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le résidu sous vide présente de multiples hétérogénéités, par contre les maltènes ont les caractéristiques d’un milieu homogène, peu diffusant. La diffusion intense du RSV proviend donc de la présence d’agrégats d’asphaltènes.

Mason et Lin [95] ont étudié la diffusion de neutrons provoquée par des mélanges de bruts com- patibles et incompatibles, et ont mis en évidence l’état des asphaltènes sous forme d’une dispersion colloïdale dans le premier cas, et sous forme floculée dans le deuxième cas.

Headen et col. [69] ont à leur tour effectué des mesures par diffusion de neutrons aux petits et très petits angles (SANS et V-SANS) de RSV à haute teneur en asphaltènes. L’analyse des très petits angles rend compte de la présence de grosses particules diffusantes dont le rayon de giration est de 4700 Å, représentant selon eux 2% des agrégats d’asphaltènes. Un traitement des spectres de diffusion proposé par Beaucage, permettant de séparer le signal des gros objets de celui des particules colloïdales, a permis de mesurer les dimensions d’interêt (rayon de giration des asphaltènes). Ils ont montré que ces systèmes étaient composés de particules de 40 Å de rayon de giration (un peu plus petites qu’en bon solvant), de dimension fractale 2,5 (un peu plus élevée qu’en bon solvant) (Figure 2.18). Une élévation de température de 20 à 65°C provoque une petite diminution du rayon de giration des agrégats.

Figure 2.18 – Spectres SANS et V-SANS d’un résidu sous vide contenant 6,4 % d’asphaltènes à 20°C (Rg= 37 Å) et 65°C (Rg = 32 Å) (issu de Headen et col. [69]).

Distribution de taille Pour évaluer la distribution de taille d’agrégats dans les bruts lourds, Zhao et col. [171] ont mis en œuvre un procédé de nanofiltration du brut pétrolier à haute température, à travers des membranes de différentes tailles de pores. Ils ont mis en relation la taille nominale des pores avec la teneur en asphaltènes du perméat pour deux bruts différents (Figures 2.19a et 2.19b). Cela permet de borner la distribution de taille, bien qu’une obstruction rapide des membranes est mise en évidence, entraînant une diminution du diamètre nominal des pores. L’ensemble du brut de type Maya passe à travers la membrane de 50 nm, alors qu’une partie du brut Athabasca est retenue par la membrane de 200 nm.

Propriétés diffusionelles Les résultats de Zielinski et col. [173] concernent des systèmes naturels, maltènes + asphaltènes en concentration variable, étudiés par 1H RMN à bas champ. Les mesures

de temps de rotation détectent des objets de taille comprise entre 22 et 44 Å. L’analyse SAXS de ces systèmes renvoie des rayons de giration en accord avec ceux de la littérature. Ils montrent que le mélange asphaltènes + maltènes est un système très polydisperse, composé en majorité de particules dont le rayon de giration est égal à 26,5 Å et d’une faible proportion (environ 1%) de gros agrégats

30 CHAPITRE 2. LES ASPHALTÈNES ET LEUR MILIEU ENVIRONNANT

Figure 2.19 – (a) Teneur en asphaltènes du perméat récupéré en fonction de la taille nominale des pores de la membrane de nanofiltration pour deux bruts. (b) Distribution de taille cumulée correspondante (issu de Zhao

et col. [171]).

Figure 2.20 – Profils de distribution du temps de relaxation T1 en fonction de la fréquence de Larmor pour

deux bruts : (a) 0% d’asphaltènes et (b) 10% d’asphaltènes. (c) Profil du même brut que (b) mais duquel les asphaltènes C7 ont été extraits par désasphaltage au n-heptane (issu de Zielinski et col. [172]).

(Rg >1000 Å). La dispersion du temps de relaxation T1 en fonction de la fréquence de Larmor a été

mesurée pour plusieurs concentrations en asphaltènes [172] (Figure 2.20). La présence d’asphaltènes introduit une dispersion des T1 en fonction de la fréquence, indiquant la présence d’agrégats. Pour

les maltènes C7, obtenus par désasphaltage du brut au n-heptane, une dispersion est encore observée malgré l’absence d’asphaltènes C7, et ce en opposition au profil du brut à teneur nulle en asphaltènes. Cela montre qu’une partie des résines, non-extraites par l’ajout de n-heptane, forme des agrégats.

