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Dans la littérature, le résidu sous vide (RSV) est décrit comme étant fait d’une phase dispersée, les asphaltènes, et d’une phase dispersante, les maltènes, toutes deux définies d’un point de vue opérationnel par précipitation en présence d’un alcane. Selon la norme employée, cet alcane précipitant est le n-pentane ou le n-heptane. Il nous faut connaître avec le plus de précision possible qu’elles sont ces phases dispersée et continue.

De nombreuses propriétés physico-chimiques d’un mélange binaire idéal se déterminent par la somme des propriétés d’intérêt de chaque phase, pondérées par la proportion du constituant dans le mélange. Si on nomme X la propriété physico-chimique d’intérêt, 0 et 1 les deux constituants du mélange binaire, et φ1 la fraction du constituant 1 dans le mélange, cela se traduit par :

X0+1= φ1X1+ (1 − φ1)X0

Il existe donc une relation linéaire entre la propriété X et la concentration du constituant, ce qui implique qu’en connaissant la valeur de X0+1 pour des mélanges à concentration variable, on peut

déterminer les valeurs de X0 et de X1 (par exemple celle de la phase continue, φ = 0, et celle de la

phase agrégée, φ = 1) par extrapolation de la relation linéaire X0+1= f(φ1). Les relations 3.1, 3.3 et

3.24 sont des exemples pour la composition chimique, la masse volumique et la densité de longueur de diffusion des mélanges binaires idéaux.

Pour choisir l’échelle de concentration qui définit au mieux la phase continue et la phase agrégée du RSV, nous nous servons de ces relations. Si le tracé de la propriété X0+1 du RSV en fonction de

sa teneur en asphaltènes, pour plusieurs concentrations, est linéaire, les deux extrapolations (φ = 0 et

φ= 1) peuvent être comparées aux valeurs de X0 et X1 connues pour les maltènes et les asphaltènes.

Les deux échelles de concentration choisies sont la teneur en asphaltènes C5 (précipités au n- pentane) dans les maltènes C5, et la teneur en asphaltènes C7 (précipités au n-heptane) dans les maltènes C7.

Les échantillons à teneur en agrégats variable sont obtenus par nanofiltration du RSV à l’aide de membranes de différentes tailles de pore (voir section 4.1.2). Les fractions récupérées sont nommées P10, P20, P50 et R10, R20, R50 pour les perméats et les rétentats séparés par des tailles de pore de 10, 20 et 50 nm respectivement.

Analyse des fractions Les procédures de désasphaltage ont permis de connaître les teneurs en asphaltènes C5 et C7. Les teneurs en asphaltènes varient entre 4,8 et 55,5 %m pour des AC5 et entre 0,7 et 36,7 %m pour des AC7 (voir Tableau 6.1). L’annexe E décrit la relation linéaire qui existe entre la teneur en AC5 et en AC7 et présente un schéma de la séparation SARA du RSV en fonction de

6.2. PHASE AGRÉGÉE ET PHASE CONTINUE DU RSV 109 l’alcane précipitant.

Chacune des fractions, perméats et rétentats, a été analysée d’un point de vue masse volumique et composition chimique (CHNOS). Ces données sont regroupées dans le Tableau 6.1. Il est ainsi possible de tracer sur une même courbe l’évolution de la masse volumique (Figure 6.3), de la teneur en C, H, N, O, S et du rapport H/C (Figure 6.4) en fonction des fractions volumiques en asphaltènes C5 et C7. De la même manière, la densité électronique ρ (calculée par l’équation 3.23) est représentée Figure 6.5 en fonction de la fraction volumique en asphaltènes C5 et C7.

On note que des relations linéaires sont obtenues pour toutes ces propriétés, en fonction de la fraction volumique (ou massique) en asphaltènes C5 et C7. Les extrapolations linéaires à φ = 0 et

φ= 1 des points relatifs aux fractions nanofiltrées peuvent ainsi être comparées aux valeurs mesurées

des maltènes et des asphaltènes C5 et C7. Le Tableau 6.2 regroupe les valeurs numériques de ces extrapolations et leur écart à celles des asphaltènes et des maltènes C5 et C7. La séparation du RSV au n-pentane permet une meilleure concordance entre extrapolations et propriétés des maltènes et des asphaltènes.

On en déduit que dans le but de définir la phase dispersée (asphaltènes, φ = 1) et la phase continue (maltènes, φ = 0) d’un RSV, la séparation au n-pentane doit être privilégiée. Cette observation avait déjà été avancée par Zhao et col. [171] et [170] en ne testant que la définition au n-pentane.

