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Phénomènes dynamiques du sillage proche du culot

1 Cas du corps d’Ahmed

1.2 Phénomènes dynamiques du sillage proche du culot

Le sillage du corps d’Ahmed présente de nombreuses instabilités créées par les décollements de fluide sur sa surface et le mauvais profilage de sa forme. Ces phénomènes instables se distinguent par leurs amplitudes spatiales, leurs fréquences caractéristiques et leur positionnement vis-à-vis du culot de la maquette. Nous nous intéressons ici aux instabilités proches du culot qui ont un effet direct sur la force de pression appliquée au culot de la maquette en opposition aux instabilités de sillage qui se développent plus en aval et dont l’étude par les capteurs de pression pariétaux n’est pas aisément permise.

On observe, au plus proche du culot, pour une maquette dans un fluide en mou-vement, des structures tourbillonnaires s’organisant selon les directions principales du culot (verticalement et/ou horizontalement). Ces structures ont pour caractéristique de maintenir leur enroulement de taille et de force différentes par rapport aux plans de symétrie de la maquette, ce qui crée des zones de haute pression et de basse pression sur le culot. Ainsi, avec une force non homogène à l’arrière, des efforts transverses combinés apparaissent et contribuent davantage à la force de traînée aérodynamique. Ces états dissymétriques sont générés spontanément dans les écoulements autour de corps non profilés (même axisymétriques (Rigas et al., 2014)) dans deux configurations :

• en écoulement aligné (incidence β = 0) ; • en écoulement transverse (incidence β 6= 0)

Pour certains types de corps (selon leur géométrie, voir ci-après), même un écoulement aligné peut générer des états de pression dissymétriques, et, pour des corps présentant une certaine symétrie de forme, des basculements aléatoires entre un état (décalé) et son symétrique peuvent apparaître. On parle alors de bistabilité.

phéno-Section 1. Cas du corps d’Ahmed

Figure 3.2 – Domaines d’apparition d’instabilités verticales et horizontales du sillage proche du culot, en fonction des paramètres géométriques de rapport d’aspect

H et de rapport de hauteur de soubassement C : (a) données expérimentales ; (b) données extrapolées par symétrie (graphique deGrandemange et al. (2013b)) (⋆, position de la maquette ActivROAD dans le graphique).

mène de lâcher tourbillonnaire (Lesieur, 1994). Le lâcher tourbillonnaire, largement étudié dans le cas de cylindres plongés dans un écoulement (Bearman (1969), Roshko (1955)), se caractérise par une allée périodique de tourbillons se suivant dans le sillage du corps perturbateur. Le lâcher tourbillonnaire est caractérisé par une fréquence adimensionnée de lâcher de tourbillon, le nombre de Strouhal (cf. équation (1.9)) allant de StH = 0.14 à 0.2 selon les cas expérimentaux (Barros(2015),Roshko (1993a)), ce qui n’est pas le cas pour la bistabilité qui ne présente pas de fréquence caractéristique d’apparition.

Grandemange et al.(2012) étudie les principales particularités de la bistabilité pour un corps d’Ahmed à culot droit. Une étude paramétrique importante permet de définir les paramètres géométriques impactant l’apparition de la bistabilité latérale et/ou verticale. La figure 3.2 présente sa classification en fonction du rapport d’aspect du corps, noté

H =H/W, et du ratio de hauteur de soubassement de la maquette par rapport à sa largeur,

C = C/W. Une étoile (⋆) indique la configuration du corps d’Ahmed de la maquette ActivROAD et montre que le phénomène de bistabilité peut apparaître horizontalement comme verticalement. Cependant, il est possible de réduire les fluctuations verticales du sillage avec l’ajout de parties passives sur le haut ou le bas de la maquette expérimentale (Haffner, 2018). Un réglage par ces ajouts passifs peut alors conduire à un écoulement globalement aligné verticalement et qui ne subit que des bifurcations latérales entre les deux positions bistables.

Figure 3.3 – Illustrations des basculements latéraux bistables (Grandemange et al.,

2013a) : (a) Sillage bloqué à gauche (ReH = 365) ; (b) Transition par un état symétrique entre deux états bistables (ReH = 365) ; (c) Sillage bloqué à droite (ReH = 415)

Pour illustrer le phénomène de bistabilité latérale, la figure3.3de Grandemange et al.

(2013a) montre l’orientation des lignes de champ à l’arrière d’un corps d’Ahmed dans un canal hydrodynamique pour un nombre de Reynolds ReH ∼ 400. Un colorant est utilisé pour visualiser l’évolution des particules fluides dans le sillage et montre clairement une préférence pour un côté par rapport à l’autre bien que l’écoulement soit aligné. L’image 3.3(a) montre un enroulement vertical important à droite et une dépression à gauche où le sillage se place tandis que, pour l’image 3.3(c), le même phénomène réfléchi par rapport au plan (x, z) apparaît. Entre les deux états dissymétriques, la configuration symétrique (image3.3(b)) correspond à un état instable du sillage.

