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À l’unique nature de sanction judicaire, un régime unique

Conclusion du Chapitre

Section 2 À l’unique nature de sanction judicaire, un régime unique

269. Si une dualité de régime existe, elle résulte de la dualité de sources à l’origine de

la nullité : conventionnel ou judiciaire. La nullité conventionnelle obéit en effet au droit commun des conventions, régime qui ne peut être envisagé pour la nullité judiciaire.

270. La distinction des nullités relative et absolue est, de nos jours, appréhendée

dans le cadre judiciaire. La saisine d’un juge, autrement dit l’exercice d’une action, est impérative. Le régime de la nullité correspond, en conséquence, en partie à celui de l’action en nullité949.

Pour déterminer le régime de l’action en nullité, les théories passées ne se montreront guère utiles. En effet, si l’exercice d’une action en nullité était nécessaire uniquement en présence d’une annulabilité selon la théorie dite classique des nullités, il était totalement nié sous la plume de JAPIOT950. Cependant, les partisans de la théorie dite moderne

victime d’une fraude peut demander que l’acte frauduleux lui soit déclaré inopposable, quand bien même la fraude aurait aussi été dirigée contre d'autres ».

V. égal. l’art. 1132-1 de l’avant-projet Catala qui dispose : « L’inopposabilité est relative. N’annulant pas la convention elle-même, elle en neutralise les effets à l’égard des personnes qui sont en droit de ne pas en souffrir, à charge pour elles d’établir la circonstance qui justifie cette inefficacité comme par exemple la commission d’une fraude ou le défaut de publication d’un acte ».

947 Diverses règles leur permettent en effet, lorsque les tiers en remplissent les conditions, de faire obstacle à

l’opposabilité de telles conventions. Il en est ainsi de l’action paulienne (Sur cette action, v. not. BRENNER (C.),

« L’action paulienne et la défense du droit de poursuite des créanciers contre les actes de soustraction ou d’appauvrissement », in Colloque organisé par l’Association des Avocats Praticiens des Procédures et de l’Exécution – Les

poursuites contre les tiers non débiteurs, vendredi 16 sept. 2011 ; BÉNABENT (A.), n°854 et s.), de la déclaration de

simulation (v. l’art. 1321 du Code civil. Sur le régime de la simulation à l’égard des tiers, soit sur l’action en déclaration de simulation, v. not. BÉNABENT (A.), n°290) ou peut-être encore des nullités de la période suspecte

(v. l’art. L. 632-1 du Code de commerce. La nullité amiable pourrait au regard de la jurisprudence relative à la résolution amiable être analysée comme un mode anormal de paiement, v. par ex. Cass. com., 16 fév. 1993, n° 91- 11106, Bull. civ. IV, n°65).

948 GOUT (O.), op. cit., n°149.

949 V. infra n°299.

des nullités reconnaissent l’existence de l’action en nullité. D’ailleurs, la distinction des nullités relative et absolue n’a-t-elle pas pour objet de déterminer les titulaires de l’action ? La possibilité de renoncer à l’action ? Et avant la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, la durée du délai de prescription de l’action ?

271. De nos jours, le régime de l’action en nullité est commandé par la règle

substantielle à laquelle la nullité est attachée. Pourtant, rien ne justifie que le régime de l’action en nullité soit déterminé en considération de celle-ci. Pourquoi le régime de l’action en nullité ne relève-t-il par du droit commun de l’action en justice ? Seule une spécificité propre à l’action en nullité expliquerait que le régime de l’action en nullité résulte, non du droit commun de la procédure civile, mais de la règle substantielle sanctionnée par la nullité.

L’identification de l’action en nullité (§.1) constitue donc un préalable indispensable au constat qu’un régime exorbitant du droit commun ne se justifie pas pour l’action en nullité (§.2).

§.1 - L’identification de l’action en nullité

272. L’article 30 du Code de procédure civile définit l’action comme « le droit, pour

l’auteur d’une prétention, d’être entendu sur le fond de celle-ci afin que le juge la dise bien ou mal fondée. Pour l’adversaire, l’action est le droit de discuter le bien-fondé de cette prétention ». Au cœur de la notion d’action figure la prétention951. Elle révèle le but de l’action,

soit permet de nommer l’action952. Ainsi, l’action en nullité a pour but l’annulation d’un acte

dont les parties n’ont pas, lors de sa formation, respecté toutes les conditions pour qu’il soit parfait. Mais toute personne se prévalant d’une prétention, ne bénéficie pas pour autant d’un droit d’action. L’ouverture de l’action a en effet été conditionnée par le législateur à l’article 31 du Code de procédure civile953. Apparaît alors la banalité de l’action en nullité – elle peut

naître, comme toute action en justice de l’émission d’une prétention (A), mais également son originalité : la prétention émise revêt un caractère objectif (B).

