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6.7 Caractérisation multi-échelle et polydispersité

6.7.1 Pertinence de l’échelle d’observation

6.7.1.1 Échelle du micron : analyse USAXS

L’analyse du RSV dans son ensemble, Figure 6.1, montre trois domaines caractéristiques sur les spectres USAXS, SAXS et WAXS mis bout à bout. L’étude complète qui a suivi s’est attachée à décrire la zone intermédiaire, correspondant aux dimensions nanométriques. On observe cependant des fluctuations de densité importantes à très petites valeurs de q, et ce, même au delà de 80°C, où les paraffines ne sont plus cristallisées. De gros agrégats d’asphaltènes sont ils à l’origine de ces fluctuations de densité ?

Pour y répondre, trois fractions sont comparées au RSV initial :

– Les maltènes C5, issus du RSV dont la totalité des asphaltènes C5 a été retirée par précipitation et puis filtration à l’aide d’une membrane de 450 nm (protocole de désasphaltage),

– La fraction P100, perméat issu de la nanofiltration du RSV à 200°C à l’aide d’une membrane de 100 nm,

– La fraction P50, perméat issu de la nanofiltration du RSV à 200°C à l’aide d’une membrane de 50 nm.

Le résultat de cette comparaison est illustré par les spectres de la Figure 6.24 à 130°C. La compa- raison du RSV et du perméat P100 montre que la membrane de 100 nm n’a filtré qu’une partie des grosses particules provoquant la remontée d’intensité à petits q (q < 10−2 Å−1). Aux valeurs de q plus

élevées, dans la partie SAXS, P100 et RSV sont superposés. Par contre on observe sur le spectre de P50 que les intensités aux petites valeurs de q sont négligeables et sont attribuées au bruit de fond. Les grosses particules provoquant les fortes intensités à petites valeurs de q ont donc été retenues par la membrane de 50 nm. Au contraire, les maltènes, qui ne contiennent pas d’asphaltènes, présentent une remontée à petits q aussi marquée sinon plus raide que le RSV. Cette remontée n’est donc pas attribuée à la présence d’asphaltènes. La filtration des maltènes lors de la procédure de désasphaltage, à l’aide d’un filtre de 450 nm, explique la présence dans les maltènes de grosses particules non retenues par le filtre.

6.7. CARACTÉRISATION MULTI-ÉCHELLE ET POLYDISPERSITÉ 127

Figure 6.24 – Spectres USAXS, SAXS et WAXS du RSV, des perméats P100 et P50 et des maltènes, à 130°C.

La température, élevée jusqu’à 300°C lors de l’expérience, n’affecte pas cette remontée à petites valeurs de q (non montré ici), alors qu’elle modifie l’allure des spectres SAXS, conformément à la Figure 6.10 pour des RSV recombinés. L’origine de ces fluctuations de densité à grande échelle au delà de 80°C peut être attribuée à de la matière inorganique telles que des particules minérales de type calcaire, précédemment mises en évidence dans les bruts lourds [171]. Ces entités vont présenter un fort contraste aux rayons X par leur teneur en éléments à grand numéro atomique (Al, Si, Ca, Fe, Ni, V), il suffit donc qu’elles soient présentes en faible quantité pour provoquer un signal de diffusion important.

En résumé, cette étude portant sur l’échelle micronique de la caractérisation du RSV montre que les fortes intensités diffusées à cette échelle d’observation ne sont pas attribuées à la présence d’asphaltènes mais plutôt à la présence, en quantité infime, de matière minérale.

6.7.1.2 Échelle moléculaire : analyse WAXS

L’analyse générale du RSV, Figure 6.1, met en évidence une organisation de la matière à l’échelle moléculaire par la présence d’un épaulement à q ≈ 1, 8 Å−1. Cette observation est analogue à l’ordre

mis en évidence sur les spectres de diffraction de rayons X d’asphaltènes secs, qui est interprété comme l’empilement de plans aromatiques [11; 151].

Afin d’amplifier le signal de diffusion dans cette région du spectre, des analyses WAXS ont été réalisées sur les rétentats, concentrés en agrégats. Les maltènes C5 et les asphaltènes C5 secs ont également été analysés pour comparer les concentrations extrêmes. L’effet de la température sur cette organisation à l’échelle atomique a été évalué entre 25 et 300°C.

