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La pleine applicabilité des régimes d’exclusion pour restreindre l’étendue du champ d’application de la résolution 2178

membres d’une force armée partie à un conflit armé

1. La pleine applicabilité des régimes d’exclusion pour restreindre l’étendue du champ d’application de la résolution 2178

À première vue, il apparaîtrait que l’obligation faite par le CSNU aux États d’appliquer la résolution 2178 y compris durant un conflit armé entre en contradiction avec l’obligation issue des Conventions internationales et de la Directive européenne de ne justement pas les appliquer lors d’un conflit armé. Dès lors, l’article 103 de la Charte des Nations unies pourrait être invoqué ici, celui-ci faisant prévaloir les prescriptions de la résolution. Ce dernier dispose en effet que,

« en cas de conflit entre les obligations des Membres des Nations Unies en vertu de la présente Charte et leurs obligations en vertu de tout autre accord international, les premières prévaudront. »403

Autrement dit, la résolution 2178 du Conseil de Sécurité, adoptée en vertu du Chapitre VII de la Charte, doit prévaloir sur toute mesure contraire engageant les États. Néanmoins, telle ne doit pas être la solution au regard de la présente situation juridique. En effet, pour que l’article 103 puisse être invoqué, celui-ci prévoit expressément qu’un « conflit » doit effectivement exister entre deux normes.404 Ainsi, il faudrait constater « une réelle situation

403 Art. 103, Charte des Nations unies, op. cit.

404 Idem. ; voir également HAYIM (D.), « L’article 103 de la Charte des Nations unies : Technique juridique ou instrument symbolique », Revue Belge de Droit International, Vol. 44, N°1-2, 2011, p. 136

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d'antinomie entre des obligations internationales conventionnelles » et l’obligation issue de

la résolution.405 Or, un tel conflit juridique n’existe pas ici.

D’une part, la résolution 2178 ne prévoit pas expressément que les membres des forces armées sont visés par ce qu’elle nomme « combattant terroriste étranger ». Il n’est pas non plus précisé que ses prescriptions ne seraient pas concernées par les régimes d’exclusion présents au sein des Conventions internationales.406 Or, l’article 103 ne peut être invoqué sur la simple présomption « que ladite résolution exige de l'État qu'il ne respecte pas ses

engagements ».407 En ce sens, il faut relever que, dans le cas présent, il est toujours possible d’appliquer effectivement la résolution aux terroristes étrangers impliqués dans un conflit armé qui n’appartiennent pas à des forces armées belligérantes. De plus, il faudra voir que la résolution peut toujours trouver à s’appliquer aux membres de ces forces dans deux situations : premièrement, lorsque leurs actes, bien que réalisés dans le contexte du conflit, ne sont pas régis par le DIH, puisqu’alors les régimes d’exclusion ne sont pas applicables ; deuxièmement, lorsque leurs actes sont bien régis par le DIH, mais qu’ils constituent précisément des actes terroristes en vertu de ce corpus.408

D’autre part, c’est au regard de la formulation de la résolution qu’il faut en déduire l’étendue des obligations qu’elle crée.409 Autrement dit, ce n’est pas nécessairement la résolution dans son ensemble qui crée une obligation ; c’est « en fonction du vocabulaire

utilisé » qu’il faut identifier l’obligation effectivement créée ainsi que son étendue, car tout

n’est pas contraignant dans les résolutions du Conseil de Sécurité.410 Or, la résolution 2178

405 HAYIM (D.), « L’article 103 de la Charte des Nations unies : Technique juridique ou instrument symbolique », op. cit., p. 136.

406 En ce sens voir par exemple : « Threats to international peace and security caused by terrorist acts », Security Council, Document S/PV.7272, op. cit. ; voir également lors des discussions relatives à la résolution 2170 par laquelle le terme « combattant terroriste étranger » apparaît pour la première fois : « Threats to international peace and security caused by terrorist acts », Security Council, Document S/PV.7242, op. cit.

407 HAYIM (D.), « L’article 103 de la Charte des Nations unies : Technique juridique ou instrument symbolique », op. cit., p. 136.

408 Voir infra, seconde partir de Thèse.

409 CIJ, Avis consultatif, 21.06.1971, op. cit., para 114-115.

410 ASCENSIO (H.), « Effets juridiques et efficacité des résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies portant sur le Liban », op. cit., p. 48.

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n’a pas créé l’obligation juridique d’aller à l’encontre de ces régimes d’exclusion, bien au contraire. En effet, par cette résolution, il est expressément demandé aux États de

« devenir parties dès que possible aux conventions internationales de lutte contre le terrorisme et à leurs protocoles […] et de s’acquitter intégralement des obligations découlant des instruments auxquels ils sont parties ».411

Autrement dit, il ressort clairement des termes de la résolution que les Conventions sectorielles doivent être appliquées dans leur ensemble, y compris donc les régimes d’exclusion qui ne sont pas écartés. Il n’y a alors ici aucun conflit juridique : la résolution ne demande pas aux États d’adopter un comportement contradictoire avec les Conventions internationales mais, au contraire, d’en devenir pleinement partie, pour ceux qui ne le sont pas déjà, et de les appliquer intégralement. D’ailleurs, cette conclusion est conforme à la réaffirmation, toujours au sein de la résolution 2178, que les États devront adopter les mesures nécessaires pour la mettre en œuvre de sorte que celles-ci « soient conformes à toutes

les obligations que leur fait le droit international ».412

Enfin, « malgré les divergences d'opinions, un consensus général existe sur le fait

que » l’article 103 ne permet pas de reconnaître la supériorité d’une résolution sur « une norme de jus cogens. »413 En ce sens, la Cour internationale de justice a affirmé que l’article ne peut pas permettre de faire prévaloir une résolution sur « certaines conventions générales,

comme les conventions de caractère humanitaire ».414 De même, en 2019 la Commission du droit international a soutenu que

