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4)Coût des soins, dépassements d’honoraires : limitation pour les patients

III- Dépendance au personnel soignant

2) Dépendance subie au soignant

- Les patients peuvent ressentir un sentiment d’infériorité, de vulnérabilité face aux soignants, qui peuvent les limiter dans le fait d’être acteur dans leur projet de soins

*6 (§4,p108) : les objectifs de la santé communautaire :

La modification d'un certain nombre de pratiques est nécessaire pour permettre de nouvelles relations entre les citoyens et les professionnels des secteurs du social et de la santé :

- Une approche collective qui remet une approche individuelle dominante en France,

- L'appropriation par la communauté de projets, de moyens, et d'équipements devant répondre à ses besoins,

- Le changement de la relation de domination soignant-soigné par une relation "d'échange- négociation".

*12 (§1,p46) : Un sentiment de supériorité

Il est fondé sur l’action auprès du malade qui est souvent assis ou alité ; sur le port de la blouse qui marque une fonction valorisée ; sur un certain savoir paramédical ; sur une autorité professionnelle que confère le rôle de soignant ; sur l’exécution de quelques gestes techniques. Ce sentiment donne la confiance en soi indispensable à la relation de soins et à l’exécution des tâches qui en découlent. Ce versant positif du sentiment de supériorité peut être contrebalancé par le risque d’en abuser auprès des patients et de leur famille. Face à des interlocuteurs étrangers au milieu médical et à leur « jargon », face à la maladie et à la douleur, face aux interrogations avouées ou tues, laisser ce sentiment dominer la relation de soins finirait par produire l’effet inverse de celui souhaité. Une relation de confiance exige bien sûr pour le patient de se sentir dans « des mains compétentes » mais elle demande aussi un certain partage des connaissances sur la maladie et l’établissement d’une collaboration active dans la démarche de soins. Une supériorité trop marquée vis-à-vis du patient le maintiendrait dans une dépendance qu’il peut d’ailleurs de lui-même rechercher. Tendre à une meilleure autonomie deviendrait par conséquent plus difficile

*17(§2,p30) : Nous avons le sentiment que l’individu stigmatisé se montre soit trop agressif, soit trop embarrassé, et que, dans l’un ou l’autre cas il n’est que trop disposé à voir dans nos actes des

significations que nous n’y avons pas mises.

* 1 (§5-6,p87) : Toute personne recourant à la prévention ou aux soins éprouve, à des degrés variables, une forme de dépendance vis-à-vis du système de santé, ce d’autant plus qu’elle peut se trouver diminuée dans ses fonctions physiques, psychiques et sociales, et a fortiori si elle est en situation de précarité. Difficilement en mesure d’assumer son autonomie et sa responsabilité, elle s’expose même à subir les effets d’une discrimination larvée de la part des professionnels et des institutions. Pennef (1992) a montré, par exemple, comment les hiérarchies sociales se reproduisent à l’intérieur de l’organisation hospitalière suivant les lignes de partage des différentes catégories professionnelles, induisant de subtiles gradations dans les modalités de prise en charge selon les origines sociales des patients. Cette observation peut être reprise, avec quelques nuances, pour

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l’ensemble des professionnels de santé intervenant auprès des publics précaires. En fait, la discrimination fortuite – bien que non intentionnelle– est si répandue que toutes les politiques et toutes les organisations de santé devraient être invitées à exercer sur ce point une vigilance particulière.

*1 (§4,p88) : On peut craindre également que l’ordre établi au sein de certains groupes ne s’oppose, plus ou moins délibérément, à l’autonomie des personnes, à leur expression et à leur accès aux droits fondamentaux.

* 13 (§2,p41): Par ailleurs, nombre de personnes en situation de précarité ne connaissent que très peu de dispositifs acceptant de les accueillir lorsqu’elles n’ont pas d’argent ni de couverture maladie. Le choix de la structure fréquentée s’apparente donc à un « choix contraint » qui les désinvestit du rôle de client, et ce d’autant plus qu’elles ne payent pas le médecin qui les soigne. Leur marge d’initiative s’en trouve ainsi réduite, face à un personnel dont elles dépendant fortement pour accéder aux soins

