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4)Coût des soins, dépassements d’honoraires : limitation pour les patients

IV- Peurs et violences dans la relation médecin-malade

1) Peurs des patients

Les patients présentent de multiples inquiétudes, appréhensions, face aux soignants. Nous pouvons citer en particulier :

- L’appréhension à consulter, il est difficile pour une personne en difficulté de s’occuper de sa santé

*6 (§3,p19) : dans l’enquête de l’Insee de 2001, durant l’année précédant l’enquête (en 2000 donc), 84 % des sans domicile ont vu au moins une fois un médecin ; ils consultent alors en moyenne huit fois par an. Cette fréquentation est identique, globalement, à celle de l’ensemble de la population mais les pathologies sont plus nombreuses chez les personnes sans domicile. Elle est donc – à la fois – plus faible que dans l’ensemble de la population à état de santé comparable mais n’est pas nulle. En ce sens, les problèmes de recours aux soins résultent des difficultés, pour le système de soins de droit commun, à prendre en charge ces personnes et à répondre à l’ensemble de leurs besoins. Ainsi 40% des personnes ont mal aux dents sans les avoir soignées et un tiers des personnes qui en auraient besoin ne portent pas de lunettes

*9 (§4,p30) : les personnes sans domicile fixe ont une représentation de la santé globale particulière : ils occultent les questions de santé parce que la santé n’est pas une de leurs préoccupations et qu’ils ne veulent pas porter de regard sur eux-mêmes. Lorsqu’ils les évoquent, leur approche est

transversale et les questions qu’ils se posent concernent toutes les dimensions (logement, travail, famille..)

*9 (§5,p31) : nous avons constaté à quel point le regard que les SDF portent sur eux et leur santé change une fois qu’ils ont pris soin d’eux.

*13 (§1,p39) : Plus généralement, le rapport au corps, à la maladie et aux soins se construit en fonction du degré d’adhésion au discours médical. L’école et le milieu social transmettent en partie

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cette culture scientifique particulière ; elle est aussi acquise au travers de la vulgarisation médicale et par la consultation en elle-même. C’est lorsqu’elles appartiennent aux milieux sociaux les plus favorisés que les personnes intériorisent le mieux les catégories conceptuelles du savoir médical : recourant plus souvent que les autres aux services du médecin et étant plus proches de lui

socialement, leur communication en est facilitée. Leur niveau d’éducation élevé permet par ailleurs une meilleure transmission de la connaissance du médecin au malade. Il a ainsi pu être montré que les membres des catégories sociales défavorisées prêtent moins d’attention aux différents

symptômes, sont moins informés sur les maladies et sur les circuits de soins, et font preuve d’un plus grand scepticisme envers la médecine. Ils répugnent davantage à se percevoir comme malade. Ces constats s’expliquent certes par des critères financiers, mais également par leur éloignement vis à vis des valeurs scientifique de la médecine moderne, rationnelle et hautement organisée. Cette distance détermine de la même manière l’étendue du champ d’intervention pour lequel la médecine est sollicitée. Les agriculteurs ont par exemple tendance à restreindre leurs recours au traitement de symptômes inquiétants et au soulagement de la douleur, tandis que les cadres élargissent leurs consultations aux domaines de l’hygiène, de l’esthétique et de ce qu’on appelle aujourd’hui le « confort ».

*6 (§4,p19) : « Le ratio hospitalisations - consultations externes [des personnes sans domicile] est plus élevé que dans la population générale, ce qui indique que non seulement ils sont plus malades mais également qu’ils ont tendance à consulter plus tardivement

*14 (§3,p2 + §1,p3) : En effet si les déterminants de santé chez les personnes précaires ne sont pas différents de l’ensemble de la population, leur fréquence et leur gravité sont bien plus alarmantes. Pourtant , force est de constater que la santé et le recours aux soins sont devenus des

préoccupations secondaires pour ces personnes fragilisées qui n’ont plus la capacité de percevoir leur état de santé et d’accomplir des démarches pour obtenir un diagnostic et des soins adaptés auprès des professionnels. Malgré la création de la Couverture Maladie Universelle (CMU), celles-ci délaissent les consultations et soins de ville au profit de l’hôpital. « le manque de ressources , de couverture maladie ou de médecin traitant et la méconnaissance de la gravité du problème de santé apparaissent déterminant pour ce type de recours »