128 CHAPITRE 6. LES RÉSIDUS SOUS VIDE EN CONDITIONS DE PROCÉDÉS Effet de la concentration Les spectres WAXS des différentes fractions sont présentés Figure 6.25a à 200°C. Le spectre des AC5 est en accord avec les résultats présentés dans la littérature pour des asphaltènes [151]. Deux domaines caractéristiques sont visibles sur les spectres :

1. Une bande (002) située à q ≈ 1, 8 Å−1 qui est attribuée à l’empilement de feuillets aromatiques,

en comparaison aux feuillets du graphite espacés de d = 2π/q ≈ 3, 35 Å [6].

2. Une large bande γ située à q ≈ 1, 2 Å−1, que Yen [163] a attribué aux distances caractéristiques

entre chaînes aliphatiques.

L’attribution de la bande (002) à l’empilement de plans aromatiques dans les asphaltènes est controversée dans la littérature [11], notamment par le fait que cette bande est large donc pas réellement caractéristique d’un domaine cristallin. Il est intéressant, dans l’étude présentée ici, de noter que cette bande (002) est visible sur tous les spectres des échantillons contenant des asphaltènes, mais est invisible pour les maltènes. D’autre part, cet épaulement est plus marqué à mesure que la concentration en asphaltènes augmente. Il est alors naturel d’attribuer cette bande (002) à la présence d’asphaltènes. Sans parler de domaine cristallin, on parlera alors d’un domaine cohérent correspondant à un ordre à moyenne distance fait d’empilements de feuillets aromatiques. L’analyse de cette bande permet d’estimer une distance moyenne entre feuillets aromatiques. Conformément à la formule de Scherrer [11; 151; 163], il est possible de calculer l’étendue de l’empilement des régions aromatiques et par la suite de calculer le nombre de feuillets.

La décomposition de ces spectres en deux bandes (correspondant aux bandes γ et (002)) est présentée Figure 6.25b pour le rétentat R50. Pour ce traitement, une ligne de base difficile à définir doit être prise en compte, ce qui limite la précision des résultats calculés [11]. Sans s’attacher à l’aspect quantitatif des résultats, le résultat de la décomposition montre que la bande (002) est large, renvoyant à un empilement de petite taille (environ 20 Å). Le fait d’observer un domaine cohérent peu étendu est en accord avec la faible hauteur du disque constituant le nanoagrégat, décrit dans le toluène à la section 5.3.

Effet de la température L’effet de la température sur l’allure de la bande (002) a été évalué entre 25 et 300°C. Le résultat est présenté Figure 6.26 pour la fraction R50, et les mêmes comporte- ments sont observés pour toutes les fractions analysées. Les domaines cohérents liés à l’empilement des régions aromatiques décrits dans le paragraphe précédent sont observés sur toute la gamme de température, notamment à 300°C, ce qui peut paraître surprenant. Cela signifie qu’à 300°C, une forme d’agrégation persiste encore dans le RSV, conformément à ce qui est observé en bon solvant dans du 1-méthylnaphtalène jusqu’à 200°C, section 5.7.

Un décallage de la position de la bande du liquide (située à 2θ ≈ 18°) vers les petits angles avec la température est observé. Son centre passe de 2θ ≈ 19° à 2θ ≈ 16° entre 25 et 300°C. Ce comportement correspond à la dilatation de la phase liquide.

6.7.1.3 Discussion

Nous avons mis en évidence que les tailles caractéristiques des asphaltènes se déterminent à des valeurs de q comprises entre 10−2 et 2 × 10−1 Å−1, ce qui correspond au domaine classique du SAXS.

Les données à l’échelle moléculaire indiquent que le nanoagrégat décrit en solution a une existence dans le RSV. Enfin, ces résultats démontrent formellement que cette structure persiste jusqu’à 300°C, en accord avec les observations en bon solvant (section 5.7).

6.7. CARACTÉRISATION MULTI-ÉCHELLE ET POLYDISPERSITÉ 129

Figure 6.25 – (a) Spectres WAXS à 200°C des maltènes C5, du RSV, des rétentats R50 et R10 et des asphaltènes C5 secs. La droite en pointillés correspond à la ligne de base choisie pour la décomposition, présentée en (b). (b) Décomposition du spectre WAXS à 200°C du rétentat R50 en deux bandes : la bande γ centrée en 17,7°2θ et la bande (002) centrée en 24,4°2θ, prenant en compte une ligne de base présentée en (a).

L’échelle en 2θ est relative au rayonnement X de la raie Kα du cuivre.

Figure 6.26 – Spectres WAXS du rétentat R50 entre 25 et 300°C. Les pics sur le spectre à 25°C situés à 2θ = 21, 5° et 2θ = 23, 9° sont attribués aux cristaux de paraffines, dont la température moyenne de fusion est

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