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Place actuelle des systèmes nanoparticulaires dans la vaccination par voie respiratoire

3. Voie respiratoire, une voie prometteuse pour l’administration de vaccins

3.3. Vaccination par voie respiratoire

3.3.2. Place actuelle des systèmes nanoparticulaires dans la vaccination par voie respiratoire

orthotopiques de cancers (tête et cou, et poumon) chez la souris. Le vaccin antitumoral consistait en un peptide dérivé de l’oncoprotéine E7 du virus HPV couplé à la sous-unité B de la toxine Shiga, comme agent de ciblage des CD. Un adjuvant était ajouté à ce conjugué lors de la première vaccination. Les souris étaient vaccinées par voie respiratoire ou par injection intramusculaire (i.m.). Ces travaux ont montré que la croissance des tumeurs était inhibée lorsque les souris étaient immunisées par voie respiratoire, mais pas lorsqu’elles étaient vaccinées par voie i.m.. Cette activité antitumorale était dépendante d’un recrutement de cellules TCD8+ spécifiques dans les ganglions lymphatiques drainant la tumeur, recrutement absent chez les souris immunisées par voie i.m.. Elle était observée aussi bien dans un protocole prophylactique que dans un protocole thérapeutique. Ces résultats suggèrent que la voie d’immunisation influence directement la capacité d’un vaccin antitumoral à induire une réponse immunitaire cellulaire mucosale et à contrôler la croissance de tumeurs muqueuses (Sandoval et al., 2013).

 

Ainsi, la vaccination par voie respiratoire se présente comme une stratégie intéressante dans l’induction d’une réponse mucosale et systémique humorale ou cellulaire de longue durée, et l’obtention d’une protection antivirale, antibactérienne ou antitumorale.

 

3.3.2. Place actuelle des systèmes nanoparticulaires dans la vaccination par voie respiratoire

Divers types de nanoparticules, dont des liposomes, font l’objet d’études pour la vaccination par voie respiratoire, dans des applications variées telles que la vaccination

antivirale, la vaccination antibactérienne ou la vaccination antitumorale (Csaba et al., 2009; Davis, 2001; Kunda et al., 2013; Sou et al., 2011). Nous illustrerons ici ces systèmes, leurs applications et leur intérêt par quelques exemples choisis. Puis, dans un second temps (§ 3.3.3), nous verrons comment ces systèmes particulaires peuvent être optimisés pour tenir compte des contraintes liées à l’anatomie, la physiologie et les propriétés du tractus respiratoire et de sa muqueuse.

 

3.3.2.1. Vaccination antivirale

La capacité d’un vaccin à induire une réponse mémoire T cytotoxique dans le poumon est une propriété indispensable pour traiter les infections respiratoires par les pathogènes, et notamment les virus. Afin d’obtenir cette réponse, Nembrini et collaborateurs (2011) ont conjugué un antigène modèle, l’OVA, sur des nanoparticules de polypropylène et administré ces particules en présence d’un oligonucléotide riche en séquences CpG (en guise d’adjuvant) dans le voies respiratoires de souris, en comparaison à l’antigène libre. Une réponse LTC effectrice locale et systémique (rate) a été obtenue après vaccination des animaux. Dans le poumon, cette réponse était 10 fois plus importante avec le vaccin nanoparticulaire comparé au vaccin non-vectorisé, permettant l’obtention d’une réponse mémoire et la protection contre une infection par un virus de la grippe recombinant exprimant un épitope TCD8+ de l’OVA. Ces travaux ont également montré que l’utilisation des nanoparticules favorisait la capture de l’antigène par les CD et la migration de ces CPA vers les ganglions lymphatiques locaux (Nembrini et al., 2011).

Une étude clinique de phase II chez des adultes sains a évalué la réponse mucosale (production d’IgA neutralisants) induite par l’administration nasale d’un vaccin contre le virus de la grippe à base de virosomes, contenant ou non un adjuvant (toxine d’Escherichia

Coli), et comparé cette réponse à celle induite par l’administration i.m. du même vaccin.

Cette étude a montré que la vaccination nasale permet d’induire une réponse mucosale plus importante que la vaccination i.m. (Durrer et al., 2003). Ces données suggèrent que la voie d’immunisation influence directement la capacité d’un vaccin à induire une protection au niveau des muqueuses. Une autre étude clinique a montré que l’administration nasale de

virosomes vectorisant un peptide lipidé dérivé de la protéine de surface gp-41 du VIH

permettait d’obtenir une production d’IgG et d’IgA spécifiques au niveau des muqueuses vaginales et rectales. De plus, les Ig induites au niveau vaginal étaient capables de bloquer la

transcytose du VIH dans des essais in vitro, suggérant que la vaccination nasale pourrait permettre de protéger d’une infection transmise sexuellement (Leroux-Roels et al., 2013).