*14 (§3,p13) : Les conditions de vie précaires engendrent le dépréciation de soi , annihilent les sensations de douleur et conduisent à sous-estimer les problèmes de santé

*15 (§4,p10) : Contrairement à une idée reçue et fortement répandue, ces personnes, compte tenu de leurs charges quotidiennes (familiales, par exemple), de leur isolement et de leurs faibles ressources, ne trouvent pas le temps de consulter, reculant d’autant le recours indispensable aux soins. (…)

*10 (§6,p24) : Quand, surmontant le sentiment de honte, la demande de soins fait émerger le retard diagnostique souvent associé, elle nécessite un recours rapide à une consultation de médecine générale pour un bilan clinique et para clinique, ciblé, de qualité.

*10 (§7,p25) : Quand le champ investi est le corps de la personne elle-même et sa santé, les actions proposées sont perçues comme intrusives, d’où souvent une défection des intéressés.

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* 11 (§2,p26) : permettre l’accessibilité de ces personnes en grande et très grande précarité aux soins de droit commun, les ramener vers le système de soin, qui les terrorise et dont ils sont souvent bien éloignés

*2 (§4,p13) : Ce premier pas n’est pas toujours simple tant pour le malade impécunieux qui n’ose pas, a honte, et rechigne à s’adresser au médecin

* 14 (§4,p15) : « La santé est définie par les personnes précaires comme devant être un bon fonctionnement physiologique : manger, dormir, et pouvoir se déplacer…. Les difficultés physiques semblent mineures au regard de la dureté de leur vie quotidienne : en revanche les souffrances d’ordre psychologiques sont davantage pointées. » La résistance et la réticence aux soins s’explique encore par une notion différente de la santé, associée aux sentiments de honte et d’humiliation. * 6 (tableau p54) : Les principaux freins aux soins repérés :

- Absence de « chez soi »

- Freins administratifs et financiers - Barrière linguistique

- Problématique intriquée entre santé et social - Décalage entre l’état de santé réél et ressenti - Déni de pathologie, déni du corps

- Expérience négative du système de soins - Elément de rupture dans l’histoire de vie - Perte d’estime de soi

- Violence subie et agie

- Sentiment d’isolement, difficultés à demander de l’aide - Souffrance psychique, stress

- Comportements à risque

- Alcool, poly médication, addiction - Manque de perspectives ou de projets - Absence de suivi médical

- Manque de coordination entre les acteurs

*78 (§1,p116) : Les filières et le non-recours s’expliquent aussi par les réticences qu’expriment certains face aux services de soins, aux professionnels de la santé ou même à leur propre santé ; la perception de l’état de santé et la croyance dans les systèmes de soins étant sensibles aux facteurs sociaux et à l’accès à l’information (Parizot, 1998). L’étude Précar menée auprès des usagers de centres de soins gratuits met en évidence un manque d’incitation du fait de craintes, d’un rejet des contraintes, règles et institutions, voire de la honte à demander une assistance (Chauvin et al., 2001). L’étude Precalog indique aussi une proportion importante de personnes choisissant d’attendre ou de recourir à l’automédication en cas de douleurs et de symptômes (Collet, 2003). Ces sentiments et comportements contribuent au renoncement aux soins ou au recours tardif, ainsi qu’au défaut de démarche préventive et à la faible réceptivité aux campagnes de prévention.

- L’appréhension de ne pas trouver sa place dans la relation

*5 (§1,p10) : L’automédication est renforcée par le manque de confiance évoqué  à l’égard du corps médical et d’une médecine perçue comme technique et paternaliste. Cela peut

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également refléter la volonté de ne pas voir le corps médical s’insérer dans des préoccupations personnelles, dans un domaine privé, celui de la santé. Mais il ne s’agit pas ici uniquement de non- recours induit par ce déficit de confiance et/ou cette distance sociale avec les soignants. Il peut s’agir plus simplement d’une volonté de gérer soi-même ses symptômes, quand ces derniers sont

appréhendés comme tels.

