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3. Voie respiratoire, une voie prometteuse pour l’administration de vaccins

3.3. Vaccination par voie respiratoire

3.3.3. Stratégies d’optimisation des systèmes nanoparticulaires en vaccination respiratoire

3.3.3.2. Ciblage des cellules M ou des CPA

Un autre moyen d’optimiser la réponse du vaccin est de cibler les cellules M et/ou les CPA, qui sont impliquées dans la capture des particules et/ou la reconnaissance et l’apprêtement des antigènes vaccinaux.

Un des moyens utilisés pour cibler les cellules M est le ciblage de la protéine

claudine-4. En effet, cette protéine normalement présente au niveau des jonctions serrées, est

aussi exprimée par les cellules M et a été proposée agir, dans ces cellules, comme un récepteur d’endocytose qui pourrait favoriser la capture des antigènes particulaires (Lo et al., 2012).

 

La claudine-4 fonctionne comme un récepteur pour l’entérotoxine de Clostridium

perfringens (CPE) responsable d’intoxications alimentaires chez l’homme (Kimura et al.,

2010). Des études visant à élucider les mécanismes moléculaires de cette interaction ont montré que la CPE se lie sur la seconde boucle extracellulaire de la claudine-4, et que la claudine-4 interagit avec la partie C-terminaux de la CPE (figure 39). Ainsi, dans la littérature, des peptides issus du fragment C-terminale de la CPE (C-CPE) sont étudiés pour cibler la claudine-4.

 

Figure 39 : Structure schématique de la claudine-4 avec son domaine de liaison à la CPE (d’après http://www.bioscience.org).

   

Le peptide CPE30, correspondant aux 30 aa C-terminaux de la CPE a récemment été utilisé avec succès pour cibler les cellules M lors d’une vaccination par voie nasale à l’aide de nanoparticules de PLGA. Dans ce travail, l’hémaglutinine recombinante du virus de la grippe a été couplée, ou non, au peptide CPE30 et incorporée dans des nanoparticules de PLGA. Ces particules ont été ensuite administrées à des souris afin d’étudier leur endocytose par les cellules M des NALT. Les résultats ont montré qu’en présence du CPE30, l’endocytose des particules vaccinales par les cellules M est grandement améliorée (de 30 fois environ) (Rajapaksa et al., 2010). Par ailleurs, des travaux ont montré que, quand ce peptide était couplé à l’OVA, il permettait d’induire la production d’IgA spécifiques au niveau nasal, vaginal et fécal chez la souris après vaccination respiratoire, contrairement au mélange physique OVA + peptide. Une réponse antitumorale était également obtenue chez des souris injectées avec des cellules tumorales surexprimant l’OVA, suite à une vaccination nasale avec la protéine de fusion OVA-CPE30 (Kakutani et al., 2010). D’autres travaux ont utilisé, avec succès, différents peptides issus de la partie C-terminale de la CPE, dont des peptides portant des mutations ponctuelles et présentant une affinité augmentée pour la claudine-4, dans la conception de vaccins destinés à la voie muqueuse (Suzuki et al., 2012; Takahashi et al., 2011; Uchida et al., 2010). D’après les travaux de Ling (2008), la structure minimale, permettant une reconnaissance et une interaction avec la claudine-4 serait une séquence de 12 aa de la partie C-terminale du CPE, appelée peptide MT2 (Ling et al., 2008). Ainsi, durant ce projet qui vise à formuler un vaccin minimaliste, nous avons utilisé cette séquence minimale pour cibler les cellules M.

Il est également possible de cibler les CPA, et en particulier les CD et les macrophages. Pour cela, il est envisageable d’utiliser des ligands des PRR comme les carbohydrates ou les lipopeptides. Jiang et collaborateurs (2008) ont montré que la conjugaison du mannose (pour le ciblage des récepteurs au mannose à la surface des macrophages) à des nanoparticules de chitosan permet une meilleure reconnaissance des particules par les CD et une meilleure activation de ces cellules in vitro. Ces résultats se sont confirmés in vivo par une plus forte production d’IgA nasales et salivaires, ainsi qu’une meilleure protection antibactérienne des souris ayant reçu les nanoparticules vaccinales mannosylées par voie respiratoire (Jiang et al., 2008). De même, l’utilisation de liposomes galactosylés (Hsiao-Wen Wang et al., 2013) ou de nanoparticules de chitosan mannosylées (Yao et al., 2013) pour le ciblage des macrophages en vaccination antitumorale a induit une meilleure protection systémique et mucosale. Enfin, la vaccination par voie respiratoire à l’aide d’un lipopeptide ligand des TLR incorporant un épitope TCD8+ et un épitope TCD4+ a permis le recrutement dans le poumon de TCD8+ mémoires et l’obtention d’une protection à long-terme contre le virus de la grippe chez la souris (Deliyannis et al., 2006). Aussi, dans le cadre de ce projet, nous avons utilisé un lipopeptide, ligand des TLR2/6 pour optimiser nos vaccins.