 

3.3.2.2. Vaccination antibactérienne  

Une réponse T cytotoxique locale est également recherchée dans le cas d’une vaccination antibactérienne visant à protéger d’une infection respiratoire. Sur le principe de l’étude de Nembrini et collaborateurs (2011) décrite ci-dessus, Ballester et collaborateurs (2011) ont conjugué l’antigène Ag85B dérivé de Mycobacterium tuberculosis sur des

nanoparticules de polypropylène, et étudié la capacité de ce vaccin à induire une réponse

immunitaire locale et systémique chez des souris, en comparaison à l’antigène libre. L’administration respiratoire du vaccin nanoparticulaire en présence d’un ADN riche en séquences CpG a permis l’obtention d’une réponse immunitaire cellulaire de type Th1, dans la rate, le poumon et les ganglions drainants. Cette réponse était plus importante que celle induite par l’antigène seul, mais également que celle provoquée par l’administration intradermique du vaccin. L’administration respiratoire du vaccin nanoparticulaire a également permis d’obtenir la meilleure protection contre une infection bactérienne (Ballester et al., 2011).

 

3.3.2.3. Vaccination antitumorale

A ce jour, peu d’études se sont intéressées à la vaccination antitumorale par voie respiratoire à l’aide de nanoparticules. Matsuo et collaborateurs (2011) ont évalué la capacité de nanoparticules amphiphiles d'acide γ-polyglutamique administrées par voie respiratoire, à induire une réponse antitumorale dans des modèles murins de tumeurs (tumeurs solides et métastases pulmonaires) surexprimant un antigène modèle. L’antigène, i.e. l’OVA, était encapsulé dans les nanoparticules. Des animaux ont été immunisés avec de l’OVA seule pour évaluer l’apport des nanoparticules. Bien que les taux sériques d’IgG spécifiques étaient équivalents chez les animaux immunisés avec le vaccin nanoparticulaire et ceux immunisés avec l’antigène soluble, la vaccination respiratoire avec le vaccin nanoparticulaire a permis d’obtenir des LTC et des cellules sécrétrices d’IFN-γ spécifiques de l’OVA dans la rate et les ganglions lymphatiques, et une immunité spécifique à long-terme. Dans un protocole prophylactique, l’administration respiratoire du vaccin à base de nanoparticules a induit une régression ou un rejet total des tumeurs solides surexprimant l’OVA et une augmentation du temps de survie des souris. Dans un protocole thérapeutique,

le vaccin nanoparticulaire a contribué à une diminution significative (de 5 fois environ) des métastases pulmonaires par rapport au vaccin composé de l’antigène seul (figure 38). Par ailleurs, après administration respiratoire, les nanoparticules étaient rapidement prises en charge par les NALT pour être acheminées vers les ganglions cervicaux (Matsuo et al., 2011).

 

   

Une autre étude a montré qu’il était possible d’obtenir une immunité antitumorale après vaccination respiratoire prophylactique ou thérapeutique à l’aide d’un vaccin

nanoparticulaire véhiculant un ARNm chez la souris. L’ARNm codait pour un antigène

modèle, l’OVA. Il était formulé à l’état de nanoparticule à l’aide d’un agent de transfection. Le modèle de tumeur était un modèle de tumeurs solides surexprimant l’OVA. Le vaccin nanoparticulaire a induit une réponse antitumorale exprimée par une diminution de la progression tumorale et une augmentation de la survie des animaux par rapport aux souris ayant reçu l’ARN non vectorisé. La réponse antitumorale a été observée aussi bien en vaccination prophylactique qu’en thérapeutique, et elle a été associée à une augmentation des cellules TCD8+ spléniques (Phua et al., 2014).

L’exploitation des liposomes pour l’obtention d’une réponse immunitaire antitumorale

après vaccination respiratoire reste très limitée. En effet, seule l’équipe de Zhou et collaborateurs (2009) a utilisé des liposomes pour la prévention de métastases pulmonaires chez la souris (lignées tumorales : colon26/Luc et B16F10 implantées à des souris C57BL/6). Il s’agissait de liposomes cationiques complexant un oligonucléotide CpG, et donc d’immunothérapie non spécifique plutôt que de vaccination. Après administration par instillation nasale, les lipoplexes se sont distribués dans le nez et les poumons des animaux, et ont induit une production d’IFN-γ dans les poumons (Zhou et al., 2010). Le développement des tumeurs était inhibé et la survie des souris était augmentée.

