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Plan de la dissertation et méthode proposée

monétaire et bancaire

Chapitre 4 Plan de la dissertation et méthode proposée

Comme le laisse présager le titre de cette dissertation, nous allons la structurer en deux grandes parties. Dans une première partie, nous allons analyser les causes de l’arbitrage des réglementations et, dans une seconde partie, nous allons étudier ses conséquences. Chaque grande partie sera divisée en plusieurs chapitres.

Dans la première partie, nous analyserons les facteurs qui permettent d’expliquer le phénomène d’arbitrage des réglementations à travers cinq chapitres.

Le premier chapitre consistera à clarifier les définitions et définir les contours du sujet. Nous tenterons d’encadrer ce concept d’arbitrage réglementaire de manière plus rigoureuse en analysant (1) ce qu’est un arbitrage, (2) ce qu’est une réglementation, (3) les différents types d’arbitrage réglementaire et (4) les différents types de réactions aux réglementations et la manière dont l’arbitrage réglementaire se différencie des autres types.

Dans un second chapitre, nous proposerons une première analyse des causes de l’arbitrage réglementaire en se focalisant sur le rôle de l’arbitragiste et en analysant les coûts et les revenus de son activité. En d’autres termes, nous nous concentrerons sur ses moteurs et ses freins. Cette analyse fera ressortir des éléments de causalité exogène tels que les innovations financières. Nous terminerons ce chapitre par une analyse de l’usage des instruments dérivés pour des motifs d’arbitrage réglementaire. Si l’arbitrage réglementaire est facilité par l’expansion des instruments dérivés et par leur capacité à reconstituer (dans le jargon financier, à « répliquer ») les flux économiques d’un actif, nous nous questionnerons sur les facteurs explicatifs de la croissance de ce marché.

Dans un troisième chapitre, nous nous intéresserons davantage aux producteurs des réglementations plutôt qu’à l’arbitragiste lui-même. En effet, un arbitrage réglementaire est possible s’il existe des failles au sein des réglementations. Ces failles ou « loopholes » sont créés par les régulateurs. Ils peuvent être produits de manière non-intentionnelle car les régulateurs agissent dans un monde incertain. Cette incertitude les empêche de prévoir de manière certaine les actions des autres individus et de leur assigner des traitements réglementaires homogènes et cohérents. Mais cette approche, bien que justifiée dans certains cas, ne peut être généralisable. Les producteurs de réglementations créent également les conditions qui permettront aux agents économiques d’arbitrer ces réglementations. Comprendre les causes de l’arbitrage réglementaire implique d’analyser les mécanismes qui

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mènent les régulateurs à créer les conditions de l’arbitrage réglementaire. Deux explications seront alors proposées à ce stade :

(1) Les régulateurs créent des discontinuités dans le droit, ce qui fait émerger des « loopholes » propices à l’émergence d’arbitrages. Cette discontinuité est nécessaire pour la mise en place de stratégies de recherche de rente par des entrepreneurs politiques. Cette analyse rejoint celle du Public Choice (notamment de Gordon Tullock) et celle de l’économie industrielle des réglementations (notamment de Joseph Stigler).

(2) Les régulateurs créent des discontinuités dans le droit pour se différencier d’autres régulateurs concurrents et attirer des capitaux dans leur juridiction. En effet, le régulateur n’est pas une entité homogène. Il existe une multitude d’agences réglementaires qui sont en concurrence les unes avec les autres. Cette concurrence implique un effort de différenciation et de spécialisation des juridictions, ce qui crée les conditions de l’arbitrage réglementaire. Cette analyse rejoint notamment celle de Tiebout. Ainsi, la réponse des régulateurs est souvent de s’associer et de reconstituer un monopole réglementaire en menant des politiques d’harmonisation.

Le quatrième chapitre constituera une tentative de synthèse micro-économique des deux approches précédentes en articulant les interactions entre, d’une part, les arbitragistes qui tentent de réduire les coûts réglementaires et, d’autre part, les entrepreneurs politiques qui tentent de générer une redistribution des ressources. Nous procéderons ici à une formalisation mathématique et graphique pour décrire un équilibre statique créé par les actions des entrepreneurs politiques et ce que nous appellerons des producteurs-arbitragistes. La description de cet équilibre nous permettra de procéder à une analyse de statique comparative en étudiant la manière dont l’équilibre est perturbé par des modifications exogènes de certains paramètres. Cette modélisation a un objectif pédagogique de clarification plus qu’un objectif de démonstration. La plupart des conclusions que nous tirerons de cette formalisation seront des conséquences logiques des lois économiques fondamentales et notamment celle de la maximisation du profit ou encore de la loi de l’utilité marginale décroissante. Cette analyse est néanmoins incomplète car elle omet de discuter du cadre institutionnel qui favorise ou non l’émergence du phénomène d’arbitrage réglementaire.