A - La banalité de l’action en nullité : une action pouvant naître de l’émission d’une prétention

951 Elle consiste en l’ « affirmation en justice tendant à réclamer quelque chose, soit de la part du demandeur (par

demande principale ou additionnelle), soit de la part du défendeur (par demande reconventionnelle) et dont l’ensemble (prétentions respectives) détermine l’objet du litige » (CORNU (G.), dir., Vocabulaire juridique, op. cit.,

v°action).

952 CUCHE (P.) et VINCENT (J.), Précis de procédure civile et commerciale, Dalloz, 12e éd., 1960, n°10 : « l’action est

toujours identique dans sa nature, quel que soit le droit exercé, et ne reçoit une qualification que par reflet ».

273. À l’origine de l’action en nullité, comme à l’origine de toute action, il y a une

situation litigieuse. À compter de la violation de la règle sanctionnée par la nullité, une situation litigieuse est latente puisque deux prétentions opposées peuvent émerger : l’une tendant à la validité de l’acte, l’autre à sa nullité. Une prétention ne prend pas nécessairement la forme d’une demande en justice. Généralement, elle se manifeste d’abord en dehors de tout cadre procédural soit expressément, soit tacitement954. Il reste que lorsqu’une prétention non

contentieuse n’aboutit pas, seule la voie juridictionnelle permet de solutionner le litige. Dès lors, la situation litigieuse résultant d’une cause de nullité peut fait naître un droit d’action955.

En conséquence, ce qui résulte de la violation d’une règle relative à la formation d’un acte, ce n’est pas, contrairement à ce qu’invoquait JAPIOT, un droit subjectif substantiel956, mais

potentiellement un droit d’action957. Il naîtra si ses conditions d’existence de l’action sont

réunies, car si toute personne bénéficie du droit d’accès à un juge958, toute personne ne

possède pas le droit d’être entendu par un juge sur n’importe quelle prétention959. Le droit

subjectif substantiel dégagé pas JAPIOT n’existe pas : soit les parties s’accordent, et dans ce cas

954 Sur ce point, v. CORNU (G.) et FOYER (J.), p. 43.

955 Sur les conditions d’ouverture de l’action, v. infra n°281 et s.

956 DABIN (J.), Droit subjectif et prérogatives juridiques – Examen des thèses de M. Paul Roubier, Bruxelles, Palais des

Académies, 1960, p. 26.

957 Si le législateur a employé le terme ''droit'' pour qualifier l’action, la nature de celle-ci reste controversée (v.

not. : THÉRY (Ph), « Le litige en droit judiciaire privé – Petits exercices de procédure élémentaire », in Mélanges en

l’honneur de Serge Guinchard « Justices et droit du procès – Du légalisme procédural à l’humanisme processuel », Dalloz, 2010,

n°5 ; NIBOYET (M.-L.), « Action en justice », Droits 2001/34, Mots de la Justice, p. 84).

Les auteurs s’opposent tout d’abord sur l’autonomie de la notion d’action. En effet, certains auteurs lui dénient toute existence soit en l’assimilant aux demandes et aux défenses (HÉRON (J.) et LE BARS (Th.), op. cit., n°48 : « La

notion d’action proposée peut-être énoncée ainsi. L’action n’est pas un droit virtuel, distinct des demandes et des défenses. Lorsque l’on parle d’action, il ne s’agit que d’une façon commode de désigner des deux sortes d’actes processuels, et le contenu que l’on attribue à l’action n’est rien d’autre que des conditions de recevabilité de ces actes, c’est-à-dire des éléments du présupposé de la règle déterminant les conditions d’efficacité des demandes et des défenses ») soit en la confondant avec l’accès aux tribunaux (VIZIOZ (H.), Études de procédure, préf. S.

