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Lorsque la jurisprudence fait formellement référence au critère de l’intérêt pour

relative et absolue

Section 2 Le but poursuivi par le législateur : l’intérêt protégé

76. Lorsque la jurisprudence fait formellement référence au critère de l’intérêt pour

justifier la qualification en nullité relative, elle ne lève aucune incertitude. L’étude des arrêts rendus ces dernières années, et correspondant à ces caractéristiques345, montre en effet que

dans ces hypothèses, le législateur avait mis en lumière l’intérêt protégé par la condition de validité édictée346. Ainsi, lorsque la Cour de cassation énonce que : « la méconnaissance des

dispositions des articles L. 121-21 et suivants du Code de la consommation édictées dans l’intérêt des personnes démarchées à domicile que ces textes ont vocation à protéger est sanctionnée par une nullité relative »347, elle ne met fin à aucune hésitation. En effet, les règles

posées par les articles L. 121-21 et suivants du Code de la consommation sont issues de la loi n°72-1137 du 22 décembre 1972 relative à la protection des consommateurs en matière de démarchage et de vente à domicile348. Le titre de cette loi précise clairement que le législateur a

entendu protéger l’intérêt particulier du consommateur. En conséquence, la mise en œuvre du critère de l’intérêt ne pouvait que conduire à retenir la nullité relative.

De même, dans le cadre de litiges relatifs à l’exploitation de droits d’auteur, lorsque la première chambre civile de la Cour de cassation justifie au regard de l’intérêt protégé le caractère relatif de la nullité, elle ne tranche aucune difficulté. En effet, dans les affaires qui ont donné lieu aux arrêts du 30 janvier 2007349, du 13 février 2007350, et du 28

février 2008351, les règles méconnues résultaient des articles L. 132-7 et L. 132-16 du Code de

345 Comme précédemment pour la nullité absolue, les arrêts ont été répertoriés sur la période 2006-2014.

346 Si dans les exemples suivants, le législateur met en lumière l’intérêt protégé soit à travers l’intitulé de la loi dont

la disposition en cause est issue, soit d’une autre disposition de la même loi, il peut arriver que l’intérêt résulte de la définition même du contrat en cause. V. Cass. civ. 3e, 19 fév. 2014, pourvoi n°12-13531 : « la nullité d’un acte

d’échange pour dépassement de pouvoir d’un administrateur était fondée sur la seule nécessité de protéger les intérêts de celui qui est représenté à l’acte, la cour d’appel en a exactement déduit que la nullité encourue était relative, et que l’action en nullité de l’acte d’échange était prescrite ».

347 Cass. civ. 1ère, 2 oct. 2007, n°05-17691, Bull. civ. I, n°316 ; RDC 2008/2, p. 351, obs. FENOUILLET (D.) ; RTD

com 2008. 407, obs. BOULOC (B.).

348 JORF du 23 déc.1972, p. 13348.

349 Cass. civ. 1ère, 30 janv. 2007, n°05-19352, Bull. civ. I, n°46 ; RTD civ. 2007, 346, obs. FAGES (B.) ; D. 2007, 586,

obs. DALEAU (J.). La Cour de cassation énonce : « Vu les articles L. 132-7 et L. 132-16 du Code de la propriété

intellectuelle, ensemble l’article 1304 du Code civil ; Attendu qu’en vertu du deuxième de ces textes, l’éditeur ne peut transmettre, à titre gratuit ou à titre onéreux ou par voie d’apport en société, le bénéfice du contrat d’édition à des tiers, indépendamment du fonds de commerce, sans avoir préalablement obtenu l’autorisation de l’auteur ; que ces dispositions impératives ayant été prises dans le seul intérêt patrimonial des auteurs, leur violation ne donne lieu qu’à une nullité relative dont l’action se prescrit par cinq ans à compter de la découverte du vice ».

350 Cass. civ. 1ère, 13 fév. 2007, n°05-12016, Bull. civ. I, n°60 : « Mais attendu que les dispositions impératives de

l’article L. 131-4 du Code de la propriété intellectuelle ont été prises dans le seul intérêt patrimonial des auteurs, de sorte que leur violation ne donne lieu qu’à une nullité relative, d’où la cour d’appel a justement déduit que l’action intentée par M.X... était prescrite en vertu de l’article 1304 du Code civil ».

351 Cass. civ. 1ère, 28 fév. 2008, n°07-12008 ; CCE 2008, n°4, p. 29, obs. CARON (Ch.). La Cour de cassation

énonce que : « la violation des dispositions de l’article L. 131-4 du Code de la propriété intellectuelles, prises dans le seul intérêt patrimonial des auteurs, donnant lieu à une nullité relative dont l’action se prescrit par cinq ans ».

la propriété intellectuelle pour la première décision, et de l’article L. 131-4 du même Code pour les deux autres. Ces trois dispositions sont issues de la loi n°57-297 du 11 mars 1957 sur la propriété littéraire et artistique énonçant expressément en son article 2 que « les dispositions de la présente loi protègent les droits des auteurs »352. Par conséquent lorsque le juge précise,

dans ces affaires, que les dispositions visées ont été prises « dans le seul intérêt patrimonial des auteurs », il ne fait que reprendre ce que le législateur a expressément spécifié353.