On note cependant des déviations importantes pour les teneurs en oxygène et en soufre car ces analyses sont entachées d’erreur expérimentale. Les faibles quantités mesurées introduisent une erreur relative importante mais l’erreur absolue est acceptable.

Limites du traitement Deux hypothèses principales sont implicites dans cette approche :

• Les agrégats sont de même masse volumique et de même composition chimique moyenne quelle que soit la fraction considérée. Seule la concentration varie. En se référant à l’analyse des fractions centrifugées de solutions d’asphaltènes, section 5.8, on a montré que des différences existent entre les fractions, notamment concernant les très petits agrégats. Ceux-ci sont moins denses, moins aroma- tiques, et leur teneur en hétéroéléments est plus faible que celle des plus gros agrégats. Toutefois, peu de différences sont relevées pour la majorité des agrégats (masse moyenne à grande).

• Les propriétés de précipitation des asphaltènes sont indépendantes de la distribution de taille dans le mélange. En séparant le RSV en deux fractions, la somme des masses d’asphaltènes précipités dans chaque fraction sera égale à la masse totale dans le mélange initial. Étant donné qu’un bilan matière n’est pas envisageable dans ce procédé de nanofiltration, nous n’avons pas de moyen de vérifier cette hypothèse. Marques et col. [92] ont montré que les fractions d’asphaltènes précipités sont différentes en présence ou non de la totalité des agrégats. Si on détermine par désasphaltage la teneur en asphaltènes d’un mélange reconstitué fait de maltènes et de petits asphaltènes à une concentration donnée, la teneur d’asphaltènes résultante du désasphaltage par précipitation au n-heptane sera plus faible que celle attendue. Au contraire, lorsqu’il s’agit de gros asphaltènes, le résultat sera supérieur à la quantité d’asphaltènes ajoutée aux maltènes. Cela traduit des interactions entre les asphaltènes et les maltènes.

Implications pour la suite de l’étude Dans les travaux qui suivent, traitant du comportement structural et rhéologique du RSV ainsi que des asphaltènes dans les maltènes, la définition des as- phaltènes par la séparation au n-pentane sera employée. Dans le traitement des spectres de diffusion de rayons X, le terme de contraste sera calculé en considérant la composition chimique et la masse volumique des asphaltènes C5 et des maltènes C5.

110 CHAPITRE 6. LES RÉSIDUS SOUS VIDE EN CONDITIONS DE PROCÉDÉS

Figure 6.3 – Symboles creux : masse volumique des fractions issues de la nanofiltration du RSV Safaniya (perméats et rétentats) en fonction de : i) échelle inférieure : fraction volumique en asphaltènes C5 (cercles) ;

ii) échelle supérieure : fraction volumique en asphaltènes C7 (carrés). Les lignes pointillées sont des régressions linéaires obtenues. Les symboles pleins, non pris en compte pour la régression, représentent la

masse volumique des asphaltènes et des maltènes C5 (cercles) et C7 (carrés).

Figure 6.4 – Composition élémentaire (%m) en fonction de φm. Voir la légende de la Figure 6.3.

6.2. PHASE AGRÉGÉE ET PHASE CONTINUE DU RSV 111

Tableau 6.1 – Masse volumique, teneur en asphaltènes (C5 et C7), composition élémentaire et densité électronique des fractions nanofiltrées, du RSV Safaniya, des asphaltènes et des maltènes (C5 et C7).

d [AC5] [AC7] C H N O S H/C ρ (g/cm3) (%m) (%m) (%m) (%m) (%m) (%m) (%m) (e3) MC5 0,985 0 − 83,7 11,0 0,2 0,5 4,7 1,56 0,327 MC7 1,017 − 0 83,4 10,5 0,3 0,6 5,2 1,50 0,332 P10 0,993 4,8 0,7 83,7 11,0 0,3 0,4 4,7 1,56 0,330 P20 0,997 6,2 1,4 84,0 10,9 0,3 0,4 4,7 1,55 0,332 P50 0,998 7,8 2,8 84,2 10,9 0,3 0,4 4,7 1,54 0,332 RSV 1,027 22,9 13,4 83,9 10,5 0,4 0,4 5,3 1,48 0,341 R50 1,073 47,9 29,6 83,3 9,6 0,6 0,7 6,1 1,37 0,353 R20 1,086 53,3 35,5 83,3 9,3 0,6 0,7 6,4 1,33 0,357 R10 1,092 55,5 36,7 82,8 9,1 0,6 0,7 6,6 1,30 0,356 AC5 1,173 100 − 81,8 7,8 0,7 1,2 8,0 1,13 0,377 AC7 1,195 − 100 82,5 7,6 1,0 1,3 7,6 1,09 0,386

