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2. Vecteurs nanoparticulaires en vaccination

2.3. Liposomes et vaccination antitumorale

2.3.2. Stratégies d’utilisation des liposomes en vaccination antitumorale

2.3.2.5. Liposomes comme vecteurs de peptides

Les liposomes peuvent être utilisés pour vectoriser des peptides, et donc concevoir des vaccins peptidiques. Leur spécificité représente un atout majeur.

Les vaccins peptidiques peuvent permettre d’induire une réponse humorale et/ou cytotoxique. La réponse induite dépend des épitopes choisis pour le composer :

- s’il s’agit d’épitopes de type B, la réponse induite est une réponse humorale se traduisant par la production d’anticorps contre la protéine cible. La production d’anticorps est recherchée principalement en vaccination antibactérienne. Mais, comme nous l’avons décrit précédemment, une réponse humorale peut participer à l’élimination de cellules tumorales (par le mécanisme d’ADCC). Cette stratégie a été adoptée dans l’étude de Kwon qui a démontré qu’un vaccin constitué de liposomes cationiques (DOPE:CHEMS) associés à un ADN riche en séquences CpG (ligand des TLR9 utilisé comme adjuvant) et encapsulant le peptide TM4SF5 (peptide issu de la protéine du même nom impliquée dans les carcinomes hépatocellulaires et les cancers du colon) entraîne la production d’IgG2a spécifiques du peptide après administration intrapéritonéale (i.p.) chez la souris. Cette construction s’est avérée efficace dans des modèles murins de tumeurs, en prophylaxie contre

le cancer du colon, et en prophylaxie et thérapeutique contre le carcinome hépatocellulaire   (Kwon et al., 2012; Kwon et al., 2013). D’autres études concernent les virosomes qui sont des vésicules lipidiques unilamellaires proches des liposomes. Ils présentent des diamètres moyens d’environ 150 nm et sont dérivés des phospholipides ainsi que des glycoprotéines de surface de virus. Ils conservent les propriétés fusogènes et antigéniques virales, mais ne possèdent pas de génome viral nécessaire à la multiplication   (Krishnamachari et al., 2011). Actuellement, il existe déjà deux vaccins à base de virosomes sur le marché : l’Epaxal® et l’Inflexal®, qui protègent respectivement contre l'hépatite A et la grippe. En vaccination antitumorale, une étude clinique de phase I a montré des résultats encourageants concernant l’utilisation de ces vecteurs pour la délivrance d’antigènes tumoraux. En effet, la conjugaison d’épitopes B de la protéine ErbB2 à des virosomes obtenus à partir des phopholipides synthétiques et glycoprotéines du virus de l’influenza, a permis d’obtenir une réponse antitumorale anti-ErbB2. Cette réponse antitumorale a été appréciée par la production d’anticorps spécifiques contre la protéine ErbB2 chez 8 patients sur 10 atteints de cancer du sein métastatique  (Wiedermann et al., 2010).

- s’il s’agit d’épitopes de type TCD8+ la réponse induite est de type

cytotoxique. La présentation croisée de cet épitope par les CD, via le CMH-I, permet l’activation des lymphocytes TCD8+ qui se différencient en LTC responsables de l’élimination des cellules tumorales exprimant ce même épitope. Nos recherches sur le développement de vaccins à activité antitumorale utilisent cette stratégie. Ainsi, nous avons montré que des liposomes associant un épitope TCD8+ ErbB2 issu de la protéine ErbB2

surexprimée dans un grand nombre de cancers notamment du sein, un épitope TCD4+, issu de l’hémaglutinine du virus de la grippe, et un agoniste des TLR2/6 utilisé comme

adjuvant permettent d'inhiber totalement le développement de tumeurs s.c. solides chez des

souris porteuses de cellules tumorales surexprimant la protéine ErbB2. La réponse immunitaire antitumorale optimale est obtenue avec la présence concomitante des épitopes TCD4+ et TCD8+. La présentation de l’épitope TCD4+ aux lymphocytes TCD4+ par les CD permet l’activation de ces lymphocytes qui produisent alors de cytokines favorables à la réponse cytotoxique induite par l’épitope TCD8+  (Roth et al., 2005). L’efficacité antitumorale a été obtenue après vaccination s.c. dans un protocole prophylactique, mais également dans un protocole thérapeutique  (Roth et al., 2005; Thomann et al., 2011).

Dans la littérature, la technique de formulation des liposomes peptidiques basée sur la formation initiale d’un film lipidique est fréquemment utilisée (Engler et al., 2004; Kwon et al., 2012; Kwon et al., 2013; Plum et al., 2000). Les peptides peuvent être encapsulés par hydratation du film à l’aide d’une solution aqueuse contenant le peptide. Les étapes de sonication, extrusion voire de congélation/décongélation sont alors appliquées pour augmenter les taux d’encapsulation tout en diminuant et homogénéisant les diamètres des liposomes (Kwon et al., 2012; Kwon et al., 2013; Shariat et al., 2014). Les peptides peuvent également être associés à des liposomes préformés en présence d’éthanol à 25°C ou fixés à la surface des liposomes par liaison chimique (Shariat et al., 2014). Cette dernière méthode est celle que nous avons retenue en raison de la plus grande maîtrise de l’association. Elle implique l’utilisation d’une molécule amphiphile s’insérant dans la bicouche des liposomes et fonctionnalisée pour permettre la création d’une liaison covalente avec le ou les peptide(s) d’intérêt par réaction chimique (addition de Mickael, substitution nucléophile…). La stratégie d’association du peptide aux liposomes est essentielle, car elle peut conduire à des pourcentages d’encapsulation variables, comme a pu le montrer l’équipe de Shariat (2014) lors de la formulation d’un vaccin liposomique à base d’un peptide d’ErbB2. En effet, des efficacités d’encapsulation allant de 9 à 44 % ont été obtenues en faisant varier l’une ou l’autre des étapes de formulation (Shariat et al., 2014).

Les premiers résultats cliniques obtenus avec ce type de vaccin peptidique antitumoral ouvrent de nouvelles perspectives. Dans ce cadre, le Stimuvax® (L-BLP25 ou Tecemotide) est le vaccin le plus prometteur. Ce vaccin à base de liposomes vectorise le BLP25, peptide issu de MUC-1, en association avec l’adjuvant MPLA (en anglais, monophosphoryl lipid A) (Figure 25).

Figure 25 : Représentation schématique du Stimuvax® (Butts et al., 2014).

Les premiers résultats n’ont pas permis de mettre en évidence d’augmentation de la survie des patients lorsque la construction liposomique est utilisée chez des patients porteurs d’un cancer du poumon non à petites cellules au stade III par rapport au placebo. En

revanche, cette stratégie a un effet positif chez des patients recevant une chimiothérapie concomitante au vaccin liposomique, puisque la survie de ces patients est passée de 21 mois dans le groupe placebo à 31 mois dans le groupe traité par le vaccin. Des études complémentaires sont en cours (Butts et al., 2014).