Dans les affaires à l’origine des arrêts de la Chambre commerciale de la Cour de cassation354 du 28 février 2006355, et du 14 octobre 2008356, la cause de nullité résultait de la

méconnaissance de l’article L. 313-2 du Code de la consommation357. Cette disposition est

issue de l’article 4 de la loi n°66-1010 du 28 décembre 1966, lui-même originaire d’un amendement de la commission des lois de l’Assemblée nationale. À son sujet, le rapporteur de la commission a précisé que « la présentation de la plupart des contrats de prêt ne permet pas à l’emprunteur de connaître rapidement et facilement le taux effectif global qui est presque toujours plus élevé que ne le laisse entendre le préteur. Il paraît donc utile que l’emprunteur ait le moyen de connaître le taux effectif de son emprunt […]. Or la meilleure façon de porter ce taux à la connaissance du bénéficiaire est encore de le mentionner dans l’acte, puisque l’acte ne sera signé – tout au moins, c’est à la diligence de l’emprunteur de sauvegarder ses intérêts – qu’après que celui-ci aura lu le contrat. C’est donc en toute connaissance de cause qu’il aura pris un engagement »358. Il résulte incontestablement de ce rapport que le législateur souhaitait,

352 V. respectivement les articles 53, 62 et 35 (JORF 14 mars 1957, p. 2723).

353 V. égal. Cass. civ. 1ère, 4 nov. 2011, n°10-13410, Bull. civ. I, n°195 : « la cour d’appel, après avoir rappelé que

l’action en nullité relative exercée par les bénéficiaires des clauses litigieuses était soumise à la prescription quinquennale de l’article 1304 du Code civil et constaté qu’une telle action, qui invoquait la violation de dispositions légales, avait été introduite par MM. X... et Y... selon assignations des 12 et 23 janvier 2007 soit plus de cinq ans après la signature des contrats de juillet et septembre 1998, en a justement déduit qu’elle était tardive ». Les dispositions légales invoquées étaient les articles L. 121-1 et L. 131-3 du Code de la propriété intellectuelle.

354 V. égal. Cass. civ. 1ère, 14 juin 2007, n°05-22011 ; RTD com. 2007, 817, obs. LEGEAIS (D.). La Cour de

cassation énonce : « la sanction de la méconnaissance des dispositions de l’article 4 de la loi du 28 décembre 1966 devenu l’article L. 313-2 du Code de la consommation, édictées dans le seul intérêt de l’emprunteur, est la nullité relative de la clause d’intérêts conventionnels » et Cass. com., 7 fév. 2012, n°11-10833 ; CCC 2012, n°5, p. 29,

obs. RAYMOND (G.). La nullité est expressément qualifiée de relative mais sans aucune référence à l’intérêt

protégé.

355 Cass. com., 28 fév. 2006, n°03-17375 : « les dispositions d’ordre public de l’article L. 313-2 du Code de la

consommation ayant été édictées dans le seul intérêt de l’emprunteur, l’action en nullité relative de la clause de stipulation des intérêts conventionnels s’éteint si elle n’a pas été exercée pendant cinq ans à compter de la date de l’acte litigieux ou de la reconnaissance de l’obligation de payer des intérêts conventionnels ».

356 Cass. com., 14 oct. 2008, n°07-15975 : « l’arrêt retient exactement que la méconnaissance des règles légales

régissant le taux d’intérêt conventionnel et le taux effectif global, édictées dans l’intérêt de l’emprunteur, est sanctionnée par la nullité relative de la stipulation d’intérêts ».

357 L’art. L. 313-2 précise que « le taux effectif global […] doit être mentionné dans tout écrit constatant un

contrat de prêt régi par la présente section ».

358 J.O - débats parlementaires de l’Assemblée nationale - année 1966 - n°57 - compte rendu intégral de la 59e

par la mise en place de ce formalisme, assurer la protection du seul emprunteur, soit un intérêt particulier. Là encore, lorsque la Cour de cassation justifie le caractère relatif de la nullité au regard de l’intérêt protégé, elle ne lève aucun doute.

Enfin, ce constat s’impose encore au regard de l’arrêt de la troisième Chambre civile de la Cour de cassation du 6 juillet 2011359. La règle méconnue est celle énoncée à

l’article L. 231-2 du Code de la construction et de l’habitation, et a trait aux énonciations que doit comporter le contrat. Comme précédemment, il s’agit d’un formalisme informatif édicté afin d’éclairer le consentement d’un contractant déterminé – ici le maitre de l’ouvrage. Il n’est donc pas étonnant que le choix du juge se soit porté sur la nullité relative.