Guinchard, Dalloz, 2011, p.147 et s., spéc., p.150 : « Et il semble bien que l’action, que le pouvoir d’agir en justice, pouvoir généralement directement accordé par le droit objectif, présente, quel que soit l’aspect sous lequel on l’envisage, un caractère nettement objectif »). D’autres prônent son autonomie. Parmi les auteurs prônant l’autonomie de la notion d’action, certains précisent soit qu’il s’agit d’un droit subjectif processuel (BOLARD (G.), « Notre belle action en justice », in Mélanges en l’honneur de G. Wiederkehr « De Code en Code », Dalloz, 2009, p. 17

et s., spéc.n°5 et s. Cet auteur, à la suite de MOTULSKY (« Le droit subjectif et l’action en justice », op. cit., p. 98 et

Droit processuel - Textes recueillis et mis en corrélation avec la loi relative à la réforme de la procédure civile, et les décrets instituant de nouvelles dispositions destinées à s’intégrer dans le nouveau Code de procédure civile par M.-M. Capel, Montchrestien, 1973,

p. 56, considère que l’action est un droit subjectif qu’il qualifie d’ailleurs de processuel. V. égal. CADIET (L.) et

JEULAND (E.), n°328), soit d’un droit potestatif (THÉRY (Ph), art. préc., n°9 ; NIBOYET (M.-L.), « Action en

justice », Droits 2001/34, Mots de la Justice, p. 85). Enfin, un auteur relève que « si un terme distinct s’est imposé, si

l’on parle d’action, c’est peut-être bien qu’on ne peut ramener l’action à une autre catégorie juridique » (Wiederkehr (G.), « La notion d’action en justice selon l’article 30 du nouveau Code de procédure civile », in Mélanges offerts à P. Hébraud, Université des sciences sociales de Toulouse, 1981, p. 949 et s., spéc. p. 958. V. égal.

du même auteur, « Une notion controversée : l’action en justice », in Études offertes au Doyen Ph. Simler,

Lexis Nexis- Dalloz, 2006, p. 903 et s. ).

958 Sur le « droit d’accès général au juge », v. JEULAND (E.), Droit processuel général, L.G.D.J, coll. Domat droit privé,

3e éd., 2014, n°166.

elles ne font qu’user de leur liberté contractuelle, soit les parties ne s’entendent pas et un droit d’action peut voir le jour.

274. Le droit d’action a parfois été assimilé au droit de critique960. Cet amalgame

doit être rejeté.

D’abord, parce que le droit de critique naît en dehors de tout litige contrairement au droit d’action. JAPIOT souligne en effet que le droit de critique peut s’exercer

sous une forme entièrement privée961, soit de façon amiable. Partant, aucun litige ne naît : les

parties s’accordent sur la nullité de l’acte, sur le fait de le considérer comme non avenu.

Ensuite, parce le droit de critique opère en dehors de tout cadre judiciaire contrairement au droit d’action qui, une fois matérialisé par la demande, fait naître une instance962. Il a d’ailleurs été soutenu à propos du droit d’action qu’il « existe dans le procès et

par le procès »963. Pour JAPIOT, le droit de critique peut s’exercer sous une forme entièrement

privée964. Aussi bien, il renie toute action en nullité autonome965. Il reconnaît toutefois que

l’autorité judiciaire devra parfois intervenir lorsque des obstacles s’opposeront « au libre jeu du droit de critique »966, cependant dans cette hypothèse non seulement c’est l’action nécessaire à

l’octroi du droit invoqué qui sera exercée967, mais en plus le juge ne fera que constater l’option

du titulaire du droit de critique968.

De plus, le régime de ces deux droits ne se détermine pas de la même manière. Si le droit de critique dégagé par JAPIOT en tant que droit subjectif substantiel est intimement

lié à la règle transgressée969, il n’en est pas de même du droit d’action. Son régime résulte des

règles issues du droit de la procédure. Celles-ci sont identiques quelle que soit la prétention970.

Enfin, le droit de critique permet toujours de faire valoir un droit ce qui n’est pas le cas du droit d’action. Si le droit d’action permet le plus souvent de faire valoir un droit,

960 Pour ce constat, v. déjà. BANDRAC (D.), op. cit., n°143 : La doctrine de JAPIOT « prend pour un droit subjectif

substantiel ce qui n’est que l’action en nullité ». Pour l’assimilation, v. SADI (D.), op. cit., n° 540 : « La nullité

consisterait […] non en un droit de critique, simple synonyme du droit d’agir ».

961 JAPIOT (R .), op. cit., p. 389

962 La demande initiale, traduction procédurale du droit d’action a pour effet particulier de créer le lien d’instance.

Sur ce point, v. not. HÉRON (J.) et LE BARS (Th.), op. cit., n°128 ; GUINCHARD (S.),CHAINAIS (C.) et FERRAND

F.), n°375.