*9 (§7,p30) : l’investissement des personnes sans domicile fixe dans l’élaboration du projet d’accès aux soins a été progressif, passant par des étapes de réassurance par rapport à la place qu’ils occupent dans le groupe, à la légitimité de leur parole et à leur capacité à intervenir activement dans des champs touchant à l’organisation des soins, habituellement confiés aux experts. Ceci peut s’expliquer par leur histoire, l’image qu’ils ont d’eux-mêmes, par les représentations qu’ils ont du « pouvoir » des acteurs du soin, par crainte de n’être là qu’au titre d’alibi, voire d’être un objet d’instrumentalisation et/ou par une sous-estimation de ce qu’ils peuvent apporter.

Il y a eu nécessité de changer nos pratiques : abandon du vouvoiement, s’asseoir à côté pour « s’apprivoiser mutuellement » et, enfin, pouvoir parler « santé » puis envisager, ensemble, un projet.

*17 (§2,p17) : L’individu stigmatisé tend à avoir les mêmes idées que nous sur l’identité. C’est là un fait capital. (…) en même temps, il peut fort bien percevoir, d’ordinaire à juste titre, que, quoi qu’ils professent, les autres ne l’ « acceptent » pas vraiment, ne sont pas disposés à prendre contact avec lui sur un « pied d’égalité ». De plus les critères que la société lui a fait intérioriser sont autant d’instruments qui le rendent intimement sensible à ce que les autres voient comme sa déficience, et qui, inévitablement, l’amènent, ne serait-ce que par instants, à admettre qu’en effet il n’est pas à la hauteur de ce qu’il devrait être . La honte surgit dès lors au centre des possibilités chez cet individu qui perçoit l’un de ses propres attributs comme une chose avilissante à posséder, une chose qu’il se verrait bien ne pas posséder

*17 (§3,p24) : Se voir inférieur signifie que l’on est incapable d’écarter de sa conscience l’expression d’un sentiment chronique d’insécurité de la pire espèce, ce qui veut dire que l’on souffre d’angoisse, voir de pire encore, s’il est vrai que la jalousie est pire que l’angoisse. La peur qu’éprouve un individu de ce que les autres pourraient lui manquer d’égards à cause de quelque chose qui apparait chez lui entraîne une insécurité permanente dans son rapport avec les gens ; et cette insécurité découle, non de quelque source mystérieuse et plus ou moins masquée, comme il en va souvent ainsi pour nous, mais de quelque chose contre quoi il sait qu’il ne peut rien

* 3 (§1,p156) : Une personne précarisée a souvent honte de sa pauvreté, elle craint d’être stigmatisée. Elle doit se sentir accueillie telle qu’elle est, entendue, reconnue et acceptée.

*82 (§2,p150) : enquête dite Précalog, auprès des consultants de 80 centres de soins gratuits en France, avec près de 600 patients (…) une appréhension et une méfiance à l’égard des médecins sont observées : une personne sur huit déclare avoir peur d’aller chez le médecin, plus une personne déclare de problèmes avant 18 ans, et plus cette peur du médecin est présente.

- L’appréhension du diagnostic :

*82 (§2,p123) : « Et puis les médecins, je suis pas trop attiré par eux…J’ai toujours peur qu’ils me découvrent quelque chose de… »

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- Parler de ces inquiétudes pourrait être une solution pour les diminuer

*38 (p. 154) : Mais informer, diagnostiquer, c’est aussi engager des responsabilités, des partages, et des dialogues qui seuls permettent une prise en compte réelle des personnes et des risques. Dans les pratiques quotidiennes, la transmission du diagnostic et l’information du risque thérapeutique génèrent tout à la fois une crainte de la responsabilité et un défaussement de cette responsabilité. Cette ambiguïté se révèle redoutable, elle créé suspicion et incompréhensions, ouvre la voie à toutes les caricatures et exagérations qu’engendre alors la conviction « qu’on nous cache quelque chose ». […]L’information du patient, qu’elle soit banale ou sensible, qu’elle se dévoile dans le secret médical du « colloque singulier » ou par des protocoles plus ouverts, ne peut qu’être fondée sur la volonté d’un partage respectueux de la connaissance de la réalité et donc des risques .