*6( §1,p20) : Le retard à consulter est le plus souvent mis sur le compte de facteurs liés aux personnes elles-mêmes (...). Ces facteurs sont toujours mis en avant - et souvent à tort, dans une vision stéréotypée du « sans abri » ou du « clochard ». Le retard à consulter peut également s’expliquer du fait des attitudes des soignants eux-mêmes. Or ce facteur ne fait jamais l’objet d’études ou d’enquêtes sérieuses en France (au-delà de témoignages multiples compilés par des acteurs associatifs) alors même que notre pays est très attaché à l’équité en matière de soins. Il s’agit à proprement parler d’une réalité qu’on ne veut pas voir - ni dont on ne veut à fortiori estimer la fréquence – contrairement à la situation qui prévaut dans d’autres pays, dans lesquels il a été bien décrit à quel point ces attitudes péjoratives des soignants contribuaient à éloigner les personnes sans abri (notamment, mais pas seulement) du système de soins.

- Les patients n’ont pas toujours une liberté décisionnelle totale

*6 (§1,p39) : D’une part, la désertification médicale des zones rurales s’aggrave avec un départ massif à la retraite d’un contingent de médecins installés dans ces zones et qui ne sont pas toujours remplacés. Si l’on ajoute à cela la fermeture de certains centres ou services hospitaliers de proximité pour des raisons – le plus souvent justifiées – de sécurité des soins et de rentabilité, le nombre croissant de praticien exerçant en secteur II, le fait que les populations dont on parle n’ont pas – ou peu – de moyens de déplacement sur de longues distances, on arrive à des situations très tendues de non accès aux soins sur certains territoires

*11 (§3,p27) : quand ils arrivent dans un service hospitalier il n’est pas rare que leurs choix, leurs normes, leurs paroles aient peu d’importance et que « nous », monde hospitalier, nous donnions le droit de décider pour eux. Cela m’évoque mon ressenti d’ancien médecin urgentiste hospitalier, consultant et prescrivant selon les données de la médecine en sachant que mon ordonnance se retrouverait rapidement dans le caniveau.

* 5 (§2,p14) : Prendre en charge le non-recours revient alors à vouloir influer sur les

comportements jugés néfastes pour la santé – et encourager ceux jugés bénéfiques – sans que soit pris en compte le sens de ces derniers. Or, l’enquête empirique a démontré l’écart subsistant entre les normes véhiculées dans la construction du problème du non-recours et dans

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les dispositifs d’intervention en dépendants, d’une part, et les normes mobilisées par les populations désignées comme prioritaires de ces dispositifs, d’autre part.

*23 (§6,p238) : on pourrait se demander si parfois, l’attitude du médecin généraliste ne met pas en danger les plus démunis en décidant à leur place que « pour eux, ce n’est pas le moment de parler prévention médicale, ou ce n’est pas leur priorité,... ». Un patient en difficulté peut avoir les mêmes attentes qu’un autre, vis-à-vis de son médecin, en matière de prévention et d’éducation. Il est clair qu’il y a peut-être des étapes différentes, mais il faut être très prudent dans l’auto-censure en considérant à la place de l’autre que pour lui, ce n’est pas le moment ou pas une priorité. Le risque de renforcer les inégalités de santé plutôt que de les atténuer est donc bel et bien présent, par exemple, en ne leur donnant pas d’explications parce qu’on se dit que telle personne ne comprendra pas, ou ne sait pas lire, etc.

- L’obligation de déclaration du médecin traitant peut être prise comme une contrainte *14 (§2,p13) : Au niveau du parcours de soins coordonné par le médecin traitant, il n’existe pas d’évaluation qualitative. Pour les personnes démunies, la poursuite de ce parcours est une réelle difficulté car un très petit nombre de celles-ci consulte un médecin traitant. Des conditions de vie pénibles changent les sens des priorités : le logement et l’alimentation prennent le pas sur les besoins sanitaires. La santé devient une préoccupation secondaire

* 6 (§1,p66) : Dans une structuration de l’offre de soins où, d’une part, le patient a l’obligation de s’inscrire auprèsd’un généraliste et où, d’autre part, le nombre de généralistes se restreint dans certainsterritoires (ainsi que la disponibilité des praticiens libéraux en secteur I, notamment dans les grandes villes) et où, enfin, il n’y a pas d’obligation réglementaire pour les libéraux à inscrire tous les patients relevant de leur territoire d’installation, une sélection des patients existe de facto.

*6 (§3-4,p66) : La notion de médecin de famille s’est peu à peu délitée avec le temps. Tout se passe comme si chaque acteur de soin assurait une prestation de service, charge à l’usager de se repérer dans le paysage sanitaire.