963 BOLARD (G.), « Notre belle action en justice », art. préc., n°5. 964 JAPIOT (R .), op. cit., p. 389.

965Ibid., p. 405.

966Ibid., p. 386-387.

967Ibid., p. 399 et s. : lorsque le droit de critique est « exercé en vue d’obtenir une restitution […] l’action exercée

est […] l’action ordinaire, c’est-à-dire, notamment, l’action en répétition de l’indu ou l’action en revendication ».

968Ibid., p. 396-397.

969Ibid., p. 166-167 ; v. égal. GAUDEMET (E.), op. cit., p. 147.

il n’en va pas toujours ainsi. Comme l’a souligné ROUBIER, le droit d’action peut exister

indépendamment de tout droit antérieur971 : il est alors question d’un contentieux objectif.

275. Dès lors, si l’action en nullité naît, comme toute action de l’émission d’une

prétention, son originalité réside dans la prétention émise : il s’agit d’une prétention objective.

B - L’originalité de l’action en nullité : une action appartenant au contentieux objectif 276. Le but de l’action en nullité consiste à obtenir l’anéantissement d’un acte

entaché d’une cause de nullité. Une telle action vise par conséquent au rétablissement de la légalité transgressée972, ou encore « à la cessation de l’illicéité »973, et ce, quelle que soit la cause

de nullité974. En conséquence, le contentieux relatif à la nullité d’un acte juridique relève non

pas du contentieux subjectif mais du contentieux objectif975. La prétention émise ne vise en

effet pas à la reconnaissance, à la protection ou encore à la sanction d’un droit subjectif puisqu’aucun droit au respect de la loi n’a été consacré976.

Il ne s’agit néanmoins pas de nier l’existence de prétentions subjectives : elles existent assurément dans le cadre du contentieux de la nullité d’un acte juridique. Il reste que ce ne sont pas sur ces dernières que le juge est appelé à se prononcer. Ces prétentions sont en effet dépendantes soit de la validité de l’acte, soit du prononcer de sa nullité977. Dans la

première hypothèse, il s’agira de faire valoir les droits issus de l’acte, tandis que dans la seconde il sera question d’un droit à restitution. Autrement dit, ces prétentions subjectives ne constituent que des résultantes du jugement porté sur la validité de l’acte litigieux.

971 ROUBIER (P.), op. cit., n°7.

972 DABIN (J.), op. cit., p. 15-16 : « les actions en nullité ne sanctionnent que les manquements aux règles

d’existence et de validité des actes ».

973 VINEY (G.), « Cessation de l’illicite et responsabilité civile », in Liber amicorum. Mélanges en l’honneur du Professeur

Gilles Goubeaux, Dalloz, L.G.D.J, 2009, p. 547 et s., spéc., p. 547. V. égal. MAURIN (L.), op. cit., n°393.

974 DABIN (J.), op. cit., p. 25 : « les actions en nullité d’actes juridiques, lesquelles ne sanctionnent rien d’autre, on

l’a vu, que le respect des règles d’existence et de validité des actes édictées tantôt dans l’intérêt public, tantôt dans l’intérêt des parties (ou de tiers déterminés) ».

975 L’existence d’un contentieux objectif en droit privé a participé à la négation de la conception de l’action

comme étant le droit subjectif mis en mouvement.

976 Sur ce point, v. GUELFUCCI-THIBIERGE (C.), op. cit., n°375 et n°534 ; BANDRAC (M.), op. cit., n°158. Contra :

BONNARD (R.), Le contrôle juridictionnel de l’administration – Étude de droit administratif comparé, Avant-propos de B.

Pacteau, Dalloz, 2006, n°28 : « il existe un droit subjectif à la légalité des actes comme il existe un droit subjectif aux exécutions matérielles des actes ». V. égal. BARTHÉLÉMY (J.), Essai d’une théorie des droits subjectifs des administrés dans le droit administratif français, Thèse Paris, 1899, spéc. p. 66 et s. Cet auteur déduit de l’existence d’un recours en

contestation de légalité, un droit subjectif de l’administré à la légalité. Ce point de vue a été fortement critiqué par Duguit (DUGUIT (L.), Traité de droit constitutionnel, T. I, La règle de Droit – Le problème de l’État, Paris, 3e éd., 1927,

p. 238).