Tableau 6.2 – Valeurs extrapolées issues des représentations Figures 6.3, 6.4 et 6.5 de la masse volumique, la composition élémentaire et la densité électronique pour φ = 0 (maltènes) et φ = 1 (asphaltènes).

Extrapolations Asphaltènes/maltènes Déviation (%)

C5 C7 C5 C7 C5 C7 d (g/cm3) φ = 0 0,985 0,991 0,985 1,017 0,01 2,5 φ= 1 1,191 1,293 1,173 1,195 1,5 8,2 C (%m) φ= 0 84,1 84,0 83,7 83,4 0,54 0,76 φ= 1 82,2 81,4 81,8 82,5 0,60 1,3 H (%m) φ= 0 11,2 11,1 11,0 10,5 1,9 5,5 φ= 1 7,6 6,0 7,8 7,6 1,9 20,4 N (%m) φ= 0 0,2 0,3 0,2 0,3 1,4 21,9 φ= 1 0,9 1,2 0,7 1,0 34,0 18,9 O (%m) φ= 0 0,3 0,4 0,5 0,6 26,4 39,8 φ= 1 1,0 1,3 1,2 1,3 17,7 2,0 S (%m) φ= 0 4,4 4,6 4,7 5,2 4,6 12,6 φ= 1 8,1 9,8 8,0 7,6 1,5 29,6 H/C φ= 0 1,58 1,57 1,56 1,50 1,3 4,7 φ= 1 1,11 0,92 1,13 1,09 2,3 16,0 ρ (e−/Å3) φ = 0 0,329 0,330 0,327 0,332 0,57 0,59 φ= 1 0,384 0,411 0,377 0,386 1,9 6,5

112 CHAPITRE 6. LES RÉSIDUS SOUS VIDE EN CONDITIONS DE PROCÉDÉS

6.3

Effet de la concentration

Les asphaltènes C5, séparés au n-pentane, s’avèrent être représentatifs de la phase agrégée dans le RSV. Conjointement, les maltènes C5 sont proches de la phase continue du RSV. L’évaluation de l’effet de la concentration en asphaltènes sur l’organisation des agrégats est mise en œuvre en préparant des échantillons de RSV dilués par les maltènes C5, suivant la séparation au n-pentane des asphaltènes du RSV.

La Figure 6.6 présente les spectres SAXS des RSV recombinés, à 80°C. L’intensité diffusée augmente avec la concentration, conformément à l’équation 3.18. On peut noter qu’une fraction volumique aussi faible que 0,018 produit un signal diffusé significatif.

Figure 6.6 – Spectres SAXS à 80°C du RSV en fonction de la fraction volumique en asphaltènes C5 indiquée ; φ= 0 (croix) correspond aux maltènes C5, et φ = 0, 2 correspond au RSV initial.

Pour étudier la contribution des asphaltènes sur l’intensité diffusée du RSV, le signal du solvant (maltènes C5) est soustrait. Le résultat à 80°C est présenté Figure 6.7, les spectres ayant été normalisés par la fraction volumique en asphaltènes C5. L’allure générale des spectres est analogue à celle observée pour des asphaltènes C7 dans du toluène (Figure 5.4). On retrouve un début de plateau à petites valeurs de q suivi d’une dépendance de l’ordre de q−2. D’autre part, les spectres se superposent sur toute la

gamme de concentration et sur tout le domaine de q balayé. Cela signifie que :

1. Il n’y a pas de changement de facteur de forme avec la dilution (conformément à l’équation 3.18). 2. Les interactions entre agrégats sont faibles, ni répulsives, ni attractives (relatif à A2 dans l’équa-

tion 3.32), ce qui sera confirmé par l’analyse de Zimm.

Ces données ont été traitées suivant le formalisme de Zimm, décrit à la section 3.2.3.3, afin de déterminer le rayon de giration et la masse des agrégats à dilution infinie, et de calculer le second coefficient du viriel indiquant la nature des interactions entre agrégats. Pour toute la gamme de