Par conséquent, dans le cinquième chapitre, nous discuterons du lien entre les modes de production des règles et l’arbitrage réglementaire. La question posée sera la suivante :

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existe-t-il des « ordres juridiques » ou encore des modes de production de règles qui se prédisposent plus ou moins au phénomène d’arbitrage réglementaire ? Cette question a été esquissée par Partnoy (1997) mais de manière trop superficielle. Celui-ci se focalise sur la différence entre ce qu’il appelle les réglementations « top-down » (les lois et règlements) et les réglementations « bottom-up » (le common law anglais par exemple).

Nous discuterons des limites de cette approche et proposerons une alternative en montrant que les règles peuvent tout aussi bien émerger de manière privée et consentie notamment par l’intermédiaire des contrats. Il conviendra ainsi de différencier de par sa nature et de par ses effets, les réglementations ou l’interventionnisme d’une part et les règles contractuelles et le marché d’autre part. Cette distinction est à rapprocher d’une autre qui n’est malheureusement pas toujours faite dans la littérature entre réglementations, et régulation comme le regrette Salin (2009, p.4). Le marché et les règles contractuelles permettent de réguler l’activité économique sans avoir recours aux règles coercitives que sont les réglementations. Autrement dit, ils impliquent un consentement préalable des parties au contraire des réglementations. Les théoriciens des coûts de transaction et les économistes des institutions comme Williamson (1973 ; 1996) se concentrent sur les frontières entre marchés et arrangements contractuels qui sont déterminées par les coûts de transaction (provoqués le plus souvent par une rationalité limitée et des comportements opportunistes). Le critère de minimisation de ces coûts entraine l’émergence de modes de coopération pouvant aller d’une relation hiérarchique (impliquant un certain nombre de règles) à une relation de marché en passant par des modes hybrides alternatifs. Notre sujet ici n’est pas de discuter de cette dichotomie, mais de différencier réglementations (qui appartiennent aux règles de type coercitives) et règles consenties et de montrer en quoi les unes se substituent aux autres.39

Cela nous mènera vers l’analyse de Rothbard par laquelle le droit devrait être la déduction logique de l’axiome de propriété de soi et de non prédation de la propriété d’autrui. Par conséquent, les individus peuvent librement contracter et ainsi s’imposer des règles dès lors qu’elles ne violent pas le principe du droit de propriété. Nous ne rentrerons pas dans un débat métaphysique sur la pertinence de ce principe, mais nous tenterons de montrer que les règles qui sont produites et validées par un mécanisme de consentement ont des caractéristiques qui les rendent plus difficilement arbitrables. L’aléa moral inhérent au

39 Certains économistes comme Demsetz (1964) et Coase (1960) semblent mettre sur un même pied d’égalité les arrangements contractuels, le marché et l’action du gouvernement, le mode de résolution étant arbitré par la minimisation des coûts de transaction. Cette approche est toutefois critiquable notamment pour les raisons que nous évoquerons dans le Chapitre 1 de la partie II.

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phénomène d’arbitrage réglementaire serait alors transféré vers un aléa moral entre les parties en contrats. Ce transfert n’est pas neutre car il implique un processus de découverte entrepreneuriale et concurrentielle des règles les plus appropriées. Enfin, pour conclure cette section, nous discuterons des interactions entre, d’une part, les règles contractuelles et, d’autre part, les réglementations en montrant que ces dernières ne font pas que se substituer aux premières mais font également émerger de nouveaux phénomènes notamment les phénomènes d’arbitrage des réglementations.

La seconde grande partie de cette dissertation sera consacrée aux conséquences de l’arbitrage réglementaire. Nous structurerons cette partie en trois principaux chapitres.

