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3. Voie respiratoire, une voie prometteuse pour l’administration de vaccins

3.2. Caractéristiques anatomiques, fonctionnelles et immunologiques de la muqueuse

3.2.2. Caractéristiques immunologiques

3.2.2. Caractéristiques immunologiques

Les muqueuses sont des sites majeurs d’entrée des pathogènes dans l’organisme. Aussi, ces surfaces sont équipées de cellules ou de tissus immunitaires, qui les protègent des infections. Dans le tractus respiratoire, ces cellules ou tissus sont principalement les CD, les macrophages alvéolaires et les tissus lymphoïdes associés aux muqueuses (en anglais, mucosal-associated lymphoid tissue ou MALT). Semblables aux ganglions lymphatiques, les MALT sont considérés comme les principaux sites inductifs d’une réponse immunitaire mucosale suite à une infection ou à un vaccin.

3.2.2.1. Cellules dendritiques

Des CD sont retrouvées tout le long du tractus respiratoire, du nez jusqu’aux alvéoles, en contact intime avec l'épithélium ou dans la sous-muqueuse. Toutefois, leur densité diminuent lorsque l’on descend dans le tractus respiratoire, si bien qu’elles seraient plus abondantes dans la cavité nasale et la trachée que dans les autres régions   (Hammad and

Lambrecht, 2011). Initialement, une seule population de CD pulmonaires était connue. Aujourd’hui, on pense qu’il existe, en conditions normales, au moins 5 sous-types de CD, se différenciant par leur localisation anatomique (intra-épithéliale ou dans la sous-muqueuse ; voies de conduction ou alvéoles) et leur fonction. En conditions inflammatoires, de nouveaux sous-types de CD seraient recrutés. De plus en plus de travaux suggèrent également que la fonction de ces CD serait fortement influencée par l’environnement tissulaire, et notamment les cytokines et chimiokines produites par les cellules épithéliales.

3.2.2.2. Macrophages

Des macrophages résidents sont présents au niveau alvéolaire. Ils constituent la principale des quatre sous-populations de macrophages respiratoires avec les macrophages pleuraux, interstitiels et intravasculaires. Ils se concentrent dans la mince couche de liquide alvéolaire, à l’interface tissus/air. Ils expriment de fortes densités de récepteur Fc (partie constante des Ig), récepteur du complément, récepteur du mannose et récepteur scavenger (éboueur), pour faciliter la phagocytose de particules opsonisées et non-opsonisées. Ils peuvent produire des cytokines pro-inflammatoires et des chimiokines (TNF-α, IL-6, IL-12, MCP-1, IL-8, IFN-γ, …), mais également du TGF-β ou des prostaglandines capables d’inhiber l’activation des cellules T. Ainsi, ces cellules jouent un rôle pro- ou anti-inflammatoire en fonction de leur phénotype sécrétoire. Comme c’est le cas pour les CD, l’activité des macrophages alvéolaires est sous l’influence des médiateurs sécrétés par les cellules épithéliales (Gordon and Read, 2002; Hussell and Bell, 2014; Ye et al., 2006).

3.2.2.3. Tissus lymphoïdes

Des tissus lymphoïdes sont présents dans la cavité nasale et les voies aériennes au niveau bronchique. Ces tissus sont désignés par les acronymes NALT (en anglais, Nasopharynx-Associated Lymphoid Tissue) et BALT (en anglais, Bronchus-Associated Lymphoid Tissue), respectivement.

Chez l’Homme, les NALT sont localisés au niveau de l’anneau de Waldeyer, constitué par les amygdales palatines, pharyngées, tubaires et linguales (Brandtzaeg, 2003). Ces tissus ont été également décrits chez les rongeurs, et en particulier chez la souris. Chez ces dernières, les NALT forment des structures triangulaires symétriques à l’entrée du conduit pharyngal au dessus du palais (figure 35) (Asanuma et al., 1997; Spit et al., 1989), et sont

considérés comme analogue à l'anneau de Waldeyer chez l’Homme (Kiyono and Fukuyama, 2004).

 

Figure 35 : Localisation des NALT chez la souris. a) Représentation schématique montrant les NALT par rapport à la bouche et les molaires. b) Coupe frontale de la cavité nasale montrant la forme triangulaire des NALT. Les NALT sont situés de part et d'autre des voies aériennes nasales, qui sont complètement séparées par la cloison nasale dans la partie postérieure du nez (barre 100 µm) (Nacer et al., 2014). NC : cavité nasale, NS : septum nasal.