2.3.2 Interaction résines/asphaltènes

L’interaction résines/asphaltènes dans le milieu naturel est complexe à appréhender. Shaw et col. [170; 171] ont pratiqué une méthode novatrice d’ultrafiltration en température (à 200°C) comme technique de séparation entre "molécules lourdes" (fraction équivalente aux asphaltènes) et "molécules légères" (équivalentes aux maltènes), et ceci directement sur des pétroles lourds, chargés en asphaltènes C5 (AC5). Ils distinguent deux fractions de résines, l’une passant dans le filtrat donc non associée aux AC5, l’autre étant inclue dans la fraction AC5, donc interagissant avec les asphaltènes de manière plus forte. Mullins et col. [73] ont également mis en évidence la présence d’une fraction de "résines lourdes" qui, elle, serait associée aux asphaltènes.

Ces études soulignent clairement l’enjeu que représente la définition de base de la séparation des asphaltènes de leur brut (quel solvant précipitant ?) sur la confrontation des résultats publiés, et donc

2.3. LES ASPHALTÈNES EN CONDITIONS DE PROCÉDÉS 31 sur la compréhension des mécanismes d’agrégation dans un pétrole lourd.

2.3.3 Propriétés rhéologiques

La rhéologie des bitumes a fait l’objet de multiples études qui sont référencées de manière exhaustive par Lesueur [87]. Par analogie à l’étude des asphaltènes en solvant modèle, l’approche colloïdale est largement appliquée et l’effet température sur la viscosité relative des résidus pétroliers est évalué.

Storm et col. [146] ont travaillé sur des résidus sous vide recombinés, dilués par leurs maltènes C7 (donc à teneur en asphaltènes C7 variable). Ils ont mesuré la viscosité des systèmes de 25 à 400°C et ont appliqué le modèle de Krieger par l’intermédiaire d’une fraction volumique effective, tenant compte d’un coefficient de solvatation K. Par cette méthode, toutes les données sur la gamme de température s’alignent sur la représentation de Krieger (Figure 2.21). Le coefficient de solvatation diminue avec la température. Cette solvatation est interprétée en terme de couronne de résines adsorbées autour des asphaltènes, qui s’affine avec la température par le détachement des résines.

Cette interprétation vient contraster celle de Reerink [126], le schéma de la Figure 2.22 illustre les deux perceptions [86; 87]. Reerink précise à juste titre que sans information sur la structure colloïdale du système, il est difficile d’interpréter ces comportements rhéologiques. Dans sa revue de littérature, Lesueur [87] met en garde sur l’interprétation du concept de solvatation.

Figure 2.21 – Viscosité relative d’un résidu sous vide en fonction de la fraction volumique effective en asphaltènes C7, sur la gamme de température 25-350°C. Ligne : représentation de Krieger (issu de Storm et

col. [146]).

Luo et col. [89] ont repris les mêmes protocoles que Storm appliqués à un brut lourd entre 20 et 60°C. En introduisant un facteur de forme ν à la place du coefficient d’Einstein pour des sphères (2,5), ils évaluent la non-sphéricité des particules, l’évolution de ce facteur et du coefficient de solvatation en fonction de la température.

Le couplage de mesures de viscosité et de mesures de rayon de giration par SAXS a été mis en œuvre par Hénaut et col. [70] sur un brut lourd recombiné à différentes concentrations en asphaltènes. Deux régimes de concentration se distinguent, le régime dilué (c < 12%) où la taille des agrégats est constante (42 Å) et où le système se comporte comme un fluide non élastique, et le régime semi-dilué où le rayon de giration apparent diminue, accompagné d’une augmentation nette de la viscosité.

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Figure 2.22 – Organisation colloïdale déduite des propriétés rhéologiques du bitume : (a) concept de couche de résines peptisante selon l’approche de Storm et col. [146] ; (b) notion de fraction volumique effective selon

l’approche de Reerink [126] (issu de Lesueur [86]).