Les deux premiers chapitres porteront sur les conséquences purement économiques que nous pourrions qualifier de court-terme. Nous devrons alors distinguer (1) les réglementations qui ont pour objet de corriger ce qui est perçu comme une défaillance de marché et (2) les réglementations qui ont pour objet de corriger les effets d’autres réglementations (nous considérons que cela est le cas pour les accords de Bâle). Concernant le premier type de réglementation, nous nous inspirerons des travaux de Partnoy (1997) qui s’inspirent eux-mêmes des travaux de Coase tout en les enrichissants par la prise en compte les effets de l’arbitrage réglementaire. Nous enrichirons à notre tour ces analyses grâce aux contributions de Rothbard (1970) et Salin (2007) concernant notamment le phénomène d’incidence fiscale. Nous montrerons que les lois de l’incidence fiscale ne permettent pas toujours une redistribution de richesse vers la cible politique initiale. En incorporant les mécanismes d’arbitrage réglementaire, nous verrons que la redistribution de richesse s’oriente aussi vers les facteurs de production des stratégies d’arbitrage (avocats, fiscalistes, ingénieurs financiers et juridiques) et les consommateurs et non vers la cible politique initiale censée bénéficier de la redistribution. De plus, en rendant les réglementations inefficaces, l’arbitrage des réglementations favorise le développement de règles privées et contractuelles ce qui n’est pas neutre concernant la qualité des règles.

Dans un second chapitre, nous analyserons les conséquences de l’arbitrage des réglementations dont l’objet est de corriger les effets perturbateurs d’autres réglementations. Nous discuterons notamment des conséquences de l’arbitrage des réglementations prudentielles bancaires que sont les accords de Bâle à travers l’usage de la titrisation. La question qui sera posée est de déterminer si l’arbitrage prudentiel à travers les techniques de titrisation a été ou non un facteur aggravant de la crise bancaire et économique de 2008. Nous

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évaluerons notamment en quoi le cycle, dans une perspective théorique autrichienne a pu être altérée ou amplifiée par le mécanisme de titrisation. Nous proposerons une légère digression en montrant que la titrisation n’est pas en soi un facteur d’instabilité pour le système bancaire lorsque celle-ci est utilisée pour améliorer et compléter l’offre de produits d’investissement et incite les agents à davantage épargner. En revanche, les accords de Bâle nous semblent être de nature à corriger en partie une autre réglementation perturbatrice qu’est le système de réserve fractionnaire dans lequel la banque centrale détient le monopole du contrôle de l’émission de monnaie. Ce système de réserve fractionnaire non-concurrentiel nous parait être une source d’instabilité et d’accentuation des cycles économiques dans un cadre autrichien. L’arbitrage des réglementations prudentielles serait alors source d’instabilité.

Dans le troisième chapitre, nous aborderons la question des conséquences indirectes de l’arbitrage réglementaire sur le comportement des régulateurs et sur les institutions en général. Nous avons en effet supposé implicitement dans les deux premiers chapitres de cette partie que l’arbitrage réglementaire ne générait pas de réponse de la part du régulateur. Nous allons à présent relâcher cette hypothèse et analyser la dynamique entre régulateurs et agents économiques. Deux questions seront alors posées : D’une part, comment interagit l’arbitrage réglementaire avec le phénomène interventionniste dans une perspective théorique autrichienne développée notamment par Mises (1929) et reprise par Ikeda (1999) ? Nous confronterons cette théorie avec celle plus récente de la dialectique réglementaire de Kane. D’autre part, comment l’arbitrage réglementaire impacte-t-il les institutions ? Génère-t-il davantage d’interventionnisme et une harmonisation croissante des réglementations ou favorise-t-il une concurrence croissante entre Etats menant à une libéralisation économique plus forte ? Cette dynamique est-elle homogène quel que soit le niveau initial d’interventionnisme du pays ? Enfin, nous intégrerons dans l’analyse une dynamique de plus court-terme (qui ne nous semble pas contradictoire avec la théorie autrichienne de l’interventionnisme) avec la théorie du cycle réglementaire.

Cette dissertation reposera essentiellement sur une analyse logique et déductive. Nous utiliserons dans le chapitre 4 de la première partie une formalisation mathématique et graphique plutôt à des fins pédagogiques qu’à des fins de démonstration. L’essentiel des conclusions sont des déductions logiques de lois économiques fondamentales que peuvent être la loi de l’utilité marginale décroissante ou le critère de maximisation du profit. Ces analyses seront néanmoins illustrées par certaines études empiriques qualitatives et des descriptions de mécanismes qui seront fournies en Annexe. Le thème de l’arbitrage

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réglementaire se prête assez peu à des tests quantitatifs car la collecte de données est difficiles, les agents cherchant à cacher ces types d’actions qui peuvent parfois être requalifiées en fraude. Néanmoins, nous tenterons, quand cela est pertinent, de procéder à certaines observations empiriques en support de nos propositions.

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PARTIE I : LES CAUSES DE L’ARBITRAGE

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