Même s’ils sont de natures différentes, les systèmes de régulation mis en place progressivement par le législateur (franchise, parcours de soin…) ont pour conséquence d’une part, la création d’un maillage entre les différents niveaux de soin (ce qui est positif) maiségalement, d’autre part, la création de contraintes nouvelles dans le libre accès au médecinlibéral. Ces mesures sont

susceptibles d’avoir un effet catastrophique pour les personnes sans chez soi : pour elles (comme d’ailleurs pour toutes les personnes vulnérables ou en situation précaire), la « responsabilisation » si chère au législateur risque de se traduire en une mise à distance encore accrue du système de soins primaires. Les contraintes qui pèsent sur leur quotidien les obligent à développer des capacités de « survie » pour les actes essentiels tels que manger, se laver, dormir. Tout ce qui n’est pas dans les priorités vitales risque donc d’être relégué au deuxième plan.

*82 (§2,p31) : Le parcours de soins coordonné (…)incite au respect d’un parcours de soins prédéfini avec un rapport avec un recours exclusif initial au médecin traitant. (…) L’accès secondaire à d’autres spécialités par exemple, nécessite une orientation par le médecin traitant. En cas de non-respect de ce parcours de soins coordonné, des sanctions financières ont peu à peu été imposées, l’Assurance Maladie majore le ticket modérateur (part non prise en charge par le régime de Sécurité Sociale). *82 (§5,p32) : En un sens décréter ainsi la coordination et la responsabilité risque plus d’orienter vers une double culpabilisation des malades (sanctions « maladie » et financières surajoutées, dans le

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contexte d’inégalités sociales) que vers une démarche éducative, en particulier pour les personnes en situation de précarité, eu égard à leurs conditions de vie et aux difficultés de leurs recours aux soins.

- La multiplication des intervenants autour du patient peut majorer sa dépendance aux soignants

*17 (§2,p130) : L’individu stigmatisé se trouve au centre d’une arène où s’affrontent les arguments et les discours, tous consacrés à ce qu’il devrait penser de lui-même, autrement dit, à son identité pour soi. A ses divers tourments, il doit encore ajouter celui de se sentir poussé simultanément dans plusieurs directions par des professionnels qui lui clament ce qu’il devrait faire et ressentir à propos de ce qu’il est et n’est pas, le tout pour son bien, naturellement

*38 (p155) : La première consultation à l’hôpital est toujours une source d’angoisse parfois fortement irrationnelle. Le nomadisme entre les services et la multiplication des interlocuteurs y concourt, multiplie en fait les silences et les désinvoltures : le patient se sent devenir un passant. Son besoin de dialogue n’en devient que plus important. Et on voit cela aussi bien chez le malade instruit et revendicatif que chez le patient intimidé et soumis

- Il existe une part de dépendance incompressible dans toute relation médecin-malade *12 (§1,p46) : Un sentiment de supériorité

Il est fondé sur l’action auprès du malade qui est souvent assis ou alité ; sur le port de la blouse qui marque une fonction valorisée ; sur un certain savoir paramédical ; sur une autorité professionnelle que confère le rôle de soignant ; sur l’exécution de quelques gestes techniques. Ce sentiment donne la confiance en soi indispensable à la relation de soins et à l’exécution des tâches qui en découlent. *38( p.200) : Les réalités de la dépendance se situent au cœur de la pratique soignante. Cette mission d’assistance, à tant d’égards exceptionnelle, dont relèvent l’engagement professionnel des soignants et plus encore leurs références éthiques, les implique dans le champ d’une relation interindividuelle dont ils ne peuvent pas se détourner. S’il est bien une obligation fondamentalement attachée aux valeurs que sous-tendent leur actions, on peut la concevoir comme devoir d’assistance, comme impératif de l’intervention, je veux dire comme capacité d’assumer le sens d’une présence, d’une attention, d’une vigilance, parfois même d’une résistance là où plus qu’ailleurs une telle attitude responsable s’impose.

En ce domaine toute idée générale se révèle pour le moins vaine mais plus encore pernicieuse et abusive car oublieuse des responsabilités directes dont on se doit d’assumer la charge à l’égard d’une

personne toujours singulière dans son histoire, dans son parcours, dans la demande qu’elle trouve parfois encore la force de formuler, de nous adresser.