977 Ainsi, à propos de l’action mixte dont l’une des hypothèses réside dans l’exercice d’une action tendant à

l’anéantissement d’un acte translatif de propriété, il a été souligné que le droit personnel et le droit réel « ne sont pas invoqués simultanément, mais successivement » (CADIET (L.) et JEULAND (E.), n°338).

Affirmer que la totalité du contentieux relatif à la nullité est objectif implique de réfuter la position de DUGUIT relative à la nullité des actes juridiques subjectifs, mais

également d’exposer la controverse ayant eu lieu entre ROUBIER et MOTULSKY.

277. Si DUGUIT admet que le droit privé connaît un « contentieux objectif de

l’annulation »978, il en exclut le contentieux de la nullité des contrats. Il considère que le contrat

étant un acte subjectif, il y a lieu à contentieux subjectif au motif que la question posée au juge est celle de savoir « si une situation subjective existe régulièrement, la question de la légalité ne se posant qu’en second lieu pour permettre de résoudre la question principale »979. La position

de DUGUIT apparaît contestable au regard de la définition qu’il donne de la juridiction

subjective. Il estime qu’ « il y a juridiction subjective toutes les fois que le juge est appelé à résoudre avant tout et principalement une question de droit subjectif »980. Pourtant, il souligne

lui-même que lorsque la question posée au juge est de savoir si l’acte subjectif « considéré est ou n’est pas atteint d’un vice juridique » le juge est obligé « de rechercher si en fait les exigences du droit objectif ont été respectées. Par-là, il procède à l’examen d’une question de fait préalable à la question de droit dont il est saisi, celle de savoir […] si une situation de droit subjectif est née régulièrement ou non »981. Mais est-ce une question de fait ? N’est-ce pas

plutôt la question de droit posée ? DUGUIT ne relève-t-il pas lui-même son antériorité, avec le

terme « préalable » ? La question posée au juge concerne la régularité de l’acte au regard du droit objectif. L’existence - ou l’absence - d’une situation de droit subjectif constitue seulement une conséquence de la légalité de l’acte la fondant. Dès lors, la question posée au juge est avant tout une question de légalité, une question objective, une question qui n’est fondée sur aucun droit subjectif. L’action en nullité relève donc du contentieux objectif.

278. D’ailleurs, selon ROUBIER,il existe certes des droits subjectifs mais également

des situations juridiques objectives. Dans une telle situation, seul le droit objectif commande et « ses dispositions impératives ne sont pas établies en vue de satisfaire aux désirs des particuliers »982. Par conséquent, dans ces hypothèses, « l’action est fondée sur une réaction du

droit objectif en dehors de tout droit antérieur préexistant »983. Parmi les situations juridiques

objectives figurent les actions fondées sur un délit ou un quasi-délit, l’action de in rem verso mais

978 DUGUIT (L.), Traité de droit constitutionnel – T. II : La théorie générale de l’État, 1ère partie, Éléments, fonctions et organes

de l’État, Paris, 3e éd., 1928, p. 493.

979Ibid., p. 488.

980Ibid., p. 459 (souligné par nous).

981Ibid., p. 464 (souligné par nous).

982 ROUBIER (P.), op. cit., n°10 983ibid.

également « les actions en nullité ou rescision d’un acte juridique »984. ROUBIER énonce ainsi

que « la non observation des conditions de validité posées par la loi à la confection de cet acte aura pour sanction une action en nullité ou en rescision c’est-à-dire une action qui n’entrait aucunement dans les vues de l’auteur (ou des auteurs) de l’acte juridique. Ici encore cette action n’est pas fondée sur la violation d’un droit antérieur, elle est fondée sur une infraction à un devoir, le devoir d’observer les conditions légales de validité posées par la loi »985. Le critère

de ROUBIER est clair : si aucun droit subjectif préexiste à l’exercice d’une action il s’agit d’une

situation juridique objective.

MOTULSKY reproche à ROUBIER l’élargissement du domaine du contentieux

objectif986. Il considère qu’un tel contentieux revêt en droit privé « un caractère tout à fait

exceptionnel »987. Le contentieux de droit privé, comme son nom l’indique, est relatif aux

conflits intervenant entres les particuliers, raison pour laquelle la vocation de l’action en droit privé réside le plus souvent « dans la protection des intérêts concrets et non de la légalité abstraite »988. Afin de réduire le domaine du contentieux objectif dégagé par ROUBIER,

MOTULSKY se prononce pour le caractère subjectif du contentieux « quand bien même la

situation juridique initiale a un caractère objectif, pour peu que la violation de la règle de Droit