ou les contractants pouvaient se faire dispenser du serment, qui était un acte essentiellement religieux, par l’évêque diocésain ou son official (AUGUSTIN (J.-M.), art. préc., p. 58 ; LÉVY

(J.-Ph.) et CASTALDO (A.), Histoire du droit civil, Dalloz, 2e éd., 2010, n°577). Puis, vers la fin du XIVe siècle, la

dispense de serment ne devint plus qu’une formalité ; restait cependant la difficulté liée à la renonciation consentie (AUGUSTIN, (J.-M.), art. préc., p. 58 ; LÉVY (J.-Ph.) et CASTALDO (A.), op. cit., n°577). En effet, le

contrat était parfaitement valable. Pour obtenir l’annulation d’un acte par l’invocation d’une cause de nullité provenant du droit romain, le contractant devait donc s’adresser au roi afin qu’il lui octroie une lettre de rescision (Sur le mécanisme des lettres de rescision, v. AUGUSTIN (J.-M.), art. préc., p. 58 et s. ; LÉVY (J.-Ph.) et CASTALDO

(A.), op. cit., n°577). Ce recours a donc une nature particulière. « Il s’agit d’un recours discrétionnaire, fondé sur

l’équité et permettant de dispenser la partie lésée d’un contrat valide d’après le droit strict » (CUMYN (M.), op. cit.,

n°34. L’auteur s’appuie sur GUYOT ou encore DOMAT pour démontrer que la rescision est un recours en équité).

Un tel recours nécessitait toujours une décision du préteur. Or, comme « le roi de France, pour la doctrine, est censé remplacer le magistrat romain » (AUGUSTIN (J.-M.), art. préc., p. 58), il lui revient donc d’ordonner au juge

de prononcer l’annulation du contrat si les faits invoqués par le demandeur sont exacts.

D’autres justifications à la nécessité d’obtenir une lettre de rescision, pour que l’annulation d’un contrat fondée sur une cause de nullité provenant du droit romain soit prononcée, ont été avancées. La première est relative à l’insuffisance d’autorité du droit romain. « Les lettres de la Chancellerie doivent être obtenues quand on fonde la nullité ou la rescision sur le droit civil Romain, comme du chef de minorité, de crainte […] parce que le droit Romain n’a force de loi en France, et faut que la restitution sur iceluy fait autorité par le roi » (COQUILLE (G.),

Une telle distinction n’a ainsi rien de commun avec la distinction prônée par les auteurs du XIXe siècle196. D’ailleurs, l’inexistence a une origine plus récente : elle apparaît seulement au

XIXe siècle.

3 - L’apparition de l’inexistence au XIXe siècle