Bien évidemment, plusieurs stratégies d’optimisation complémentaires peuvent être utilisées simultanément afin d’obtenir un effet additif. A titre d’exemple, le chitosan peut être utilisé en même temps que le mannose. De même, que des lectines peuvent être utilisées pour cibler à la fois les CPA et les cellules M.

L’état de l’art présenté dans ce chapitre d’introduction montre que les liposomes présentent toutes les caractéristiques d’un outil de choix pour la conception de vaccins sous-unitaires peptidiques, et notamment de vaccins antitumoraux. Dans certains cas, ils peuvent jouer le rôle d’adjuvant ou transporter et protéger des antigènes, des peptides, des acides nucléiques ou encore des adjuvants. Leur composition, leur taille, leur structure, leur charge, ou encore leur état de surface peuvent être modulés. La très grande versatilité de ces vecteurs offre ainsi un large choix de stratégies d’optimisation de leur activité en vaccination (figure 40).

Figure 40 : Liposomes en tant que construction vaccinale versatile (Heurtault et al., 2010).

Au cours des dernières années, notre laboratoire a développé des constructions liposomiques composées des éléments essentiels au déclenchement d’une réponse immunitaire antitumorale à médiation cellulaire (ou spécifique) (figure 41). Ces constructions vaccinales sous-unitaires entièrement synthétiques, à base de liposomes de type SUV, contenaient en effet : un épitope peptidique TCD8+ ErbB2 (issu de la protéine ErbB2 surexprimée dans un grand nombre de tumeurs notamment du sein), un épitope TCD4+ Ha (issu de l’hémaglutinine du virus de la grippe), et une molécule adjuvante, le Pam2CAG (ligand des récepteurs Toll-like).

A

B

Figure 41: A) Représentation schématique des mécanismes de la réponse immunitaire antitumorale à médiation cellulaire devant être déclenchée par le vaccin, montrant les éléments essentiels à ce déclenchement, à savoir les épitopes TCD8+ et TCD4+ et les ligands des PRR. B) Construction liposomique ayant montré une efficacité antitumorale chez la souris après vaccination par voie sous-cutanée (construction appelée construction d’origine dans la suite de notre travail). Dans cette construction, le liposome mime la cellule tumorale.

Utilisées en vaccination s.c. prophylactique ou thérapeutique, ces constructions ont permis d'inhiber totalement le développement de tumeurs s.c. ou pulmonaires induites par l’injection de cellules tumorales surexprimant la protéine ErbB2chez la souris, montrant tout l’intérêt des liposomes en vaccination antitumorale.

Le chapitre d’introduction a également permis de souligner que le tractus respiratoire est une voie d’administration intéressante pour la vaccination. Dans notre laboratoire, le

Destruction cellulaire Ganglions lymphatiques Tissus Lymphocyte T cytotoxique Cellule tumorale CD40 CD40L IFN-γ PRRs CLR Epitope TCD8+ (peptide) Epitope TCD4+ (peptide) CMH-I CMH-II

PRRs : Pathogen Recognition Receptors CLR : C-type Lectin Receptor

Différentiation Prolifération Activation CD8+ CD80/86 CD28 processing Cellule présentatrice d’antigènes LTh1 Cellule tumorale Antigènes tumoreux EpitopeTCD8+ (antigène p63-71 de ErbB2) Epitope TCD4+ (antigène p307-319 de Ha ) SUV H N O O O O O O O N O O O O S TYLPTNASL H N O O O O O O O O O C TALKLTNQKVYKP NH2 N H H N HO O O O S O O O O Pam2CAG N O O S CG DPGMal Epitopes peptidiques Ancre neutre de type DPGMal

concept de vaccin décrit ci-dessus a été étudié dans le cadre d’une protection contre la bactérie Pseudomonas aeruginosa. Des constructions liposomiques dans lesquelles l’épitope TCD8+ était remplacé par un épitope B issu de Pseudomonas aeruginosa ont été formulées et évaluées in vivo chez la souris après administration respiratoire. Une réponse immunitaire antibactérienne caractérisée par la production locale et systémique d’IgA spécifiques a été alors obtenue, illustrant l’intérêt de la voie respiratoire dans la vaccination, et notamment dans la vaccination à base de liposomes.