Ainsi, ces quelques études montrent un apport certain des nanoparticules en vaccination par voie respiratoire pour le traitement et la prévention de maladies infectieuses et cancéreuses. Le tableau 3 regroupe d’autres exemples d’applications des nanoparticules en vaccination par voie respiratoire.

a) b)

Figure 38 : Réponse antitumorale curative de nanoparticules d’acide γ-polyglutamique contenant de l’OVA après administration respiratoire. a) vaccin nanoparticulaire. b) OVA en solution (Matsuo et al., 2011).

Tableau 3 : Exemples d’applications des nanoparticules en vaccination par voie respiratoire chez des animaux.  

Cible (antigène)

Voie

d’administration Réponses observées Référence

Nanosphères de PLA/PLGA Hépatite B (protéine de surface de l’hépatite B) Respiratoire

Induction d’une réponse mucosale humorale avec production d’IgA au niveau local (poumon) et à distance (salive, vagin)

Induction d’une réponse systémique au niveau de la rate avec production d’IFN-γ et d’IL-2

(Thomas et al., 2011)

Nanocapsules lipidiques

Tumeur exprimant OVA (peptide OVA) ou Virus de l’immunodéficience simienne (peptide AL11) Intratrachéale

Activation des CD dans les poumons et les ganglions médiastinaux

Induction d’une réponse de type LTC mucosale locale et distale plus forte pour l’antigène vectorisé et administré par voie pulmonaire (par rapport au s.c.) Efficacité antitumorale totale en thérapeutique Induction d’une réponse antivirale en prophylactique

(Li et al., 2013)

ISCOMTM

Virus Influenza (hémagglutinine)

Pulmonaire Induction d’une forte réponse systémique (IgG) et locale (IgA) à 3 et 6 mois post-vaccination Instauration d’une réponse mémoire présente un an après la vaccination

(Vujanic et al., 2012a)

Haemophilus influenzae non typable (ADN plasmique codant

pour la protéine 6)

Respiratoire

Augmentation des CD dans les NALT

Augmentation de l’expression du CMH-I et des molécules de costimulation par les CD

Forte production d’IgA locales et d’IgG systémiques Forte production des cytokines de type Th1, Th2 et Th17 par les cellules TCD4+ des NALT (in vitro) Induction d’une réponse mémoire

(Kodama et al., 2011) Nanoémulsion Hépatite B (protéine de surface de l’hépatite B) Nasale

Réponse systémique (majoritairement IgG2) et mucosale (IgA)

Réponse pro-Th1, comparée à une réponse pro-Th2 observée après vaccination par injection i.m. avec l’antigène non vectorisé

     (Makidon et al., 2008) Virosomes Virus respiratoire syncytial (protéine de l’enveloppe) Respiratoire

Production d’IgG sériques spécifiques

Forte production d’IgG et IgA au niveau local, comparable à la vaccination par le virus vivant

(Shafique et al., 2013) Liposomes HIV (glycoprotéine de l’enveloppe 160) Respiratoire

Induction d’une réponse cytotoxique et humorale spécifique de l’antigène avec production de cytokines de type Th1 et Th2 dans les muqueuses et la rate Production d’IgA dans les sécrétions nasales, salivaires, fécales et vaginales

Production d’IgG sériques

(Sakaue et al., 2003)

Tétanos (toxine tétanique)

Nasale

Réponse immunitaire mucosale plus importante comparée à l’antigène en solution

Forte production d’IgA contre la toxine tétanique au niveau nasal

(Tafaghodi et al., 2006)

Virus de l’influenza

(hémagglutinine) Respiratoire

Forte production d’IgA au niveau de la muqueuse respiratoire et vaginale

Production d’IgG sériques avec vaccination respiratoire par les liposomes comparable à la vaccination par voie i.m. avec l’antigène seul

(De Haan et al., 1995)

Pseudomonas aeruginosa (Peptide dérivé de la de

la piline)

Respiratoire Forte production d’IgA au niveau local comparée à la vaccination i.p. Production IgG sériques plus faible par rapport à l’immunisation i.p.

(Heurtault et al., 2009)

3.3.3. Stratégies d’optimisation des systèmes nanoparticulaires en vaccination