 

Quant aux BALT, on les trouve dans les zones péribronchiques, périvasculaires et interstitielles des poumons chez de nombreuses espèces de mammifères, y compris le lapin et le rat. Cependant, dans des conditions non pathologiques, ils sont absents chez l’Homme et la souris. Leur formation est seulement déclenchée en réponse à une infection ou une inflammation (figure 36) (Chiavolini et al., 2010; Tschernig and Pabst, 2000).

Figure 36 : Les BALT chez la souris. a) Coupe de poumon d’une souris saine. b) Coupe de poumon d’une souris exposée au LPS (Chiavolini et al., 2010; Tschernig and Pabst, 2000).

 

La structure et le mode de fonctionnement des NALT et BALT ressemblent à ceux

des autres MALT, dont les plaques de Peyer au niveau digestif (figure 37) (Cesta, 2006). Les MALT sont fonctionnellement divisés en sites inducteurs et sites effecteurs. Chez la souris les NALT et les BALT sont des sites inducteurs. Ces sites inducteurs sont formés de follicules de cellules B et de cellules T, associés à un réseau de CPA, dont des macrophages, des cellules B et des CD. Cette structure est recouverte d’un épithélium contenant des cellules M (Microfold). Les cellules M sont pourvues de microvillosités courtes et irrégulières qui leur permettent de capturer l’antigène. L’antigène sera ensuite acheminé jusqu’aux CPA par transcytose (Kiyono and Fukuyama, 2004). Ainsi, ces sites inducteurs possèdent toutes les cellules nécessaires à l’induction d’une réponse immunitaire locale, humorale ou cellulaire. Pour cela, les CPA migrent vers les follicules de cellules T, pour y présenter l’antigène. Dans

NALT! NALT!

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BALT!

les sites inducteurs, les LB subissent, sous le contrôle des lymphocytes activés, une expansion clonale et une commutation isotypique vers les IgA (Lycke, 2012). En effet, une des principales fonctions des MALT est de produire et de sécréter des IgA, une Ig essentielle dans la défense des muqueuses. Des réactions cytotoxiques médiées par les lymphocytes T peuvent également survenir. A noter que dans les régions où les structures lymphoïdes et les cellules M sont absentes, des CD intra- ou sous-épithéliales peuvent capturer les antigènes grâce à leurs pseudopodes qui traversent l’épithélium. Ces CD migreront dans ce cas vers les ganglions lymphatiques locaux pour présenter l’antigène aux lymphocytes.

 

Figure 37 : Structure et mode de fonctionnement des MALT (modifiée à partir de Brandtzaeg et al., 2008). FDC (en anglais, Follicular dendritic cells), HEV (en anglais, High endothelial venules), mSC (en anglais, Membrane secretory component), pIgR (en anglais, Polymeric Ig receptor), SIg (Immunoglobulines sécrétoires).

Après activation dans les sites inducteurs des MALT, les LB devenus plasmocytes et

les LT rejoignent le(s) site(s) effecteur(s) (figure 37). Ces sites effecteurs sont présents dans toutes les muqueuses. Cette migration du site inducteur, où se fait la rencontre avec l’antigène, vers le(s) site(s) effecteur(s) où le pathogène va être neutralisé grâce aux IgA

produites par les plasmocytes, est appelée homing. Au niveau du site effecteur, les plasmocytes vont produire une grande quantité d’IgA grâce aux cytokines (telles que l'IL-5 et l'IL-6) produites par les lymphocytes TCD4+. Les IgA vont être transportées, sous la forme d’IgA sécrétoires, à travers l’épithélium vers la lumière de la muqueuse, où elles neutraliseront le pathogène avant qu’il ne pénètre dans la muqueuse (Brandtzaeg, 2009; Brandtzaeg et al., 2008; Kiyono and Fukuyama, 2004). Ainsi, bien que les différents MALT présents dans l’organisme soient anatomiquement séparés, ils sont fonctionnellement connectés, faisant que la présentation de l’antigène et l’activation des cellules B dans un site inducteur peuvent se traduire par la sécrétion d’IgA dans les sites effecteurs d’un organe situé à distance du site inducteur. Ce fonctionnement des MALT en réseau, appelé « système immunitaire mucosal commun » (en anglais, Common mucosal immune system) fait qu’il est possible de vacciner à distance de la muqueuse à protéger.

En raison de sa structure anatomophysiologique et surtout immunologique, la voie respiratoire se présente donc comme une voie d’administration intéressante pour la vaccination.