« les résolutions […] ne créent pas d’obligations de droit international si et dans la mesure où de telles obligations sont en conflit avec des normes impératives du droit international général (jus cogens) […]. [Ceci] découle de la supériorité hiérarchique des normes [de] jus cogens. Si les traités, le droit international coutumier et les actes unilatéraux ne peuvent

411 Résolution S/RES/2178, op. cit., préambule p. 4.

412 Ibid. p. 1, préambule.

413 HAYIM (D.), « L’article 103 de la Charte des Nations unies : Technique juridique ou instrument symbolique », op. cit., p. 135. ; DOMINICÉ (C.), « L’article 103 de la Charte des Nations Unies et le droit international humanitaire », L’ordre juridique international entre tradition et innovation, Graduate Institute Publications, Genève, 1997 [En Ligne, Consulté le 24.03.2020] ; sur l’article 103 de la Charte des Nations unies, voir notamment KOLB (R.), L'article 103 de la Charte des Nations Unies, Académie de droit international de La Haye, Vol. 23, Brill | Nijhoff, 2014, 360 p.

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créer de règles de droit international incompatibles avec les normes [de] jus cogens, les résolutions […] ne peuvent non plus créer de telles règles. […] La Commission a tenu à souligner que [ceci] s’appliquait également aux résolutions […] contraignant[e]s du Conseil de sécurité. »415

La Commission a également soutenu qu’un conflit de normes n’avait pas pour effet d’éteindre entièrement la résolution mais que celle-ci devait être interprétée de sorte que sa mise en œuvre respecte les normes de ius cogens.416 Or, dans le présent cas, si la résolution n’est pas directement contraire à une obligation issue du DIH, elle est contraire à une disposition de Conventions internationales qui prévoit la mise en œuvre du Ius in bello. Ainsi, le maintien des régimes d’exclusion du droit antiterroriste au profit du droit international humanitaire face à la résolution 2178 est conforme à l’état du droit international. D’ailleurs, cette solution est également conforme à l’intérêt et l’intention des États : ayant pris soin d’introduire des régimes d’exclusion pour ne pas risquer de voir leurs forces être visées par l’infamie du qualificatif terroriste lorsqu’elles réalisent des actes de violence à l’occasion d’un conflit armé,417 il est hautement improbable qu’ils aient adopté la résolution de sorte qu’elle anéantisse ces régimes. En ce sens, il faut par exemple remarquer que le Conseil de Sécurité avait jusqu’à présent assimilé l’importance et l’intérêt de ces régimes d’exclusion au sein des Conventions internationales sur le terrorisme.418

Finalement, les régimes d’exclusion ne doivent pas être compris comme contredisant la résolution 2178, mais comme outil pour interpréter son étendue et ses modalités de mise

415 Rapport de la Commission du droit international, Soixante et onzième session du 29 avril-7 juin et 8 juillet-9 août 201juillet-9, Assemblée générale, Nations unies, Soixante-quatorzième session, Documents officiels A/74/10, Supplément n°10, pp. 200-201 ; cette même conclusion avait été présentée par la Commission du droit international en 2018, voir Rapport de la Commission du droit international, Soixante-dixième session du 30 avril-1er juin et 2 juillet-10 août 2018, Assemblée générale, Nations unies, Soixante-treizième session, Documents officiels A/73/10, Supplément n°10, para. 131-133 et 158 :

« le Rapporteur spécial a donné raison aux membres qui estimaient utile de faire spécifiquement mention des résolutions du Conseil de sécurité dans le texte du projet de conclusion 17, car le débat sur les effets des normes de jus cogens sur les actes des organisations internationales se tenait souvent sur le terrain des décisions du Conseil de sécurité, eu égard aux pouvoirs uniques de celui-ci et à la teneur de l’Article 103 de la Charte des Nations Unies. »

416 Rapport de la Commission du droit international, Documents officiels A/74/10, op. cit., pp. 210-212 : « Lorsqu’il apparaît qu’il peut exister un conflit entre une norme impérative du droit international général (jus cogens) et une autre règle de droit international, cette dernière doit, autant que possible, être interprétée et appliquée en vue d’être compatible avec la première. »

417 KLEIN (P.), Le droit international à l’épreuve du terrorisme, op. cit., p. 239.

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en œuvre ; outil justement essentiel au regard des lacunes terminologiques relevées précédemment et qui empêchaient de saisir pleinement l’étendue du nouveau statut de « combattant terroriste étranger ». Ainsi, en vertu de ces régimes d’exclusion, le qualificatif

combattant par exemple ne permettrait pas de faire entrer dans le champ d’application

personnel du nouveau statut les membres d’une force armée partie à un conflit, lorsque les actes reprochés sont régis par le DIH. Ceci ayant alors inévitablement d’importantes conséquences directes sur le processus d’identification des « combattants étrangers » par la résolution 2178 du Conseil de Sécurité des Nations unies.

2. La résolution 2178 restreinte à l’identification des « combattants étrangers »

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