Dans ce contexte, l’objectif du travail de thèse a été de concevoir de nouvelles constructions liposomiques destinées à la vaccination antitumorale par voie respiratoire et d’étudier leur activité et leur efficacité in vivo chez la souris.

Pour répondre à ces objectifs, nos travaux ont consisté à :

1) Construire et optimiser le vecteur liposomique pour une vaccination antitumorale par voie respiratoire, à partir de la construction précédemment validée au laboratoire (construction d’origine), ceci en faisant varier un certains nombre de paramètres physicochimiques susceptibles d’influencer l’efficacité de ce vecteur (taille, composition, structure …)

Ainsi, différentes formulations ont été obtenues à partir de la construction d’origine, en faisant varier notamment :

- la taille et la structure des constructions, par formulation de gros liposomes unilamellaires (REV pour reverse-phase evaporation vesicles) ou multilamellaires (MLV pour multilamellar vesicles), susceptibles de modifier le temps de résidence du vaccin au niveau mucosal, mais également son interaction avec les cellules de la muqueuse respiratoire, dont les cellules immunitaires et leur environnement ;

- la composition du vaccin par : 1- diminution de la proportion des adjuvants lipopeptidiques, afin de limiter d’éventuels effets indésirables ; 2- couplage d’un peptide, le peptide CMT2, permettant le ciblage des cellules M spécialisées dans le transport des antigènes au niveau de certaines muqueuses ; 3- incorporation d’un lipide présentant des propriétés adhésives particulières pour les lipides et les protéines, afin de tenter de favoriser le contact du vaccin avec la muqueuse respiratoire. Des transfersomes, qui sont des liposomes incorporant un agent tensioactif, ont également été évalués, en raison de la flexibilité importante de leur bicouche ;

- la viscosité des préparations vaccinales par incorporation d’agents viscosifiants, susceptibles de modifier le temps de résidence du vaccin au niveau mucosal.

2. Evaluer in vivo chez la souris l’activité immunostimulatrice et l’efficacité

antitumorale des différents vaccins, à savoir la construction d’origine et les formulations

optimisées, après administration respiratoire. L’administration des vaccins a été faite par instillation intranasale, selon deux procédures : une procédure assurant une distribution du vaccin dans l’ensemble des voies respiratoires (nez + voies respiratoires inférieures), appelé « administration/vaccination respiratoire », et une procédure visant à n’atteindre que la cavité nasale, appelé « administration/vaccination nasale ». L’activité immunostimulatrice des constructions a été mesurée au niveau local et au niveau systémique. L’efficacité antitumorale des vaccins a été étudiée dans un modèle de tumeurs locales (i.e. pulmonaires) et/ou un modèle de tumeurs solides à distance (i.e. s.c.) suite à une vaccination prophylactique et/ou thérapeutique.

Ces évaluations se sont passées en deux temps :

- dans un premier temps, nous avons travaillé sur la construction d’origine, afin de faire la preuve de concept de l’efficacité de nos vaccins liposomiques dans le tractus respiratoire. Cette formulation a été alors évaluée par administration respiratoire, permettant une distribution du vaccin dans la cavité et les voies respiratoires inférieures.

- dans un second temps, nous avons comparé la formulation d’origine aux formulations optimisées, par administration nasale, afin de n’atteindre que la muqueuse nasale plus facile d’accès que les voies aériennes inférieures et équipée de tissus lymphoïdes contenant toutes les cellules nécessaires à l’obtention d’une réponse immunitaire.

Le plan de la partie « Résultats » du manuscrit suivra ce plan de mise en œuvre des évaluations in vivo, avec en début de chaque paragraphe, la description des constructions vaccinales réalisées et de leurs caractéristiques physicochimiques.

Matériels et méthodes

1. Formulation et caractérisation des vaccins peptidiques synthétiques

1.1. Réactifs