Un autre cas de dissymétrie latérale, plus courant, apparaît lorsqu’un corps est soumis à un vent transverse, c’est-à-dire en configuration non-alignée, car le fluide va

pousser davantage le corps d’un côté par rapport à l’autre. Le côté au vent (en anglais windward) subit une légère surpression par rapport au côté sous le vent (en anglais leeward)

ce qui induit un déséquilibre du flux d’air dans la traînée du corps et donc une dissymétrie du sillage.

La figure3.4, extraite de Li(2017), présente les champs de vitesses1 du sillage d’un corps d’Ahmed à culot droit dans un cas d’écoulement aligné à ReH = 6 × 105 ((a) et (b)) et de vent transverse avec β = +5° pour ReH = 5 × 105 ((d) et (e)) avec les niveaux de pression au culot associés ((c) et (f)). L’état de pression latéralement symétrique de la figure3.4(c) s’oppose à l’état dissymétrique de la figure 3.4(f). Ces différences viennent de la recirculation mise en exergue en figure 3.4(d) avec le vent transverse par la flèche circulaire blanche.

Du point de vue des valeurs de pression au culot (graphiques (c) et (f)), l’apparition d’une large zone de teintes bleues en (f), par rapport à (c) montre la diminution de la pression sur un des côtés du culot de la maquette. Un phénomène analogue, mais opposé apparaît pour un angle de déviation opposé.

Section 1. Cas du corps d’Ahmed

Figure 3.4 – Champs de vitesse et de pression à l’arrière d’un corps d’Ahmed à culot droit : écoulement aligné ((a), (b), (c), ReH = 6 × 105) ; écoulement transverse (β = 5°) (d), (e), (f), ReH = 5 × 105) (Li,2017) : (a) et (d), champs de vitesse longitudinaux ¯v (selon −x ) avec ajouts de flèches blanches représentant les

mouvements du fluide ; (b) et (e), champs de vitesses transverses ¯u (selon −y ) ; (c)

et (f), champs de pression sur le culot avec un état à symétrie latérale dans le cas aligné (c) et une dissymétrie des pressions dans le cas en dérapage.

Alors que, pour les cas en dérapage (β 6= 0), la répartition de pressions sur le culot présente des asymétries fixes, le cas aligné avec la bistabilité est plus difficile à représenter et à prévoir.

Les travaux dePerry et al.(2016) et dePavia et al. (2018), exposent le lien direct entre les états statiques dissymétriques et les fluctuations d’efforts aérodynamiques. Leur étude emploie différentes mesures de pression et par PIV afin d’effectuer la corrélation entre les dynamiques liées à la bistabilité et les fluctuations de Cx sur un corps de type Windsor. Les auteurs démontrent qu’un gain net de 7 % de traînée peut être obtenu par la suppression des phénomènes bistables, et que le contrôle de ces cas non symétriques serait donc nécessaire en vue de développer des contrôles permettant des réductions de traînée intéressantes.

Suite à l’intérêt croissant pour les phénomènes dissymétriques à l’arrière des corps non profilés, suscité par les caractérisations expérimentales des travaux de Grandemange et al. (2013a), de nombreuses études, comme celles de Li (2017), ont vu le jour. Les phénomènes dissymétriques ont été notamment étudiés sur des véhicules réels. Ainsi Cadot et Bonnavion (2017, 2016a) ont observé avec succès des phénomènes bistables sur des véhicules réels testés en soufflerie. Dans leur cas, la bistabilité observée se développe selon la direction verticale du culot.

l’origine de la bistabilité et de son contrôle. Récemment, Dalla Longa et Evstafyeva (2019,

2017) ont pu étudier les phénomènes de bistabilité pour des corps simplifiés en utilisant des techniques avancées de simulation numérique. L’intérêt de retrouver les phénomènes dynamiques réels dans le cadre d’une simulation et de pouvoir fournir la description précise des phénomènes qui les déclenchent et de les contrôler ensuite efficacement.

Précisons, enfin, que la problématique de l’impact de la bistabilité sur la stabilité d’un véhicule et le confort de conduite n’est pas approfondie dans le cadre de nos travaux. Notre intérêt est concentré sur la relation entre asymétries de pression et traînée aérodynamique uniquement. il est toutefois permis de penser qu’une amélioration de l’état de symétrie du sillage serait également bénéfique pour contrer d’autres phénomènes découlant de la bistabilité.